Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
revue-mediations.teluq.ca N
o
14, 2023
67
© Auteurs. Cette œuvre est distribuée sous licence Creative Commons 4.0 International.
revue-mediations.teluq.ca | N
o
14, 2023
1
Lespratiquesmédiatiques,
informationnellesetnumériquesdes
futursenseignantsauBénin,unenjeupour
l’éducationauxmédiasetàl’information
Lecasdel’ÉcoleNormaleSupérieuredePorto-Novo
TheMediaandInformationPracticesofFutureTeachersin
Benin,anissueforMediaandInformationLiteracy:AStudy
CaseinÉcoleNormaleSupérieureinPorto-Novo
LaimportanciadelaAlfabetizaciónMediáticaeInformacional,
lasprácticasmediáticaseinformativasdelosfuturos
profesoresenBenin:ElcasodelaÉcoleNormaleSupérieureen
Porto-Novo
https://doi.org/10.52358/mm.vi14.320
Ghislain Chasme, docteur en sciences de l’information et de la communication
Université de Rouen Normandie, France
ghislain.chasme@univ-rouen.fr
revue-mediations.teluq.ca N
o
14, 2023
68
Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
© Auteurs. Cette œuvre est distribuée sous licence Creative Commons 4.0 International.
revue-mediations.teluq.ca | N
o
14, 2023
2
RÉSUMÉ
L’éducation aux médias et à l’information se situe à la croisée des pratiques médiatiques,
informationnelles et numériques; il s’agit de doter l’individu d’un appareillage conceptuel et
méthodologique susceptible de l’aider à mettre en œuvre une approche critique des médias
et de l’information, et à s’emparer de son écosystème informationnel plutôt que de le subir.
Cet article pose la question des pratiques médiatiques, informationnelles et numériques des
futurs enseignants au Bénin et prend appui sur une recherche qui se situe dans une
perspective compréhensive. Les enquêtés décrivent leurs pratiques au moyen d’un
questionnaire exploratoire suivi d’un entretien de groupe. Les données collectées montrent
d’une part que les pratiques sont essentiellement non formelles et s’appuient sur l’usage du
téléphone mobile, et mettent en évidence d’autre part le besoin de formaliser des
connaissances et compétences que les étudiants pourront transférer à leurs futurs élèves.
Mots-clés :
pratiques médiatiques, pratiques informationnelles, pratiques numériques,
écosystème informationnel, littératie
ABSTRACT
Media and information literacy stand at the intersection of media, information and digital
practices; the issue is to provide people with a conceptual and methodological apparatus likely
to help them to implement a critical approach to the media and information and to seize their
informational ecosystem rather than to undergo it. This article raises the question of the media,
informational and digital practices of future teachers in Benin and is based on research that is
situated in a comprehensive perspective. The practices are questioned by means of an
exploratory questionnaire followed by a group interview. The data collected show, on the one
hand, that the practices are mainly informal and rely on the use of mobile phones, and the
other hand, they highlight the need to formalize knowledge and skills that students can transfer
to their future students.
Keywords: media practices, information practices, digital practices, information ecosystem,
literacy
RESUMEN
La alfabetización mediática e informacional se encuentra en la intersección de las prácticas
mediáticas, informativas y digitales; consiste en dotar al individuo de un aparato conceptual y
metodológico susceptible de ayudarlo a implementar un enfoque crítico de los medios y de la
información, y a aprovechar su ecosistema informacional en lugar de sufrirlo. Este artículo
plantea la cuestión de las prácticas mediáticas, informativas y digitales de los futuros
profesores en Benin y se basa en una investigación que se sitúa en una perspectiva
comprensiva. Las prácticas se cuestionan mediante un cuestionario exploratorio seguido de
una entrevista grupal. Por un lado, los datos recogidos muestran que las prácticas son
esencialmente informales y se basan en el uso de teléfonos móviles y, por otro lado, destacan
la necesidad de formalizar conocimientos y habilidades que los estudiantes puedan transferir
a sus futuros alumnos.
Palabras clave:
prácticas mediáticas, prácticas informativas, prácticas digitales, ecosistema
informativo, alfabetización
revue-mediations.teluq.ca N
o
14, 2023
69
Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
© Auteurs. Cette œuvre est distribuée sous licence Creative Commons 4.0 International.
revue-mediations.teluq.ca | N
o
14, 2023
3
Introduction
À l'heure où les médias sociaux apparaissent comme le premier moyen d'information des jeunes
(Boyadjian, 2020), il est important de s'intéresser à la manière dont les futurs citoyens sont éduqués aux
dias et à l'information. L’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture
(UNESCO) a en effet, dès les années 1970, fait pressentir la nécessité de passer d’une logique d’éducation
par les médias (les médias servent de support aux apprentissages) à une éducation aux médias qui
deviennent de véritables objets d’étude; par la suite, la Déclaration de Grunwald (UNESCO, 1982)
constatait l’omniprésence des médias et préconisait une forme de coéducation :
L’éducation aux média sera plus efficace si les parents, les maîtres, le personnel des média et les
responsables des décisions reconnaissent qu’ils ont tous un rôle à jouer pour favoriser
l’émergence d’une conscience critique plus aiguë des auditeurs, des spectateurs et des lecteurs
(UNESCO, 1982).
Plus tard, la nécessité d’une « maîtrise de l’information » a pris corps avec la Déclaration d’Alexandrie en
2005; il s’agissait alors de former l’individu de manière à ce qu’il soit capable d’intégrer la recherche,
l’évaluation et la création de l’information dans ses pratiques, qu’elles soient personnelles,
professionnelles ou encore sociales. Les changements de paradigme induits par la multiplication des
dispositifs médiatiques, informationnels et numériques, l’avènement des médias sociaux et le caractère
désormais pervasif de l’information (Resmini et Rosati, 2011) ont, depuis, mis en évidence la nécessité de
fusionner ces deux approches pour une Éducation aux médias et à l’information (EMI), en anglais, Media
and Information Literacy (MIL). Notons le glissement entre le terme anglais literacy (en français,
« littératie ») et le choix en français de « éducation à… ». L’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) a défini la littératie comme l’« aptitude à comprendre et à utiliser
l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivien vue d’atteindre
des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités » (OCDE et Statistique Canada,
2000, p. 12); il s’agit alors pour l’individu de maîtriser l’écrit, qu’il soit sous forme de texte suivi, de texte
schématique ou encore de texte au contenu quantitatif. La littératie relève par ailleurs d’une perception
cognitive, symbolique, sociale ou encore culturelle (Perdriault, 2012) et renvoie au principe
d’alphabétisation. La notion d’« éducation à »
1
pour sa part permet de prendre en compte dans l’École
des réalités qui vont au-delà des seuls savoirs savants (Fabre, 2014) et qui correspondent à des pratiques
sociales nouvelles; une « éducation à » ne relève donc pas d’une discipline en particulier, mais d’une
approche transversale dont devrait s’emparer, à l’École, tout enseignant qui a pour mission d’éduquer les
futurs citoyens et de les aider à se construire un esprit critique (Sahut, 2017). Ces deux points de vue nous
semblent complémentaires, surtout eu égard à la trame conceptuelle proposée par l’UNESCO (Wilson et
al., 2012) qui identifie par ailleurs trois objectifs majeurs pour l’EMI : connaître les médias et leur
fonctionnement, avoir de l’esprit critique pour être exigeant en matière d’information et être capable de
jouer un rôle en matière de production. Le terme « littératie » est cependant polysémique, puisqu’au sens
précisé par l’OCDE, s’ajoutent deux autres acceptions : « possession de compétence et d’habileté » et
« élément d’apprentissage »; l’UNESCO situe par ailleurs la MIL à la convergence d’autres littératies :
digital literacy, Internet literacy… une convergence qui renvoie selon Le Deuff (2012) à la translittératie
(Thomas et al., 2007) Nous retenons pour notre part que l’EMI se trouve à la croisée des pratiques
médiatiques, informationnelles et numériques (MIN). Ces pratiques sont interdépendantes et résultent
d’une combinatoire entre savoir, savoir-faire et savoir-être.
1
Le système éducatif français comporte par exemple l’éducation à la santé, à la citoyenneté, au développement durable, aux médias
et à l’information.
revue-mediations.teluq.ca N
o
14, 2023
70
Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
© Auteurs. Cette œuvre est distribuée sous licence Creative Commons 4.0 International.
revue-mediations.teluq.ca | N
o
14, 2023
4
Notre intérêt, dans le cadre de cet article, se porte sur le continent africain et plus précisément sur le Bénin.
Outre le fait que ce soit notre pays de naissance, cet intérêt est de deux missions d'enseignement et
de coopération universitaire que nous avons menées récemment à l'École Normale Supérieure de Porto-
Novo, l'organisme qui forme les futurs enseignants du secondaire au Bénin; nous avons animé un
enseignement intitulé « Culture numérique, éducation aux médias et à l'information » (CNEMI). Nous
avons découvert au début que la problématique de l'éducation aux médias et à l'information était mal
connue pour nos interlocuteurs, que ce soient les enseignants ou les étudiants de l'ENS. Il nous est
d’ailleurs apparu que les uns comme les autres ont rapidement adhéré à l'idée d'un tel enseignement, tant
ils avaient l'intuition que, dans ce domaine, le besoin de formation des étudiants était important. En
réalisant ces missions, des questions concernant les pratiques médiatiques et informationnelles des
étudiants au Bénin ont émergé : quelles sont leurs manières de faire? Quelles connaissances arrivent-ils
à construire? Quels sont leurs besoins en formation? Nous avons de fait été confronté au manque
d'indicateurs sur ces points.
Le présent article fait état de la recherche que nous avons menée pour commencer à apporter des
éléments de réponses à ce questionnement; nous nous situons dans une approche info-
communicationnelle des dispositifs sociotechniques dans l’enseignement. La posture est par ailleurs
exploratoire (Trudel et al., 2006); en effet, il s’agit d’une première approche qui, nous l’espérons, nous
fournira un ensemble de connaissances épistémologiques, théoriques, méthodologiques ou encore
techniques permettant de mener à bien une recherche future à grande échelle. Après un cadre théorique
et conceptuel qui débouche sur une question de recherche et une hypothèse, nous présentons notre cadre
méthodologique, les résultats obtenus et les discussions, avant de conclure en évoquant l'apport de cette
recherche et les perspectives qu'elle a générées.
Cadre théorique et conceptuel : éduquer aux médias et à
l’information en Afrique
L’éducation aux médias et à l’information à la croisée des pratiques
médiatiques, informationnelles et numériques
Nous entendons par « pratiques » un ensemble d'arts de faire (Certeau, 2010) mis en œuvre par un groupe
représentatif d'individus au service d'un projet. Notre approche se situe entre la sociologie des usages
(Proulx, 2015) et la sociologie de l'innovation (Flichy, 2003) et considère que les utilisateurs jouent un rôle
actif (Akrich, 2013) dans la conception des dispositifs dont ils font partie, qu’ils soient sociotechniques
et/ou d’apprentissage, une forme de proactivité qui les amène à adopter l’attitude du pronétaire (Rosnay,
2006). Nous souhaitons s'interroger sur le comportement et les représentations des individus quand ils
sont en situation de « maîtriser » l’information (au sens de la Déclaration d’Alexandrie) ou de la
communiquer; nous adoptons de ce fait une approche info-communicationnelle des dispositifs
sociotechniques que nous appliquons au contexte de l’enseignement. Nous considérons ainsi avec
Chaudiron et Ihadjadene (2010) ces pratiques comme
la manière dont un ensemble de dispositifs, de sources formelles ou non, d’outils, de compétences
cognitives sont effectivement mobilisés, par un individu ou un groupe d’individus, dans les
différentes situations de production, de recherche, d’organisation, de traitement, d’usage, de
partage et de communication de l’information (Chaudiron et Ihadjadene, 2010).
revue-mediations.teluq.ca N
o
14, 2023
71
Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
© Auteurs. Cette œuvre est distribuée sous licence Creative Commons 4.0 International.
revue-mediations.teluq.ca | N
o
14, 2023
5
Nous nous intéresserons alors précisément à trois instances : les dispositifs mobilisés, les usages
envisagés et les connaissances et compétences induites. Nous nous inspirons à ce titre de travaux qui ont
investi le champ des pratiques info-communicationnelles en situation d’apprentissage, que ce soit pour
des étudiants (Kennel, 2014) ou des enseignants (Aillerie et Rakotomalala Harisoa, 2020). Nous avons
par ailleurs établi un lien entre les pratiques MIN et certaines des connaissances en information-
documentation mobilisées dans une enquête réalisée par l’Association des professeurs documentalistes
de l’Éducation nationale (APDEN) en France (Ballarini et al., 2015). Les connaissances que nous avons
retenues pour cette recherche relèvent de l’information et de la communication, et correspondent aux cinq
domaines identifiés par le cadre de référence européen DigComp
2
sur lequel est adossé l’EMI en Europe :
informations et données, communication et collaboration, création de contenu, protection et sécurité. Ces
connaissances sont adossées aux notions suivantes : identité numérique, moteur de recherche, source,
fiabilité de l'information, réseautage social, droit de l'information, évaluation de l'information, éthique de
l'information auteur et environnement numérique. Nous avons également pris en considération la porosité
de plus en plus prégnante entre les pratiques formelles et non formelles et entre les pratiques scolaires et
extrascolaires. Nous entendons ainsi par pratiques formelles des manières de faire induites par une
situation d’apprentissage conçue par un enseignant et qui implique des tâches précises. Les pratiques non
formelles sont pour leur part issues de besoins induits par des situations sociales qui ne relèvent pas d’un
apprentissage conçu. De nos jours, la numérisation des situations sociales implique une plus grande
porosité entre ces pratiques. Il nous reste à présent à évoquer les contextes africain et béninois.
EMI et pratiques MIN dans les contextes africain et béninois
L’Afrique est le deuxième marché mondial, derrière l’Asie, pour ce qui concerne la téléphonie mobile
(Coulibaly, 2014); les réseaux mobiles de quatrième et de cinquième génération (4G et 5G) offrent ainsi
la possibilité d’être connecté au réseau mondial. Comment alors formaliser les pratiques MIN dans les
contextes scolaire et universitaire et comment les mettre en perspective avec les pratiques non formelles
ou encore extrascolaires? Corroy et Apo Yanon (2019) ont procédé à l’analyse des programmes scolaires
de cinq pays francophones d’Afrique de l’Ouest : le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Sénégal
et le Togo, pour percevoir si l’éducation aux médias et au numérique était prise en compte dans ces textes
institutionnels. Il ressort de ce travail que les pays observés intègrent essentiellement l’éducation par les
médias et seulement, dans une certaine mesure, une forme d’éducation aux médias dans leurs curricula.
Il se pose alors la question des pratiques MIN des universitaires, qu’ils soient enseignants ou étudiants.
Selon une étude réalisée par Attenoukon (2020) à l’Université Abomey-Calavi au Bénin, les enseignants
sont majoritairement équipés en ordinateurs connectés à Internet, contrairement aux étudiants qui
fréquentent essentiellement les cybercafés. Les pratiques les plus répandues sont le réseautage social
(Facebook), la recherche d’information et l’envoi de courriers électroniques; les enseignants déclarent par
ailleurs manquer de compétences technopédagogiques. Cette enquête ne tient cependant pas compte
des usages du téléphone mobile; il nous semble que ce dispositif contribue largement aux pratiques MIN,
qu’elles soient formelles ou non formelles, scolaires ou extrascolaires. Enfin, au Bénin comme partout
ailleurs, la crise sanitaire a induit des tentatives de mise en œuvre de principes de formation à distance
(Alladatin et al., 2020).
2
https://joint-research-centre.ec.europa.eu/digcomp/digital-competence-framework_en
revue-mediations.teluq.ca N
o
14, 2023
72
Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
© Auteurs. Cette œuvre est distribuée sous licence Creative Commons 4.0 International.
Question de recherche et hypothèse
Pour rappel, notre recherche se situe dans une posture exploratoire; elle n’a par ailleurs aucune visée
statistique. Notre objectif est en effet de comprendre un phénomène dans un contexte donné. Notre
question générale de recherche se formule donc ainsi : qu'elles sont les pratiques MIN des futurs
enseignants au Bénin? Nous cherchons à faire la part entre pratiques formelles et non formelles, scolaires
et extrascolaires, tout en étant conscient de la relative porosité entre ces pratiques. Notre objectif est de
mettre ces pratiques en perspective avec les connaissances MIN des étudiants. Notre hypothèse à ce
stade est que l’impact du téléphone mobile sur les pratiques MIN est prégnant et renforce la nécessité
d’une éducation aux médias et à l’information adossée au développement d’une culture numérique
(CNEMI); c’est a priori un préalable pour que les futurs enseignants puissent à leur tour éduquer leurs
élèves. Nous pensons en effet que, par l’intermédiaire du téléphone mobile, des pratiques MIN non
formelles se développent et qu’il importe de les transposer dans un cadre formel; c’est en ce sens qu’elles
constituent un enjeu pour l’EMI. Nous avons alors identifié trois questions spécifiques pour cette
recherche :
À quel équipement les étudiants ont-ils accès, que ce soit sur leur lieu d'étude, de stage, ou à
domicile? Cet équipement est-il suffisant pour répondre aux besoins liés à leurs pratiques MIN?
Quelle est la place du téléphone mobile dans cet équipement?
À quoi leur sert cet équipement, autrement dit, quelles sont les pratiques les plus répandues?
Ces pratiques sont-elles formelles ou non formelles?
Quelles sont leurs connaissances en ce qui concerne les notions centrales du cadre de référence
européen DigComp : identité numérique, moteur de recherche, source, fiabilide l'information,
réseautage social, droit de l'information, évaluation de l'information, éthique de l'information et
auteur?
Il s’agit à présent d’envisager un cadre méthodologique pour répondre à ce questionnement.
Cadre méthodologique : s'interroger sur les
pratiques MIN
Notre intérêt se porte donc sur les pratiques médiatiques, informationnelles et numériques des futurs
enseignants pour mieux comprendre les facteurs possibles d’intégration de l’EMI dans leurs pratiques
pédagogiques. Précisons également que notre objectif n'est pas d'analyser le système éducatif béninois,
mais de comprendre les arts de faire des futurs enseignants que nous avons rencontrés. Nous présentons
dans cette section le contexte de l’étude, le protocole mis en œuvre et les résultats.
revue-mediations.teluq.ca N
o
14, 2023
73
Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
© Auteurs. Cette œuvre est distribuée sous licence Creative Commons 4.0 International.
revue-mediations.teluq.ca | N
o
14, 2023
7
Contexte de l’étude : les étudiants de l’École Normale Supérieure de
Porto-Novo
Au Bénin, la formation des enseignants du secondaire est assurée par l’École Normale Supérieure (ENS)
qui dispose de deux antennes : Porto-Novo et Natitingou. Elle dure trois ans (licence) pour le Brevet
d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement Secondaire (BAPES) ou le Brevet d’Aptitude au Professorat
de l’Enseignement Technique (BAPET) qui permettent d’enseigner au premier cycle (les quatre premières
années de l’enseignement secondaire) et cinq ans (master) pour le Certificat d’Aptitude au Professorat de
l’Enseignement Secondaire (CAPES) ou le Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement
Technique (CAPET) qui autorisent à enseigner dans le second cycle (les trois dernières années de
l’enseignement secondaire). Les étudiants ayant suivi un cursus ailleurs et détenteurs d’une licence ou
d’une maîtrise peuvent sous certaines conditions être autorisés à s’inscrire à l’ENS pour préparer le master
et le CAPES; la population en master est donc composée d’étudiants en formation initiale (FORINI) ou en
formation professionnelle directe (FORPROD). L’ENS Porto-Novo accueille les filières suivantes en
formation initiale : histoire-géographie, langues (anglais, espagnol, allemand), lettres modernes et
philosophie; en FORPROD, toutes les filières sont accueillies, sans distinction de discipline. Au cours de
leur cursus à l’ENS, les étudiants suivent un enseignement intitulé « Informatique » en première année et
un enseignement intitulé « NTIC » en troisième année. L’établissement possède une salle informatique
équipée de 15 ordinateurs sans connexion Internet. Nous sommes en contact avec cet établissement
depuis octobre 2021, dans le cadre du projet Fonds de solidarité prioritaire et innovante Plurilinguisme
d’enseignement au Bénin, sensibilisation des acteurs de l’éducation (FSPI-PEBS) soutenu par
l’Ambassade de France au Bénin et le Laboratorio arts contemporains. Nous avons notamment eu
l’occasion de participer à deux missions d’enseignement (octobre 2021 et juillet 2022) au cours desquelles
nous avons dispensé un enseignement « Culture numérique Éducation aux médias et à l’information »
(CNEMI) aux étudiants de première année (licence 1) puis à ceux de troisième (licence 3), quatrième et
cinquième année (master). C’est à la suite de la première mission en octobre 2021 qu’il nous est apparu
nécessaire de réaliser la présente enquête pour mieux connaître le contexte et comprendre les pratiques
des étudiants; elle s’est adressée aux étudiants en troisième année de licence et en master 1 et 2, dont
les effectifs figurent dans le tableau 1.
Tableau 1
Population des étudiants concernés par l’enquête
Filières
Licence 3
Master 1 et 2
Biologie
0
1
Histoire-géographie
30
2
Langues (allemand, anglais et espagnol)
106
32
Lettres modernes
103
19
Philosophie
24
4
Total
263
58
Note.
Ces chiffres nous ont été communiqués par l’enseignant-chercheur responsable du Service de
coopération de l’ENS Porto-Novo.
revue-mediations.teluq.ca N
o
14, 2023
74
Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
© Auteurs. Cette œuvre est distribuée sous licence Creative Commons 4.0 International.
revue-mediations.teluq.ca | N
o
14, 2023
8
Protocole mis en œuvre
Pour trouver des éléments de réponse à notre questionnement, nous avons mis en œuvre une démarche
composite, quantitative et qualitative qui s’appuie sur un questionnaire et un entretien de type focus group.
L’enquête a été menée entre le 10 mai et le 20 juillet 2022 auprès des étudiants en licence 3 et en master,
c’est-à-dire ceux qui ont suivi l’enseignement CNEMI en juillet 2022.
UN QUESTIONNAIRE EXPLORATOIRE POUR IDENTIFIER LES PRATIQUES
Pour concevoir ce questionnaire, nous avons mobilisé les travaux de Kennel (2014) et ceux de Ballarini et
al. (2015). Il a été réalisé par l’intermédiaire de l’application Limesurvey hébergée par l’Université de Rouen
Normandie; le lien pour y répondre a été communiqué, à notre demande, aux étudiants à partir du 10 mai
2022, par l’enseignant-chercheur responsable du Service de coopération de l’ENS Porto-Novo, via
WhatsApp. Nous avons par ailleurs incité les étudiants que nous avons vus en cours à participer à
l’enquête. Nous avons donc adopté la posture de l’échantillonnage non probabiliste (Ajar
et al
., 1983) en
réunissant un échantillon de convenance dont nous sommes conscient qu’il n’est pas représentatif, mais
qu’il s’inscrit bien dans la logique de cette recherche exploratoire. Il faut en moyenne 20 minutes pour
répondre au questionnaire qui comporte 36 questions réparties en 5 groupes :
Les données sociodémographiques;
L’équipement disponible à la maison;
L’équipement disponible dans les établissements où l’étudiant réalise ses études
et effectue son stage;
Les pratiques, représentations et connaissances des étudiants;
Le positionnement éventuel pour participer au focus group.
Nous avons obtenu 102 réponses qui se répartissent comme suit : 44 répondants en 3
e
année de licence
et 58 en master. Les filières représentées sont : 1 étudiant en biologie 6 en histoire-géographie, 15 en
langues, 68 en lettres et 12 en philosophie. Si les étudiants de master ont tous répondu au questionnaire,
il apparaît que seulement un étudiant sur six de licence a participé à l’enquête; il est vrai que cette
population était en pleine session d’examen lors de notre passage à l’ENS Porto-Novo en juillet 2022. Les
données collectées ont été traitées par tableur (LibreOffice Calc) pour un tri à plat et avec Rstudio pour un
tri croisé.
UN FOCUS GROUP POUR COMPRENDRE LES PRATIQUES ET PERCEVOIR LES REPRÉSENTATIONS
À la fin du questionnaire, nous avons demandé aux répondants de se positionner pour une participation
éventuelle à un entretien de groupe. Sept personnes ont répondu par la négative, ce qui signifie que 95 des
102 répondants ont donné leur accord, ce qui nous semble montrer une adhésion à notre démarche. Il
était de fait impossible pour nous de convier tout ce monde à l’entretien; nous avons donc, dans la logique
de l’échantillonnage non probabiliste, opéré une sélection en tenant compte des variables suivantes : le
niveau d’études, la filière et le genre. Il aurait sans doute été intéressant d’introduire la variable de l’âge
pour voir comment la maturité impacte les pratiques, mais une fois les variables précédentes appliquées,
la population n’était pas assez conséquente pour que cela soit significatif. Nous avons donc convié
24 répondants (tableau 4) à cet entretien de groupe le 20 juillet 2022 à 10 heures, dans les locaux de
l’ENS Porto-Novo.
revue-mediations.teluq.ca N
o
14, 2023
75
Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
© Auteurs. Cette œuvre est distribuée sous licence Creative Commons 4.0 International.
revue-mediations.teluq.ca | N
o
14, 2023
9
Tableau 2
Profil des personnes conviées et des personnes effectivement présentes à l’entretien
Variables
Nombre de personnes
conviées
Nombre de personnes
présentes
Niveau d’études
Licence 3
12
2
Master
12
8
Filière
Biologie
1
1
Histoire-géographie
4
4
Langues
3
0
Lettres modernes
12
3
Philosophie
4
2
Genre
Femme
12
5
Homme
12
5
Note. Au final, 10 des 24 personnes conviées étaient présentes à l’entretien.
Le focus group a été structuré autour de quatre thématiques :
1. Le participant et ses motivations pour participer à l’entretien;
2. Son rapport à l’information, aux médias et au numérique;
3. Les leviers selon le participant pour améliorer sa formation à l’ENS et les apprentissages de ses
élèves sur le lieu d’exercice ou de stage;
4. Divers : les participants sont invités, s’ils le souhaitent, à s’exprimer librement.
Les thématiques ont été abordées l’une après l’autre et il a été demandé aux étudiants de s’exprimer pour
chacune d’entre elles. L’entretien a effectivement démarré à 10 h 15, a duré 1 heure 24 minutes et a fait
l’objet d’une captation sonore et d’une retranscription dans laquelle les participants ont été nommés en
fonction de leur niveau d’études : Li1 ET Li2 pour les deux étudiants en troisième année de licence et Ma1
à Ma8 pour les huit étudiants en master. Nous avons alors codé les données en fonction du nommage et
du numéro de la thématique; exemple : Li1_1 pour l’étudiant n° 1 en troisième année de licence qui
s’exprime au sujet de la thématique 1. Nous avons ensuite catégorisé les données et les avons analysées
en fonction de notre question de recherche. La section suivante propose les résultats de cette double
collecte de données.
revue-mediations.teluq.ca N
o
14, 2023
76
Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
© Auteurs. Cette œuvre est distribuée sous licence Creative Commons 4.0 International.
revue-mediations.teluq.ca | N
o
14, 2023
10
Résultats
Les résultats exposés ci-après sont issus d’une triangulation des deux sources de données. Le verbatim
issu du focus group est systématiquement suivi du code précisant l’étudiant qui s’exprime et le numéro de
la thématique concernée, comme nous l’avons explicité dans la section précédente. Cette section est
organisée en trois parties qui correspondent aux trois questions de recherche que nous avons énoncées
dans la section dédiée au cadre méthodologique.
L'équipement est plutôt domestique; l'hégémonie du téléphone mobile
justifie la forte demande d'une connexion Wi-Fi sur les lieux d'étude et
de stage
Les répondants ont en majorité entre 18 et 30 ans; le genre masculin est le plus représenté (66 %).
Pratiquement deux tiers des participants déclarent posséder un ordinateur, qui est par ailleurs
majoritairement portable (figure 1). La question de la connexion au réseau est délicate : le fait qu’un tiers
seulement des appareils soit connecté à Internet est un chiffre qui semble en contradiction avec la
possession systématique par les répondants d’un téléphone mobile en 3, 4 ou 5G. A priori les ordinateurs
portables sont dotés d’un périphérique Wi-Fi. Peut-être alors faut-il voir une méconnaissance du principe
de partage de connexion.
revue-mediations.teluq.ca N
o
14, 2023
77
Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
© Auteurs. Cette œuvre est distribuée sous licence Creative Commons 4.0 International.
revue-mediations.teluq.ca | N
o
14, 2023
11
Figure 1
L’équipement à la maison
64 %
36 %
1a Disposez-vous d'un ordinateur à la maison?
Oui (Y)
Non (N)
3 %
95 %
2 %
1b De quel type d’ordinateur disposez-vous?
Ordinateur de bureau (A1)
Ordinateur portable (A2)
Ordinateur de bureau ET
ordinateur portable (A3)