Numéro 4, décembre 2020

Publiée: 2020-12-08

Florian Meyer, Béatrice Verquin Savarieau, Matthieu Petit, Caroline Bourque

La crise historique que nous venons de traverser dans le monde entier avec la pandémie de la COVID-19 n’a fait que souligner avec une acuité plus intense encore que d’habitude que les effets du numérique sur l’éducation et la formation sont multiples. Nous retenons notamment l’importance de la mise en place de dispositifs technopédagogiques de qualité, qu’ils soient présentiels (en classe), distanciels (à la maison ou au travail) ou hybrides (combinant des activités pédagogiques dans un même espace physique et des activités pédagogiques en ligne), afin de favoriser la création de contextes d’apprentissage permettant à toutes les personnes apprenantes, quelles que soient leurs situations, d’être engagées, d’être accompagnées, d’être guidées, d’être soutenues. Mais, comment concevoir la qualité, alors que l’activité pédagogique, soumise à des tensions, est perçue comme étant entrée en « mode dégradé »? Ce numéro thématique propose une réflexion croisée autour des apports, des possibilités et des contraintes qu’impose le numérique en éducation et en formation. Les autrices et auteurs réunis questionnent également la conception et les éléments qui contribuent à la qualité des dispositifs de formations en ligne et hybrides. Ce quatrième numéro de Médiations & médiatisations restitue des analyses, des réflexions ou des expériences vécues dans ces modalités d’enseignement, illustrant à la fois des réorganisations et la nécessité d’un développement professionnel.

Natalie Bourcier, Josianne Basque

L’élaboration de formations à distance constitue une tâche complexe d’ingénierie pédagogique comportant de nouveaux défis pédagogiques, technologiques et organisationnels. Les pratiques de travail se développent graduellement en ce domaine, mais demeurent encore peu établies dans les divers milieux s’y adonnant. Ce contexte de travail est-il susceptible de favoriser l’émergence de conflits au sein des équipes de travail? Nous avons cherché à répondre à cette question en menant un sondage en ligne auquel ont répondu 80 professionnels ayant participé, à divers titres et dans divers milieux, à des projets de conception de formations à distance. Les résultats révèlent que des situations conflictuelles y sont effectivement observées. Ils fournissent un éclairage sur leur fréquence, sur les objets sur lesquels elles ont porté ainsi que sur leurs effets. Ces situations conflictuelles, si elles sont mal gérées, sont susceptibles de compromettre la qualité des formations à distance.

Lionel Roche, Cathy Rolland

L’étude présentée vise à saisir le potentiel formatif de la vidéo 360° en formation des enseignants, utilisée comme support pour l’analyse de l’intervention professionnelle en Éducation Physique (EP). Elle porte sur l’analyse de l’activité de visionnage par un étudiant d’une séquence vidéo de classe en EP et vise à comprendre l’expérience qu’il en fait. Les résultats montrent que l’exploitation de la vidéo s’accompagne d’une construction de connaissances d’intervention nouvelles et d’expériences immersives proches de celles vécues en situations de classe réelles, dans lesquelles l’étudiant s’engagerait dans une activité de co-intervention avec l’enseignant visionné. Ils révèlent une valence formatrice de l’usage de telles ressources numériques, qui reste à approfondir avec l’étude d’autres cas.

Emmanuel Brandl

Rares sont les enquêtes sociologiques qui analysent l’influence de la discipline, entendue comme « matrice disciplinaire » (Lahire, 1998), dans la structuration et la différenciation des pratiques étudiantes. Pourtant, la matrice disciplinaire est déterminante en ce qu’elle est une instance de socialisation qui structure les manières d’étudier. Ces enquêtes mettent pourtant en évidence un usage différencié des ressources pédagogiques selon la discipline (notes de cours, photocopies, articles, ouvrages…). Ce qui n’est pas sans intérêt : focaliser son attention sur les conditions d’appropriation des ressources pédagogiques prend une acuité particulière quand on sait qu’il s’agit in fine des conditions d’appropriation des savoirs disciplinaires, lesquelles sont déterminantes dans la réussite ou non des cursus universitaires. Cependant, ces enquêtes ont été menées à des moments où ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui le « numérique », et notamment le numérique pédagogique, n’était pas ou peu développé, surtout à l’université. Quelle est alors l’influence du numérique sur ces logiques disciplinaires? Seraient-elles dépassées par le numérique? L’article interroge en creux les logiques par lesquelles les dispositifs et contenus numériques sont pensés à l’université : une offre qui ferait l’économie d’une analyse des principes de différenciation internes à l’université ne serait-elle pas vouée à n’avoir qu’un impact limité?

Frédérique Campeau, Isabelle Savard

L’émergence grandissante des technologies n’est plus une surprise pour personne. Depuis les dernières années, les chercheurs ont avancé plusieurs hypothèses et présenté autant de résultats sur les retombées avantageuses que procure l’usage des technologies éducatives sur l’apprentissage (Bulfin, Johnson et Bigum, 2015). À cet effet, plusieurs études s’intéressent à l’impact et à l’utilisation efficace de différentes technologies éducatives pour l’ensemble des matières à l’école. Néanmoins, l’éducation physique semble être le mouton noir. De ce fait, très peu d’études expliquent comment, en éducation physique, les technologies éducatives sont utilisées ainsi que l’optimisation des apprentissages qu’elles engendrent (Casey, Goodyear, et Armour, 2016). Pourtant, tout comme les apprenants, les athlètes pourraient également bénéficier des retombées avantageuses de l’utilisation des technologies éducatives afin de développer leurs qualités athlétiques. La présente recherche permet de comprendre comment l’usage de certaines technologies éducatives peut contribuer au développement des qualités athlétiques en tentant de répondre à la question suivante : Comment la ludification, la réalité virtuelle (RV) immersive et l’intelligence artificielle (IA) peuvent-elles contribuer au développement des qualités athlétiques? Afin de répondre à cette question, une analyse de la littérature est d’abord effectuée. Ensuite, un cadre théorique est élaboré. Ce dernier se base sur la création d’une synergie entre deux théories appliquées au contexte sportif et l’exploitation de ces trois stratégies pédagogiques intégrant les technologies éducatives innovantes du 21e siècle pour le développement de qualités athlétiques. Le cadre proposé permet d’envisager l’hybridation de l’enseignement et de l’apprentissage, lié au développement des qualités athlétiques.

Najoua Mohib, Stéphane Guillon, Chenchen Zheng

L’offre de MOOC se caractérise aujourd’hui par une diversité de dispositifs qui se développent dans l’ensemble des espaces de formation (ex. écoles, entreprises, établissements d’enseignement supérieur, etc.). Cet article s’intéresse à l’un de ces dispositifs, récemment introduits dans le milieu universitaire : le MOOC hybride intégré dans une formation en présentiel. A partir d’une analyse de l’expérience des étudiants, nous cherchons à comprendre à la fois leurs motivations et leurs usages des ressources pédagogiques et des outils de communication (synchrones et asynchrones) mis à leur disposition. Il ressort, dans ce contexte particulier, que les étudiants qui ont réussi se distinguent de ceux qui ont échoué, par leurs motivations intrinsèques et extrinsèques et leurs utilisations des vidéos du live. Des pistes d’amélioration sont proposées en vue d’optimiser l’intégration d’un MOOC hybride dans un cursus académique.

Jérémie Bisaillon, Edith Potvin-Rosselet, Alain Stockless, Léonie Hottote, Louise Malé-Mole, David Allard-Martin, Carlo Carbone

Le projet de la Classe du futur vise à repenser les salles de classe à la formation initiale et continue des enseignants. Ce projet s’inscrit dans une volonté d’offrir des espaces d’apprentissage flexibles à l’université tout en préparant les enseignants aux défis du 21e siècle. Par un effort concerté, des étudiants issus des sciences du design et de l’éducation ont proposé une esquisse d’aménagement de locaux existants à l’UQAM. L’esquisse présentée dans cet article permet également de réfléchir sur l’intérêt des projets de recherche interdisciplinaires et les caractéristiques d’une classe d’apprentissage actif en milieu universitaire.

Cathia Papi, Marie-Hélène Hébert

Avec cet article, nous enrichissons le débat sur ce qui est entendu par « qualité » en formation à distance, en partant du présupposé qu’il n’existe pas une conception unanime et facilement contrôlable de la qualité. Pour ce, nous avons mené une enquête auprès de 12 acteurs d’une université à distance jouant différents rôles touchant à la conception des cours, leur médiatisation et leur diffusion, à l’encadrement et l’évaluation des étudiants et finalement, au travail de coordination et de gestion académiques. Nos résultats montrent que la définition de la qualité de chaque acteur dépend en grande partie du rôle qu’il joue dans la formation à distance, mais que certaines conceptions sont cependant partagées.

François Cooren, John Durham Peters, Ben Peters; Nicolas Bencherki

John Durham Peters, professeur d’anglais et d’études cinématographiques et médiatiques à l’université Yale, est connu pour ses travaux sur l’histoire des médias et de la communication. Son premier livre, Speaking into the air: A history of the idea of communication, a connu un succès mondial grâce à son regard transdisciplinaire sur la soif de l’humanité pour une communion qu’elle ne retrouve pas dans les câbles et les signaux, mais dans sa condition humaine même. Dans The Marvelous Clouds: Toward a Philosophy of Elemental Media, il invite les lecteurs à étendre leur conception des médias au-delà des seuls médias de masse. François Cooren, professeur de communication à l’Université de Montréal, a profité d’une conférence de John Durham Peters donnée à l’occasion du 40e anniversaire de son département pour s’entretenir avec lui au sujet de sa conception de la communication. Les deux hommes discutent notamment de la nécessité de dépasser l’opposition entre le monde apparemment immatériel de la communication et le monde matériel qu’elle représenterait. Benjamin Peters, professeur adjoint à l’université de Tulsa, en Oklahoma, les accompagne en partageant son intérêt pour les régimes spatiaux, temporels et de pouvoir qui se tissent autour des médias numériques.

Hervé Daguet

Georges-Louis Baron est professeur émérite en Sciences de l’éducation à l’université de Paris et Christian Depover est professeur à l’université de Mons. Dans l’ouvrage paru en juillet 2019 dont ils sont les coordinateurs, ils traitent de la question des effets du numérique sur l’éducation. De par la richesse des références auxquelles ils font appel, ils montrent en quoi cette question d’actualité n’est en fait qu’une continuité de celles que les chercheurs, mais aussi les praticiens ou encore les prescripteurs, se posent depuis bien des années. Parmi les nombreux points forts de cet ouvrage, nous notons qu’il s’inscrit dans une tradition universitaire qui cherche avant tout à présenter une vision distanciée des effets du numérique sur l’éducation. La qualité de cet ouvrage porte également dans les analyses sur les diversités qui sont mises en avant..Ce livre est à recommander à tous ceux qui souhaiteraient s’informer sur les effets réels du numérique sur l’éducation et la formation.