Numéro 17, avril 2024

Gestion, gouvernance et financement du numérique en éducation et en enseignement supérieur

Printemps 2024 - Couverture pleine page

DOI: https://doi.org/10.52358/mm.vi17

Publié-e: 2024-04-24

France Gravelle, Martin Maltais

Les domaines de l'éducation (Gravelle, Frigon et Monette, 2020) et de l'enseignement supérieur (Maltais, Ness, Jungblut et Rexe, 2023) sont en mutation mondiale, confrontés à des défis croissants. À l'ère du numérique, les établissements d’enseignement doivent développer la compétence numérique des apprenants (Gouvernement du Québec, 2018, 2020b). La littérature internationale guide le déploiement des outils numériques pour la réussite éducative (Gravelle et al., 2019; Gravelle et al., 2021). L'OCDE souligne l'importance de comprendre les tendances mondiales et leur impact sur l'éducation (2019). Par exemple, l'éducation peut réduire les inégalités et encourager l'innovation numérique (OCDE, 2019). Les directions et les gestionnaires scolaires doivent promouvoir l'innovation, la compétence numérique et la sensibilisation aux risques cybernétiques (OCDE, 2019). Un financement consacré au numérique est crucial pour s’assurer de suivre un monde en mutation (Gouvernement du Québec, 2023). En somme, selon l’OCDE (2019), la gestion, la gouvernance et le financement du numérique en éducation et en enseignement supérieur sont donc des enjeux internationaux importants.

Valéry Psyché, Diane-Gabrielle Tremblay, Valérie Payen Jean Baptiste

Dans un contexte où l’intégration de l’IA dans les processus, produits et services des organisations devient cruciale, nous avons conduit une recherche centrée sur le développement des compétences en gestion de projets d’IA et avons constaté l’importance croissante des compétences transversales (soft skills). L’objectif était de saisir les dimensions collaboratives versus les dimensions individuelles dans l’acquisition de ces compétences, traditionnellement acquises dans un environnement collectif de travail, du point de vue des gestionnaires de projets IA. Notre texte traite du processus de développement d’un référentiel de compétences, coconstruit avec les experts du domaine, ainsi que des analyses dégagées de ce processus sur le plan des compétences requises et du mode d’acquisition de ces compétences pour le développement de l’identité professionnelle. Ce référentiel vise à orienter les stratégies de formation en gestion de l’IA des établissements de formation, afin qu’ils puissent concevoir des formations adaptées à la réalité du milieu du travail, incluant des besoins d’apprentissage collaboratif.

Bertrand Mocquet

Nous proposons de caractériser l’organisation du numérique universitaire français, en examinant ses processus de fabrication, de fonctionnement et de gouvernance en interrogeant le concept de rhizome, développé en 1980 par Deleuze et Guattari. Par numérique universitaire français, nous entendons les technologies numériques qui sous-tendent le fonctionnement et la gestion de l’enseignement supérieur. Cet article vise à décrire les diverses formes organisationnelles observées (associations, groupements d’intérêt public, consortiums, établissements publics…), ainsi que leurs interactions, en adoptant une approche catégorielle dans une volonté de rendre intelligible cette organisation profondément organique, qui se développe de manière discrète par l’interaction des acteurs qui la composent. L’analyse de cette dynamique permet d’appréhender la complexité de l’écosystème numérique universitaire français et de comprendre comment les acteurs impliqués collaborent, interagissent et influencent l’évolution du système formant ainsi une forme de nouvelle gouvernance. En scrutant, au moyen d’entretiens menés ces deux dernières années ou d’informations récoltées de manière formelle et informelle, les mécanismes de cet écosystème, nous mettons en lumière les modes d’action des différents acteurs tels que les universités, les entreprises technologiques et les organismes publics. Cette approche offre une perspective rhizomique afin de permettre d’envisager l’évolution du numérique dans l’enseignement supérieur français.

Carole Fagadé, Elodie Tapsoba, Ibrahim Maidakouale, Delcia Mboumba Ndembi

En Europe, en Amérique et en Asie, la recherche sur les usages des technologies numériques éducatives et leurs contributions à l’enseignement et l’apprentissage a été florissante, tandis qu’en Afrique subsaharienne, la recherche, excepté quelques rares études en sciences de l’éducation, a longtemps délaissé ces usages. La littérature met en évidence des lacunes en termes d’accès au matériel et d’intérêt pour certains dispositifs techniques. La technologie la plus adoptée reste le téléphone portable qui fait l’objet d’usages personnels et scolaires (Maïdakouale et Fagadé, 2022). Cette étude vise à soutenir l’intégration des technologies numériques éducatives chez une population jeune disposant déjà de compétences numériques non formelles. Nous étudions les logiques sociales structurant les usages qui, eux-mêmes, les façonnent (Paquienséguy, 2012). Aussi, mettons-nous en évidence les « nouvelles » sociabilités scolaires que ces usages apportent. Comme le soulignent Leveratto et Leontsini (2008), l’intérêt pour les usages éducatifs d’Internet nécessite également d’explorer ses dimensions ludiques et sociales, puisque la disponibilité sociale détermine l’engagement personnel dans l’usage intensif. Nous avons utilisé des méthodes qualitatives et quantitatives pour enquêter auprès de 292 étudiants au Burkina Faso, au Gabon et au Niger, pays de l’Afrique subsaharienne. Nous montrons que des facteurs sociotechniques participent à accompagner, dans l’ombre, la révolution numérique dans ces universités.

Elie Allouche

Cet article propose la construction d’une modélisation systémique du numérique en éducation dans le cadre d’une recherche appliquée aux politiques publiques (ministère de l’Éducation nationale français). Considérant le numérique dans sa pervasivité, il met en évidence l’importance d’une approche complexe pour comprendre la transformation des pratiques. Comme modalité de recherche appliquée, nous présentons les groupes thématiques numériques (GTnum). L’approche méthodologique combine une posture réflexive éclairée par les apports de la recherche, des choix conceptuels centrés sur les humanités numériques et l’approche systémique, la recherche participative et la science ouverte via le carnet Hypothèses « Éducation, numérique et recherche ». Comme résultats, notre modélisation est centrée sur un « numérique environnant » et six unités d’action, mis à l’épreuve via les thématiques des GTnum. Nous interprétons ces résultats par une comparaison avec d’autres cadres systémiques, une application aux axes de la transformation numérique en académies, une réflexion prospective avec le développement de l’IA générative et des perspectives pour la recherche participative. Enfin, l’article discute des limites et apports de cette démarche : variabilité de la compréhension des enjeux et de l’intégration des apports de la recherche, mais pistes pour l’anticipation d’une nouvelle configuration du numérique avec la place de l’IA.

Patrick Giroux, Gabriel Dumouchel, Étienne Hébert, Koffi Agbeko Agbotro

Nous constatons la convergence de deux problématiques : les très grands écarts de compétences numériques des étudiants qui entrent à l’université et la montée du numérique, ici représenté par les intelligences artificielles. Cette convergence rend la situation de moins en moins tenable dans les universités en imposant une pression de plus en plus importante sur les professeurs, les chargés de cours et les professionnels qui les accompagnent. Nous proposons que cette situation puisse être potentiellement corrigée ou améliorée en révisant la place de la compétence numérique au sein du programme de formation québécois.

Julie Monette, France Gravelle

Cette note de lecture résume les principales conclusions d’un mémoire de maîtrise portant sur la relation pédagogique en formation à distance (FAD). Les résultats de cette recherche démontrent qu’en contexte de FAD, bien que plus de la moitié du corps enseignant (n = 73) considère la relation comme satisfaisante, la majorité estime que la distance impacte négativement cette dynamique. Confrontées aux défis liés à la distance physique ou aux limitations techniques, les personnes enseignantes déploient diverses stratégies innovantes pour favoriser un climat de classe positif, une présence accrue et une qualité relationnelle optimale. Les résultats de cette recherche soulèvent des questions sur la FAD, soulignant l’importance d’ajuster les pratiques éducatives tout en préservant la qualité de la relation pédagogique.