Numéro 13, décembre 2023

DOI: https://doi.org/10.52358/mm.vi13

Publié-e: 2023-12-21

Gustavo Adolfo Angulo Mendoza, Cathia Papi

Ce numéro compte trois articles de recherche, un article de praticiens et deux articles de discussions et débats offrant une exploration de divers sujets au cœur de la technologie éducative. D’une part, l’hybridation de l’enseignement, une approche complexe intégrant différentes modalités pour offrir des expériences d’apprentissage optimisées. D’autre part, les pratiques d’interaction en contexte de formation à distance, soulignant l’importance de maintenir des connexions significatives malgré les barrières physiques. Ce numéro explore également la télésurveillance, un outil essentiel pour préserver l’intégrité intellectuelle et lutter contre la fraude dans les examens en ligne. De plus, une réflexion approfondie sur le leadership et la stratégie numérique en contexte scolaire émerge de ces pages, mettant en lumière l’importance d’une vision éclairée pour tirer pleinement parti des technologies éducatives. Enfin, l’édition varia 2023 aborde le lien entre la technologie éducative et la formation en santé, explorant la formation thérapeutique des patients ainsi que la littératie médicale.

Alain Baudrit

Dans l’enseignement supérieur, les dispositifs et les outils numériques utilisés par les étudiants peuvent les amener à s’organiser sous forme de communautés de pairs et, ce faisant, à interagir en toute autonomie. Ils sont alors susceptibles de prendre quelque distance par rapport aux attentes et aux modes de fonctionnement propres à leur université, d’être tentés par des voies plus ou moins parallèles à celle-ci, à moins que les pratiques interactives à distance ne leur offrent des opportunités d’apprentissage ou d’investigation accrues. Dans cet article, plusieurs travaux sont examinés en ce sens afin de voir si de telles pratiques constituent un enjeu ou une menace pour l’institution universitaire. L’utilisation simultanée des outils officiels (comme les forums propres aux universités) et des moyens officieux dont disposent les étudiants (en l’occurrence les réseaux sociaux) est de nature à introduire un certain brouillage dans leurs interactions, cependant il peut y avoir là des opportunités d’échanges à caractère exploratoire ou des collaborations inédites. L’hybridation ainsi à l’œuvre est alors susceptible de se présenter comme un atout pour l’institution comme pour les étudiants.

Solange Ciavaldini-Cartaut, Aurélie Jouët-Robba

Les conditions de travail des étudiants internes de médecine générale lors de leurs stages en secteur hospitalier sont souvent dégradées par des horaires surchargés, un nombre important d’astreintes mensuelles et un suivi tutoral insuffisant augmentant leur peur de l’erreur médicale et leurs risques psychosociaux. Ce constat a conduit certaines facultés de médecine à améliorer le potentiel d’apprentissage de ces stages tels que conçus en alternance avec les périodes consacrées à leur formation à l’université. Cet article rend compte d’un accompagnement au changement des pratiques de médecins enseignants en poste, diplômés de leur thèse de doctorat et chargés de cette formation universitaire, en tension entre la nécessité d’innover en pédagogie et la réalité d’un travail à flux tendu avant et pendant la crise sanitaire de COVID-19. Son objet est une formation hybride (blended-learning) articulant des cours en présentiel, distanciel synchrone et asynchrone fondée sur des usages variés du numérique susceptibles de limiter les facteurs de risques psychosociaux des étudiants. Notre analyse mobilise deux modèles conceptuels complémentaires : le premier est la théorie unifiée de l’acceptation et de l’utilisation du numérique (Venkatesh, Thong et Xu, 2012) et le second, le modèle des phases de préoccupation de Bareil (2004, 2009). Nous avons récolté des données mixtes dans une perspective à la fois compréhensive et explicative des variables agissantes sur ce processus de changement et l’acceptabilité du numérique. L’originalité de nos résultats est d’éclairer ce processus à partir d’une approche orientée « activité du sujet et acceptabilité des usages ». Nous concluons sur le rôle des ingénieurs pédagogiques dans le soutien des équipes de professionnels de la santé vers l’innovation et le développement de leurs compétences en enseignement universitaire, en nous appuyant sur les travaux de la recherche en éducation et en formation.

Christiane Caneva, Caroline Pulfrey

L’introduction des technologies numériques dans les établissements d’enseignement a pris de l’ampleur dans le monde entier, car la société reconnaît le rôle central de l’éducation dans la préparation des étudiants à un monde numérique. Cet article explore le concept de « capacité numérique de l’école », englobant plusieurs facteurs pour l’intégration efficace des technologies dans l’enseignement et l’apprentissage. Le leadership apparaît comme la pierre angulaire, les dirigeants jouant un rôle essentiel dans le développement de la capacité numérique. En utilisant une approche mixte, cette recherche explore les perceptions des leaders dans une réforme à grande échelle de l’éducation numérique. Les résultats soulignent l’importance du leadership et d’une stratégie numérique cohérente pour améliorer l’engagement des enseignants vis-à-vis des technologies. Cependant, les défis sont nombreux : le manque de stratégies claires, l’allocation inadéquate des ressources humaines, la connaissance limitée de l’éducation numérique et l’insuffisance des opportunités de développement professionnel pour les leaders.L’étude souligne la nécessité d’améliorer les programmes de formation destinés aux responsables de l’éducation afin de les doter des compétences numériques et de la perspicacité stratégique nécessaires. Des réseaux de collaboration entre les écoles et un soutien accru des ministères de l’Éducation sont recommandés pour faciliter le déploiement des technologies numériques.

Isabelle Carignan, Paul-André Gauthier, Annie Roy-Charland, Marie-Christine Beaudry, Adèle Gallant, Marie-Hélène Hébert, Amélie Hien, Rony Atoui

Les informations médicales ne sont pas toujours faciles à comprendre pour les patients. Il existe des documents en ligne et des sites Internet, mais les informations ne sont pas nécessairement fiables, suffisamment vulgarisées ou utiles, et peuvent stresser davantage les patients et leur famille. Le but de cette recherche en cours est de mieux outiller les patients francophones vivant en milieu minoritaire pour augmenter leur degré de compréhension lié aux différentes étapes de la chirurgie cardiaque, diminuer leur degré d’anxiété par rapport à l’intervention chirurgicale et s’assurer qu’ils fournissent un consentement libre et éclairé lorsque vient le temps de subir une chirurgie cardiaque. Pour ce faire, des vidéos multimédias bilingues ont été créées pour expliquer les différentes étapes de la chirurgie cardiaque et les risques associés dans un langage simple à comprendre. Dans la phase pilote de ce projet, 49 participants ont visionné les deux premières vidéos (« Avant la chirurgie » et « Pendant la chirurgie ») et ont répondu à un questionnaire relatif à leur appréciation. Les résultats obtenus ont été prometteurs. La prochaine étape de la recherche consistera à réaliser une étude randomisée en utilisant un groupe expérimental (patients avec le format vidéo) et un groupe contrôle (patients utilisant le format papier standard). 

Ambroise Baillifard, Mélanie Bonvin

Plagosus (« la main leste ») Orbilius, soucieux de faire apprendre à ses élèves plutôt que de leur enseigner, représente le parangon d’un enseignement brutal et centré sur la transmission de connaissances. À l’autre extrémité du spectre des possibles, la pédagogie positive peut pousser l’enseignant à s'effacer afin de permettre à l'étudiant d'apprendre dans un environnement sécurisant et bienveillant. Si plagosus Orbilius n’enseigne pas (puisqu’il fait apprendre), l’enseignement trop soucieux de veiller et de prendre soin peut tout autant ne pas enseigner ni garantir l’affranchissement des étudiants. Mais alors, qu’est-ce qu’enseigner? C’est un art difficile que la seconde partie de cet article tente de définir.

Jean-Sébastien Sirois

Dans un contexte de formation à distance, l’évaluation en ligne représente un réel défi, alors que tant d’informations sont accessibles en quelques clics et au bout des doigts des apprenants. Dès lors, les logiciels de télésurveillance d’examen sont devenus des outils incontournables. Cet intérêt pour l’utilisation de cette technologie doit s’accompagner d’une réflexion quant aux possibles effets que peut avoir la télésurveillance sur les étudiants. Ces effets peuvent être désirés, découlant de la nature même des logiciels de télésurveillance en permettant d’assurer l’intégrité intellectuelle des évaluations à distance, mais il existe aussi un effet indésirable lié à l’anxiété augmentée par le recours à la télésurveillance, notamment en raison du caractère intrusif de ces outils, du facteur technologique et des conditions à respecter qu’ils supposent. Cet effet indésirable pouvant être atténué et contrôlé, la télésurveillance représente un outil précieux dans le nécessaire combat contre la fraude scolaire. Les logiciels de télésurveillance demeurent des outils importants pour que l’évaluation en ligne soit réalisée de manière sécuritaire et efficace, pourvu que tous les moyens soient mis en place pour accompagner les étudiants dans ce mode de surveillance.