Número 14, março 2023

L'éducation numérique en Afrique : usages et perspectives

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DOI: https://doi.org/10.52358/mm.vi14

Publicado: 2023-03-28

Lionel Roche, Judicaël Alladatin, Florian Meyer

La question du recours au numérique en éducation en Afrique ne constitue pas une préoccupation nouvelle. Le numérique semble aujourd’hui omniprésent, conduisant certains à parler d’un véritable tsunami numérique, voire de révolution numérique. Nous pouvons tout de même nous demander si la pervasion numérique a réellement touché le champ de l’éducation en Afrique, mais aussi quels sont les réels usages et que recouvrent les pratiques et les recherches relatives au numérique. Ce numéro thématique rend compte des divers usages et recherches actuelles du numérique dans le champ de l’éducation et de la formation dans le contexte africain.

Abdoulaye Anne, Yassine El Bahlouli

La technologie des registres distribués (TRD), connue aussi sous le nom anglais de « Distributed Ledger Technology (DLT) » ou « blockchain », constitue une innovation stimulante et aujourd’hui très présente dans le monde des affaires et de la finance. Selon CPA Canada (2019), ces technologies sont puissantes au regard de leur potentiel de création de nouveaux modèles économiques. De nombreux pays ont déjà adopté la TRD pour certains aspects liés à la légalisation des documents, à l'identité, à la résidence électronique, à la santé, à la sécurité et à d'autres services administratifs. Avec l’arrivée du numérique dans le monde de l’éducation par le biais de l'apprentissage à distance, les classes intelligentes et les outils de gestion scolaire intelligents, la technologie a pris place dans les écoles et risque d’en définir en grande partie les évolutions futures. L’arrivée des registres distribués s’inscrit dans cette lignée. Cependant, l’évolution rapide et constante et la complexité de la technologie des registres distribués, la rareté des compétences spécialisées en TRD en Afrique, le coût important de l’infrastructure initiale  ainsi que l’absence du cadre réglementaire soulèvent des interrogations et des inquiétudes quant à l’adoption de cette technologie dans un secteur aussi sensible que l’éducation.

Faustin Kagorora, Valéry Psyché, Francisco A. Loiola

La pandémie de COVID-19 a rendu la formation à distance (FAD) plus populaire à travers le monde et l’Afrique n’a pas fait exception. En conséquence, l’intérêt des chercheurs pour les moyens de rendre ce mode d’enseignement-apprentissage efficace s’est accru, notamment dans l’enseignement supérieur. Dans cet article, nous présentons, à partir d’une revue de littérature, un état des lieux des approches méthodologiques (quantitatives, qualitatives et mixtes) utilisées par les chercheurs pour étudier les conditions d’efficacité de la FAD dans l’enseignement supérieur en Afrique et les conditions proposées dans plusieurs des études recensées. Le résultat de notre recherche montre que ces conditions comprennent, entre autres, celles liées aux infrastructures et équipements technologiques, à la qualité d’accès à Internet, aux compétences technopédagogiques des étudiants et des enseignants, à la conception des cours, aux caractéristiques des outils d’apprentissage en ligne ainsi qu’aux ressources de soutien (pour les enseignants et les étudiants). Nous présentons également les propositions de chercheurs pour faire face à certains défis, dont les infrastructures technologiques inadéquates

Cyrielle Le Her

Depuis les Indépendances, il existe ce qu’on appelle les Cellules d’animation pédagogiques et culturelles (CAPC) au Sénégal. Pouvant être assimilés à des communautés d’apprentissage professionnelles (CAP) ou plus généralement des communautés de pratiques (CoP), ces groupes d’enseignants titulaires ou contractuels d’une ou plusieurs écoles élémentaires de proximité se rejoignent en dehors des temps de classe pour échanger sur leurs pratiques d’enseignement-apprentissages, leurs difficultés et leurs réussites. Depuis 2017, le ministère de l’Éducation nationale du Sénégal et ses partenaires internationaux ont souhaité redynamiser les CAPC de la région de Casamance avec notamment l’intégration des technologies informatisées (TI) appelées communément le numérique. Le Projet d'amélioration de l'éducation de base en Casamance (PAEBCA) a permis de doter les CAPC de tablettes numériques et de vidéoprojecteurs pour filmer l’enseignant en situation de classe (Diop et Wallet, 2017). À partir d’une grille d’observation, ils analysent ensuite le film projeté pour tenter d’améliorer la démarche pédagogique et les pratiques de classe. Dans le cadre d’une recherche doctorale en cours, nous tenterons d’apporter des éléments de réponse à la question : comment l'utilisation des technologies informatisées est-elle perçue par les enseignants au sein des CAPC au Sénégal? Les premiers résultats des entretiens semi-directifs réalisés auprès de 21 enseignants en Casamance montrent une pratique variée d’outils et une volonté institutionnelle d’intégrer les technologies dans la formation continue des enseignants. Les discours montrent également une volonté des enseignants de remédier aux difficultés d’utilisation, notamment à travers les échanges virtuels à distance synchrones et asynchrones qu’on appelle ici application mobile multiplateforme (AMM). Néanmoins, nous avons observé un manque de réflexivité autour des questions d’instrumentation des pratiques pour une véritable intégration des technologies dans les communautés. Cet article a pour but de donner un éclairage sur les enjeux sous-jacents des technologies informatisées dans les communautés d’apprentissage professionnelles (CAP) en contexte africain francophone.

Ghislain Chasme

L’éducation aux médias et à l’information se situe à la croisée des pratiques médiatiques, informationnelles et numériques; il s’agit de doter l’individu d’un appareillage conceptuel et méthodologique susceptible de l’aider à mettre en œuvre une approche critique des médias et de l’information, et à s’emparer de son écosystème informationnel plutôt que de le subir. Cet article pose la question des pratiques médiatiques, informationnelles et numériques des futurs enseignants au Bénin et prend appui sur une recherche qui se situe dans une perspective compréhensive. Les enquêtés décrivent leurs pratiques au moyen d’un questionnaire exploratoire suivi d’un entretien de groupe. Les données collectées montrent d’une part que les pratiques sont essentiellement non formelles et s’appuient sur l’usage du téléphone mobile, et mettent en évidence d’autre part le besoin de formaliser des connaissances et compétences que les étudiants pourront transférer à leurs futurs élèves.

Brian Begue, Thierry Hug

Cet article propose une analyse de la manière dont une ingénierie d’intervention auprès d’acteurs de huit pays d’Afrique impliqués dans un programme d’appui au pilotage de la qualité de l’éducation de base a fait le choix d’évoluer vers un appui à distance à la suite de la pandémie de COVID-19. La démarche de ce programme étant inspirée de la recherche-action, des équipes nationales de recherche (ENR), composées d’inspecteurs et de formateurs de formateurs, sont coordonnées par des enseignants-chercheurs dans chaque pays, elles-mêmes appuyées à distance par une équipe restreinte de supervision. L’article portera sur la manière dont le dispositif a su faire évoluer ses modalités de formation et d’intervention à distance par le biais d’une utilisation renouvelée d’un ensemble de logiciels utilitaires.

Danielle Bebey

Alors que la littérature semble prétexter une pervasion numérique (Boullier, 2019) dans le champ de l’éducation en Afrique, qui s’est accentuée avec la récente pandémie (Alladatin et al., 2020), nous pensons que, dans les faits, la situation serait moins reluisante. Si, dans un pays aussi avancé que la France d’un point de vue technologique et économique, le numérique en éducation a des problématiques de dynamisation (Poteaux, 2013), comment expliquer que dans les pays d’Afrique où la moitié de la population peine à se nourrir, qu’il y ait une telle révolution? Nous ne nions pas qu’au-delà des résultats, ces travaux de recherche permettent de dévoiler la compétitivité du continent africain en termes de numérique en éducation. Mais des nuances sont à apporter sur plusieurs plans.

Mada Lucienne Tendeng

Une analyse de trois cours offerts au premier semestre du cheminement d’étudiants de la sixième promotion, inscrits en 2019-2020 dans les trois pôles (unités) de formation de l’Université virtuelle du Sénégal (UVS), laissait déjà percevoir un certain effet des éléments contextuels sur les pratiques d’enseignement et d’apprentissage (Tendeng, 2020). Dans la suite de ce travail, la présente réflexion décrypte les composantes du modèle de formation à distance (FAD) de l’UVS, en lien avec les choix d’usage et de non-usage du numérique, les caractéristiques et besoins du public apprenant, les ressources disponibles, etc.