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Hubs
éducatifset
hubs
sociauxéducatifs:
dessolutionsémergentes
Educationalhubsandsocialeducationalhubs:
Emergingsolutions
Hubseducativosyhubseducativossociales:
solucionesemergentes
https://doi.org/10.52358/mm.vi11.324
Thierry Gobert, maître de conférences
Université Perpignan Via Domitia, France
thierry.gobert@univ-perp.fr
RÉSUMÉ
Nombre d’établissements éducatifs sont assimilables à des hubs sociaux (social hubs). Sur le
marché de l’apprentissage, ils mettent massivement en œuvre des activités de hubbing social.
Au-delà du réseautage et de la communication, ils rivalisent d’initiatives destinées à valoriser
une image d’espace de rencontre porteur de sens et d’institutionnalisation de soi. Des biais
d’optimisme comme des illusions de contrôle et de compétence apparaissent dans ces
contextes où dispositif et situation pédagogiques sont indissociables des activités de
médiatisations techniques et interpersonnelles.
Mots-clés :
hub social, hub éducatif, hub social éducatif, institution de soi, illusion
d’institutionnalisation de soi
ABSTRACT
Many educational institutions are just like social hubs. On the learning market, these
institutions implement social hubbing activities on a massive scale. In addition to networking
and communication, they compete using initiatives to enhance the image of a meaningful
meeting place and. Optimistic biases such as illusions of control and competence appear in
these contexts where the pedagogical device and situation are inseparable from technical and
interpersonal mediation activities.
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Keywords:
social hub, educational hub, educational social hub, institutionalisation of the self,
illusion of institutionalisation of the self
RESUMEN
Numerosos establecimientos educativos pueden asimilarse a hubs sociales. En el mercado
del aprendizaje, realizan actividades de hubbing social de forma masiva. Más allá de las redes
de contactos y de la comunicación, estos establecimientos rivalizan con sus iniciativas
destinadas a valorizar una imagen de espacio de encuentro significativo y de
institucionalización propia. En estos contextos en que los dispositivos y las situaciones
pedagógicas son indisociables de las actividades de mediaciones técnicas e interpersonales,
aparecen perspectivas optimistas, así como ilusiones de control y de competenciam.
Palabras clave:
hub social, hub educativo, hub social educativo, institucionalización del yo, ilusión
de institucionalización del yo
L’appellation « hub social » (social hub) est apparue pour la première fois lors d’une étude effectuée à
l’Institut universitaire de technologie (IUT) des Alpes de Haute Provence sur les comportements
d’appropriation de ces nouveaux services en ligne émergents qu’étaient Facebook et consorts. Elle
désignait un « ensemble d’outils et de structures numériques connectés, proposant une interface formant
un carrefour virtuel dans le but de favoriser et éventuellement organiser des potentialités de dialogues et
de rencontres entre personnes » (Gobert, 2009, p. 5). Le choix du terme « hub » avait été fait en référence
aux plateformes de correspondances aéroportuaires. Inspirée du moyeu le hub se réunissent les
rayons d’un cercle ou d’une roue, cette dénomination, bien connue des voyageurs en transit, s’appliquait
métaphoriquement aux services de réseautage en ligne. L’adjectif qualificatif « social » lui avait été adjoint
du fait de ses capacités de médiation et de liant collectif.
Un hub social était donc simultanément une situation et un dispositif de communication créés par des
étudiants à l’aide d’outils socionumériques industriels privés. L’étude avait priorisé la qualification des
interactions entre individus plutôt que le rôle de l’établissement d’enseignement supérieur considéré
comme un contexte. Mais comme les entretiens semi-directifs avaient révélé l’importance du hub social
dans la constitution des groupes et des échanges en ligne, force a été d’intégrer la notion de lieu physique
dans le concept. Ainsi, les hubs ont dépassé le périmètre du cercle d’amis pour devenir des lieux physiques
ou dématérialisés qui proposent « aux acteurs de se rencontrer, de regrouper des moyens, de mutualiser
des pratiques et des activités tout en gérant les identités associées à ces activités » (Gobert, 2020, § 10)
1
.
Trois éléments émergent de cette approche. Le premier est celui d’un lieu de rencontre « dédié […], avec
un univers visuel identifiable »
2
convergent et rayonnent des individus, des idées, voire des projets. Les
dispositifs socionumériques entrent dans cette catégorie du fait de leur identité graphique et des
fonctionnalités associées dans les représentations aux échanges interpersonnels. Le deuxième réside
dans le caractère pluriel de ce lieu qui peut être physique, virtuel et géré de manière hybride ou en
1
Ce texte est l’introduction au numéro thématique « Partage, échange, contribution, participation (Partie II) » de la revue Interfaces
numériques, publié sous la direction de Thierry Gobert. https://doi.org/10.25965/interfaces-numeriques.4196
2
https://leolagrange-mediterranee.org/inauguration-du-hub-leo-dagly-fenouilledes/
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comodalité. L’hybridité suppose de choisir entre présence et téléprésence des participants; la comodalité
en favorise la mixité en simultané. Le troisième élément aborde des composantes identitaires ou tout au
moins de reconnaissance des membres et des visiteurs. Même s’ils ne sont que de passage, ces derniers
doivent bénéficier d’un droit d’accès à la suite d’une inscription préalable, ou avoir été acceptés, invités,
voire simplement être accueillis momentanément. Fréquenter un hub social, comme pour une association
ou un site de réseautage, même informel, suppose d’effectuer une démarche d’admission préalable ou
d’accompagner un membre déjà connu, même si les identités en ligne peuvent parfois s’avérer fragiles et
les relations éphémères.
Une locution dans l’espace social
Hub et hub social sont désormais utilisés avec des significations variées en marketing, en management,
en aménagement, dans les espaces de coworking, les tiers lieux, etc. Le hub est sorti du domaine
scientifique pour gagner les espaces économiques et publics. De ce fait, le regroupement des termes
« hub » et « éducatif » dans une locution a spécifié un concept sans pour autant l’enfermer dans une
spécialisation. Plusieurs significations coexistent du fait de la diversité des acteurs qui l’emploient. Dans
les discours et sur les pages d’accueil de nombreux sites Internet apparaissent les thématiques de
« communauté » et de « tous horizons »
3
, de « territoire qui accueille des étudiants et des universités du
monde entier »
4
, de « concentration »
5
, de « plateforme de coordination et de développement des
coopérations entre établissements »
6
, « d’innovation transfrontalière à rayonnement européen »
7
, etc.
Les aspects consensuels de ces contenus affichés permettent de comprendre, au moins partiellement,
pourquoi les hubs éducatifs se multiplient : ils permettent de valoriser des ancrages éthiques et de
convivialité dans un contexte sociétal en quête de valeurs. Ils sont localement porteurs d’une force
d’attraction susceptible d’attirer des personnes et des projets dans un périmètre global. Regroupés, ces
aspects rappellent les oppositions anthropologiques entre la communauté et la société la relation prend
le pas sur la communication, les formes orales sur l’écriture
8
, l’identification de l’autre sur l’anonymat, les
mémoires des vivants sur les mémoires industrielles. Les hubs seraient des espaces qui cherchent, au
moins dans leur identité communiquée, à préserver des liens, de l’humain.
Fréquemment, les hubs sont associés à des villes, des régions, des pays où ils s’attachent pour partie une
image de composante du territoire. Citons, parmi d’autres, le « hub d’innovation éducative et technologique
régional de Marseille »
9
et celui de Maurice
10
. Si une certaine technici et des fondamentaux de
convergence et de rayonnement sociaux demeurent, le hub de Marseille n’est ni celui de Dakar ni celui de
Maurice. Ces espaces de rencontres et de compétences sont situés. Leur nombre et la variété de leurs
origines sont fréquemment considérés comme un facteur de succès. Ainsi, par exemple, pouvons-nous
lire que « les 16 nationalités représentées dans l’échantillon témoignent à souhait que Dakar est devenu
3
https://www.ellesbougent.com/colleges-lycees/hub-educatif/
4
https://blog.educpros.fr/fiorina/2014/11/20/pourquoi-creer-un-hub-denseignement-superieur-lexemple-du-qatar/
5
https://www.office-et-culture.fr/amenagement/concept/hub-d-ecoles-d-art
6
https://ci.ambafrance.org/Le-Hub-regional-franco-ivoirien-3100
7
https://franceurbaine.org/actualites/leurometropole-de-metz-presente-sa-strategie-en-matiere-denseignement-superieur-et-de
8
Même s’il s’agit d’oralité saisie au clavier ou à l’écran comme dans les publications.
9
https://madeinmarseille.net/86314-hub-tech-sud-innovation-epopee/
10
https://www.business-magazine.mu/entreprendre/business-files/uniciti-faire-de-maurice-un-hub-educatif/
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comodalité. L’hybridité suppose de choisir entre présence et téléprésence des participants; la comodalité
en favorise la mixité en simultané. Le troisième élément aborde des composantes identitaires ou tout au
moins de reconnaissance des membres et des visiteurs. Même s’ils ne sont que de passage, ces derniers
doivent bénéficier d’un droit d’accès à la suite d’une inscription préalable, ou avoir été acceptés, invités,
voire simplement être accueillis momentanément. Fréquenter un hub social, comme pour une association
ou un site de réseautage, même informel, suppose d’effectuer une démarche d’admission préalable ou
d’accompagner un membre déjà connu, même si les identités en ligne peuvent parfois s’avérer fragiles et
les relations éphémères.
Une locution dans l’espace social
Hub et hub social sont désormais utilisés avec des significations variées en marketing, en management,
en aménagement, dans les espaces de coworking, les tiers lieux, etc. Le hub est sorti du domaine
scientifique pour gagner les espaces économiques et publics. De ce fait, le regroupement des termes
« hub » et « éducatif » dans une locution a spécifié un concept sans pour autant l’enfermer dans une
spécialisation. Plusieurs significations coexistent du fait de la diversité des acteurs qui l’emploient. Dans
les discours et sur les pages d’accueil de nombreux sites Internet apparaissent les thématiques de
« communauté » et de « tous horizons »
3
, de « territoire qui accueille des étudiants et des universités du
monde entier »
4
, de « concentration »
5
, de « plateforme de coordination et de développement des
coopérations entre établissements »
6
, « d’innovation transfrontalière à rayonnement européen »
7
, etc.
Les aspects consensuels de ces contenus affichés permettent de comprendre, au moins partiellement,
pourquoi les hubs éducatifs se multiplient : ils permettent de valoriser des ancrages éthiques et de
convivialité dans un contexte sociétal en quête de valeurs. Ils sont localement porteurs d’une force
d’attraction susceptible d’attirer des personnes et des projets dans un périmètre global. Regroupés, ces
aspects rappellent les oppositions anthropologiques entre la communauté et la société la relation prend
le pas sur la communication, les formes orales sur l’écriture
8
, l’identification de l’autre sur l’anonymat, les
mémoires des vivants sur les mémoires industrielles. Les hubs seraient des espaces qui cherchent, au
moins dans leur identité communiquée, à préserver des liens, de l’humain.
Fréquemment, les hubs sont associés à des villes, des régions, des pays où ils s’attachent pour partie une
image de composante du territoire. Citons, parmi d’autres, le « hub d’innovation éducative et technologique
régional de Marseille »
9
et celui de Maurice
10
. Si une certaine technici et des fondamentaux de
convergence et de rayonnement sociaux demeurent, le hub de Marseille n’est ni celui de Dakar ni celui de
Maurice. Ces espaces de rencontres et de compétences sont situés. Leur nombre et la variété de leurs
origines sont fréquemment considérés comme un facteur de succès. Ainsi, par exemple, pouvons-nous
lire que « les 16 nationalités représentées dans l’échantillon témoignent à souhait que Dakar est devenu
3
https://www.ellesbougent.com/colleges-lycees/hub-educatif/
4
https://blog.educpros.fr/fiorina/2014/11/20/pourquoi-creer-un-hub-denseignement-superieur-lexemple-du-qatar/
5
https://www.office-et-culture.fr/amenagement/concept/hub-d-ecoles-d-art
6
https://ci.ambafrance.org/Le-Hub-regional-franco-ivoirien-3100
7
https://franceurbaine.org/actualites/leurometropole-de-metz-presente-sa-strategie-en-matiere-denseignement-superieur-et-de
8
Même s’il s’agit d’oralité saisie au clavier ou à l’écran comme dans les publications.
9
https://madeinmarseille.net/86314-hub-tech-sud-innovation-epopee/
10
https://www.business-magazine.mu/entreprendre/business-files/uniciti-faire-de-maurice-un-hub-educatif/
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un hub éducatif régional cosmopolite. […] C’est une question de survie pour l’université » (Sall, 2014, § 18
et 28).
Ces approches n’abordent qu’une partie du périmètre que recouvre l’appellation « hub social », car elles
correspondent davantage à des hubs et des hubs éducatifs qu’à des hubs sociaux et des hubs sociaux
éducatifs. Les hubs sont des espaces ou des moyens de regroupement, de concentration et de
rayonnement. Ils rapprochent des disciplines, des projets, des acteurs et communiquent massivement sur
les productions des acteurs et leur capacité d’attraction basée sur la diversité de leur offre. Les hubs
sociaux mettent l’accent sur l’influence de leurs dynamiques sociales, les échanges et les relations entre
les personnes, les partenaires et les liens qui les unissent. Ces aspects ne sont pas nécessairement
absents dans les hubs, mais ils sont indispensables à l’identité et à la vie d’un hub social.
Hubs sociaux, éthique et enjeux
Les hubs sociaux éducatifs sont porteurs d’enjeux sociétaux. Depuis fort longtemps, les universités et
divers établissements agrègent des disciplines et des ressources de manière à favoriser la
pluridisciplinariet à obtenir la masse critique nécessaire pour atteindre des objectifs tels que figurer dans
les classements internationaux. De même, communiquer sur ses succès, les manifestations en cours et à
venir, les axes de travail, la philosophie et les valeurs d’une structure sont des activités courantes. En
revanche, mettre en œuvre des moyens pour révéler les effets de la fréquentation d’un établissement sur
ses clients, ses usagers, ses apprenants, ses publics et, si possible, son influence sur la qualité des liens
tissés entre eux est différent. Il ne s’agit pas seulement d’afficher des témoignages et des avis « vérifiés »,
mais d’instaurer une véritable continuité dans la production « d’activités de natures médiatiques » (Gobert
et Ravetllat, 2020, p. 76) pour rappeler l’image d’une communauté soudée par des valeurs consensuelles
et prête à s’engager publiquement à les diffuser au nom de l’organisation.
Si le but reste de maintenir et de développer de l’activité, il semble que dans le cas d’un hub social, cela
soit fait en référence à une éthique énoncée. Cette éthique, souvent nommée « valeurs » dans un contexte
d’application, est devenue un leitmotiv infocommunicationnel, car elle apporte un effet de label. Elle
garantit une qualité de service particulière dans un monde publicisé où la « responsabilité » de chacun est
perçue comme participant d’un enjeu collectif. Elle se décline en particulier dans une quête de signification
reliant la personne au collectif, l’individu à l’humanité, au vivant (la biocénose), au milieu (le biotope).
Un simple butinage sur la toile révèle que la majorité des sites Internet émanant de structures arborant
une identité de hub social mettent en avant l’apport de sens. Ce sens se déclinerait dans une pragmatique
du vivre ensemble aujourd’hui et demain. L’entraide, « l’expérimentation de nouvelles manières de
travailler »
11
, l’échange de connaissances, voire « l’opportunité de s’élever ensemble au lieu d’écraser les
autres »
12
dans la convivialité en seraient quelques clés. Impacthub, l’une des plus anciennes entités à
mettre en avant une « identité calculée » (Georges, 2009, p. 166) de hub, propose ainsi de mettre « en
relation [des structures diverses] pour une innovation inclusive et durable à l’échelle »
13
des lieux
concernés.
11
https://www.social-hub.fr
12
https://avantagenumerique.org/2020/06/hub-creatif-la-creativite-a-son-meilleur/
13
https://impacthub.net : « We connect entrepreneurs and innovators to large organizations, cultural and public institutions. Why? To enable
inclusive and sustainable innovation at scale ».
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un hub éducatif régional cosmopolite. […] C’est une question de survie pour l’université » (Sall, 2014, § 18
et 28).
Ces approches n’abordent qu’une partie du périmètre que recouvre l’appellation « hub social », car elles
correspondent davantage à des hubs et des hubs éducatifs qu’à des hubs sociaux et des hubs sociaux
éducatifs. Les hubs sont des espaces ou des moyens de regroupement, de concentration et de
rayonnement. Ils rapprochent des disciplines, des projets, des acteurs et communiquent massivement sur
les productions des acteurs et leur capacité d’attraction basée sur la diversité de leur offre. Les hubs
sociaux mettent l’accent sur l’influence de leurs dynamiques sociales, les échanges et les relations entre
les personnes, les partenaires et les liens qui les unissent. Ces aspects ne sont pas nécessairement
absents dans les hubs, mais ils sont indispensables à l’identité et à la vie d’un hub social.
Hubs sociaux, éthique et enjeux
Les hubs sociaux éducatifs sont porteurs d’enjeux sociétaux. Depuis fort longtemps, les universités et
divers établissements agrègent des disciplines et des ressources de manière à favoriser la
pluridisciplinariet à obtenir la masse critique nécessaire pour atteindre des objectifs tels que figurer dans
les classements internationaux. De même, communiquer sur ses succès, les manifestations en cours et à
venir, les axes de travail, la philosophie et les valeurs d’une structure sont des activités courantes. En
revanche, mettre en œuvre des moyens pour révéler les effets de la fréquentation d’un établissement sur
ses clients, ses usagers, ses apprenants, ses publics et, si possible, son influence sur la qualité des liens
tissés entre eux est différent. Il ne s’agit pas seulement d’afficher des témoignages et des avis « vérifiés »,
mais d’instaurer une véritable continuité dans la production « d’activités de natures médiatiques » (Gobert
et Ravetllat, 2020, p. 76) pour rappeler l’image d’une communauté soudée par des valeurs consensuelles
et prête à s’engager publiquement à les diffuser au nom de l’organisation.
Si le but reste de maintenir et de développer de l’activité, il semble que dans le cas d’un hub social, cela
soit fait en référence à une éthique énoncée. Cette éthique, souvent nommée « valeurs » dans un contexte
d’application, est devenue un leitmotiv infocommunicationnel, car elle apporte un effet de label. Elle
garantit une qualité de service particulière dans un monde publicisé où la « responsabilité » de chacun est
perçue comme participant d’un enjeu collectif. Elle se décline en particulier dans une quête de signification
reliant la personne au collectif, l’individu à l’humanité, au vivant (la biocénose), au milieu (le biotope).
Un simple butinage sur la toile révèle que la majorité des sites Internet émanant de structures arborant
une identité de hub social mettent en avant l’apport de sens. Ce sens se déclinerait dans une pragmatique
du vivre ensemble aujourd’hui et demain. L’entraide, « l’expérimentation de nouvelles manières de
travailler »
11
, l’échange de connaissances, voire « l’opportunité de s’élever ensemble au lieu d’écraser les
autres »
12
dans la convivialité en seraient quelques clés. Impacthub, l’une des plus anciennes entités à
mettre en avant une « identité calculée » (Georges, 2009, p. 166) de hub, propose ainsi de mettre « en
relation [des structures diverses] pour une innovation inclusive et durable à l’échelle »
13
des lieux
concernés.
11
https://www.social-hub.fr
12
https://avantagenumerique.org/2020/06/hub-creatif-la-creativite-a-son-meilleur/
13
https://impacthub.net : « We connect entrepreneurs and innovators to large organizations, cultural and public institutions. Why? To enable
inclusive and sustainable innovation at scale ».
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Le choix du vocabulaire utilisé peut paraître convenu. Il semble néanmoins en adéquation avec le
« principe de responsabilité » (Jonas, 1979/1990, p. 40), étroitement associé à l’éthique, considérée
comme une « réflexion continue et approfondie sur les valeurs de l’organisation et sur les moyens
appropriés à la poursuite de ces valeurs » (Turner, 2009, p. 1). Pour paraphraser Marie-Josée Drolet
(2014), nombre de hubs proposent des valeurs et des principes pour orienter la conduite des uns à l’égard
des autres et promeuvent de hauts standards de pratique. Communiquer avec de telles bases permet de
s’appuyer sur un label de qualité, particulièrement dans un marché de l’éducation devenu fortement
concurrentiel.
Hub social éducatif, institutionnalisation de soi
Les activités d’un élève ou d’une personne privée sur les réseaux sociaux ne peuvent guère se comparer
avec la dynamique organisationnelle de community managing d’une structure professionnelle comme un
établissement éducatif. Une université, un Lycée, un centre de formation, un partenaire culturel ne
poursuivent pas les mêmes buts et sont sensibles à d’autres enjeux que ceux de leurs apprenants, même
si ces derniers sont invités à en relayer les publications. Le concept de hub social, qui concernait au départ
le pôle d’attraction et d’émission communicationnelles d’étudiants sur des sites de réseautage, s’est élargi
en décrivant des pratiques observables à différentes échelles et à différents milieux, avec des moyens
conséquents. Il permet de considérer une variété de dispositifs et de situations qui reposent néanmoins
sur des bases conceptuelles communes.
Les hubs sociaux, personnels ou d’organisations, sont des « lieux comportementaux » (Goffman, 1988,
p. 196), physiques ou virtuels, « supports de comportements » (Rouchouse, 1989, p. 24). Bien avant le
numérique, dans un texte célèbre évoquant les circonstances publiques où l’on peut se ternir par la main,
Erwin Goffman (1973, p. 218) décrivait l’influence des espaces sur les usages. Intuitivement, les sujets
conscientiseraient ces « régions », considérées comme « tout lieu borné par des obstacles à la
perception » (Goffman, 1973, p. 105) où se déroulent des « scènes », en fonction d’ancrages culturels et
de règles à respecter. Il est possible d’imaginer que l’auteur de « la mise en scène de la vie quotidienne »
(Goffman, 1973) aurait apprécié la perspective d’intégrer dans son ouvrage un chapitre supplémentaire
sur les « représentations » de soi en ligne.
Les réseaux socionumériques peuvent être considérés comme de telles scènes. Publier à propos de soi
et de son entourage est encouragé par ces dispositifs. C’est l’une de leurs fonctionnalités, acceptée ou
tolérée par les utilisateurs. Chacun « sait » que les sites sociaux servent à cela. Répétées, ces activités
de réseautage créent des lignes directrices dont la solidité et la persistance relèvent du « hubbing social ».
Le hubbing social a donc pour objet de proposer une image destinée à forger une notoriété durable via
des canaux multiples de communication virtuels ou physiques. La publication d’éléments privés tels que
des opinions, des actes, des circonstances de l’existence ou des éléments internes de la vie de
l’établissement lorsqu’il s’agit d’une structure renforcent chez les émetteurs et les récepteurs la perception
qu’il s’agit d’échanges de nature relationnelle il y a communication, information, mais pas toujours
relation.
Le hubbing social se distingue du réseautage. Il se manifeste par l’intensité et la répétition dans le temps
de l’usage d’outils destinés à valoriser la qualité de la socialité in situ et hors les murs. De tels
comportements sont forcément chronophages. Un tel investissement, par son intensité, ressemble à une
activité quasi professionnelle lorsqu’il est personnel et ajoute du temps de travail aux services de
communication ou à ceux qui s’en chargent dans l’espace économique et associatif. Se présenter comme
un hub social et l’entretenir n’est absolument pas neutre.
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Nombre d’établissements autodéclarés comme des hubs éducatifs font référence à une concentration de
services. Mais les actions décrites sur la plupart des pages Internet semblent de plus en plus relever de
hubs sociaux tant l’aspiration à la médiation sociale y est omniprésente. Certes, nombre de publications
évoquent la qualité technique des équipements pédagogiques, la compétence des équipes ou encore le
caractère rassembleur de populations et de datas. Mais l’accent est de plus en plus mis sur la
recrudescence « d’activités de nature médiatique » (Gobert et Ravetllat, 2020, p. 76) les auteurs se
comportent comme des médias. Les publications, qu’elles soient autocentrées ou non, ont vocation à
rappeler qui est l’émetteur de leur contenu et ses qualités.
Deux situations se présentent. Soit le hub social est celui d’une personne privée qui peut d’ailleurs
appartenir au monde éducatif, soit il est animé par une association, une entreprise, un établissement. Le
développement massif des autoentrepreneurs ces dernières années crée une situation les deux se
confondent. Elle sera étudiée prochainement, mais il n’est pas encore possible de préciser si l’aspect
individuel prend le pas sur le collectif. Dans les trois situations, qui relèvent d’échelles allant du plus petit
au plus grand, la motivation des actes proviendrait, entre autres, d’une quête « d’institutionnalisation de
soi » (Gobert, 2010; Gobert et Ravetllat, 2020, p. 76; Gobert, 2021, p. 56) et de la mise en œuvre de sa
perpétuation.
En effet, les activités de nature médiatique sont effectuées par des acteurs qui ne sont pas des médias.
Les objectifs et les méthodes diffèrent. La communication n’est pas du journalisme et inversement. Pour
autant, la plupart des utilisateurs semblent obtenir un minimum de bénéfices, car la fidélité aux dispositifs
socionumériques démontre qu’ils satisfont globalement aux demandes. Des effets de mode provoquent
des migrations de l’un vers l’autre, mais la plupart des sites, même les premiers
14
, se sont maintenus.
L’hypothèse, qui a été vérifiée dans d’autres travaux, est qu’ils assurent, par l’effet de procédés de
communication instituante (Bernard, 2010), le moyen le plus accessible et le plus populaire de bénéficier
d’un service d’institutionnalisation de soi distinct de « l’institution du soi » théorisée par Ehrenberg (1998,
p. 243).
Ce type de services permet au sujet de mettre « en œuvre des processus […] qui calquent, à son échelle,
ceux d’une institution ou du représentant de l’une d’elles. L’individu est le référent de son image en ligne »
(Gobert et Ravetllat, 2020, p. 64). En tant que référent, le voici devenu l’objet de sa propre manipulation
du dispositif dans une mise en abîme propre à favoriser l’apparition de biais d’optimisme. Les activités de
nature médiatique n’étant pas des actes destinés à des médias institutionnels, une illusion d’aisance et de
facilité apparait rapidement. La frontière entre l’autopublication et la soumission de sa production à une
autorité est particulièrement engageante. C’est pourquoi la majorité des auteurs de publications
entretiennent la croyance que certaines formes récurrentes de participations sociales de nature médiatique
le sujet se conduit comme un communicant concourent à la création d’une popularité suffisamment
robuste pour générer une notoriété personnelle de nature institutionnelle. C’est une illusion
d’institutionnalisation de soi. Des mécanismes identiques sont éventuellement à l’œuvre pour des
associations, des organisations, des établissements qui se perçoivent comme porteur d’une influence
supérieure à ce qu’elle est.
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Limites
Le concept de hub social se heurte partiellement à des limites méthodologiques et empiriques. Sur le plan
méthodologique, la plupart des travaux ont été réalisés dans un cadre qualitatif. Ils ne sont donc pas
généralisables. Dans ce numéro, l’étude de Jean-François Ceci propose une alternative quantitative
porteuse d’une euristique. Par ailleurs, sur le plan empirique, l’une des limites observées est l’existence
d’illusions d’institutionnalisation de soi, à l’œuvre dans les hubs sociaux et dont l’influence nécessite d’être
approfondie pour ne plus constituer une pierre d’achoppement.
En effet, l’illusion d’institutionnalisation de soi engendre des comportements où le sujet, qui peut être une
entreprise, une association ou un établissement, surestime l’importance de son opinion, de ses
compétences et de son influence. Il lui semble dès lors nécessaire d’entretenir régulièrement son image
en multipliant les activités de nature médiatique dans un hub social numérique et éventuellement physique.
Or l’un des objectifs de structures éducatives est précisément de faire passer leurs apprenants du stade
de l’illusion d’institutionnalisation de soi, portée par des activités de nature médiatique, à celle d’une
participation à une institution par l’immersion professionnelle. L’illusion d’institutionnalisation de soi peut
être positive; elle rend possibles des investissements et des actions dans le temps long, encourage
l’engagement dans des rôles de médiation, génère de l’autopublication et, par même, de la participation
à la vie sociale, aux collectifs. Il sera donc utile d’en clarifier l’influence comme une composante d’équilibre
inhérente aux hubs sociaux et comme une limite aux capacités de décision des sujets.
Il y a donc un enjeu significatif à mobiliser la communauté scientifique pour décrire et questionner les
pratiques et usages de ces espaces qui rapprochent la présence à l’école et la présence de l’école
(Humbeeck, 2020). Ils valorisent l’appétence pour la dimension sociale, la diversité des contacts et le
maintien de la relation à l’autre autour d’une thématique, d’un objet ou d’une motivation partagée dans un
espace connu (Sall, 2014). La notoriété du syntagme « hub social » est récente, mais elle désigne un
ensemble de lieux, d’activités et de méthodes en constant développement qui gagnent à être interrogés
en mobilisant ce concept.
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