Numéro 15, juin 2023

Regards sur les technologies immersives en éducation et en formation

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DOI: https://doi.org/10.52358/mm.vi15

Publié-e: 2023-06-29

Gustavo Adolfo Angulo Mendoza, Patrick Plante, Caroline Brassard

Les technologies immersives sont de plus en plus utilisées dans l'enseignement de plusieurs domaines. Or, il est essentiel de considérer certains aspects liés à la dimension pédagogique tels que les stratégies de scénarisation et la mesure de leur efficacité. Ce numéro propose une diversité de travaux explorant l'utilisation des technologies immersives dans l'éducation et la formation. Ces technologies permettent de créer des environnements d'apprentissage captivants, favorisant la compréhension approfondie et améliorant la rétention des connaissances. Néanmoins, des défis subsistent, tels que l'accessibilité à l'équipement, la formation des enseignants, la sélection de contenus pertinents et les préoccupations éthiques et de sécurité. Les avancées technologiques offrent de nouvelles possibilités pour une interaction intuitive et une personnalisation des expériences d'apprentissage. Les 14 articles présentés dans ce numéro contribuent à la réflexion sur l'utilisation des technologies immersives en éducation et en formation, dans l'espoir de susciter de nouvelles idées et initiatives innovantes pour des formations enrichissantes.

François Lewis, Gustavo Adolfo Angulo Mendoza, Caroline Brassard, Patrick Plante

Les applications pédagogiques qui font usage des technologies immersives sont de plus en plus présentes dans les établissements d’enseignement supérieur. Nous croyons ainsi qu’il est pertinent de faire le point sur l’impact de ces technologies virtuelles sur le transfert de connaissances aux apprenants ainsi que sur les limites et les risques inhérents à leurs usages. Cette revue de littérature a pour objectif de dresser l’état actuel des connaissances en technologies virtuelles modernes appliquées à l’éducation supérieure. Nous nous intéressons particulièrement à la réalité virtuelle (RV) et à la vidéo 360 qui font usage d’un casque autonome « head-mounted display » (HMD), ainsi qu’aux applications en réalité augmentée (RA) qui emploient des lunettes assistées comme périphérique. Les résultats permettront d’identifier les attributs et mécanismes reliés aux applications virtuelles, et de décrire leurs avantages et leurs limites pour l’apprentissage. Nous avons eu recours à la méthode EPPI (Evidence for Policy and Practice Information and Co-ordinating), pour effectuer cette revue de littérature. Le sommaire des données recueillies est regroupé dans cinq thèmes : 1) conception et intégration de la dimension pédagogique; 2) théories et concepts; 3) méthodologies d’évaluation; 4) motivation et 5) collaboration.

Lionel Roche, Cathy Rolland, Ian Cunningham

La vidéo 360° est un nouvel outil qui s’est développé et son usage dans la formation des enseignants a débuté il y a moins de 10 ans. À partir d’une analyse systématique de la littérature existante en utilisant les principales bases de données, notre objectif est de rendre compte des principaux résultats de recherche actuels et de pouvoir envisager de nouvelles perspectives de recherche, mais aussi des pistes pour intégrer ce nouvel outil dans le cadre de la formation des enseignants. Quatre principaux points de résultats ont pu être dégagés : 1) la vidéo 360° comme outil pour développer la réflexivité sur l'enseignement, 2) la vidéo 360° comme outil de préparation et d'accompagnement des stages, 3) la vidéo 360° comme outil de développement de la perception des enseignants, 4) la vidéo 360° comme outil d'amélioration de la connaissance des contenus d’enseignement.

Cécile Lacote-Coquereau, Patrice Bourdon, Cendrine Mercier, Gaëlle Lefer-Sauvage

Le programme de recherche Participe 3.0 vise à accompagner huit jeunes adultes autistes dyscommunicants vers un habitat inclusif partagé, par l’introduction d’outils de réalité virtuelle consacrés à la préparation du repas (Fuchs, 2018; Cherix et al., 2019). Il s’agit d’analyser comment, en contexte d’éducation/formation, un environnement immersif 3D peut favoriser l’attention et les interactions pour un public aux percepts langagiers et psychosensoriels caractéristiques (Bogdashina, 2020; Mottron, 2004). Les recherches attestent que les outils numériques peuvent encourager l’engagement dans l'activité, au sens de Leontiev (1975/2022), d’enfants avec autisme (Bourgueil et al., 2015; Mercier et al., 2022). Mais qu’en est-il, lors de l’immersion au sein de capsules de réalité virtuelle, de leur capacité visuoattentionnelle et praxique, inhérente au couplage perception-action? Dans quelle mesure ces technologies immersives pourraient-elles minorer les troubles attentionnels, déficit cognitif fréquemment rapporté, et favoriser l’engagement dans l’activité? Les résultats montrent l’importance d’un scénario pédagogique conçu en démarche collaborative, centré sur l’utilisateur (Guffroy et al., 2017; Bourdon, 2021) pour majorer la participation et l’attention, et étayer les apprentissages d’apprenants dyscommunicants. Ils mettent en lumière la pertinence d’artefacts immersifs, au sein d’un environnement capacitant, pour acquérir une autonomie progressive (Rocque et al., 2001).

Cendrine Mercier, Iza Marfisi-Schottman, Mohamed Ez-Zaouia, Delphine Deshayes

La réalité augmentée est rarement utilisée dans les classes en France et pourtant elle semble avoir des vertus pertinentes pour le développement de connaissances et de compétences chez les apprenants. Dans le cadre d’une enquête exploratoire, une analyse de pratique pédagogique instrumentée (de l’enseignante) est détaillée au regard de l’usager (élève) d’un outil de réalité augmentée en classe de maternelle (cycle 1 – école maternelle – de 4 à 5 ans). L’apport de cet outil numérique sur les apprentissages et les compétences des élèves est étudié finement pour stabiliser le protocole de recherche et le proposer à l’ensemble des enseignants impliqués dans le projet de recherche. Les résultats soulignent plusieurs pistes encourageantes comme le développement de compétences sociocognitives et l’engagement des élèves. Du côté de l’enseignante, c’est un outil de plus au service de la pédagogie et un outil semblant répondre à des profils d’élèves avec des besoins éducatifs particuliers.

Christine Marquis, Bruno Poellhuber, Sébastien Wall-Lacelle, Normand Roy

La réalité virtuelle, qui implique un environnement généré par un système informatique donnant une impression de réalité, de présence et d'engagement (Pellas et al., 2020), a connu des développements dans le domaine de l’éducation (Freina et Ott, 2015; Jensen et Konradsen, 2018). Les avantages qu’elle présente, notamment pour la visualisation des concepts abstraits, pour la réalisation de tâches expérimentales difficiles ou impossibles à réaliser dans la réalité ainsi que pour la motivation, l’engagement et le transfert des apprentissages la rendent particulièrement utile pour l’apprentissage des sciences (Dalgarno et Lee, 2010; Lewis et al., 2021; Shin, 2017). En nous ancrant dans une démarche adaptée de l’analyse de la valeur pédagogique (Rocque et al., 1998), du modèle ADDIE, de l’art de la conception des jeux sérieux (Ryerson University, 2018) et d’un modèle de conception d’applications en réalité virtuelle (Vergara et al., 2017), nous avons développé de manière itérative différents jeux sérieux en réalité virtuelle en sciences au collégial (biologie, chimie et physique) pour finalement les mettre à l’essai en classe à l’automne 2022. Cet article vise à partager le processus expérimenté pour le développement, les résultats de chacune des étapes de ce processus ainsi que les principes qui en sont ressortis. Le tout sera utile aux acteurs du milieu de l’éducation désirant développer des jeux sérieux en réalité virtuelle.

Martin Lalonde, Karine Blanchette, Géraldine Wuyckens, Emma June Huebner, Barbara Meilleur

Le projet ma.réalité est une étude portant sur le potentiel des dispositifs technologiques en réalité virtuelle (RV) et en réalité augmentée à favoriser le développement de la compétence numérique et des compétences en littératie médiatique multimodale (LMM) chez les élèves et les professionnels et professionnelles de l’enseignement des arts et multimédia au secondaire. Basée sur les principes méthodologiques de la recherche-design en éducation (RDE) (McKenney et Reeves, 2014), cette étude vise à produire de nouveaux savoirs théoriques et pratiques au sujet de l’intégration des technologies de la RV en éducation artistique. Cet article présente un pan des résultats préliminaires de l’étude qui portent sur la compétence numérique et les compétences en littératie médiatique multimodale (Acerra et Lacelle, 2022) mobilisées par les élèves durant les deux premières phases de la recherche. Les données démontrent que la création d’environnements immersifs en réalité virtuelle engage des types de capacités chez les élèves qui relèvent de l’interaction entre divers modes sémiotiques sollicitant ainsi de manière unique les composantes technique, sémiotique et multimodale du cadre de compétence en littératie médiatique multimodale.

Nathalie Angers, Étienne Roy, Dominic Gagné

Le RÉCITFAD développe des plugiciels pour Moodle, dont deux qui ont le potentiel d’intégrer des activités immersives : Tour 360 et Jeu d’évasion. Le plugiciel Tour 360 facilite la création d’activités immersives qui permettent à la personne apprenante de visiter virtuellement des environnements. À l’aide d’un casque de RV ou d’un support traditionnel, elle navigue d’une image ou d’une vidéo à l’autre pour y trouver des informations et des éléments interactifs. Le plugiciel Jeu d’évasion permet de proposer des défis de différentes natures et de niveaux de difficulté variés qui concordent avec les intentions pédagogiques de la personne enseignante. En plus de présenter ces deux plugiciels, cet article traite de la pertinence de créer des activités immersives en FAD et relève quelques exemples.

Julien Marceaux, Jean-Christophe Servotte, Bruno Pilote

Le gouvernement du Québec a investi dans une offensive de transformation numérique. Elle vise à accélérer le virage technologique de plusieurs secteurs d’activités incluant celui de l’enseignement. Pour les universités, cette décision se traduit par un rehaussement de l’intégration pédagogique des technologies de l’information et des communications (TIC). D’ailleurs, dans plusieurs cas, ces TIC rejoignent les personnes dans leur manière d’apprendre. Parmi ces nouvelles méthodes pédagogiques, nous retrouvons la simulation clinique par réalité virtuelle (SimRV), constituant un exemple d’actualisation des approches technopédagogiques au service de l’apprentissage. En reprenant des scénarios de simulation clinique traditionnels, la SimRV amène la personne, par le biais d’expériences immersives, à réaliser des simulations qui, autrefois, nécessitaient l’accès à une structure formelle. Bien que cette approche soit récente, plusieurs avenues viennent lui conférer un grand potentiel d’application. Une équipe de la Faculté des sciences infirmières de l’Université Laval a testé ce potentiel dans un projet exploratoire de simulations interactives par vidéo 360 degrés interactive, dans le programme de deuxième cycle de formation des infirmiers praticiens spécialisés. Cet article présentera les avantages, les limites et les enjeux identifiés pour une intégration pédagogique réussie de cette nouvelle technologie.

Julien Marceaux, Myriam Brunet-Gauthier

Les technologies immersives intègrent de plus en plus le milieu de la formation professionnelle. Parmi celles-ci, la réalité virtuelle est celle qui présente un des potentiels des plus intéressants par sa capacité à immerger des apprenants dans des situations et des environnements d’apprentissage virtuels où la charge cognitive, les gestes et la prise de décisions ressemblent à ceux qui devraient être posés dans la pratique. Cette modalité devient d’autant plus pertinente lorsque les écoles ou les centres ne disposent pas de tous les équipements sur leur lieu de formation. C’est le cas de la Marine royale canadienne (MRC), qui doit former ses techniciens à l’entretien et à la réparation d’équipements sur des navires qui, eux, peuvent être en mer, ou tout simplement postés de l’autre côté du pays. Cet article résume les étapes de conception pédagogique et technique de simulations virtuelles destinées à la formation des techniciens de la MRC. Les auteurs y discutent des facteurs favorisant l’intégration de cette technologie ainsi que des forces et des limites de la réalité virtuelle dans ce type d’usage à partir d’un cas d’usage réel.

Marie-Claude Petit, Thibaut Coulon, Simon Bourdeau

Cette contribution praticienne présente le processus qui a mené à la refonte d’un scénario pédagogique au tournant de l’année 2020 dans des cours universitaires. Ce projet avait pour but de transposer dans un environnement numérique, soit Minecraft Education Edition (MEE), une simulation de gestion de projet agile initialement conçue pour se dérouler avec, sur tables, des briques Lego® et, aux murs, des cartes adhésives. En plus d’illustrer la valeur ajoutée du recours aux approches d’ingénierie pédagogique ADDIE (analyse, design (ou conception), développement, implantation et évaluation) et SAM2 (Successive Approximation Model) pour, d’un point de vue technopédagogique, parvenir à exploiter de façon judicieuse cette application numérique, l’article souligne qu’il importe d’offrir aux apprenants la possibilité de se familiariser avec l’environnement de MEE avant qu’ils ne sautent tête la première dans cet univers virtuel qui, pour plusieurs, s’avère méconnu. Dotés de connaissances et d’une expérience antérieure le jour de l’immersion, ces derniers démontrent davantage de confiance en leurs capacités de réussir les tâches d’apprentissage demandées. Pour conclure, des recommandations issues de nos réflexions et de notre expérience sont émises.

Edith Potvin-Rosselet, Alain Stockless, Diane Leduc

Cet article présente les principaux types d’obstacles mettant un frein à la compréhension de la théorie de l’évolution et discute de pistes pédagogiques pour améliorer l’apprentissage de cette théorie au niveau postsecondaire, comme d’autres théories difficiles en science, notamment par la mise en œuvre des principes de l’apprentissage actif et du changement conceptuel. L’article propose l’hypothèse que l’apprentissage immersif, possible par l’entremise des technologies de réalité virtuelle, est une stratégie prometteuse pour mettre en action les personnes apprenantes et pour provoquer un changement conceptuel menant à une meilleure compréhension de la théorie de l’évolution. Cette hypothèse guide la recherche en cours portant sur l’amélioration de l’apprentissage de cette théorie. L’article présente aussi des éléments positifs et négatifs de l’apprentissage immersif, issus d’une recension des écrits. Ces éléments constituent des pistes d’action dans la perspective du développement d’une expérience éducative immersive que vise la recherche en cours.

Danielle Bebey

L’augmentation des investissements et du nombre de travaux de recherche sur les technologies immersives laisse penser qu’il s’agit de révolutions pour lesquelles les chercheurs ont tout intérêt à se positionner pour apporter des solutions à la société. À travers cette mouvance, différentes applications des technologies immersives en formation sont identifiées, de même que les scénarios pédagogiques associés. Cependant, de nombreux travaux démontrent les apports de ces technologies, oubliant quelquefois qu’il ne s’agit que d’outils. Notre contribution a pour but d’interpeler sur la nécessité d’apporter une complémentarité entre les dispositifs existants plutôt que d’en creuser en se concentrant sur certains d’entre eux; car malgré les avantages des technologies immersives, il existe également des limites qui peuvent être compensées par des moyens traditionnels ou moins immersifs.

Yann Verchier, Christelle Lison, Chloé Duvivier

Durant les dernières années, les outils numériques ont permis de concevoir et d’animer des formations dans un autre espace-temps. Toutefois, les interfaces classiques de visioconférence montrent leurs limites en face à face à travers un écran. L’essor des technologies immersives (réalité augmentée, réalité virtuelle, visites immersives, systèmes de téléprésence…) permet d’envisager de nouvelles dynamiques de formations et de nouvelles possibilités d’interactions, soutenant alors la démarche d’acquisition de compétences essentielles au monde du travail. Au regard de la diversité des domaines d’utilisation de ces technologies, de leurs usages et des publics auxquels elles s’adressent, cet article s’interroge sur les intentions pédagogiques lors de l’utilisation de ces outils ainsi que leurs limites éventuelles.

Edgard-Casimir Lalo-Sayo

Loin des débats autour des bienfaits ou de l’importance de la réalité virtuelle (RV), cet ouvrage nous plonge dans les secrets de la conception d’une formation immersive. En effet, selon les auteurs Benjamin Fuzet et Clément Cahagne, spécialistes en ingénierie pédagogique, ce livre nous guide à travers ses textes afin de nous donner les clés pour concevoir une expérience de formation immersive. Dans un style d’écriture accessible à tous, favorisant une vulgarisation scientifique soutenue par plusieurs illustrations et photographies, les auteurs décortiquent les différentes étapes de conception et de réalisation à travers la méthodologie populaire dans le milieu de la conception, qui n’est autre que le modèle ADDIE (analyse – design – développement – implémentation – évaluation). Des exemples précis de cas réels de modules pédagogiques réalisés à partir de photographies à 360° sont fournis afin d’accompagner l’apprentissage de situations concrètes. En effet, pour illustrer chaque conception, une étude de cas portant sur la conception d'une formation de démarrage de pompe industrielle est présentée. Il s’agit d’une forme de guide favorisant le lien entre la théorie et la pratique tout en interprétant les nuances spécifiques à la réalité virtuelle et à la conception d’une expérience de formation immersive.