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Revue internationale sur le numérique en éducation et communication

Usages et non-usages du numérique dans le modèle pédagogique de formation à distance de l’Université virtuelle du Sénégal

Tensions entre caractéristiques du public étudiant, vision de l’éducation et ressources

Uses and non-uses of digital technology in the Université virtuelle du Sénégal distance education model: Tensions between student characteristics, educational vision and resources

Uso y no uso de la tecnología digital en el modelo pedagógico a distancia de la Université virtuelle du Sénégal: Tensiones entre las características de los alumnos, la visión educativa y los recursos

https://doi.org/10.52358/mm.vi14.316

Mada Lucienne Tendeng, conseillère en pédagogie universitaire

Université Laval, Canada

mada-lucienne.tendeng.1@ulaval.ca

RÉSUMÉ

Une analyse de trois cours offerts au premier semestre du cheminement d’étudiants de la sixième promotion, inscrits en 2019-2020 dans les trois pôles (unités) de formation de l’Université virtuelle du Sénégal (UVS), laissait déjà percevoir un certain effet des éléments contextuels sur les pratiques d’enseignement et d’apprentissage (Tendeng, 2020). Dans la suite de ce travail, la présente réflexion décrypte les composantes du modèle de formation à distance (FAD) de l’UVS, en lien avec les choix d’usage et de non-usage du numérique, les caractéristiques et besoins du public apprenant, les ressources disponibles, etc.

Mots-clés : Université virtuelle du Sénégal, public étudiant, usages du numérique, distance

ABSTRACT

An analysis of three courses offered in the first semester of the 6th graduating class enrolled in 2019-2020 in the three training poles (units) of Université virtuelle du Sénégal, already suggested some effects of contextual elements on teaching and learning practices (Tendeng, 2020). In the continuation of this work, the present reflection deciphers the components of the UVS distance learning (DL) model in relation to the choices of use and non-use of digital technology, the characteristics and needs of the learning public and the available resources.

Keywords: Université virtuelle du Sénégal, student public, digital uses, distance

RESUMEN

Un análisis de tres cursos ofrecidos en el primer semestre del sexto año de los estudiantes matriculados en 2019-2020 en los tres polos de formación (unidades) de la UVS, ya sugería un cierto efecto de los elementos contextuales en las prácticas de enseñanza y aprendizaje (Tendeng, 2020). En la continuación de este trabajo, la presente reflexión descifra los componentes del modelo de formación a distancia (AD) de la Université virtuelle du Sénégal (UVS), en relación con las opciones de uso y no uso de la tecnología digital, las características y necesidades del público estudiantil, los recursos disponibles, etc.

Palabras clave: Université virtuelle du Sénégal, público estudiantil, usos digitales, distancia

Mise en place en 2013, l’Université virtuelle du Sénégal (UVS) « a pour vocation le développement et la vulgarisation de l’enseignement à distance » (République du Sénégal, 2013), dans le but d’élargir la capacité d’accueil du pays en enseignement supérieur et de réformer l’offre nationale de formation. Comme tout projet de formation à distance, la faisabilité de ce modèle de formation, dans le contexte où il est offert, a fait l’objet – encore aujourd’hui – de beaucoup de discussions principalement en raison des caractéristiques de sa clientèle étudiante, de la vision dominante de l’éducation et des ressources limitées. Dans la suite de Tendeng (2020), nous discutons ici des effets combinés de ces facteurs sur les usages et non-usages du numérique et sur les stratégies de prise en compte des besoins d’étudiants primo-entrants en enseignement supérieur à distance de la sixième promotion de l’UVS.

Étudiants traditionnels ou non traditionnels?

Certaines des caractéristiques du public étudiant de l’UVS correspondent à celles du type d’étudiants dits traditionnels, c’est-à-dire des personnes :

Cependant, le contexte (qualité et modalité des études antérieures, environnement familial, acceptabilité sociale de la formation à distance…) ainsi que le rapport que ces étudiants entretiennent avec leur mode de formation ne permettent pas de les considérer comme des « étudiants studieux modérés », caractéristique dominante des étudiants traditionnels du premier cycle (Sales et al., 1997). Le manque d’assiduité des étudiants de l’UVS a été non seulement constaté lors de nos observations des traces d’apprentissage des cours étudiés, mais cela a été aussi confirmé par des personnels administratifs, d’enseignement et d’encadrement : « Je n’ai jamais eu plus de 20 étudiants sur un groupe de 100 environ » (personne tutrice citée par Tendeng, 2020, p. 151). Si près de 80 % des étudiants officiellement admis à un cours de l’UVS ne s’investissent pas effectivement dans leurs études, n'y mettent pas le temps et les efforts nécessaires, on fait face à l’un ou l’autre de ces besoins ou insatisfactions :

Comment ces besoins du public étudiant sont-ils pris en compte dans le modèle d’enseignement et d’apprentissage intégrant le numérique que leur offre l’UVS?

Enseignement entièrement à distance et forte distance transactionnelle

Bien qu’il soit officiellement appelé « comodal adapté » (Université virtuelle du Sénégal, 2019), le modèle de formation offert par l’UVS à ses étudiants en début de cheminement correspond davantage au type de cours « hybrides en ligne » (Gérin-Lajoie et al., 2019) avec une modalité asynchrone dominante. En effet, dès le début du semestre, le matériel didactique est déposé dans les sites de cours en vue d’une autoformation que soutiendraient les questions et échanges attendus dans les forums de discussion. La portion synchrone quant à elle est prévue chaque semaine sous la forme de séances virtuelles durant lesquelles une personne tutrice appuie son groupe d’étudiants dans la compréhension du cours. D’après nos analyses fondées entre autres sur la théorie de Moore (1993), le modèle de formation de l’UVS est conçu et mis en œuvre selon un haut niveau de distance transactionnelle.

Peu ou pas de flexibilité

Cette distance transactionnelle se traduit d’une part par un niveau de structure des cours peu flexible, peu propice à l’individualisation et préoccupé à guider et contrôler les apprentissages des étudiants comme en enseignement présentiel. Cela se fait notamment par un contrôle de l’accès aux ressources et du rythme de progression des apprentissages sur une durée de deux à trois semaines, ou encore par l’obligation de présence à certaines activités, introduite à la suite d’un constat de faiblesse de l’engagement étudiant.

La structure et le manque de flexibilité des cours correspondent aussi à une vision éducative laissant peu ou pas de possibilités à l’étudiant de choisir, en termes de contenus ou de format, ses ressources d’apprentissage, ses activités ou ses évaluations : « Pas de liberté de choix. Les étudiants sont bien canalisés. Tout est cadré sur la plateforme » (personne enseignante et responsable institutionnel, citée par Tendeng, 2020, p. 145). À cela s’ajoutent enfin les objectifs de démocratisation de l’accès aux études supérieures assignés à l’UVS, la rapidité de la mise en place de son modèle de formation, ses ressources financières et humaines limitées, l’augmentation rapide de son effectif étudiant : autant de circonstances qui obligeraient l’établissement à offrir une formation unique, voire uniforme, destinée à une clientèle aux caractéristiques, aux besoins et aux aptitudes considérés comme homogènes.

L’absence de liberté, décelée aussi grâce à un cadre d’analyse inspiré de celui de Hy-Sup (Deschryver et Charlier, 2012), n’est pourtant pas ainsi vécue et perçue par les étudiants sénégalais interrogés dans notre étude. Ces derniers considèrent que leur modèle de formation leur laisse déjà une liberté qui peut être nuisible : « Ce que nous offre l'UVS d'une part est bon, mais d'autre part c'est dangereux car si on n'a pas le contrôle, hum… » (personne apprenante, citée par Tendeng, 2020, p. 191). Cette situation remet en question l’adaptation des outils selon leur contexte d’expérimentation et d’administration (occidental ou africain). Néanmoins, il serait intéressant de voir si des étudiants de l’UVS inscrits à la maitrise ou au doctorat, plus âgés, en activité professionnelle, parents ou en reprise d’études apprécieraient autant ce type de contrôle et de manque de liberté.

Inégalité du niveau de dialogue et d’interactions

Les occasions de dialogue et d’interactions sociales comportent de nombreux avantages pour la personne apprenante : multiplier les possibilités d’acquisition et de renforcement des connaissances et des compétences, rendre durables les apprentissages, développer le sentiment d’appartenance et la proximité de son dispositif de formation, susciter son engagement… (Paquelin, 2011; Peraya, 2014). Cependant la distance transactionnelle constatée dans les cours de l’UVS traduit un niveau inégal de dialogue et d’interactions selon que le public étudiant évolue sur l’espace formel de formation ou à l’externe.

DANS L’ENVIRONNEMENT NUMÉRIQUE D’APPRENTISSAGE : FAIBLE DIALOGUE DANS L’ESPACE ACADÉMIQUE

Dans les plateformes de cours, il est noté une timide utilisation des moyens mobilisés pour susciter et rendre possibles le dialogue et les interactions entre étudiants et avec la personne enseignante. Ce fait peut être jugé insignifiant pour les activités asynchrones, qui ne visent pas particulièrement la socialisation, même si le matériel didactique, essentiellement constitué de texte en format Web ou PDF téléchargeable et, parfois, de vidéos, n’offre pas vraiment d’occasion d’interactivité. De plus, sans opportunité d’apprentissage actif ni de coconstruction des connaissances, ce matériel conçu pour de l’apprentissage individuel indique une certaine préoccupation pour la transmission des contenus, renforcée par une exposition abondante de la matière du cours sur les sites de cours, avec pour toute consigne de lire ou d’étudier la séquence, et de réaliser les travaux dirigés.

L’enjeu est ici de susciter une réelle activité d’apprentissage, en apprentissage individuel ou collaboratif, source d’apprentissage durable et d’engagement. Dans une même séquence de cours et sur tout le semestre, cela pourrait passer par une variété de méthodes pédagogiques : des ateliers, des lectures collectives, des lectures guidées individuelles, des études de cas, des jeux de rôles…

Les forums de discussion attirent aussi peu les étudiants, sans doute en raison de sa nouveauté : « Le forum, je ne l’ai jamais utilisé car je ne le comprends, je ne sais pas comment l’utiliser, je ne le comprends » (personne étudiante citée par Tendeng, 2020, p. 157). À notre sens, la non-utilisation des forums relève du caractère optionnel de son usage, vu qu’ils sont destinés ou à poser des questions sur le cours ou à répondre à celles de ses camarades. Pour des primo-étudiants à distance, discuter avec des personnes inconnues sur l’environnement numérique d’apprentissage universitaire peut être assez intimidant. Des questions ou activités de présentation ou brise-glace, des sujets précis de discussion en lien avec le cours et les intentions pédagogiques pourraient faciliter les interactions et l’apprentissage par les pairs.

Pour ce qui concerne spécifiquement les rencontres synchrones, réservées aux séances d’encadrement des étudiants, le faible niveau de dialogue, qui creuse la distance transactionnelle, semble rejoindre la fonction magistrale donnée au tutorat et à l’enseignement, en cohérence avec la vision que les acteurs – même étudiants – ont de la formation. Revenant autant dans les discours que dans les documents institutionnels de présentation du modèle pédagogique, la place centrale accordée au « cours magistral du Professeur » trouve sa source en partie dans des représentations socioculturelles qui donnent au maître (magister) un rôle de transmetteur de connaissances :

Notre conception de l'enseignement […] est très liée au fait qu'on a besoin de quelqu'un qui dispense le savoir et qui incarne le savoir. […] Hum …, je pense que ça a beaucoup trait à la figure du maitre coranique […] dans une société très musulmane comme le Sénégal. Et on le reproduit aussi dans l'école occidentale (Personne enseignante, citée par Tendeng, 2020, p. 177).

Cette référence à la magistralité est aussi un héritage du modèle d’enseignement présentiel et unidirectionnel, dominant dans les universités traditionnelles sénégalaises et destiné à de grands groupes d’étudiants. La valeur ajoutée des outils numériques dans cette approche pédagogique centrée sur l’enseignement se résume par cette tendance à fournir en masse des contenus d’apprentissage, l’utilisation d’un environnement numérique et la diversification des formats de ressources.

Nos observations des traces de séances synchrones confirment l’unidirectionnalité de la communication qui prend ici la forme de longs exposés oraux, comme en témoigne une des personnes tutrices interrogées : « Parfois moi, je peux prendre des séquences […] et les expliquer durant 2h de temps » (Tendeng, 2020, p. 186). Dans ce contexte, la passivité de l’étudiant est vite garantie, exacerbée par l’exclusion des fonctionnalités vidéo et audio, en raison de leurs incidences sur la qualité de la communication, au profit du clavardage moins exigeant en données Internet ou encore à cause d’un manque de maitrise des fonctionnalités de l’environnement numérique :

Parmi eux [les étudiants], y en a qui n'ont pas une certaine maitrise de la plateforme. La plupart des questions qu'ils posent, ce sont des questions beaucoup plus techniques […]. Même si vous leur posez des questions, vous voyez que rares sont les étudiants qui interviennent lors des rencontres synchrones (personne tutrice, citée par Tendeng, 2020, p. 188).

Et si, en plus des raisons précédemment évoquées, le faible niveau d’interactions des étudiants était lié à la modalité écrite dans laquelle s’inscrivent le forum de discussion et le clavardage? L’interaction écrite, plus que celle orale, nécessite des aptitudes que ces étudiants ne possèdent pas forcément : utilisation appropriée de la langue française (lexique, grammaire, niveau de langue, tonalité…), choix de la forme rédactionnelle appropriée à la situation, capacité de synthèse… (Organisation du Baccalauréat international, 2014). Comme les jeunes de la génération Z, ces étudiants de l’UVS détiennent presque tous un téléphone intelligent et sont habitués à la communication sur les médias sociaux : WhatsApp, par exemple (Académie de la transformation numérique, 2022). Là, l’image, l’audio et la courte vidéo en langue nationale y sont préférés à l’écrit où les jeunes emploient des abréviations, des symboles et autres émojis qui leur garantissent la rapidité visée dans leurs communications (Senécal, 2015). En nous fondant sur notre pratique d'enseignante de français au cycle secondaire (préuniversitaire) au Sénégal, nous postulons que l’écrit pourrait être un des éléments irritants dans le non-usage des forums de discussion de l’UVS, sachant que « un tiers des jeunes » Français, dont le français est ou la langue maternelle et/ou la langue d’usage courant « n’a[vait] jamais envoyé de courriel » en 2015 (Senécal, p. 3).

DANS LES ESPACES NUMÉRIQUES OUVERTS (ENO) : INTENSES INTERACTIONS PHYSIQUES

Pour le jeune public étudiant de l’UVS, le dialogue et les interactions constituent un besoin qui découle de leur culture d’apprentissage :

Nous avons aussi besoin de voir l’enseignant, de savoir comment il est physiquement, ses attitudes, sa manière d’expliquer, sa manière de parler : tout ça joue dans notre engagement et notre amour ou non pour la discipline. On ne sent pas tellement cette attraction en ligne (Personne étudiante, citée par Tendeng, 2020, p. 156).

Parfaitement conscients de ce besoin, les responsables de l’UVS présentent les Espaces numériques ouverts (ENO) comme la réponse de l’établissement : « Nos étudiants avaient l’habitude de faire des cours en salles de classe dans les niveaux précédents. Donc, on ne peut pas brusquement leur dire de rester à la maison pour suivre des formations » (personne enseignante et responsable institutionnelle, citée par Tendeng, 2020, p. 142). Cette conception populaire, qui légitime l’approche magistrale, concentre à la fois le déplacement vers le lieu de formation, l’existence d’un repère physique-cadre de la formation, l’effort à déployer dans cette quête du savoir et la présence d’une personne source du savoir. Malgré cette profondeur de la culture de la présence et des interactions physiques, les concepteurs et animateurs pédagogiques de l’UVS pourraient s’appuyer sur des outils numériques et des stratégies favorisant la participation active des étudiants même dans de grands groupes.

Les ENO sont des sites physiques de l’UVS « implantés au niveau des différentes régions du pays […] pour développer, chez les étudiants de l’UVS, un sentiment d’appartenance qui est nécessaire pour le rayonnement de cette institution » (République du Sénégal, 2013). Grâce aux services administratifs et à l’équipement qu’il abrite, l’ENO est fréquenté par les étudiants les plus motivés comme s’ils se rendaient sur leur campus. C’est non seulement un cadre d’activités collaboratives, de tutorat entre cohortes et entre pairs, mais encore un « milieu de vie sociale, associative et communautaire » (Tendeng, 2020, p. 263). Seulement, le rythme de ces activités physiques, leur durée et leur fréquence restent difficiles à estimer dans le but de mesurer le niveau d’hybridité de ces cours. Ce qui est sûr, c’est que ces activités ne sont pas prévues dans le design des cours : elles relèvent très souvent de l’initiative personnelle des étudiants ou sont organisées par les unités de formation en guise de remédiation en prévision des évaluations (Tendeng, 2020). Il semble y avoir là une forme d’hybridation voulue mais non assumée des cours entre un espace numérique formel et un espace physique non formel.

LES OBSTACLES À L’HYBRIDATION DE L’ESPACE D’ENSEIGNEMENT ET D’APPRENTISSAGE

Les responsables de l’UVS sont écartelés entre cette conscience du besoin de présence physique de la population étudiante et le devoir de le contrôler entre autres en raison des impacts financiers pour l’établissement. Par exemple, voici ce que coûterait l’offre de regroupements présentiels pour des travaux dirigés (TD) pour une cohorte d’étudiants :

Les TD en présentiel, ça coûte de l'argent. […] Rien que pour dérouler tous les groupes et envoyer des gens à Podor, Bignona1, ça coûte entre 2,5 millions et 3 millions2. Et donc si on le fait aux 1e et 2e semestres, on est à 5 millions pour dérouler l'activité. Et si on le fait en 1e et 2e années, sur 4 semestres, vous voyez, ça fait 10 millions3. En chiffres, c'est des perdiem qu'on donne, c'est des tickets de bus, etc. (Personne enseignante, citée par Tendeng, 2020, p. 179).

Cette crainte, tout à fait fondée, rappelle que la formation entièrement à distance ne devrait pas être choisie principalement pour réaliser des économies d’échelle. Pour le cas précis de l’UVS, la prise en charge des besoins de la personne étudiante en termes d’apprentissage, d’autonomie, de motivation et de persévérance semble nécessiter l’intégration d’activités présentielles formelles, pour une hybridation du dispositif qui pourrait nécessiter des investissements plus importants. Un dispositif hybride, mieux qu’une formation inscrite dans une forte distance transactionnelle, favoriserait la proximité de l’étudiant primo-entrant de l’UVS et sa persévérance.

L’autonomie des apprenants

Comme l’illustre la figure précédente, les cours conçus dans une grande distance transactionnelle sont mieux adaptés aux personnes capables d’une grande autonomie; ce qui correspondrait à la moyenne de 20 % d’étudiants réguliers aux activités d’enseignement-apprentissage.

L’autonomie de ces étudiants s’exprime non seulement par la mise en place des activités présentielles dans les ENO, mais encore par l’animation de « groupes » ou de communautés d’apprentissage en ligne sur le réseau social privé WhatsApp, loin du contrôle institutionnel : « Dans ces groupes WhatsApp, on ne parle pas seulement de travail. […] On se divertit aussi, on discute de tout et de rien (rires)! Côté travail, on donne des sujets à traiter […]. Chacun peut échanger avec les autres. On échange nos connaissances » (personne étudiante, citée par Tendeng, 2020, p. 200). Cette activité du public étudiant en dehors de l’espace numérique d’apprentissage universitaire révèle qu’il possède des compétences d’autogestion, de collaboration et d’interaction à distance, que le dispositif formel devrait capitaliser pour s’en enrichir, proposer davantage d’occasions de dialogue et d’interactions et attirer les étudiants moins réguliers.

Conclusion et perspectives

Avant Tendeng (2020), d’autres auteurs ont fait état de spécificités de l’apprentissage à distance en contexte africain et de la nécessité d’adapter les dispositifs aux aptitudes et réalités socioculturelles de leurs étudiants (Depover, 2016; Karsenti et Collin, 2010; Loiret, 2008). Cependant, sans prétendre qu’il soit homogène, le profil étudiant de l’UVS, décrit dans la présente discussion, diffère des populations étudiées dans ces recherches. Son acculturation à la téléphonie mobile, à l’Internet, aux réseaux sociaux, à la virtualisation des services (banque électronique, par exemple), etc. le prépare, mieux que les générations précédentes, à apprendre et à collaborer à distance. Au-delà de ses valeurs socioculturelles d’entraide, de proximité, de débrouillardise et de résilience, le jeune étudiant admis à l’UVS présente aussi des enjeux relatifs aux prérequis universitaires, à l’autonomie, à la motivation… que les dispositifs de formation devraient mieux prendre en charge grâce au numérique. Dans ce contexte ouest-africain de réplication du modèle de l’UVS et d’accélération de la bi-modalisation des universités, une meilleure intégration de la dimension sociale et humaine s’impose, mais aussi des changements de vision et de pratiques, de même que l’augmentation des investissements, notamment en recherche.

Liste de références

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Cyr, C. (2006). Une analyse descriptive de la progression des populations étudiantes de premier cycle à l’université. Mémoire. Montréal, UQAM. https://archipel.uqam.ca/3168/1/M9454.pdf

Depover, C. (2016). Développer la recherche sur les technologies éducatives dans les pays du Sud : une approche globale et communautaire pour mieux répondre à des problématiques locales. frantice.net, Numéro spécial 12-13, décembre 2016, 19-28. http://frantice.net/docannexe/file/1416/4.depover.pdf

Deschryver, N., et Charlier, B. (2012). Dispositifs hybrides. Nouvelles perspectives pour une pédagogie renouvelée de l'enseignement supérieur. https://tecfa.unige.ch/tecfa/research/hysup/rapport_final_hysup_12.pdf

Gérin-Lajoie, S., Papi, C., et Paradis, I. (2019, janvier). De la formation en présentiel à la formation à distance : Comment s’y retrouver? Communication présentée au colloque international sur l'éducation 4.1, Poitiers, France.

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Karsenti, T., et Collin, S. (2010). Quelle place pour les TIC en formation initiale d’enseignants de français? Le cas de l’Afrique. Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, 7(3), 32. https://doi.org/10.7202/1003562ar

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Moore, M. G. (1993). Theory of transactional distance. London: Taylor & Francis e-Library.

Organisation du Baccalauréat international (2014). Le programme d'éducation intermédiaire : des principes à la pratique. Cardiff (Pays de Galles): Organisation du Baccalauréat international.

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Senécal, I. (2015). Un monde en changement. https://www.ameqenligne.com/news_pdf/pdf_docs__20150914110922.pdf

Sales, A., Drolet, R. et Simard, G. (1997). La différenciation de la population universitaire au Québec : rapport complémentaire sur les conditions de vie des étudiantes universitaires dans les années quatre-vingt-dix. Montréal. Université de Montréal. Département de sociologie.

Tendeng, M. L. (2020). Analyse des proximités spatiale et a-spatiale de dispositif de formation à distance : cas de l'université virtuelle du Sénégal (UVS), [thèse de doctorat, Université Laval, Québec, Canada]. CorpusUL Thèses et mémoires. https://ulaval.on.worldcat.org/oclc/1236393740

Université virtuelle du Sénégal. (2019). Comodal adapté. https://www.uvs.sn/comodal-adapte/

1

Départements du pays où sont implantés des ENO. Le premier est situé tout à fait au nord du pays, le second tout à fait au sud. Les deux sont distants de quelque 700 kilomètres.

2

En francs CFA XOF.

3

Soit environ 15 000 euros ou 22 000 dollars canadiens selon www.exchange-rates.org consulté le 2020/02/27.

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