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Technologiesimmersivesetacquisitionde
compétences:unediscussion
ImmersiveTechnologiesandSkillAcquisition:ADiscussion
Tecnologíasinmersivasyadquisicióndecompetencias:Un
debate
https://doi.org/10.52358/mm.vi15.347
Yann Verchier, professeur associé
Université de Technologie de Troyes, France
Université de Sherbrooke, Canada
yann.verchier@utt.fr
Christelle Lison, professeure
Université de Sherbrooke, Canada
christelle.lison@usherbrooke.ca
Chloé Duvivier
Université de Technologie de Troyes, France
chloe.duvivier@utt.fr
RÉSUMÉ
Durant les dernières années, les outils numériques ont permis de concevoir et d’animer des
formations dans un autre espace-temps. Toutefois, les interfaces classiques de
visioconférence montrent leurs limites en face à face à travers un écran. Lessor des
technologies immersives (réalité augmentée, réalité virtuelle, visites immersives, systèmes de
téléprésence) permet denvisager de nouvelles dynamiques de formations et de nouvelles
possibilités dinteractions, soutenant alors la démarche dacquisition de compétences
essentielles au monde du travail. Au regard de la diversité des domaines d’utilisation de ces
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technologies, de leurs usages et des publics auxquels elles s’adressent, cet article s’interroge
sur les intentions pédagogiques lors de lutilisation de ces outils ainsi que leurs limites
éventuelles.
Mots-clés :
technologies immersives, réalité virtuelle, réali augmentée, compétences,
compétences transversales, intention pédagogique
ABSTRACT
In recent years, digital tools have made designing and facilitating trainings in a different time
space possible. However, traditional video conferencing interfaces show their limitations in
face-to-face screen settings. The rise of immersive technologies (e.g. augmented reality,
virtual reality, immersive visits, telepresence systems) allows us to envisage new training
dynamics and new interaction possibilities, supporting the acquisition of essential skills for the
world of work. Considering the diversity of the fields of use of these technologies, their uses,
and the audiences they address, this article questions the pedagogical intentions when using
these tools as well as their possible limits.
Keywords:
immersive technologies, virtual reality, augmented reality, skills, soft skills,
educational intention
RESUMEN
En los últimos años, las herramientas digitales han hecho posible diseñar e impartir formación
en otro tiempo-espacio. Sin embargo, las interfaces de videoconferencia tradicionales
muestran sus límites en las sesiones cara a cara. El auge de las tecnologías inmersivas
(realidad aumentada, realidad virtual, visitas inmersivas, sistemas de telepresencia…) permite
prever nuevas dinámicas de formación y nuevas posibilidades de interacción, apoyando así
el proceso de adquisición de competencias esenciales para el mundo laboral. Teniendo en
cuenta de la diversidad de los ámbitos de utilización de estas tecnologías, de sus usos y de
los públicos a los que se dirigen, este artículo cuestiona las intenciones pedagógicas al utilizar
estas herramientas, así como sus posibles límites.
Palabras clave:
tecnologías inmersivas, realidad virtual, realidad aumentada, competencias,
competencias transversales, intención educativa
Introduction
Nombre d’établissements d’enseignement supérieur s’inscrivent aujourd’hui dans une approche par
compétences afin d’amener les apprenants à développer des savoir-agir complexes (Tardif, 2006) leur
permettant de trouver des solutions originales à des problèmes inédits. Cette transformation des
programmes de formation s’inscrit par ailleurs dans la mouvance des entreprises pour qui le
développement de compétences en continu est essentiel considérant l’évolution perpétuelle des savoirs.
Ainsi, afin de favoriser le développement des compétences des étudiants, les formations sappuient de
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plus en plus sur les nouvelles technologies, notamment immersives (Gorisse et al., 2018), en particulier
dans les domaines techniques.
Force est de constater, dans les dernières années, à quel point les outils numériques ont permis de
concevoir et d’animer des formations dans un autre espace-temps (Landa et al., 2019). Toutefois, les
interfaces comme Zoom ou Teams montrent leurs limites en face à face écran. Au-delà de la fatigue
(Fauville et al., 2021) et des difficultés techniques soulevées par un certain nombre d’utilisateurs, ces outils
sont peu immersifs, cest-à-dire que l’on constate un manque de mobilisation des sens, comme cela se
fait naturellement en présentiel. Partant de ce constat, dans cet article, nous nous intéressons aux
technologies immersives que sont la réalité augmentée, la réalité virtuelle, les visites immersives ainsi que
l’usage de robots de téléprésence; ces différents dispositifs pouvant aller jusquà limmersion totale (Slater,
2009), dans le cas par exemple des métavers.
Compte tenu de la diversité des domaines d’utilisation de ces technologies (médecine, biologie,
industrie), de leurs usages (visualisation de phénomènes, acquisition de savoir-faire professionnels,
lieux d’échanges linguistiques…) et des publics auxquels elles s’adressent (étudiants, professionnels en
exercice…), plusieurs questions peuvent être soulevées : quelles sont les intentions pédagogiques lors de
l’utilisation de dispositifs immersifs? Comment prendre en compte les interactions humaines nécessaires
à l’apprentissage et au développement de compétences générales ou transversales (soft skills en anglais)
dans ces cadres virtuels? Comment assurer le transfert en contexte réel de compétences développées
dans des environnements virtuels et ainsi aller au-delà de la simple visualisation ou de l’acquisition de
connaissances? Comment gérer la plus faible mobilisation des sens lors de l’expérience immersive en
comparaison avec une approche multisensorielle plus naturelle lors de l’apprentissage en situation réelle?
Sans prétendre répondre de manière exhaustive à chacune de ces questions, nous tentons d’alimenter la
réflexion dans une perspective d’enseignement et d’apprentissage.
Une variété de dispositifs immersifs
Avant de rentrer dans le détail de l’utilisation des dispositifs immersifs, il nous semble important de séparer
le matériel ou l’outil de l’environnement numérique d’utilisation. En effet, les systèmes de réalité
augmentée viennent mettre une surcouche d’information sur le réel via l’utilisation d’un smartphone ou
d’une tablette. L’objectif est que le matériel favorise une certaine mobilité pour ajouter de l’information, soit
de manière non dynamique en visant de façon fixe une cible à augmenter (par exemple, un appareil de
mesure sur lequel l’information des commandes serait ajoutée), soit de manière dynamique en déplaçant
l’interface physique sur une scène physique globale (par exemple, un laboratoire qui serait observé et sur
lequel le matériel de sécurité serait ajouté à mesure du balayage de la scène). Les systèmes de réalité
virtuelle, pour leur part, nécessitent un casque qui va permettre d’avoir accès à des environnements
immersifs. Ces environnements peuvent être virtuels, cest-à-dire qu’ils sont créés de toute pièce à l’aide
de logiciels de design 3D (par exemple, la conception d’une future rame de train permettant de tester
l’habitabilité d’un wagon et l’optimisation des espaces) ou peuvent s’appuyer sur des environnements réels
filmés ou photographiés (par exemple, des vidéos ou des photos 360 degrés). En général, pour des raisons
de contraintes matérielles et/ou de bande passante, l’immersion dans des espaces réels est asynchrone.
Mentionnons que ces systèmes de réalité virtuelle ont été étendus dans le cadre des projets de métavers,
qui sont des mondes virtuels dans lesquels les différents utilisateurs peuvent interagir, se rencontrer et
mener diverses activités (Guitton et Roussel, 2022). Dans ce cadre, c’est linteraction entre les participants
qui semble recherchée en premier lieu, notamment via la création ou la réunion de communautés
d’utilisateurs.
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Nous pouvons aussi mentionner l’utilisation de robots de téléprésence comme terminaux d’accès à un
environnement réel (Kristoffersson et al., 2013). Dans ce cas, l’utilisateur qui est à distance pilote le robot
et peut donc être acteur de la session à laquelle il participe. Moins passif que lors d’une réunion en
visioconférence au cours de laquelle la caméra est fixe et limitée à l’échelle d’une salle de réunion, le robot
de téléprésence permet de se déplacer dans un environnement réel tout en étant piloté à distance.
L’utilisateur peut choisir la zone visionnée et ainsi vivre une expérience à distance, mais en synchrone
(par exemple, l’utilisation de robots pour les apprenants empêchés d’aller sur leur lieu de formation). Cette
configuration peut être considérée comme immersive, car l’utilisateur peut vivre une expérience à distance
en temps réel y compris en participant aux temps plus informels.
Des dispositifs qui soutiennent les intentions
pédagogiques
Au-delà de la technologie utilisée, il nous semble important, dans le champ de la formation tant initiale que
continue, de nous interroger sur les intentions pédagogiques associées à l’utilisation de ces différents
outils. En effet, ce sont les cibles, en termes d’apprentissage, qui devraient guider le choix de l’outil ou de
la technologie mobilisée, et ce, dans une perspective d’alignement pédagonumérique réfléchi et scénarisé.
Une première et très fréquente raison de l’utilisation d’un système immersif est la visualisation de
phénomènes microscopiques difficiles à modéliser, donc à concevoir, ou bien dans le cas d’objets
scientifiques difficiles d’accès pour des raisons de sécurité ou des raisons médicales. Dans ces différents
cas, la réalité augmentée peut être utilisée pour voir sous différents angles et avec la possibilité de zoomer
sur les éléments représentés (figure 1). C’est le cas, par exemple, pour la visualisation de structures
cristallines en chimie ou la visualisation d’éléments du corps humain difficilement accessibles en dehors
d’une action de dissection. Dans ce cadre, l’objectif est purement la visualisation, sans pour autant ajouter
de l’information sur une structure physique existante.
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Figure 1
Application Mirage Crystallography de réalité augmentée permettant la visualisation 3D de structures
cristallines
Note. © Auteurs.
Une deuxième raison de l’utilisation d’un système immersif est l’entraînement des apprenants aux gestes
professionnels dans des situations complexes pour lesquelles les erreurs ne sont pas tolérables. C’est le
cas, par exemple, pour l’entraînement à la maintenance nucléaire, situation dans laquelle l’opérateur est
immergé dans une salle de contrôle et peut agir sur différents éléments selon un scénario de crise
scénarisé en amont. Nous sommes ici dans l’entraînement et le développement de compétences (Tardif,
2006) en vue d’enrichir une expertise essentielle dans des situations complexes et inédites.
Une troisième raison de l’utilisation d’un système immersif est la réalisation de simulations dans lesquels
le travail en équipe et la coordination sont essentiels. C’est le cas, par exemple, dans le domaine médical
chaque acteur d’un bloc opératoire se retrouve dans une salle virtuelle avec possibilité d’agir et
d’échanger du matériel pour mener à bien certaines procédures liées à une opération. Dans ce cadre, les
différents participants peuvent être de structures différentes et apprennent ainsi de nouvelles manières de
fonctionner et de collaborer. Cela peut être fortement utile dans le cas de simulations à destination de
formations dans lesquelles la réflexivité est un temps essentiel de la formation (Bowyer et al., 2008; Sheng
et al., 2020).
Une quatrième raison de l’utilisation d’un système immersif est le développement de compétences dites
transversales, comme la communication ou la curiosité. C’est le cas, par exemple, de certains dispositifs
immersifs qui permettent de se rencontrer dans un monde virtuel afin de pouvoir pratiquer une langue
étrangère et d’échanger sur la culture d’un pays. Ces dispositifs s’appuient sur de la réalité virtuelle avec
un casque de RV favorisant les interactions entre les acteurs et permettent de repenser la notion
d’échange linguistique. Notons que dans cette situation, l’utilisation d’un avatar permet parfois de
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surmonter certains blocages (timidité, place dans le groupe, peur de l’erreur…) qui peuvent être des freins
à l’apprentissage d’une langue. C’est également l’occasion pour les participants de découvrir des éléments
de l’ordre de l’architecture, de la cuisine ou encore de la culture au sens large du terme (Burkhardt, 2007).
Une cinquième raison de l’utilisation d’un système immersif est la possibilité de se projeter dans un
nouveau lieu ou dans un nouvel environnement de formation. C’est le cas, par exemple, des visites
immersives réalisées dans certains établissements d’enseignement supérieur qui permettent aux jeunes
d’assister de manière asynchrone à un cours magistral ou à une séance de travaux dirigés en
s’immergeant à travers une vidéo 360 degrés. L’objectif de ces systèmes est de permettre à un apprenant
de découvrir, en amont, les locaux, les acteurs, l’ambiance en formation et tout autre élément permettant
d’anticiper et de faciliter l’intégration à une structure ou à un programme de formation et, pour une partie
des futurs étudiants, de diminuer l’appréhension ou l’angoisse liée à la transition vers l’enseignement
supérieur (Charrier et al., 2010; Grandpierre 2019).
Les dispositifs immersifs et le développement de
compétences
Aujourd’hui, en France, comme dans d’autres pays, la question des compétences est au cœur des
préoccupations du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ainsi que des
établissements en général (Lison et Paquelin, 2019). En effet, il ne s’agit plus seulement d’amener les
apprenants à acquérir des connaissances, mais également à développer des compétences de haut
niveau. Tardif (2006) définit la compétence comme « un savoir agir complexe prenant appui sur la
mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une
famille de situations » (p. 22), ce qui la place du côté du sujet agissant (Coulet, 2011).
Si l’on considère les compétences comme un ensemble de connaissances, de savoir-faire et de capacités
comportementales, voire de savoirs devenir, en quoi les dispositifs immersifs permettent-ils le
développement de compétences?
Dès la petite enfance, l’ensemble des sens est mobilisé au cours des apprentissages. C’est notamment le
cas du toucher qui permet à l’enfant d’appréhender l’espace dans lequel il évolue et ainsi de s’y repérer et
de prendre conscience de son environnement. On retrouve d’ailleurs cette notion dans un certain nombre
de techniques d’enseignement à l’école maternelle et primaire, les objets sont utilisés pour permettre
la compréhension de certaines notions, notamment des notions abstraites, ainsi que le développement de
certaines compétences. Dans l’enseignement primaire, en mathématiques par exemple, la manipulation
d’objets est utilisée pour la compréhension des fractions (Gentaz, 2018; Ojose et Sexton, 2009).
Les dispositifs immersifs, grâce à leur association à des environnements virtuels, mobilisent différemment
les sens de l’apprenant. Du point de vue de la « transmission de connaissances », ils diffèrent des supports
d’apprentissage classiques tels que le discours oral ou les supports papier (livres, documents…).
Cependant, ces dispositifs peuvent apporter une nouvelle dimension à l’apprentissage. Si l’on met de côté
les formations de terrain, les environnements immersifs proposent d’évoluer dans la situation présentée
jusqu’à maintenant de manière plutôt théorique. C’est le cas, entre autres, de leur utilisation pour former
les professionnels à des travaux précis, dans des environnements spécifiques, nécessitant le
développement de certains comportements et réflexes, par exemple, les sites industriels dangereux. Du
point de vue du développement des savoir-faire, notamment professionnels, l’utilisation des technologies
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immersives peut donc apporter de nouveaux éléments (Sheng et al., 2020), en permettant la mise en place
d’environnements d’exercices et de tests. La question de l’acquisition de ces savoir-faire, presque au sens
de l’automatisation, et du transfert de connaissances d’un environnement virtuel vers un environnement
réel peut alors se poser.
Au-delà des savoirs et des savoir-faire, le travail autour des capacités comportementales est un volet
essentiel au développement de compétences. Elles correspondent à la capacité d’interagir et d’évoluer au
sein d’un groupe ou d’un environnement spécifique. Ces capacités comportementales sont liées au
concept de soft skills (Duru-Bellat, 2015), appellation utilisée actuellement dans plusieurs systèmes
d’enseignement, dont le système français. Ces soft skills deviennent une partie intégrante des formations,
notamment professionnelles. Nous les retrouvons régulièrement affichées dans le cadre de formations aux
professionnels encadrant des équipes ou évoluant des environnements professionnels mettant au premier
plan les interactions humaines. Ces compétences spécifiques sont toutefois difficiles à identifier, à
observer et à évaluer. Par conséquent, les formations dédiées à les développer sont complexes à mettre
en place. Du point de vue des dispositifs immersifs, les technologies sont particulièrement utilisées de
manière appliquée pour des actions de ressources humaines et de recrutement, notamment pour des
mises en situation professionnelles. Cependant, l’environnement virtuel amène à remettre en question les
interactions : le langage non verbal, par exemple, semble difficile à « retranscrire » en dehors d’un
environnement réel. Un intermédiaire, sous la forme de la technologie ou de l’environnement
technologique, limite alors l’interaction humaine. Toutefois, n’est-ce pas déjà une amélioration par rapport
à ce qui est vécu actuellement (Bouret et al., 2014; Johnson, 2022b; Mignot et al., 2019)?
Les limites des dispositifs immersifs
Même si bon nombre d’utilisateurs sont maintenant équipés de smartphones, les dispositifs les plus
avancés nécessitent l’utilisation de casques de réalité virtuelle. Dès lors se pose la question de l’accès au
matériel et au nombre d’utilisateurs en simultané. Cela ne posera pas forcément de problème dans le cas
de simulations professionnelles un opérateur se formera sur un temps donné, mais cela pourrait
générer des contraintes si l’on souhaite former une promotion conséquente d’apprenants. De plus, nous
pouvons nous demander comment les personnes pourront continuer leurs apprentissages en dehors de
l’environnement de formation ou en dehors des heures prévues.
Mentionnons qu’il est également important de prendre en compte l’inclusivité de tels dispositifs qui
sollicitent principalement la vision. En effet, les personnes déficientes visuelles ne pourront pas accéder
aisément à ce type de technologie. De plus, plusieurs recherches (Johnson, 2022b; Séba et al., 2019)
soulèvent des problèmes de tolérance lors de l’utilisation prolongée de casques de réalité virtuelle.
De plus, il semble important que le design des environnements virtuels soit le plus abouti afin que
l’expérience puisse être la plus réelle possible. Cela s’accompagne aussi d’un besoin accru d’interactivité
dans les expériences immersives, comme la possibilité de déplacements ou encore l’interaction avec des
objets. Actuellement, de nombreux « mondes » virtuels pâtissent en fait de leur manque de réalisme.
Dans le cadre d’éléments de formation à l’aide de dispositifs immersifs, il nous paraît également essentiel
de se questionner sur la possibilité de transposition de compétences travaillées en situation réelle. Que
dire d’un geste professionnel travaillé grâce à une application de réalité virtuelle? Est-ce que ce geste sera
correctement effectué ensuite sur le terrain ou est-ce que la pratique du geste peut ne pas être assez
poussée étant donné la limitation technologique? Comment dépasser le fait que l’action menée en situation
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virtuelle puisse ne pas être conceptualisée par l’utilisateur et donc être conscrite à un environnement virtuel
(Renoir et al., 2020; Weber et al., 2019)?
Tous ces éléments liés au matériel et à la consommation des données remettent aussi en question la
soutenabilité de tels dispositifs. En effet, on constate une obsolescence rapide du matériel en raison de la
rapide amélioration des technologies. De plus, plus les espaces virtuels immersifs sont visuellement
aboutis et plus la consommation de données est importante, ce qui pourra impliquer à l’avenir un coût
énergétique croissant lors du développement de ces technologies (Vidal et al., 2017). Ces questions ne
peuvent être ignorées par les établissements d’enseignement supérieur qui sont nombreux à s’engager,
par divers moyens, dans la lutte contre les changements climatiques.
Enfin, nous pouvons nous questionner sur l’impact direct de ces dispositifs immersifs sur les dynamiques
de formation. Comme nous l’avons mentionné, ces systèmes permettent de soutenir l’apprentissage et de
développer des compétences nouvelles ou difficiles à atteindre dans des formats classiques de formation.
Néanmoins, nous pouvons, voire nous devons nous interroger sur les risques d’éloignement des étudiants
vis-à-vis des lieux de formation s’il advenait que ce type d’environnement soit de plus en plus utilisé. En
effet, il nous semble indéniable, aujourd’hui plus que jamais peut-être, que l’on ne doit pas perdre de vue
le rôle central que jouent les établissements d’enseignement supérieur en tant qu’espaces de socialisation
et d’apprentissages informels.
Conclusion
Les technologies du Web 3.0, voilà ce que promettent les dispositifs immersifs, mais nous n’y sommes
pas encore complètement (Johnson, 2022a). Comme nous l’avons brièvement illustré, nous constatons
qu’il existe encore certaines limites pour que les apprenants bénéficient pleinement de ces nouvelles
possibilités. Elles seront probablement franchies dans les années à venir. Pensons simplement, par
exemple, aux gants tactiles qui pourraient permettre de ressentir des objets virtuels et ainsi de favoriser le
développement de gestes professionnels.
Nous ne pouvons terminer ce texte sans soulever une question qui est aujourd’hui au cœur des
préoccupations de nombreux établissements d’enseignement supérieur, soit celles des données
personnelles des utilisateurs. Le fait d’être dans des dispositifs immersifs signifie-t-il que les utilisateurs
partagent leurs données presque malgré eux? Cette question mérite d’être posée et éclaircie pour ne pas
faire face à des conséquences imprévues pouvant entraîner des désagréments tant individuels que
collectifs.
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