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14, 2023
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Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
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Introduction
À l'heure où les médias sociaux apparaissent comme le premier moyen d'information des jeunes
(Boyadjian, 2020), il est important de s'intéresser à la manière dont les futurs citoyens sont éduqués aux
médias et à l'information. L’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture
(UNESCO) a en effet, dès les années 1970, fait pressentir la nécessité de passer d’une logique d’éducation
par les médias (les médias servent de support aux apprentissages) à une éducation aux médias qui
deviennent de véritables objets d’étude; par la suite, la Déclaration de Grunwald (UNESCO, 1982)
constatait l’omniprésence des médias et préconisait une forme de coéducation :
L’éducation aux média sera plus efficace si les parents, les maîtres, le personnel des média et les
responsables des décisions reconnaissent qu’ils ont tous un rôle à jouer pour favoriser
l’émergence d’une conscience critique plus aiguë des auditeurs, des spectateurs et des lecteurs
(UNESCO, 1982).
Plus tard, la nécessité d’une « maîtrise de l’information » a pris corps avec la Déclaration d’Alexandrie en
2005; il s’agissait alors de former l’individu de manière à ce qu’il soit capable d’intégrer la recherche,
l’évaluation et la création de l’information dans ses pratiques, qu’elles soient personnelles,
professionnelles ou encore sociales. Les changements de paradigme induits par la multiplication des
dispositifs médiatiques, informationnels et numériques, l’avènement des médias sociaux et le caractère
désormais pervasif de l’information (Resmini et Rosati, 2011) ont, depuis, mis en évidence la nécessité de
fusionner ces deux approches pour une Éducation aux médias et à l’information (EMI), en anglais, Media
and Information Literacy (MIL). Notons le glissement entre le terme anglais literacy (en français,
« littératie ») et le choix en français de « éducation à… ». L’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) a défini la littératie comme l’« aptitude à comprendre et à utiliser
l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre
des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités » (OCDE et Statistique Canada,
2000, p. 12); il s’agit alors pour l’individu de maîtriser l’écrit, qu’il soit sous forme de texte suivi, de texte
schématique ou encore de texte au contenu quantitatif. La littératie relève par ailleurs d’une perception
cognitive, symbolique, sociale ou encore culturelle (Perdriault, 2012) et renvoie au principe
d’alphabétisation. La notion d’« éducation à … »
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pour sa part permet de prendre en compte dans l’École
des réalités qui vont au-delà des seuls savoirs savants (Fabre, 2014) et qui correspondent à des pratiques
sociales nouvelles; une « éducation à … » ne relève donc pas d’une discipline en particulier, mais d’une
approche transversale dont devrait s’emparer, à l’École, tout enseignant qui a pour mission d’éduquer les
futurs citoyens et de les aider à se construire un esprit critique (Sahut, 2017). Ces deux points de vue nous
semblent complémentaires, surtout eu égard à la trame conceptuelle proposée par l’UNESCO (Wilson et
al., 2012) qui identifie par ailleurs trois objectifs majeurs pour l’EMI : connaître les médias et leur
fonctionnement, avoir de l’esprit critique pour être exigeant en matière d’information et être capable de
jouer un rôle en matière de production. Le terme « littératie » est cependant polysémique, puisqu’au sens
précisé par l’OCDE, s’ajoutent deux autres acceptions : « possession de compétence et d’habileté » et
« élément d’apprentissage »; l’UNESCO situe par ailleurs la MIL à la convergence d’autres littératies :
digital literacy, Internet literacy… une convergence qui renvoie selon Le Deuff (2012) à la translittératie
(Thomas et al., 2007) Nous retenons pour notre part que l’EMI se trouve à la croisée des pratiques
médiatiques, informationnelles et numériques (MIN). Ces pratiques sont interdépendantes et résultent
d’une combinatoire entre savoir, savoir-faire et savoir-être.
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Le système éducatif français comporte par exemple l’éducation à la santé, à la citoyenneté, au développement durable, aux médias
et à l’information.