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1
Lespratiquesmédiatiques,
informationnellesetnumériquesdes
futursenseignantsauBénin,unenjeupour
l’éducationauxmédiasetàl’information
Lecasdel’ÉcoleNormaleSupérieuredePorto-Novo
TheMediaandInformationPracticesofFutureTeachersin
Benin,anissueforMediaandInformationLiteracy:AStudy
CaseinÉcoleNormaleSupérieureinPorto-Novo
LaimportanciadelaAlfabetizaciónMediáticaeInformacional,
lasprácticasmediáticaseinformativasdelosfuturos
profesoresenBenin:ElcasodelaÉcoleNormaleSupérieureen
Porto-Novo
https://doi.org/10.52358/mm.vi14.320
Ghislain Chasme, docteur en sciences de l’information et de la communication
Université de Rouen Normandie, France
ghislain.chasme@univ-rouen.fr
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RÉSUMÉ
L’éducation aux médias et à l’information se situe à la croisée des pratiques médiatiques,
informationnelles et numériques; il s’agit de doter l’individu d’un appareillage conceptuel et
méthodologique susceptible de l’aider à mettre en œuvre une approche critique des médias
et de l’information, et à s’emparer de son écosystème informationnel plutôt que de le subir.
Cet article pose la question des pratiques médiatiques, informationnelles et numériques des
futurs enseignants au Bénin et prend appui sur une recherche qui se situe dans une
perspective compréhensive. Les enquêtés décrivent leurs pratiques au moyen d’un
questionnaire exploratoire suivi d’un entretien de groupe. Les données collectées montrent
d’une part que les pratiques sont essentiellement non formelles et s’appuient sur l’usage du
téléphone mobile, et mettent en évidence d’autre part le besoin de formaliser des
connaissances et compétences que les étudiants pourront transférer à leurs futurs élèves.
Mots-clés :
pratiques médiatiques, pratiques informationnelles, pratiques numériques,
écosystème informationnel, littératie
ABSTRACT
Media and information literacy stand at the intersection of media, information and digital
practices; the issue is to provide people with a conceptual and methodological apparatus likely
to help them to implement a critical approach to the media and information and to seize their
informational ecosystem rather than to undergo it. This article raises the question of the media,
informational and digital practices of future teachers in Benin and is based on research that is
situated in a comprehensive perspective. The practices are questioned by means of an
exploratory questionnaire followed by a group interview. The data collected show, on the one
hand, that the practices are mainly informal and rely on the use of mobile phones, and the
other hand, they highlight the need to formalize knowledge and skills that students can transfer
to their future students.
Keywords: media practices, information practices, digital practices, information ecosystem,
literacy
RESUMEN
La alfabetización mediática e informacional se encuentra en la intersección de las prácticas
mediáticas, informativas y digitales; consiste en dotar al individuo de un aparato conceptual y
metodológico susceptible de ayudarlo a implementar un enfoque crítico de los medios y de la
información, y a aprovechar su ecosistema informacional en lugar de sufrirlo. Este artículo
plantea la cuestión de las prácticas mediáticas, informativas y digitales de los futuros
profesores en Benin y se basa en una investigación que se sitúa en una perspectiva
comprensiva. Las prácticas se cuestionan mediante un cuestionario exploratorio seguido de
una entrevista grupal. Por un lado, los datos recogidos muestran que las prácticas son
esencialmente informales y se basan en el uso de teléfonos móviles y, por otro lado, destacan
la necesidad de formalizar conocimientos y habilidades que los estudiantes puedan transferir
a sus futuros alumnos.
Palabras clave:
prácticas mediáticas, prácticas informativas, prácticas digitales, ecosistema
informativo, alfabetización
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Introduction
À l'heure où les médias sociaux apparaissent comme le premier moyen d'information des jeunes
(Boyadjian, 2020), il est important de s'intéresser à la manière dont les futurs citoyens sont éduqués aux
dias et à l'information. L’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture
(UNESCO) a en effet, dès les années 1970, fait pressentir la nécessité de passer d’une logique d’éducation
par les médias (les médias servent de support aux apprentissages) à une éducation aux médias qui
deviennent de véritables objets d’étude; par la suite, la Déclaration de Grunwald (UNESCO, 1982)
constatait l’omniprésence des médias et préconisait une forme de coéducation :
L’éducation aux média sera plus efficace si les parents, les maîtres, le personnel des média et les
responsables des décisions reconnaissent qu’ils ont tous un rôle à jouer pour favoriser
l’émergence d’une conscience critique plus aiguë des auditeurs, des spectateurs et des lecteurs
(UNESCO, 1982).
Plus tard, la nécessité d’une « maîtrise de l’information » a pris corps avec la Déclaration d’Alexandrie en
2005; il s’agissait alors de former l’individu de manière à ce qu’il soit capable d’intégrer la recherche,
l’évaluation et la création de l’information dans ses pratiques, qu’elles soient personnelles,
professionnelles ou encore sociales. Les changements de paradigme induits par la multiplication des
dispositifs médiatiques, informationnels et numériques, l’avènement des médias sociaux et le caractère
désormais pervasif de l’information (Resmini et Rosati, 2011) ont, depuis, mis en évidence la nécessité de
fusionner ces deux approches pour une Éducation aux médias et à l’information (EMI), en anglais, Media
and Information Literacy (MIL). Notons le glissement entre le terme anglais literacy (en français,
« littératie ») et le choix en français de « éducation à… ». L’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) a défini la littératie comme l’« aptitude à comprendre et à utiliser
l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivien vue d’atteindre
des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités » (OCDE et Statistique Canada,
2000, p. 12); il s’agit alors pour l’individu de maîtriser l’écrit, qu’il soit sous forme de texte suivi, de texte
schématique ou encore de texte au contenu quantitatif. La littératie relève par ailleurs d’une perception
cognitive, symbolique, sociale ou encore culturelle (Perdriault, 2012) et renvoie au principe
d’alphabétisation. La notion d’« éducation à »
1
pour sa part permet de prendre en compte dans l’École
des réalités qui vont au-delà des seuls savoirs savants (Fabre, 2014) et qui correspondent à des pratiques
sociales nouvelles; une « éducation à » ne relève donc pas d’une discipline en particulier, mais d’une
approche transversale dont devrait s’emparer, à l’École, tout enseignant qui a pour mission d’éduquer les
futurs citoyens et de les aider à se construire un esprit critique (Sahut, 2017). Ces deux points de vue nous
semblent complémentaires, surtout eu égard à la trame conceptuelle proposée par l’UNESCO (Wilson et
al., 2012) qui identifie par ailleurs trois objectifs majeurs pour l’EMI : connaître les médias et leur
fonctionnement, avoir de l’esprit critique pour être exigeant en matière d’information et être capable de
jouer un rôle en matière de production. Le terme « littératie » est cependant polysémique, puisqu’au sens
précisé par l’OCDE, s’ajoutent deux autres acceptions : « possession de compétence et d’habileté » et
« élément d’apprentissage »; l’UNESCO situe par ailleurs la MIL à la convergence d’autres littératies :
digital literacy, Internet literacy… une convergence qui renvoie selon Le Deuff (2012) à la translittératie
(Thomas et al., 2007) Nous retenons pour notre part que l’EMI se trouve à la croisée des pratiques
médiatiques, informationnelles et numériques (MIN). Ces pratiques sont interdépendantes et résultent
d’une combinatoire entre savoir, savoir-faire et savoir-être.
1
Le système éducatif français comporte par exemple l’éducation à la santé, à la citoyenneté, au développement durable, aux médias
et à l’information.
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Notre intérêt, dans le cadre de cet article, se porte sur le continent africain et plus précisément sur le Bénin.
Outre le fait que ce soit notre pays de naissance, cet intérêt est de deux missions d'enseignement et
de coopération universitaire que nous avons menées récemment à l'École Normale Supérieure de Porto-
Novo, l'organisme qui forme les futurs enseignants du secondaire au Bénin; nous avons animé un
enseignement intitulé « Culture numérique, éducation aux médias et à l'information » (CNEMI). Nous
avons découvert au début que la problématique de l'éducation aux médias et à l'information était mal
connue pour nos interlocuteurs, que ce soient les enseignants ou les étudiants de l'ENS. Il nous est
d’ailleurs apparu que les uns comme les autres ont rapidement adhéré à l'idée d'un tel enseignement, tant
ils avaient l'intuition que, dans ce domaine, le besoin de formation des étudiants était important. En
réalisant ces missions, des questions concernant les pratiques médiatiques et informationnelles des
étudiants au Bénin ont émergé : quelles sont leurs manières de faire? Quelles connaissances arrivent-ils
à construire? Quels sont leurs besoins en formation? Nous avons de fait été confronté au manque
d'indicateurs sur ces points.
Le présent article fait état de la recherche que nous avons menée pour commencer à apporter des
éléments de réponses à ce questionnement; nous nous situons dans une approche info-
communicationnelle des dispositifs sociotechniques dans l’enseignement. La posture est par ailleurs
exploratoire (Trudel et al., 2006); en effet, il s’agit d’une première approche qui, nous l’espérons, nous
fournira un ensemble de connaissances épistémologiques, théoriques, méthodologiques ou encore
techniques permettant de mener à bien une recherche future à grande échelle. Après un cadre théorique
et conceptuel qui débouche sur une question de recherche et une hypothèse, nous présentons notre cadre
méthodologique, les résultats obtenus et les discussions, avant de conclure en évoquant l'apport de cette
recherche et les perspectives qu'elle a générées.
Cadre théorique et conceptuel : éduquer aux médias et à
l’information en Afrique
L’éducation aux médias et à l’information à la croisée des pratiques
médiatiques, informationnelles et numériques
Nous entendons par « pratiques » un ensemble d'arts de faire (Certeau, 2010) mis en œuvre par un groupe
représentatif d'individus au service d'un projet. Notre approche se situe entre la sociologie des usages
(Proulx, 2015) et la sociologie de l'innovation (Flichy, 2003) et considère que les utilisateurs jouent un rôle
actif (Akrich, 2013) dans la conception des dispositifs dont ils font partie, qu’ils soient sociotechniques
et/ou d’apprentissage, une forme de proactivité qui les amène à adopter l’attitude du pronétaire (Rosnay,
2006). Nous souhaitons s'interroger sur le comportement et les représentations des individus quand ils
sont en situation de « maîtriser » l’information (au sens de la Déclaration d’Alexandrie) ou de la
communiquer; nous adoptons de ce fait une approche info-communicationnelle des dispositifs
sociotechniques que nous appliquons au contexte de l’enseignement. Nous considérons ainsi avec
Chaudiron et Ihadjadene (2010) ces pratiques comme
la manière dont un ensemble de dispositifs, de sources formelles ou non, d’outils, de compétences
cognitives sont effectivement mobilisés, par un individu ou un groupe d’individus, dans les
différentes situations de production, de recherche, d’organisation, de traitement, d’usage, de
partage et de communication de l’information (Chaudiron et Ihadjadene, 2010).
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Nous nous intéresserons alors précisément à trois instances : les dispositifs mobilisés, les usages
envisagés et les connaissances et compétences induites. Nous nous inspirons à ce titre de travaux qui ont
investi le champ des pratiques info-communicationnelles en situation d’apprentissage, que ce soit pour
des étudiants (Kennel, 2014) ou des enseignants (Aillerie et Rakotomalala Harisoa, 2020). Nous avons
par ailleurs établi un lien entre les pratiques MIN et certaines des connaissances en information-
documentation mobilisées dans une enquête réalisée par l’Association des professeurs documentalistes
de l’Éducation nationale (APDEN) en France (Ballarini et al., 2015). Les connaissances que nous avons
retenues pour cette recherche relèvent de l’information et de la communication, et correspondent aux cinq
domaines identifiés par le cadre de référence européen DigComp
2
sur lequel est adossé l’EMI en Europe :
informations et données, communication et collaboration, création de contenu, protection et sécurité. Ces
connaissances sont adossées aux notions suivantes : identité numérique, moteur de recherche, source,
fiabilité de l'information, réseautage social, droit de l'information, évaluation de l'information, éthique de
l'information auteur et environnement numérique. Nous avons également pris en considération la porosité
de plus en plus prégnante entre les pratiques formelles et non formelles et entre les pratiques scolaires et
extrascolaires. Nous entendons ainsi par pratiques formelles des manières de faire induites par une
situation d’apprentissage conçue par un enseignant et qui implique des tâches précises. Les pratiques non
formelles sont pour leur part issues de besoins induits par des situations sociales qui ne relèvent pas d’un
apprentissage conçu. De nos jours, la numérisation des situations sociales implique une plus grande
porosité entre ces pratiques. Il nous reste à présent à évoquer les contextes africain et béninois.
EMI et pratiques MIN dans les contextes africain et béninois
L’Afrique est le deuxième marché mondial, derrière l’Asie, pour ce qui concerne la téléphonie mobile
(Coulibaly, 2014); les réseaux mobiles de quatrième et de cinquième génération (4G et 5G) offrent ainsi
la possibilité d’être connecté au réseau mondial. Comment alors formaliser les pratiques MIN dans les
contextes scolaire et universitaire et comment les mettre en perspective avec les pratiques non formelles
ou encore extrascolaires? Corroy et Apo Yanon (2019) ont procédé à l’analyse des programmes scolaires
de cinq pays francophones d’Afrique de l’Ouest : le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Sénégal
et le Togo, pour percevoir si l’éducation aux médias et au numérique était prise en compte dans ces textes
institutionnels. Il ressort de ce travail que les pays observés intègrent essentiellement l’éducation par les
médias et seulement, dans une certaine mesure, une forme d’éducation aux médias dans leurs curricula.
Il se pose alors la question des pratiques MIN des universitaires, qu’ils soient enseignants ou étudiants.
Selon une étude réalisée par Attenoukon (2020) à l’Université Abomey-Calavi au Bénin, les enseignants
sont majoritairement équipés en ordinateurs connectés à Internet, contrairement aux étudiants qui
fréquentent essentiellement les cybercafés. Les pratiques les plus répandues sont le réseautage social
(Facebook), la recherche d’information et l’envoi de courriers électroniques; les enseignants déclarent par
ailleurs manquer de compétences technopédagogiques. Cette enquête ne tient cependant pas compte
des usages du téléphone mobile; il nous semble que ce dispositif contribue largement aux pratiques MIN,
qu’elles soient formelles ou non formelles, scolaires ou extrascolaires. Enfin, au Bénin comme partout
ailleurs, la crise sanitaire a induit des tentatives de mise en œuvre de principes de formation à distance
(Alladatin et al., 2020).
2
https://joint-research-centre.ec.europa.eu/digcomp/digital-competence-framework_en
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Question de recherche et hypothèse
Pour rappel, notre recherche se situe dans une posture exploratoire; elle n’a par ailleurs aucune visée
statistique. Notre objectif est en effet de comprendre un phénomène dans un contexte donné. Notre
question générale de recherche se formule donc ainsi : qu'elles sont les pratiques MIN des futurs
enseignants au Bénin? Nous cherchons à faire la part entre pratiques formelles et non formelles, scolaires
et extrascolaires, tout en étant conscient de la relative porosité entre ces pratiques. Notre objectif est de
mettre ces pratiques en perspective avec les connaissances MIN des étudiants. Notre hypothèse à ce
stade est que l’impact du téléphone mobile sur les pratiques MIN est prégnant et renforce la nécessité
d’une éducation aux médias et à l’information adossée au développement d’une culture numérique
(CNEMI); c’est a priori un préalable pour que les futurs enseignants puissent à leur tour éduquer leurs
élèves. Nous pensons en effet que, par l’intermédiaire du téléphone mobile, des pratiques MIN non
formelles se développent et qu’il importe de les transposer dans un cadre formel; c’est en ce sens qu’elles
constituent un enjeu pour l’EMI. Nous avons alors identifié trois questions spécifiques pour cette
recherche :
À quel équipement les étudiants ont-ils accès, que ce soit sur leur lieu d'étude, de stage, ou à
domicile? Cet équipement est-il suffisant pour répondre aux besoins liés à leurs pratiques MIN?
Quelle est la place du téléphone mobile dans cet équipement?
À quoi leur sert cet équipement, autrement dit, quelles sont les pratiques les plus répandues?
Ces pratiques sont-elles formelles ou non formelles?
Quelles sont leurs connaissances en ce qui concerne les notions centrales du cadre de référence
européen DigComp : identité numérique, moteur de recherche, source, fiabilide l'information,
réseautage social, droit de l'information, évaluation de l'information, éthique de l'information et
auteur?
Il s’agit à présent d’envisager un cadre méthodologique pour répondre à ce questionnement.
Cadre méthodologique : s'interroger sur les
pratiques MIN
Notre intérêt se porte donc sur les pratiques médiatiques, informationnelles et numériques des futurs
enseignants pour mieux comprendre les facteurs possibles d’intégration de l’EMI dans leurs pratiques
pédagogiques. Précisons également que notre objectif n'est pas d'analyser le système éducatif béninois,
mais de comprendre les arts de faire des futurs enseignants que nous avons rencontrés. Nous présentons
dans cette section le contexte de l’étude, le protocole mis en œuvre et les résultats.
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Contexte de l’étude : les étudiants de l’École Normale Supérieure de
Porto-Novo
Au Bénin, la formation des enseignants du secondaire est assurée par l’École Normale Supérieure (ENS)
qui dispose de deux antennes : Porto-Novo et Natitingou. Elle dure trois ans (licence) pour le Brevet
d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement Secondaire (BAPES) ou le Brevet d’Aptitude au Professorat
de l’Enseignement Technique (BAPET) qui permettent d’enseigner au premier cycle (les quatre premières
années de l’enseignement secondaire) et cinq ans (master) pour le Certificat d’Aptitude au Professorat de
l’Enseignement Secondaire (CAPES) ou le Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement
Technique (CAPET) qui autorisent à enseigner dans le second cycle (les trois dernières années de
l’enseignement secondaire). Les étudiants ayant suivi un cursus ailleurs et détenteurs d’une licence ou
d’une maîtrise peuvent sous certaines conditions être autorisés à s’inscrire à l’ENS pour préparer le master
et le CAPES; la population en master est donc composée d’étudiants en formation initiale (FORINI) ou en
formation professionnelle directe (FORPROD). L’ENS Porto-Novo accueille les filières suivantes en
formation initiale : histoire-géographie, langues (anglais, espagnol, allemand), lettres modernes et
philosophie; en FORPROD, toutes les filières sont accueillies, sans distinction de discipline. Au cours de
leur cursus à l’ENS, les étudiants suivent un enseignement intitulé « Informatique » en première année et
un enseignement intitulé « NTIC » en troisième année. L’établissement possède une salle informatique
équipée de 15 ordinateurs sans connexion Internet. Nous sommes en contact avec cet établissement
depuis octobre 2021, dans le cadre du projet Fonds de solidarité prioritaire et innovante Plurilinguisme
d’enseignement au Bénin, sensibilisation des acteurs de l’éducation (FSPI-PEBS) soutenu par
l’Ambassade de France au Bénin et le Laboratorio arts contemporains. Nous avons notamment eu
l’occasion de participer à deux missions d’enseignement (octobre 2021 et juillet 2022) au cours desquelles
nous avons dispensé un enseignement « Culture numérique Éducation aux médias et à l’information »
(CNEMI) aux étudiants de première année (licence 1) puis à ceux de troisième (licence 3), quatrième et
cinquième année (master). C’est à la suite de la première mission en octobre 2021 qu’il nous est apparu
nécessaire de réaliser la présente enquête pour mieux connaître le contexte et comprendre les pratiques
des étudiants; elle s’est adressée aux étudiants en troisième année de licence et en master 1 et 2, dont
les effectifs figurent dans le tableau 1.
Tableau 1
Population des étudiants concernés par l’enquête
Filières
Licence 3
Master 1 et 2
Biologie
0
1
Histoire-géographie
30
2
Langues (allemand, anglais et espagnol)
106
32
Lettres modernes
103
19
Philosophie
24
4
Total
263
58
Note.
Ces chiffres nous ont été communiqués par l’enseignant-chercheur responsable du Service de
coopération de l’ENS Porto-Novo.
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Protocole mis en œuvre
Pour trouver des éléments de réponse à notre questionnement, nous avons mis en œuvre une démarche
composite, quantitative et qualitative qui s’appuie sur un questionnaire et un entretien de type focus group.
L’enquête a été menée entre le 10 mai et le 20 juillet 2022 auprès des étudiants en licence 3 et en master,
c’est-à-dire ceux qui ont suivi l’enseignement CNEMI en juillet 2022.
UN QUESTIONNAIRE EXPLORATOIRE POUR IDENTIFIER LES PRATIQUES
Pour concevoir ce questionnaire, nous avons mobilisé les travaux de Kennel (2014) et ceux de Ballarini et
al. (2015). Il a été réalisé par l’intermédiaire de l’application Limesurvey hébergée par l’Université de Rouen
Normandie; le lien pour y répondre a été communiqué, à notre demande, aux étudiants à partir du 10 mai
2022, par l’enseignant-chercheur responsable du Service de coopération de l’ENS Porto-Novo, via
WhatsApp. Nous avons par ailleurs incité les étudiants que nous avons vus en cours à participer à
l’enquête. Nous avons donc adopté la posture de l’échantillonnage non probabiliste (Ajar
et al
., 1983) en
réunissant un échantillon de convenance dont nous sommes conscient qu’il n’est pas représentatif, mais
qu’il s’inscrit bien dans la logique de cette recherche exploratoire. Il faut en moyenne 20 minutes pour
répondre au questionnaire qui comporte 36 questions réparties en 5 groupes :
Les données sociodémographiques;
L’équipement disponible à la maison;
L’équipement disponible dans les établissements où l’étudiant réalise ses études
et effectue son stage;
Les pratiques, représentations et connaissances des étudiants;
Le positionnement éventuel pour participer au focus group.
Nous avons obtenu 102 réponses qui se répartissent comme suit : 44 répondants en 3
e
année de licence
et 58 en master. Les filières représentées sont : 1 étudiant en biologie 6 en histoire-géographie, 15 en
langues, 68 en lettres et 12 en philosophie. Si les étudiants de master ont tous répondu au questionnaire,
il apparaît que seulement un étudiant sur six de licence a participé à l’enquête; il est vrai que cette
population était en pleine session d’examen lors de notre passage à l’ENS Porto-Novo en juillet 2022. Les
données collectées ont été traitées par tableur (LibreOffice Calc) pour un tri à plat et avec Rstudio pour un
tri croisé.
UN FOCUS GROUP POUR COMPRENDRE LES PRATIQUES ET PERCEVOIR LES REPRÉSENTATIONS
À la fin du questionnaire, nous avons demandé aux répondants de se positionner pour une participation
éventuelle à un entretien de groupe. Sept personnes ont répondu par la négative, ce qui signifie que 95 des
102 répondants ont donné leur accord, ce qui nous semble montrer une adhésion à notre démarche. Il
était de fait impossible pour nous de convier tout ce monde à l’entretien; nous avons donc, dans la logique
de l’échantillonnage non probabiliste, opéré une sélection en tenant compte des variables suivantes : le
niveau d’études, la filière et le genre. Il aurait sans doute été intéressant d’introduire la variable de l’âge
pour voir comment la maturité impacte les pratiques, mais une fois les variables précédentes appliquées,
la population n’était pas assez conséquente pour que cela soit significatif. Nous avons donc convié
24 répondants (tableau 4) à cet entretien de groupe le 20 juillet 2022 à 10 heures, dans les locaux de
l’ENS Porto-Novo.
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Tableau 2
Profil des personnes conviées et des personnes effectivement présentes à l’entretien
Variables
Nombre de personnes
conviées
Nombre de personnes
présentes
Niveau d’études
Licence 3
12
2
Master
12
8
Filière
Biologie
1
1
Histoire-géographie
4
4
Langues
3
0
Lettres modernes
12
3
Philosophie
4
2
Genre
Femme
12
5
Homme
12
5
Note. Au final, 10 des 24 personnes conviées étaient présentes à l’entretien.
Le focus group a été structuré autour de quatre thématiques :
1. Le participant et ses motivations pour participer à l’entretien;
2. Son rapport à l’information, aux médias et au numérique;
3. Les leviers selon le participant pour améliorer sa formation à l’ENS et les apprentissages de ses
élèves sur le lieu d’exercice ou de stage;
4. Divers : les participants sont invités, s’ils le souhaitent, à s’exprimer librement.
Les thématiques ont été abordées l’une après l’autre et il a été demandé aux étudiants de s’exprimer pour
chacune d’entre elles. L’entretien a effectivement démarré à 10 h 15, a duré 1 heure 24 minutes et a fait
l’objet d’une captation sonore et d’une retranscription dans laquelle les participants ont été nommés en
fonction de leur niveau d’études : Li1 ET Li2 pour les deux étudiants en troisième année de licence et Ma1
à Ma8 pour les huit étudiants en master. Nous avons alors codé les données en fonction du nommage et
du numéro de la thématique; exemple : Li1_1 pour l’étudiant n° 1 en troisième année de licence qui
s’exprime au sujet de la thématique 1. Nous avons ensuite catégorisé les données et les avons analysées
en fonction de notre question de recherche. La section suivante propose les résultats de cette double
collecte de données.
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Résultats
Les résultats exposés ci-après sont issus d’une triangulation des deux sources de données. Le verbatim
issu du focus group est systématiquement suivi du code précisant l’étudiant qui s’exprime et le numéro de
la thématique concernée, comme nous l’avons explicité dans la section précédente. Cette section est
organisée en trois parties qui correspondent aux trois questions de recherche que nous avons énoncées
dans la section dédiée au cadre méthodologique.
L'équipement est plutôt domestique; l'hégémonie du téléphone mobile
justifie la forte demande d'une connexion Wi-Fi sur les lieux d'étude et
de stage
Les répondants ont en majorité entre 18 et 30 ans; le genre masculin est le plus représenté (66 %).
Pratiquement deux tiers des participants déclarent posséder un ordinateur, qui est par ailleurs
majoritairement portable (figure 1). La question de la connexion au réseau est délicate : le fait qu’un tiers
seulement des appareils soit connecté à Internet est un chiffre qui semble en contradiction avec la
possession systématique par les répondants d’un téléphone mobile en 3, 4 ou 5G. A priori les ordinateurs
portables sont dotés d’un périphérique Wi-Fi. Peut-être alors faut-il voir une méconnaissance du principe
de partage de connexion.
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Figure 1
L’équipement à la maison
64 %
36 %
1a Disposez-vous d'un ordinateur à la maison?
Oui (Y)
Non (N)
3 %
95 %
2 %
1b De quel type d’ordinateur disposez-vous?
Ordinateur de bureau (A1)
Ordinateur portable (A2)
Ordinateur de bureau ET
ordinateur portable (A3)
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Tous les répondants déclarent posséder un téléphone mobile. Il se pose alors la question de la connexion
à Internet; si potentiellement presque tous les appareils offrent cette possibilité (figure 2), il s’avère dans
les faits que la fréquence de connexion dépend des moyens pécuniaires du moment : « Les sites dont
l’usage mérite la connexion Internet, je ne les fréquente pas comme ça parce que je n’ai pas de forfait tout
le temps » (Ma2_2), déclare d’ailleurs l’un des interviewés. Les opérateurs proposent certes des forfaits
illimités, mais les tarifs restent encore très élevés, voire prohibitifs, surtout pour des étudiants.
34 %
66 %
0 %
1c Cet ordinateur est-il connecté à Internet?
Oui (A1)
Non (A2)
Je ne sais pas (A3)
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Figure 2
La place du téléphone mobile
100 %
0 %
2a Possédez-vous au moins un téléphone mobile?
Oui (Y)
Non (N)
39 %
54 %
2 %
2 %
3 %
2b Ce téléphone est connecté au réseau Internet
3G (A1)
4G (A2)
5G (A3)
Aucune connexion Internet
(A4)
Je ne sais pas (A5)
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L’ordinateur sert essentiellement à réaliser les fiches de préparation de cours et stocker des ressources
téléchargées en ligne; dans ce dernier cas, il peut s’agir d’un usage personnel ou professionnel. L’une des
participantes à l’entretien, Ma4, précise même qu’il lui arrive, quand elle est sur son lieu de stage, de
regrouper ses élèves derrière elle pour visionner une vidéo qu’elle a pris le soin de télécharger sur son
PC, ce qui met en relief le besoin d’un dispositif de vidéoprojection. Onze pour cent des répondants
déclarent par ailleurs posséder une tablette qui, une fois sur deux, est reliée à Internet. L’équipement de
l’établissement de formation est un des enjeux majeurs. Le manque de salles de cours équipées et
connectées à Internet implique des cours théoriques d’informatique qui s’appuient sur du non-formel en
obligeant les enseignants à solliciter les étudiants; l’un des participants à l’entretien précise :
« Je me rappelle en 1
re
année, il y avait un cours intitulé « Informatique »; pour faire ce cours le
professeur a nous demander d’apporter notre propre ordinateur, ce qu’on a fait, mais il n’y avait
pas de connexion donc on était obligés de se partager des tutoriels… » (Ma2_3).
Le manque d’une salle accessible en autonomie est également évoqué par plusieurs interviewés, tout
comme le manque d’une bibliothèque. Cependant, pour une grande majorité des participants à l’entretien,
l’urgence réside dans une connexion Wi-Fi à l’ENS, ce qui est en cohérence avec le fait que les étudiants
disposent d’un téléphone mobile :
« Ce qui manque ici principalement c’est… bon je ne dirai pas une salle informatique mais une
connexion Wi-Fi parce que ici à l’université, à mon avis, nous n’avons pas besoin d’avoir les
ordinateurs dans une classe, il faut juste avoir une connexion internet parce que nous avons tous
au moins un téléphone Android et aussi des ordinateurs portatifs, donc il faut qu’on ait un WIFI
pour pouvoir venir faire différentes activités sur le Net » (Ma4_3).
Tout ceci implique, aux dires des interviewés, une évolution des pratiques pédagogiques de leurs propres
enseignants et une intégration dans la formation des futurs enseignants d’un enseignement de type
CNEMI. L’un d’eux propose même que le numérique soit intégré dans les critères de sélection pour le
recrutement à l’ENS :
« Ce que je vais proposer c’est qu’avant de passer le concours d’entrée à l’ENS, je souhaiterais
qu’ils exigent que nous ayons au moins un minimum de pratiques en informatique » (Li1_3).
Sur le lieu de stage, intégrer l’EMI dès le primaire, « parce que quand tu commences dès le bas âge, ça
aide à évoluer » (Ma6_3), contribuerait à être en cohérence avec la formation des futurs citoyens. Un
équipement suffisant, dans un contexte où les effectifs en secondaire peuvent atteindre 70 voire 80 élèves
par classe, relève de la gageure, et il faudrait alors que les enseignants du secondaire fassent eux aussi
évoluer leurs pratiques pédagogiques.
Les étudiants sont donc majoritairement équipés d'un ordinateur portable et tous possèdent un téléphone
mobile. L'équipement mis à leur disposition sur les lieux d'étude et de stage est cependant jugé insuffisant;
le manque de connexion Wi-Fi empêche les étudiants d'avoir recours à leur téléphone mobile pour pallier
l'insuffisance de l'équipement.
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Des pratiques essentiellement non formelles…
En effet, ces pratiques sont essentiellement mobilisées lors de situations qui n’ont pas été conçues pour
un apprentissage. Nous avons demandé aux enquêtés de se positionner sur une échelle de Lickert au
regard de leur manière de s’informer d’une part, de leur maîtrise du numérique d’autre part (figure 3). Les
résultats montrent une forme de confiance dans leurs compétences, même si, dans un cas comme dans
l’autre, plus de la moitié s’estiment « moyens »; en effet, 44 % s’estiment « plutôt bons », « très bons » ou
« experts » quand il s’agit de s’informer sur Internet, un pourcentage qui tombe à 22 % quand il s’agit du
numérique.
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Figure 3
L’autopositionnement au regard des manières de s’informer et du numérique
3 %
54 %
23 %
18 %
2 %
3a Concernant vos manières de vous informer à titre
personnel sur Internet, vous êtes plutôt...
novice (A1)
moyen (A2)
plutôt bon (A3)
très bon (A4)
expert (A5)
17 %
52 %
21 %
9 %
1 %
3b Concernant le numérique, vous êtes plutôt …
novice (A1)
moyen (A2)
plutôt bon (A3)
très bon (A4)
expert (A5)
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Dans les pratiques évoquées par les interviewés, notons l’actualisation des connaissances. L’accès au
réseau mondial permet d’effectuer des recherches et de trouver de l’information utile à la préparation des
exposés ou à la conception des fiches de préparation. Il s’agit également de compléter les ressources
disponibles à la bibliothèque universitaire. L’un des interviewés, Ma8_2, évoque à ce sujet l’accès qu’il a
pu avoir de manière détournée à la bibliothèque virtuelle de l’UAC, ce qui lui a été fort utile. Il s’agit enfin
de trouver des ressources pour illustrer son cours, des vidéos notamment, ou pour assouvir une passion.
Que ce soit de manière formelle ou non formelle, sans surprise, les pratiques médiatiques s’appuient sur
le réseautage social (figure 4); à ce sujet, Facebook et WhatsApp restent la référence. Un seul des
répondants déclare ne pas avoir de compte sur une plateforme de réseautage social : à la question
conditionnelle « si non, pourquoi? », il n’a rien répondu; il était convié à l’entretien, mais ne s’est pas
présenté.
Figure 4
Le recours aux services de réseautage social
99 %
1 %
4a Vous possédez au moins un compte sur un réseau social
(Facebook, Twitter...)
Oui (Y)
Non (N)
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En quoi consiste donc le réseautage social pour les étudiants de l’ENS? Nous avons tâché, au moyen du
questionnaire, de leur demander de préciser ce qu’ils privilégiaient : communiquer avec leurs pairs,
rechercher de l’information, collaborer ou encore mutualiser des données (figure 5).
Figure 5
Les pratiques en matière de réseautage social
Note. Question à choix multiple.
28 %
5 %
9 %
8 %
8 %
4 %
2 %
3 %
1 %
28 %
4 %
4b Si Oui, cochez le(s) réseaux sur le(s)quel(s)
vous avez un compte
Facebook (SQ001)
Twitter (SQ002)
Instagram (SQ003)
Snapchat (SQ004)
YouTube (SQ005)
Tik Tok (SQ006)
Pinterest (SQ007)
Linkedin (SQ008)
Viadeo (SQ009)
Whatsapp (SQ010)
Autre
88%
70%
59%
79%
1% 0%
Retrouver vos
amis (SQ001)
Trouver des
informations
(SQ002)
Travailler et
réfléchir à
plusieurs (SQ003)
Partager, mettre
en commun des
informations
(SQ004)
Vous ne savez pas
(dans ce cas, vous
ne cochez que
cette case)
(SQ005)
Autre
Vous pouvez utiliser les réseaux sociaux,
exemple Facebook/ WhatsApp/ TikTok, pour :
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Un seul des répondants déclare ne pas connaître d’usage possible pour les outils de réseautage social;
curieusement, il s’avère que ce n’est pas la personne qui a déclaré ne pas avoir de compte sur un de ces
dispositifs. Pour le reste, les usages sont partagés de manière relativement équitable, mais c’est le non
formel, « retrouver vos amis », qui arrive en tête et même si les autres usages sont prégnants, il n’en
demeure pas moins que, selon les données recueillies lors de l’entretien, c’est essentiellement pour « se
divertir » (six occurrences), « se distraire » (huit occurrences).
Cela montre que pour nos enquêtés les pratiques MIN sont essentiellement non formelles et s’appuient
soit sur la recherche d’information en ligne, soit sur le réseautage social. Quelles sont à présent les
connaissances qu’ils ont des notions centrales de l’EMI?
Qui mettent en évidence le besoin de construire des connaissances pour
prendre en charge l’EMI
Ainsi, les étudiants ont-ils conscience des traces que laissent leurs échanges avec les pairs et de manière
plus générale leur activité en ligne? Sont-ils soucieux de maîtriser leur identité numérique et de mettre en
œuvre une logique de présence numérique (Merzeau, 2010)? La réponse est loin d’être positive (figure 6),
puisque par exemple à peine un tiers des étudiants est conscient de laisser des traces qui permettent de
les identifier.
Figure 6
La prise de conscience des traces laissées en ligne
Note. Question à choix multiple. Les réponses ici attendues sont la 3
e
et la 5
e
propositions.
26 %
16 %
28 %
46 %
45 %
26 %
Personne ne peut
savoir ce que j'ai
fait si je ne me suis
pas identif
(SQ001)
Personne ne peut
me reconnaître si
j'ai pris un pseudo
(SQ002)
À chaque fois que
je navigue, je laisse
des traces qui
permettent de
m'identifier
(SQ003)
Je peux protéger
mon profil et mes
données
personnelles sur le
compte que j'ai
créé, par exemple
sur Google /
YouTube / Tik
Tok... , en limitant
l'accès à mes amis
(SQ004)
On peut savoir des
choses sur moi
sans m'avoir parlé
ou rencontré
(SQ005)
Je ne sais pas
(dans ce cas, je ne
coche QUE cette
case) (SQ006)
Sur le Web,
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Le taux d’incertitude de 26 % paraît élevé et atteste du fait que le réseautage social tel que le pratiquent
les répondants relève bien d’une pratique médiatique non formelle, sans véritable logique réflexive.
Portons à présent notre intérêt sur une des pratiques informationnelles de référence, la recherche
d’information en ligne. Elle implique notamment la connaissance des moteurs de recherche, un dispositif
que les étudiants utilisent au quotidien. Que savent-ils donc du fonctionnement d’un moteur de recherche?
Ont-ils une idée de l’algorithme mis en œuvre par le moteur pour trouver et surtout ordonner des réponses
et organiser une page résultat (figure 7)?
Figure 7
La connaissance du fonctionnement d’un moteur de recherche
Note. Question à choix multiple. La réponse ici attendue est la 6
e
proposition.
62 %
42 %
2 %
12 %
32 %
14 %
12 %
pondent le
mieux à votre
recherche
(SQ001)
Contiennent le
plus de fois les
mots de votre
recherche
(SQ002)
Sont
déterminés pas
le hasard
(SQ003)
Signalent des
pages dont les
responsables
ont payé pour
qu'elles soient
bien classées
(SQ004)
Signalent les
pages les plus
connues
(SQ005)
Sont privilégs
par le moteur
en croisant,
entre autres,
plusieurs
propositions
précédentes
(SQ006)
Je ne sais pas
(dans ce cas,
vous ne cochez
QUE cette case)
(SQ007)
Vous interrogez un moteur de recherche tel que Google ou
Qwant. Vous obtenez plus de
1 000 000 résultats. Les résultats classés en premier sont
ceux qui...
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A priori, non; certes les répondants sont conscients du fait que l’agencement et la configuration de la page
résultat ne sont pas dus au hasard, mais la réponse attendue atteint le faible pourcentage de 14 %, alors
qu’ils sont 62 % à penser que le moteur de recherche apporte de toute façon et automatiquement les
meilleures réponses à leur besoin en information, ce qui peut dénoter d’un manque d’esprit critique et
expliquer cette tendance que nous avons observée à activer le premier lien proposé par la page résultat
après une requête :
« bon on ne sait même pas comment chercher, on écrit ce qu’on veut seulement et les
informations viennent, on choisit ce qu’on peut, quand cela se passe, on est énervé, on laisse
tomber car on a l’impression de gaspiller la connexion » (Ma2_3).
Quand il s’agit cependant d’exploiter l’information, notamment d’en évaluer la source (figure 8), ils sont
seulement 5 % à déclarer retenir la première réponse. La réponse attendue, « celle donnée par un site
spécialisé en géographie », atteint par ailleurs 55 %, ce qui reste un score en relative contradiction avec
les déclarations liées à la question précédente. Le score pour la proposition 2, « celle donnée par le plus
grand nombre de sites », met en évidence la croyance que plus une information est reproduite, plus elle
est crédible, ce qui montre une confusion entre fiabilité, voire autorité, et popularité. Ce score est à mettre
en perspective avec celui obtenu par la proposition 3, « celle donnée par le site le plus récent ». Enfin,
seuls 19 % évoquent la mobilisation d’un forum, ce qui montre qu’à leurs yeux, ce type de dispositif n’est
essentiellement réservé qu’à des pratiques non formelles.
Figure 8
La connaissance des critères relatifs à la fiabilité de l’information
Note. Question à choix multiple. La réponse ici attendue est la 4
e
proposition.
5 %
48 %
28 %
55 %
19 %
15 %
2 %
Vous retenez la
première
ponse
trouvée
(SQ006)
Vous retenez
celle donnée
par le plus
grand nombre
de sites (SQ001)
Vous retenez
celle donnée
par le site le
plus récent
(SQ002)
Vous retenez
celle donnée
par un site
spécialisé en
géographie
(SQ003)
Vous posez la
question sur un
forum (SQ004)
Vous ne savez
pas (dans ce
cas, vous ne
cochez que
cette option)
(SQ005)
Autre
Vous avez trouvé des sites Internet donnant une hauteur
différente pour le Kilimandjaro.
Pour vérifier ces informations :
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Il s’agissait ensuite de déterminer si les étudiants connaissaient les principaux critères d’évaluation de
l’information (figure 9); les réponses attendues ici obtiennent un score de plus de 60 %, la proposition la
plus choisie étant celle liée au fait que la mention de responsabilité soit clairement indiquée. Il s’avère par
contre que la proportion d’étudiants qui ont choisi simultanément ces trois réponses tombe à 40 %, ce qui,
articulé avec le taux d’incertitude vous ne savez pas »), montre que les connaissances en matière
d’évaluation de l’information ne sont pas encore construites.
Figure 9
La connaissance des critères relatifs à la fiabilité de l’information
Note. Question à choix multiple. Les réponses ici attendues sont les trois premières propositions.
Terminons par les connaissances des étudiants en matière de responsabilité liée à la publication en ligne.
Ainsi, sur le Web, chacun a la possibilité de publier librement des informations; la liberté d’expression est
cependant encadrée par la législation et a des limites; dans quelle mesure les étudiants en ont-ils
conscience (figure 10)? Les propositions 2 et 4 sont les réponses ici attendues; elles sont de fait les plus
mobilisées par les étudiants. Pour ce qui concerne la loi, les choses sont (presque) claires, puisque 83 %
des répondants estiment que toute publication sur Internet doit s’y conformer; il n’en demeure pas moins
de 17 % des étudiants, de futurs enseignants, n’en sont pas persuadés.
61 % 61 %
67 %
35 %
0 % 14 %
La date de
publication est
mentionnée
(SQ001)
L'auteur est
connu dans le
domaine (SQ002)
La responsabilité
du site est
clairement
indiquée (SQ003)
Le site est
accessible
rapidement
(SQ004)
Aucun de ces
énoncés (dans ce
cas, vous ne
cochez que cette
case) (SQ005)
Vous ne savez
pas (dans ce cas,
vous ne cochez
que cette case)
(SQ006)
Parmi les caractéristiques qui permettent d'évaluer la
qualité d'un site Internet, on retrouve :
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Figure 10
La connaissance des règles de publication en ligne
Note. Question à choix multiple. Les réponses ici attendues sont les propositions 2 et 4.
Par ailleurs, plus de la moitié des répondants ne sont pas conscients que la publication de la photo d’un
ami requiert l’autorisation de ce dernier. Les échanges lors de l’entretien ont montré que si, pour les
étudiants, le respect de la loi est une évidence, ils ont peu de connaissance en matière de propriété
intellectuelle. Il est par ailleurs ressorti de l’entretien que si les étudiants partagent beaucoup d’informations
avec leurs pairs, ils publient en fait peu et n’ont par exemple qu’une vague idée de ce qu’est le plagiat
(figure 11). Si le taux d’incertitude est faible, 3 %, il ressort des réponses que plus d’un étudiant sur cinq
n’associe pas le fait de « faire un copier-coller à partir d’un document sans dire d’où il vient » à du plagiat,
et seul un étudiant sur deux associe à cette notion le fait de « rendre au professeur le devoir que vous
avez copié sur celui d’un ami ».
6 %
47 %
9 %
83 %
5 % 8 %
Vous avez le droit
de publier tout ce
que vous voulez
sur Facebook
(SQ001)
Pour publier la
photo d'un ami, il
faut une
autorisation écrite
(SQ002)
Vous n'êtes pas
responsable de vos
publications, c'est
l'hébergeur du site
Web qui est
responsable
(SQ003)
Vous devez
connaître la loi, car
tout ce qui est
publié sur internet
doit respecter la
gislation en
vigueur au Bénin
(SQ004)
En prenant un
pseudonyme, vous
pouvez tout
publier, vous ne
serez jamais
reconnu (SQ005)
Vous ne savez pas
(dans ce cas, vous
ne cochez que
cette case)
(SQ006)
Un ami vous a donné des conseils pour publier sur le Web
vos documents (texte, image, son). Quels sont, d'après
vous, les conseils pertinents (= les plus justes)?
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Figure 11
La connaissance de la notion de plagiat
Note. Question à choix multiple. Les réponses ici attendues sont les propositions 1 et 4.
Si certains étudiants ont pu construire des connaissances grâce à leurs pratiques MIN non formelles, les
notions centrales du cadre de référence européen de l’EMI sont encore non maîtrisées.
Discussions
Pour les étudiants de l’ENS Porto-Novo, nous avons donc identifié des pratiques essentiellement non
formelles. La mobilisation de ces pratiques dans un cadre formel pour aider les futurs enseignants à
s’acculturer et à acquérir des connaissances nous apparaît un préalable pour qu’ils puissent intégrer l’EMI
dans leurs pratiques pédagogiques. Pour cela, il nous semble ici intéressant d’une part de prendre appui
sur les pratiques MIN non formelles, et d’autre part de situer l’EMI dans une perspective holiste.
79 %
19 % 19 %
50 %
3 %
Vous faites un
copier-coller à
partir d'un
document sans
dire d'il vient
(SQ001)
Vous imitez un
écrivain connu
mais vous précisez
son nom (SQ002)
Vous reprenez
entre guillemets la
phrase d'un
journaliste (SQ003)
Vous rendez au
professeur le
devoir que vous
avez copié sur
celui d'un ami
(SQ004)
Vous ne savez pas
(dans ce cas, vous
ne cochez que
cette case)
(SQ005)
Le plagiat est interdit. Vous faites du plagiat quand :
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S’appuyer sur les pratiques MIN non formelles pour permettre la
construction de notions liées à l’EMI
Il s’agit ici d’articuler les approches top down et bottom up (Frisch, 2008), en convoquant les pratiques non
formelles des étudiants pour les aider à construire des compétences MIN qu’ils pourront intégrer dans
leurs pratiques formelles, pour en faire des objets d’enseignement. L’équipement des étudiants en
ordinateur domestique est ainsi en progression sensible par rapport au constat fait par une précédente
enquête (Attenoukon, 2020). Tous les répondants déclarent par ailleurs posséder un téléphone mobile, ce
qui va dans le sens de Coulibaly (2014) et conforte notre hypothèse de départ. Le recours au BYOD
3
(Aillerie, 2015) peut en ce sens pallier le manque d’équipement, à condition qu’une connexion Wi-Fi soit
mise à disposition.
Il nous semble également important que les connaissances des futurs enseignants soient construites de
manière à faire face aux évolutions sociétales. Dans ce contexte, l’apport de notre enquête est de fournir
quelques indicateurs sur les pratiques et connaissances MIN des étudiants futurs enseignants au Bénin;
nous avons ainsi mis en évidence certaines de leurs manières de faire, essentiellement adossées au
téléphone mobile, et également identifié leurs besoins en formation. Ainsi, comme Aillerie et Rakotomalala
Harisoa (2020), nous observons des pratiques MIN aléatoires, par tâtonnement, qui sont de fait, pour de
futurs enseignants, difficiles à transmettre à leurs élèves. Aillerie et Rakotomalala Harisoa observent
également le manque de travail en réseau ainsi qu’une forte dimension individuelle, voire solitaire, des
pratiques MIN; nous ne les suivons pas sur ce point, puisqu’une majorité des enquêtés envisage d’utiliser
les réseaux sociaux pour « partager, mettre en commun des informations » (79 %) ou encore « travailler
et réfléchir à plusieurs » (59 %).
Notre enquête peut également être envisagée auprès des élèves du secondaire pour permettre aux
enseignants de disposer de données susceptibles de les aider à mieux adapter la dimension EMI qu’ils
intègrent dans leur enseignement; c’est une des suites possibles au présent travail. Il s’agit alors d’en
confronter les résultats avec les contenus à enseigner, qu’ils soient procéduraux ou déclaratifs. Pour
l’enseignement secondaire, les contenus procéduraux peuvent relever d’un ensemble de compétences
identifiées et intégrées aux programmes d’enseignements; en France par exemple, le Centre pour
l’éducation aux médias et à l’information (CLEMI) a repéré et synthétisé les connaissances et compétences
relevant de l’EMI dans les programmes d’enseignement
4
. Les contenus déclaratifs relèvent pour leur part
de la trame notionnelle qui doit faire l’objet d’un apprentissage; sur ce plan, le chantier reste ouvert. En
France, l’Éducation nationale avait publié en 2010 le Repère pour la mise en œuvre du Parcours de
formation à la culture de l’information
5
, une tentative de didactisation de 10 notions info-documentaires, un
document « mis à disposition de l’ensemble des équipes pédagogiques et éducatives des établissements
scolaires », mais que peu d’enseignants français connaissent, à part les professeurs documentalistes.
Signalons également le travail réalisé depuis plusieurs années par l’Association des professeurs
documentalistes de l’Éducation nationale qui œuvre à la didactisation de plusieurs dizaines de notions
info-documentaires
6
; cette ressource est certes destinée aux professeurs documentalistes pour nourrir
leurs enseignements en information-documentation, mais dans la mesure plusieurs des notions en
question peuvent faire l’objet d’une construction en éducation aux médias et à l’information, elle peut être
mobilisée par tout enseignant souhaitant intégrer l’EMI dans ses pratiques.
3
Bring Your Own Device
4
Disponible sur le site du CLEMI : https://www.clemi.fr/fr/emi_et_programmes.html
5
PACIFI : https://media.eduscol.education.fr/file/Pacifi/85/4/Reperes_Pacifi_157854.pdf
6
Wikinotions InfoDoc : https://wikinotions.apden.org/
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Notre recherche a en effet mis en évidence le caractère non formel des pratiques MIN des étudiants; or,
le fait de les aider à mobiliser ces pratiques dans une logique formelle est un préalable pour qu’ils puissent
envisager d’intégrer l’EMI dans leurs pratiques pédagogiques futures. Mettre en perspective les approches
top down et bottom up nécessite également de faire la part entre mythe et réalité dès lors qu’il s’agit
d’apprentissage augmenté par le numérique (Amadieu et Tricot, 2020). Si de manière générale nos
enquêtés estiment disposer des compétences pour s’informer sur Internet, notre enquête montre qu’ils
maîtrisent difficilement les notions centrales du cadre de référence européen DigComp. Comment alors
inscrire leurs pratiques MIN dans un cadre formel?
Inscrire l’EMI dans une perspective holiste
Wallet (2010) a modélisé un cadre systémique pour comprendre et envisager l’intégration du numérique
dans l’enseignement : pédagogie, acteurs, dispositif et institution (PADI). Les quatre pôles du modèle PADI
sont constamment articulés, de telle sorte que la modification de l’un d’entre eux devrait entraîner la
reconfiguration des trois autres, sous peine de déséquilibrer le système. Aider les futurs enseignants à
intégrer l’EMI dans leurs pratiques pédagogiques implique ainsi de mettre en œuvre une réflexion sur la
structuration d'un « curriculum EMI » intégrant des compétences à adosser aux programmes
d’enseignement scolaire; ceci pourrait constituer une suite à la présente recherche, dans le contexte
béninois. Il s’agit également de faire évoluer l’offre de formation des étudiants futurs enseignants en lui
intégrant un enseignant de type CNEMI avec une approche anthropocentrée, qui s’appuie effectivement
sur les pratiques et non sur les outils; c’est un chantier que nous avons cherché à ouvrir en nous
intéressant aux pratiques MIN des étudiants futurs enseignants au Bénin, mais également par
l’enseignement CNEMI que nous avons dispensé à l’ENS Porto-Novo en octobre 2021 et en juillet 2022.
Cela implique également d’envisager la formation des enseignants qui doivent prendre en charge ce type
d’enseignement. Tout ceci a une incidence sur les besoins en équipement; notre enquête a montré que le
premier besoin exprimé par les étudiants est une connexion Wi-Fi. Il nous semble pourtant que des
équipements tels des salles avec pupitres, un learning lab ou encore la mise en réseau des équipements
peuvent également s’avérer nécessaires. Enfin, pour les besoins en information, évoquons notamment
une mise à disposition de ressources documentaires qui met en complément les supports papier et
numérique. Tout ceci ne peut s’envisager sans la volonté des organisations de tutelle : université,
ministère, État et organismes internationaux.
Conclusion
Cette recherche s'inscrit dans une approche info-communicationnelle des dispositifs sociotechniques dans
l’enseignement. Nous avons construit un objet autour de l'EMI et des pratiques médiatiques,
informationnelles et numériques des étudiants futurs enseignants du Bénin. Après avoir établi un cadre
théorique, nous avons cherché à connaître les pratiques MIN des étudiants de l'ENS Porto-Novo,
l'organisme qui forme les futurs enseignants au Bénin. Nous avons alors mis en œuvre un protocole qui
mêle une enquête par questionnaire et un entretien de groupe. Au final, nous avons identifié des pratiques
MIN essentiellement non formelles qui mobilisent largement le téléphone mobile et le réseautage social.
Pour les futurs enseignants concernés par cette enquête, il reste à s'acculturer en construisant des
connaissances MIN pour pouvoir intégrer l'EMI dans leurs pratiques pédagogiques.
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L'apport principal de cette recherche a été de collecter quelques indicateurs sur les pratiques MIN des
futurs enseignants au Bénin. Rappelons que ce travail ne s'inscrit pas dans une logique statistique,
puisqu'il s’agissait simplement de comprendre un phénomène dans un contexte donné; nous avons à cet
effet eu recours au principe de l’échantillonnage non probabiliste. Il nous appartiendra dans le futur
d’étendre encore plus notre cadre théorique au contexte africain, de manière à mieux ancrer les
discussions dans ce contexte. Rappelons à ce titre qu’il s’agit ici d’une enquête exploratoire susceptible,
nous l’espérons, d’ouvrir des perspectives de recherche dans le contexte béninois, à une plus grande
échelle : pratiques MIN des autres étudiants, pratiques MIN des élèves et des enseignants du secondaire,
impact des contextes linguistiques sur les pratiques MIN, apprentissage mobile, etc.
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