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Laperceptiondesenseignantsdel’intérêt
del’utilisationdestechnologies
informatiséesdanslescommunautés
d’apprentissageprofessionnelles(CAP)
enAfriquefrancophone
LecasdesCellulesd’animationpédagogiqueset
culturelles(CAPC)auSénégal
Teachers'perceptionofthevalueofusingcomputerized
technologiesinProfessionnalLearningCommunity(PLC)
inFrancophoneAfrica:ThecaseofEducationalandCultural
AnimationCellsinSénégal
Percepcióndelosprofesoressobreelvalordelusodelas
tecnologíasinformáticasenlascomunidadesprofesionales
deaprendizajeenÁfricafrancófona:elcasodelascélulasde
animaciónpedagógicaycultural(CAPC)delSenegal
https://doi.org/10.52358/mm.vi14.309
Cyrielle Le Her, doctorante en sciences de l’éducation et de la formation
Université de Caen, France
cyrielle.leher@hotmail.fr
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RÉSUMÉ
Depuis les Indépendances, il existe ce qu’on appelle les Cellules d’animation pédagogiques
et culturelles (CAPC) au Sénégal. Pouvant être assimilés à des communautés d’apprentissage
professionnelles (CAP) ou plus généralement des communautés de pratiques (CoP), ces
groupes d’enseignants titulaires ou contractuels d’une ou plusieurs écoles élémentaires de
proximité se rejoignent en dehors des temps de classe pour échanger sur leurs pratiques
d’enseignement-apprentissages, leurs difficultés et leurs réussites. Depuis 2017, le ministère
de l’Éducation nationale du Sénégal et ses partenaires internationaux ont souhai
redynamiser les CAPC de la région de Casamance avec notamment l’intégration des
technologies informatisées (TI) appelées communément le numérique. Le Projet
d'amélioration de l'éducation de base en Casamance (PAEBCA) a permis de doter les CAPC
de tablettes numériques et de vidéoprojecteurs pour filmer l’enseignant en situation de classe
(Diop et Wallet, 2017). À partir d’une grille d’observation, ils analysent ensuite le film projeté
pour tenter d’améliorer la démarche pédagogique et les pratiques de classe. Dans le cadre
d’une recherche doctorale en cours, nous tenterons d’apporter des éléments de réponse à la
question : comment l'utilisation des technologies informatisées est-elle perçue par les
enseignants au sein des CAPC au Sénégal? Les premiers résultats des entretiens semi-
directifs réalisés auprès de 21 enseignants en Casamance montrent une pratique variée
d’outils et une volonté institutionnelle d’intégrer les technologies dans la formation continue
des enseignants. Les discours montrent également une volonté des enseignants de remédier
aux difficultés d’utilisation, notamment à travers les échanges virtuels à distance synchrones
et asynchrones qu’on appelle ici application mobile multiplateforme (AMM). Néanmoins, nous
avons observé un manque de réflexivité autour des questions d’instrumentation des pratiques
pour une véritable intégration des technologies dans les communautés. Cet article a pour but
de donner un éclairage sur les enjeux sous-jacents des technologies informatisées dans les
communautés d’apprentissage professionnelles (CAP) en contexte africain francophone.
Mots-clés : technologies informatisées, Afrique francophone, communautés d’apprentissage
professionnelles (CAP), Sénégal, école primaire, application mobile multiplateforme (AMM)
ABSTRACT
There are Educational and Cultural Animation Cells since the independence in Senegal.
Similar to Professional Learning Communities (PLCs) or, more generally, Communities of
Practice (CoPs), these groups of permanent or contractual teachers from one or more local
elementary schools meet after classto discuss their teaching-learning practices, their
difficulties and their successes. Since 2017, the Senegalese Ministry of Education and its
international partners have wanted to revitalize the CAPCs in the Casamance region, in
particular through integrating computerized technologies (IT), commonly known as digital
technology. The Projet d'amélioration de l'éducation de base en Casamance (PAEBCA) has
enabled the CAPCs to be equipped with digital tablets and video projectors to film the teacher
in the classroom (Diop and Wallet, 2017). Using an observation grid, they then analyze the
projected film to improve the pedagogical approach and classroom practices. As part of an
ongoing doctoral research project, we will attempt to provide some answers to the question:
How is the use of computerized technologies perceived by teachers in Senegal's CAPCs?
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The initial results of the semi-directive interviews conducted with 21 teachers in Casamance
show a varied use of tools and an institutional willingness to integrate technologies into the in-
service training of teachers. The interviews also show a willingness on the part of teachers to
remedy the difficulties of use, particularly through synchronous and asynchronous virtual
distance exchanges, referred to here as multiplatform mobile applications (MMAs).
Nevertheless, we observed a lack of reflexivity around the questions of instrumentation of
practices for a true integration of technologies in the communities. This article aims to shed
light on the underlying issues of computer-based technologies in Professional Learning
Communities (PLCs) in the African francophone context.
Keywords: computerized technologies, francophone Africa, Professional Learning
Communities (PLCs), Senegal, Primary School, multiplatform mobile applications (MMAs)
RESUMEN
Desde su independencia, existen en Senegal las llamadas Células de Animación Pedagógica
y Cultural (CAPC). Similares a las Comunidades Profesionales de Aprendizaje (Professional
Learning Communities, PLC) o, más en general, a las Comunidades de Práctica (Communities
of Practice, CoP), estos grupos de profesores permanentes o contratados de uno o varios
centros locales de enseñanza primaria se reúnen fuera del horario lectivo para debatir sus
prácticas de enseñanza-aprendizaje, sus dificultades y sus éxitos. Desde 2017, el Ministerio
de Educación senegalés y sus socios internacionales han querido revitalizar las CAPC de la
región de Casamance, en particular mediante la integración de tecnologías informatizadas
(TI), comúnmente conocidas como tecnología digital. El Proyecto de Mejora de la Educación
Básica en Casamance (PAEBCA) ha permitido equipar a las CAPC con tabletas digitales y
proyectores para filmar al profesor en el aula (Diop y Wallet, 2017). Utilizando una tabla de
observación, se analiza después la grabación para intentar mejorar el enfoque pedagógico y
las prácticas en el aula. En el marco de un proyecto de investigación doctoral en curso,
intentaremos aportar algunas respuestas a la pregunta: ¿Cómo perciben los profesores de
las CAPC de Senegal el uso de las tecnologías informatizadas? Los primeros resultados de
las entrevistas semidirectivas realizadas a 21 profesores de Casamance muestran un uso
variado de las herramientas y una voluntad institucional de integrar las tecnologías en la
formación continua de los profesores. Las entrevistas muestran también una voluntad por
parte de los profesores de remediar las dificultades de uso, en particular mediante
intercambios virtuales a distancia síncronos y asíncronos, denominados aquí aplicaciones
móviles multiplataforma (AMM). Sin embargo, hemos observado una falta de reflexividad en
torno a las cuestiones de instrumentación de las prácticas para una integración real de las
tecnologías en las comunidades. Este artículo pretende arrojar luz sobre las cuestiones
subyacentes a las tecnologías informáticas en las Comunidades Profesionales de Aprendizaje
(CPA) en un contexto africano francófono.
Palabras clave: tecnologías informáticas, África francófona, Comunidades Profesionales de
Aprendizaje, Senegal, escuela primaria, aplicaciones móviles multiplataforma (AMM)
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Problématique
Les technologies informatisées (TI) sont un facteur puissant de développement en Afrique. La diffusion
fulgurante du mobile, l’intégration dans le développement économique et social, et la m-éducation (ou
apprentissage mobile) montrent que le continent africain est connecté. À ce sujet, les Cellules d’animation
pédagogiques et culturelles (CAPC) que nous appellerons également « cellules », nous semblent être un
dispositif intéressant à étudier pour son implantation durable et fonctionnelle dans l’histoire du système
éducatif sénégalais.
La CAPC est un dispositif de collaboration qui permet aux enseignants d’une ou plusieurs écoles de
proximité d’échanger sur leurs pratiques de classe, leurs difficultés et leurs réussites en dehors des temps
d’enseignement. Les cellules sont régies par le décret n° 79-1165 du 20 décembre 1979 du ministère de
l’Éducation nationale du Sénégal qui demande aux professeurs des écoles primaires de participer à quatre
heures par mois d’animation pédagogique pour garantir une formation continue et un développement
professionnel durant toute la carrière. Depuis 2017, le ministère de l’Éducation nationale du Sénégal et
ses partenaires internationaux ont souhaité redynamiser les CAPC de la région de Casamance à travers
le Projet d'amélioration de l'éducation de base en Casamance (PAEBCA). Cette initiative a notamment
offert la possibilité aux membres de la cellule de filmer les enseignants dans leur classe avec une tablette
numérique puis d’analyser les vidéos à partir d’un vidéoprojecteur et d’une grille d’observation (Altet et al.,
2015; Diop et Wallet, 2017).
Parmi les conditions de réussite d’intégration des TI dans la formation des enseignants en Afrique, il est
important de réfléchir à la mise en œuvre de conditions de collaboration à multiacteurs efficace et pérenne
(Savoirs communs, 2015, p. 94). Au Niger, le projet UTIFEN montre des limites quant à l’intégration des
TI dans la formation des enseignants (cf. partie Cadre théorique). En effet, les enseignants ne sont pas
forcément volontaires et déjà à l’aise avec l’idée d’intégrer les outils informatiques dans leurs pratiques en
raison du caractère institutionnel du projet. C’est dans ce cadre que nous nous posons la question
suivante : comment l'utilisation des technologies informatisées est-elle perçue par les enseignants au sein
des CAPC au Sénégal?
Nous émettons deux hypothèses :
- Hypothèse 1 Il existe plusieurs formes d’utilisation des technologies informatisées dans les
cellules : les applications mobiles multiplateformes (AMM) peuvent être complémentaires de
l’analyse vidéo dans les CAPC.
- Hypothèse 2 Malgré une volonté institutionnelle d’intégrer les tablettes numériques dans les
cellules, les technologies mobiles sont privilégiées dans le cadre de leur formation continue.
Cet article se centrera sur une partie théorique amenant à réfléchir au lien entre technologie informatisée,
collaboration entre enseignants et professionnalisation en contexte africain. En ce qui concerne la partie
empirique, nous nous appuierons sur les résultats de l’analyse en cours de 21 entretiens semi-directifs
avec des enseignants sénégalais effectués dans le cadre d’un travail doctoral. Les données
sociodémographiques sont explicitées dans la partie Méthodologie.
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Cadre théorique
La partie théorique est notamment issue de nos travaux de recherche de thèse et d’un travail de revue de
littérature sur les CAP à laquelle nous avons participé dans le cadre du 3
e
séminaire international du
programme APPRENDRE « Se professionnaliser en collaborant ».
Les TI dans la formation des enseignants en Afrique : une histoire et des
mouvements politiques anciens
Le concept de TICE aussi appelé technologie informatisée (ou numérique) nous permet de s'interroger sur
l’instrumentation des pratiques en dépassant la vision « outil » en contexte éducatif (Nogry et al., 2019).
L’instrumentation des pratiques est la manière dont les enseignants vont s’approprier les technologies
dans le cadre de leur activité d’enseignement-apprentissage (Béziat et Villemonteix, 2012, 2016). La
question des technologies informatisées en éducation et formation peut être appréhendée de différentes
manières. Soit selon un angle « outil » (tablettes, vidéoprojecteurs, ordinateurs, téléphones portables,
logiciels, applications) ou un angle « objet » qui permet de se questionner sur ce que veut dire technologies
informatisées et quels sont les enjeux sous-jacents de ce terme, ici dans le cadre de la collaboration entre
enseignants. Nous choisissons d’employer le terme « utilisation » dans le domaine des sciences de
l’éducation et de la formation pouvant être caractérisé par l’inclusion d’éléments spécifiques et l’analyse
des TICE dans un effectif restreint d’individu préféré au mot « usage » qui pourrait se rapprocher d’une
analyse sociologique basée sur des statistiques à grande échelle.
La question des technologies informatisées dans la formation des enseignants est présente depuis des
décennies sur le continent africain. Dès la fin des années 1960, le Sénégal, le Bénin, le Burkina Faso ou
le Togo ont développé de grands programmes pour favoriser l’utilisation de la radio scolaire rurale et la
télévision scolaire pour améliorer l’éducation de base et la formation des maîtres (Ilboudo, 2014, p.8;
Voulgre et Netto, 2016, p. 83). D’après Kokou Awokou, les résultats en termes de performance scolaire
restent difficiles à évaluer, mais un très grand nombre de personnes ont été sensibilisées à ces initiatives
(Awokou, 2007, p. 51).
Depuis la fin des années 1990, le RESAFAD (Vivet, 1998) a permis de faire émerger un réseau d’experts
francophones pour développer l’utilisation des technologies pour la formation ouverte à distance (FOAD).
En 2006, l’Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres (IFADEM) prend forme.
L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF)
ont coconstruit, avec les ministères responsables de l’éducation de chaque pays, un dispositif hybride de
formation des enseignants comprenant une partie à distance l’autre en présentiel. La plateforme IFADEM
se veut être un appui à la formation des enseignants notamment en matière de ressources pédagogiques
et didactiques pour enseigner le français ou d’autres disciplines dans la langue d’enseignement. La
formation des enseignants est une priori de l’Agenda 2030 des Nations Unies d’après l’objectif de
développement durable 4 (ODD4) intitulé : « assurer l'accès de tous à une éducation de qualité, sur un
pied d'égalité, et de promouvoir les possibilités d'apprentissage tout au long de la vie »
(UNESCO, 2020).
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À ses débuts, en 2006, IFADEM est expérimenté dans 4 pays (République démocratique du Congo,
Madagascar, Mali et Niger) pour être finalement élargi à 16 pays d’Afrique francophone
1
. Le rapport de la
revue Savoirs communs (2015, p.83) insiste sur le fait que même pour des technologies relativement
sommaires, le besoin d’accompagnement des enseignants s’avère indispensable, notamment pour les
primo-accédants au mobile. Il existe souvent un décalage entre l’introduction de l’outil et le sens
pédagogique donné.
De 2015 à 2018, différentes initiatives ont également vu le jour dans les politiques de formation continue
des ministères avec l’appui de l’Agence française de développement (AFD) comme le projet m-Learning
en Côte d’Ivoire mobilisant l’utilisation des appareils mobiles (tablettes, téléphones) dans le but de faciliter
l’accès à la formation pour un plus grand nombre d’enseignants. D’autres initiatives ont également eu lieu
au Mali, au Niger et à Madagascar
2
. Les résultats de ces projets sont encourageants et montrent la volonté
politique des États de revisiter les modes de formation des enseignants, leur fournir de nouveaux outils
pédagogiques et renouveler les pratiques de classe. Notons que le projet Usage des technologies de
l’information pour la formation des enseignants au Niger (UTIFEN) n’a pas abouti. Les évaluations donnent
trois causes de résistance qui auraient dû être analysées et prises en compte :
[…] les causes individuelles (le changement est synonyme de rupture, de remise en cause, de
perte des points de repère), les causes structurelles (le changement des méthodes de travail et
la révision des processus en vigueur) et les causes culturelles (l'évolution du système des valeurs
et des responsabilités) (Voulgre et Oillo, 2019, p. 2).
En résumé, il existe des incitations politiques anciennes pour intégrer l’informatique dans la formation des
enseignants en Afrique. Les résultats des projets récents montrent des réussites comme le projet
m-Learning qui a permis de déployer l’utilisation du mobile à plus large échelle sur le territoire. Les
initiatives montrent également des résistances chez les enseignants comme au Niger où les résultats du
projet montrent des difficultés à changer les méthodes de travail, repenser les processus déjà en vigueur
et faire évoluer le système des valeurs et des responsabilités. C’est pourquoi par-dessus la question des
TICE, il semble important de s’intéresser à la question de la collaboration entre enseignants.
Les différentes formes de collaboration entre enseignants dans la recherche
Il existe différentes formes de collaborations entre enseignants observées dans la recherche en sciences
de l’éducation et de la formation. Le tableau 1 présente quelques éléments.
1
Le Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Côte d’Ivoire, Guinée, Haïti, Liban, Madagascar, Mali, Niger, République démocratique du
Congo (RDC), Union des Comores, Sénégal, Tchad et Togo (Rapport Ifadem, 2022, p.4).
2
Pour aller plus loin, consulter le site du projet Veille stratégique sur les TICE en Afrique subsaharienne. http://vstice.auf.org
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Tableau 1
Les différentes formes de collectifs enseignants observées dans la recherche
Formes de communautés enseignantes
observées dans la recherche
Références scientifiques
1
Communauté de pratique ou Community of practice (CoP)
Wenger, 1998; Gibert,
2018
2
Communauté d'apprentissage (CA)
Dionne et al., 2010
3
Communauté d'apprentissage professionnelle (CAP) ou
Professionnal Learning Community (PLC)
DuFour, 2004; Leclerc et
Labelle, 2013
4
Communauté virtuelle d'enseignants ou Online PLCs
Duncan-Howell, 2010
5
Communauté d'apprentissage hybride ou Blended learning,
Hybrid PLCs
Blitz, 2013
6
Communauté de pratique virtuelle (CoPV) ou Online community of
practice (OCoP), Virtual community of practice (VCoP)
Daele et Charlier, 2006
7
Communauté d’élaboration de connaissances ou Knowledge-
building community
Scardamalia et Bereiter,
2003
8
Communauté de pratique en réseau (CoPeR)
Laferrière, Gervais et
Martel, 2006
9
Groupe de codéveloppement professionnel ou Professional co-
development
Payette et Champagne,
1997
Note. Repris de la revue de littérature sur les CAP, Dembélé et Mukamurera (2021), sous licence
CC BY-NC-SA.
La définition des CAPC peut être intégrée aux réflexions des chercheurs européens et canadiens sur les
concepts de communautés d’apprentissage professionnelles (CAP) (Dionne et al., 2010; Leclerc et
Labelle, 2013; Dembélé et Mukamurera, 2021) ou de communautés de pratiques (CoP) (Lave et Wenger,
1991).
QU’EST-CE QUE LA CoP?
La communauté de pratique (CoP) peut se définir comme un groupe de personnes ayant le même domaine
d’expertise qui se rencontrent pour échanger et apprendre les uns des autres, face à face ou virtuellement
(Wenger, 1998; Wenger et al., 2002). Elle est caractérisée par l’engagement mutuel de ses membres, le
partage d’un but commun et le partage d’un répertoire initial de connaissances. Ces deux finalités sont la
réduction de l'isolation pour surmonter les défis rencontrés et l’amélioration de la pratique professionnelle
du participant (Wenger, 1998).
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QU’EST-CE QUE LA CAP?
À partir d’une trentaine de définitions repérées lors de la recension des écrits, on peut définir la
communauté d’apprentissage professionnelle (CAP) en contexte scolaire comme
un regroupement de professionnels scolaires (pouvant inclure ou non des sous-groupes) qui
travaillent en collaboration autour d’un but commun, interagissent et réfléchissent ensemble de
manière continue et constructive, partagent des ressources et leurs expériences et apprennent
ensemble avec et par les pairs dans une perspective de développement professionnel continu et
d’amélioration de l’apprentissage des élèves (Dembélé et Mukamurera, 2021, p. 10).
Les communautés d’apprentissage professionnelles, par rapport aux communautés de pratiques, auront la
particularité d’avoir comme objectif non pas uniquement la production de connaissances et l’émancipation
des acteurs. Les membres de la CAP auront comme souci premier de partir des travaux des apprenants,
leurs réussites et leurs difficultés avec comme finalité l’amélioration du développement de compétences
des apprenants. La communauté d’apprentissage professionnelle est donc plus une notion liée au contexte
éducatif alors que la CoP est utilisée dans un cadre d’amélioration des connaissances des apprenants de
manière plus générale. Nous pouvons dire que les cellules au Sénégal sont de véritables communautés
de pratiques et tendent vers des communautés d’apprentissage professionnelles par leur redynamisation.
QU’EST-CE QU’UNE COMMUNAUTÉ VIRTUELLE?
Tout comme le souligne Amaury Daele et Bernadette Charlier (2006, p. 8), nous utiliserons la notion de
« communauté » de manière parcimonieuse, car une communauté ne se résume pas à la création d’un
groupe, d’une liste de diffusion ou d’un réseau. Selon Blitz, la communauté virtuelle peut se définir comme
étant : « a teams of educators who use digital and mobile communication technologies, at least part of the
time, to communicate and collaborate on learning, joint lesson planning, and problem solving »
3
(Blitz,
2013, p.1). Autrement dit, une communauté virtuelle pourrait désigner un groupe d’enseignant
communiquant et échangeant en réseau au moyen de technologies et dont le fonctionnement et l’identité
se construisent au fil du temps par les membres eux-mêmes (Daele et Charlier, 2006, p. 8).
La revue de littérature sur les CAP effectuée au sein du programme APPRENDRE montre certaines limites
quant aux faibles résultats d’articles ou d’ouvrages traitant de la question dans les pays d’Afrique
francophone. Pourtant, il semble que des initiatives existent dans ce sens.
État des lieux des collectifs d’enseignants en Afrique francophone
En effet, sur le continent africain, les communautés enseignantes sont observables sous différentes
dénominations ayant pourtant de nombreuses similitudes avec les communautés présentées ci-dessus,
comme le démontre le tableau 2.
3
Traduction libre : « équipes d'éducateurs qui utilisent les technologies de communication numériques et mobiles, au moins une partie du
temps, pour communiquer et collaborer sur l'apprentissage, la planification conjointe des cours et la résolution des problèmes ».
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Tableau 2
Récapitulatif des types de communautés d’apprentissage professionnelles/collectifs d’enseignants
(CAP/CE) dans six pays bénéficiaires d’APPRENDRE
Pays
Types de CA/CE
présentés
Sources d’impulsion Dénominations
Côte d’Ivoire
La collaboration entre les
enseignants dans les
collèges de proximité
Initiative institutionnelle
Unité pédagogique (UP) et
Conseil d’enseignement (CE)
Utiliser les TIC comme
outils pour renforcer des
capacités des
enseignants
Initiative d’enseignants de
physiques-chimie d’un
collège
Bénin
L’expérience de travail
collaboratif des
enseignants de
mathématiques
Des initiatives
institutionnelles et
d’enseignants de
mathématiques
Équipes/groupes d’entraide
pédagogiques
Plateforme Web
EducMaster comme outil
de facilitation des
collaborations
Initiative institutionnelle
Conseil d’enseignement (CE)
Burundi
Expérience de collectifs
enseignants au sein des
réseaux scolaires
Initiative institutionnelle
Ordonnance ministérielle
du 19 décembre 2019
Réseaux scolaires
Sénégal
La redynamisation des
CAP dans le cadre du
projet (PAEBCA)
Initiative de projet de PTF
international
Cellules d’animation
pédagogique
Mali
Communautés
d’apprentissage et
développement
professionnel des
enseignants du
Fondamental
Initiative de projet
Projet d’appui à la mise
en œuvre de la formation
des enseignants
(PAMOFE) lancé en 2004
Communauté d’apprentissage
des maîtres
Niger
Professionnalisation des
enseignants par le biais
des CAPED
Initiative institutionnelle
Cellules d’animation
pédagogique (CAPED)
Note. Repris des actes du 3
e
séminaire APPRENDRE, Le Her, Adotevi (2021, p. 27) sous licence
CC BY-NC-SA.
Le cas du Sénégal nous intéressera plus particulièrement dans le cadre de cet article à propos de la
redynamisation des CAPC par l’intégration des technologies informatisées évoquée par le Ministère et ses
partenaires internationaux en 2017 (cf. partie Contexte).
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QUEL RAPPORT ENTRE CAP, COP ET CAPC?
Une des différences essentielles entre les deux concepts se trouve dans leur finalité. La CoP insiste
notamment sur l’amélioration des pratiques des enseignants par l’analyse eux-mêmes de leurs pratiques.
Les CAP insistent davantage sur l’amélioration des pratiques des enseignants par l’intermédiaire d’une
analyse des travaux réalisés par les élèves. La CAPC au Sénégal ressemble à une CoP dans son analyse
des pratiques pédagogiques des enseignants (PAEBCA, 2018, MEN Sénégal). D’autres similitudes sont
observables entre les CAPC au Sénégal et les deux concepts théoriques nommés ci-dessus, notamment
dans la notion de partage de connaissances entre pairs, d’échanges sur les pratiques de classe, de
développement professionnel de l’enseignant.
Quel lien entre technologie informatisée, CoP et qualité de l’éducation
Afrique?
Nous voulions examiner le lien entre l’utilisation des TI, les communautés de pratiques et la réflexion
institutionnelle autour de qualité de la formation des enseignants.
Dans le rapport 17 de Savoirs communs, les auteurs insistent sur l’importance d’accompagner les acteurs
pour les former à utiliser les outils informatisés, les comprendre et les intégrer dans leurs pratiques :
Faut-il rappeler que la seule distribution de supports informatiques ne peut suffire à faire des TIC
un levier d’amélioration de l’éducation en Afrique subsaharienne? Encore une fois, il faut insister
sur l’absolue nécessité de mettre en place des programmes qui ne laissent pas seuls les
enseignants face aux TICE, que cela soit pour se former ou pour former leurs élèves (Savoirs
communs, 2015, p. 83).
L’État a un rôle primordial de soutien aux politiques liées à l’utilisation des TICE dans la formation des
enseignants en Afrique. Il doit définir les besoins, préciser le rôle qu’ils souhaitent voir jouer aux TICE dans
les CoP par exemple et s’assurer qu’un cadre macronational peut permettre aux différentes expériences
liées aux TICE de se développer de manière coordonnée et cohérente (Savoirs communs, 2015, p. 95).
Selon le document de capitalisation du PAEBCA au Sénégal (Ministère de l’Éducation nationale du
Sénégal, 2018), les objectifs d’apprentissage pour les TI donnés par les textes officiels renvoient
principalement à un usage d’outils au service des disciplines. Comme le soulignent Béziat et Villemonteix
(2012),
Aucun concept, aucunes notions propres aux technologies informatisées et à la science
informatique n’apparaissent de manière spécifique, cette omission permettant aux enseignants
de s’exonérer d’un traitement spécifique du fonctionnement et des enjeux sous-jacents de ces
environnements (Béziat et Villemonteix, 2012, p. 4).
Pour éviter tout discours trop optimiste en matière de technologies informatisées, il est important de
développer des outils d’évaluation rigoureux et identifier les réelles contributions au niveau de la formation
des enseignants (Savoirs communs, 2015, p. 97).
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Méthodologie
La mission de terrain a été réalie au Sénégal dans le cadre du doctorat pendant un mois en janvier
2022. Le corpus compte 21 entretiens semi-directifs d’enseignants volontaires provenant de 22 écoles
élémentaires. Une grille d’entretien avait été préparée en amont de la mission avec une partie sur
l’appropriation des technologies informatisées par les enseignants dans le cadre des CAPC. La recherche
s’est divisée en cinq inspections de l’éducation et de la formation du territoire, à savoir Grand Dakar et
Dakar Plateau situés dans la capitale du Sénégal, Ziguinchor, Bignona 1 et Sédhiou situés dans la région
de Casamance au sud du pays. Seulement 4 femmes ont fait partie de l’échantillon contre 17 hommes.
Ce n’était pas volontaire, mais représentatif des 22 écoles visitées lors de la mission. Les interrogés
avaient 16 ans de moyenne d’âge d’ancienneté dans le métier.
Pour une question d’organisation, nous avons employé les raccourcis « (RTED1) » à la suite des citations
d’enseignants, ce qui veut dire « ReTranscription Enseignant de Dakar » pour D, Bignona pour B, Sédhiou
pour S, Ziguinchor pour Z avec le numéro de l’enseignant.
Nous avons choisi de privilégier l’analyse thématique selon les travaux de Paillé et Muchielli (2012,
chap. 11). Cette démarche nous a permis de ressortir les éléments revenant régulièrement dans les
discours des enseignants pour en faire des catégories (cf. partie Résultats). L’exploitation des résultats a
été réalisée sur tableur. Les données restent en cours d’analyse.
Résultats
Au Sénégal, la radio, la télévision, l’ordinateur, la tablette et le téléphone portable peuvent être des
technologies employées dans un cadre éducatif. Les outils servent en particulier à filmer ou capter des
informations utiles pour les pratiques de classe ou la vie quotidienne de l’enseignant. Voici quelques
résultats de l’analyse des discours enseignants sur la question de leur utilisation dans le cadre des CAPC.
Nous rappelons que les résultats ne sont pas définitifs et que d’autres analyses sont en cours pour le
travail de thèse.
Filmer avec les tablettes numériques : avantages, difficultés, remédiation
Dans certains discours denseignants interrogés, l’usage des technologies informatisées dans les cellules
se fait par l’intermédiaire de tablettes numériques, avec leurs avantages et leurs inconvénients.
À QUOI SERT LA VIDÉO?
Dans une cellule avec l’utilisation de la tablette, un ou deux enseignants filment une séance de cours de
leur pair. Dans les jours qui suivent, une rencontre entre membres de la CAPC est organisée dans une
salle la vidéo est projetée et commentée. Le collectif donne son avis en insistant sur le respect de la
démarche pédagogique présentée dans le guide de l’enseignant (Ministère de l’Éducation nationale du
Sénégal, 2014, Guide CEB, Étape 1). Le projet PAEBCA a proposé des grilles d’observation des pratiques
(Ministère de l’Éducation nationale du Sénégal, 2018, p. 25). Selon les enseignants interrogés, plus de la
moitié déclare ne pas connaitre ces grilles ou ne pas les utiliser par manque d’appropriation de l’outil.
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Lors d’une séance classique sans technologies, les enseignants s’assoient au fond de la classe et
observent leurs pairs. Ils peuvent être 30 ou 40 personnes. Pour certains enseignants, le recours aux
tablettes est positif, car la présence des collègues observateurs dans la salle peut « perturber » et
« entraver » la concentration des élèves et du prestataire : « les enfants ont des difficultés s’il y a un
étranger dans la classe parfois ça les distrait » (RETZ 1, 13’).
Pour d’autres, l’utilisation du film permet de mieux suivre le développement de la leçon, car il est possible
de faire un arrêt sur image, d’aller plus vite ou de revenir en arrière.
Sur la question de l’électrification, 9 enseignants sur 21 mentionnent qu’il y a de l’électricité dans les salles
accueillant les cellules; nous verrons plus tard que ce n’est pas le cas partout.
DES DIFFICULTÉS D’UTILISATION DES TABLETTES
Malgré des avantages liés à l’utilisation des tablettes, un grand nombre d’enseignants mentionnent des
difficultés de fonctionnement :
« Les tablettes données par le PAEBCA on avait rencontré énormément de problèmes. Au début
on a fait deux ans avec les tablettes numériques. On vient, on filme la prestation, ensuite
maintenant le jour de la cellule on a des problèmes même pour faire une projection » (Q11,
RTES3, 17’).
Les problèmes liés aux technologies utilisées dans les cellules peuvent être de plusieurs natures :
Coupures d’électricité
Problèmes de cadrage
Image floue
Difficulté de projection
Manque de matériel adapté (ex. : adaptateur)
Par exemple, en 2016, un des enseignants se rappelle avoir reçu ce qu’il nomme un « appareil caméra »
(Q1, RTES1). Il décrit directement des difficultés d’utilisation dues aux conditions de vue qui ne sont pas
compatibles avec la chaleur extérieure. Il arrive également que les acteurs décident d’annuler la cellule et
de la reporter pour cause de problèmes techniques.
Certains mentionnent qu’ils n’utilisent pas le matériel informatique, notamment en campagne, surtout à
cause des problèmes d’électricité :
« Comme c’est vrai on a une vidéo projecteur, mais on ne peut pas faire la projection parce que
nous n’avons pas d’électricité » (Q11, RTES3).
Il est intéressant d’analyser les réponses à la question de l’électrification des CAP par zone géographique.
On remarque qu’à Ziguinchor et Bignona l’électricité est présente en majorité dans les cellules alors qu’à
Sédhiou les trois enseignants interrogés mentionnent qu’il y a très peu souvent d’électricité. Une des
solutions pour pallier les difficultés est que l’ensemble des enseignants de la CAPC observent le
prestataire pendant la séance de cours avec les élèves et poursuivent les échanges sans les élèves à la
fin de la séance le jour même.
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Mais nous l’avons constaté dans la sous-partie 1 : la présence des enseignants au fond de la classe peut
entraver la concentration des élèves et du prestataire, et nuire à l’enseignement-apprentissage. Dans ces
zones rurales, lorsque la prestation ne peut pas se faire avec les outils informatiques, la CAPC privilégie
qu’un des enseignants aille observer le prestataire en classe et note la démarche sur papier. Le jour de la
réunion en CAPC, il restitue oralement ce qu’il a noté devant le groupe, le prestataire donne son avis et
les échanges se poursuivent entre pairs.
Outre les problèmes techniques, on observe un discours sur le manque de connaissances et de formation
à l’utilisation des tablettes. Un des enquêtés précise qu’il n’y avait pas de formation initiale même pour le
responsable du matériel (Q13, RTES2). Un autre enseignant mentionne que lorsque leur pair qui maîtrisait
l’outil a quitté l’école, la tablette n’a plus été utilisée :
« Il y avait quelqu’un seulement qui faisait, qui se débrouiller, mais ce dernier-il est parti et
depuis qu’il est parti on a arrêté même de prendre ces prestations filmées » (RTES 1, 19’).
DES ENSEIGNANTS-RESSOURCES POUR REMÉDIER AUX DIFFICULTÉS DES TABLETTES
Comme évoqué ci-dessus, les enseignants ne sont pas à court d’idées ou de souhaits pour remédier aux
problèmes d’utilisation des tablettes dans les cellules. En voici des exemples.
Les acteurs sont conscients qu’ils peuvent avoir des difficultés pour utiliser le matériel, mais savent
également remédier à ces difficultés en tentant de régler le problème technique avec des personnes-
ressources qui n’ont pas eu de formation, mais qui prennent des initiatives pour utiliser les outils
informatiques. Parfois ils vont prendre l’initiative de faire le montage vidéo de la prestation sur tablette ou
ordinateur. Ils peuvent également avoir été repérés par leurs supérieurs (directeur, responsable de la
CAPC, doyen) comme étant doués avec les technologies informatisées. À ce moment, ils peuvent être
désignés comme référents TICE de la CAPC ou missionnés temporairement pour s’occuper de
réquisitionner la tablette et le vidéoprojecteur auprès de l’inspection, monter les vidéos ou encore filmer.
En dehors de la maîtrise technique, ils savent que l’utilisation des tablettes nécessite une organisation,
une anticipation :
« […] bien avant que l’école passe comme aujourd’hui mercredi nous allons envoyer déjà la
tablette bien avant, une semaine avant pour filmer d’abord et regarder si le film c’est bon avant de
mettre le film sous clés et de le mettre sur ordinateur » (Q11, RTEB3).
Pour obtenir un vidéoprojecteur, un des enseignants mentionne qu’il faut s’y prendre très tôt, car pour
l’élémentaire, il y a un outil par inspection alors qu’il y a parfois plusieurs cellules qui font leur réunion le
même jour. Certains enquêtés proposent d’apporter, lorsque c’est possible, sa propre tablette ou son
ordinateur portable pour filmer (Q13, RTEZ5, Q14, RTEB2). Malgré cela, certains enseignants souhaitent
être dotés de matériel adéquat et complet, notamment des adaptateurs pour brancher le vidéoprojecteur
et la tablette, des groupes électrogènes lors des coupures (Q10, RTEZ3) et assurer une maintenance
lorsque les outils sont en panne.
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Une réflexion autour d’un souhait d’équiper les écoles de boitiers Wi-Fi a été mentionné avec une
explication sur la façon dont pourrait être géré le matériel par la suite :
« […] chaque mois l’école règle ça, c’est mieux. Peut-être acheter le matériel c’est difficile, mais
si on doit payer, je ne pense pas que ce soit un problème. Peut-être que le problème où se trouve
c’est le fait qu’on n’ait pas le matériel, mais si on a le matériel, l’APE
4
peut suggérer et acheter le
crédit et mettre pour qu’on puisse travailler » (Q11, RTEZ5).
Un enseignant ajoute :
« Parfois on se cotise pour louer un groupe électrogène faire la projection » (Q11, RTES3).
En outre, des séances de formation sont proposées une fois par an pour accompagner les enseignants
dans l’utilisation des outils informatiques plutôt pour les responsables de cellule dans le cadre du
PAEBCA :
« J’ai participé à Bakoum avec les inspecteurs de la région de Sédhiou et avec l’informaticien du
PAEBCA » (Q13, RTES3).
D’après un enquêté, les enseignants fonctionnaient aussi avec les informaticiens de l’IEF (Q13, RTES3).
Selon un des interrogés, l’autoformation entre pairs peut aussi être une solution :
« Les gens ont été formés à l’outil, dans chaque école il y a quelqu’un qui s’y connait plus ou
moins qui essaie de former les autres, comment filmer, comment projeter » (Q13, RTEZ1).
Enfin, un des enseignants tient un raisonnement intéressant de pratiques liées aux technologies
informatisées pour garder une trace des activités des cellules. Il a sélectionné des vidéos de prestations
de classe des enseignants dans toutes les matières du programme (mathématiques, résolution de
problèmes, histoires, lecture, compréhension) qu’il a mis sur une clé USB pour que les enseignants
souhaitant revenir sur les leçons et améliorer leurs pratiques de classes puissent le faire :
« On a varié pratiquement maintenant on a toutes les leçons et ça y est dans ma machine
aujourd’hui. J’ai plus de six à sept vidéos dans l’ordinateur portable depuis l’année dernière on a
commencé à les stocker et à les garder » (Q15, RTEB 3, 18’).
Deux types d’utilisation sont visibles dans les CAPC au Sénégal. Le premier usage est l’utilisation des
tablettes et d’un vidéoprojecteur pour filmer et analyser les prestations de classe. Le second usage est
l’utilisation des réseaux sociaux à partir du téléphone portable pour échanger sur les pratiques et
communiquer les informations jugées essentielles par les pairs.
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Association des parents d’élèves
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Utiliser une application mobile multiplateforme (AMM) pour échanger :
portées et limites
D’après les personnes interrogées, les enseignants utilisent une application mobile multiplateforme (AMM)
pour communiquer et s’autoformer. Voyons-en les portées et les limites.
UNE STRUCTURATION ÉCLECTIQUE DES GROUPES
Plusieurs types de communautés ont été mentionnés par les enseignants pour communiquer
et se former (Q9, RTED8). En voici un résumé dans le tableau 3.
Tableau 3
Différents types de groupes issus d’une application mobile multiplateforme (AMM) utilisée par les
enseignants pour communiquer et s’autoformer (Entretiens enseignants, Casamance, Sénégal,
janvier 2022)
Type de
groupes
Contenu Public Exemples
Groupe de
l’école
Vie de l’école, principaux
évènements, publications
d’exercices, dates des
examens, dates de
réunions de parents
Enseignants de l’école,
directions, parents et
inspections (parfois)
Groupe de la
CAPC
Vie de la CAPC, dates de
réunion, programmations,
rappel du prochain
prestataire
Enseignants membres
de la CAPC (plusieurs
établissements),
directions, inspections
(parfois)
Groupe de
syndicats
Droits des enseignants,
procédures administratives
à réaliser pour un
concours, etc.
Syndicats, enseignants,
directions, inspections
« Carrière
d’enseignant » créé par
un groupe syndical
(CELS) sur Sédhiou
Groupe de
promotion
Nouvelles entre anciens
camarades de promotion,
débat lié à l’actualité,
conseils de lecture
Anciens camarades de
promotion
Groupe de
projet culturel
et sportif
Informations pour
promouvoir une activité
culturelle ou sportive
Enseignants, directions,
parents, inspections,
ONG nationale ou
internationales
« EJO Bignona » en
partenariat avec l’ONG
Play Internationale,
« LPT langue pour
tous », « Génies en
herbe », « Modeste » et
« Les affamés du
savoir »
Note. © C. Le Her (2023)
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Dans le groupe de l’école, les échanges concernent notamment la vie de l’école, les principaux
évènements, les dates des examens, les dates de réunions de parents. Il peut y avoir des questions d’ordre
pédagogique discutées dans ce groupe. Dans le groupe de la CAPC, les échanges concernent notamment
la vie de la CAPC, les dates de réunion, les programmations, le rappel du prochain prestataire. Le groupe
syndical permet de transmettre des informations surtout liées aux droits des enseignants, aux procédures
administratives à réaliser pour un concours, etc. Dans le groupe de promotion, les membres d’anciennes
écoles peuvent avoir gardé contact et racontent leur expérience personnelle et professionnelle, discutent
de l’actualité, donnent des conseils littéraires et culturels pour développer son sens critique et intellectuel.
Dans le groupe de projet culturel ou sportif, les acteurs de l’école échangent sur des projets liés à des
initiatives pour développer un élément précis. Cela peut correspondre au C de CAPC qui montre la volonté
institutionnelle de promouvoir la culture dans les cellules.
Les enquêtés donnent quelques exemples concrets comme le groupe « Carrière d’enseignant » créé par
un syndicat (CELS) de Sédhiou :
« Ce groupe-aussi échange des documents, par exemple je peux… bon si j’ai besoin d’un
document, j’introduis le nom du document, on me l’envoie en PDF, je télécharge et j’exploite »
(Q22, RTES3, 31’).
Le groupe « EJO Bignona » est en partenariat avec l’ONG Play Internationale. Il rassemble sur un même
groupe 10 écoles de l’IEF de Bignona dans le cadre d’un projet pour promouvoir l’activité sportive dans
les écoles sénégalaises.
Un enseignant explique que les groupes peuvent se former selon des critères culturels ou sociaux comme
l’action de faire partie de la même communauté, de la même ethnie, de la même localité ou encore du
même parti politique (Q22, RTED1).
Un des enquêtés énonce également l’existence d’un groupe sur la question de l’introduction des langues
maternelles dans l’enseignement (LPT langue pour tous), pas dans la région de Dakar, mais en
Casamance :
« Là où je servais, il y avait la langue wolof ou bien pulaar ou bien la langue serrer. La langue de
base des enfants quoi. On avait créé un groupe et on va échanger à travers ce groupe, les
affichages tout » (Q22, RTED3).
LES APPLICATIONS MOBILES MULTIPLATEFORMES (AMM) EN COMPLÉMENTARITÉ DES FILMS
DANS LES CAPC
Deux enseignants font part que les réseaux sociaux sont la continuité de la cellule d’animation
pédagogique
« La cellule c’est ce que nous vivons en direct. Dans le groupe c’est parfois un débat que nous
menons […] » (Q23, RTEB3).
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Les groupes sont souvent vus comme dynamiques et offrant la possibilité d’échanger avec les autres
enseignants et l’IEF en vue de régler certains débats des cellules :
« Il te donne -bas des informations, par exemple si tu as besoin des fiches de telles classes, tu
balances, quelqu’un qui a, il te revient » (Q20, RTEZ5, 20’).
Certains autres expriment qu’il y a un avantage à utiliser une application mobile multiplateforme (AMM),
notamment pour un gain de temps dans le délai de réponse qui est quasi instantané :
« Maintenant-moi si j’ai des lacunes en résolution de problèmes, et que la cellule zonale n’a pas
pu peut-être régler, je pose mon problème sur le groupe Whatsapp et on essaye d’apporter des
correctifs » (RTES 3, 31’).
Une autre raison d’utiliser une AMM est le partage d’information liée à l’actualité, à la culture générale :
« Parce que peut-être dès fois on peut t’informer s’il y a une réunion. On balance ça dans le
groupe et chacun est informé » (Q23, RTEZ 3, 20’).
Selon les enseignants, les principales raisons d’utilisation d’une application mobile multiplateforme (AMM)
sont :
La démarche pédagogique à employer pour enseigner;
L’utilisation des cahiers des enseignants;
L’envoi de banques d’épreuves sous forme de fichier pour enrichir son catalogue d’exercices;
L’avancée de la carrière;
La rénovation des guides;
La planification;
L’hymne national.
Les groupes sont régis par un règlement qui peut différer selon leurs fonctions : « Il n’y a pas de campagne
-bas, ni de publicité ni à faire les anniversaires, ni les photos. On parle de pédagogie et d’information qui
concerne l’éducation » (Q24, RTEB3). Il peut y avoir des communautés qui servent uniquement à partager
du contenu pédagogique sans avoir le droit de commenter. Et, si les contenus sont inappropriés,
l’administrateur peut se donner le droit d’extraire un agent du groupe (Q24, RTEB3).
Plusieurs types d’acteurs peuvent être les administrateurs :
Les enseignants;
Des inspecteurs;
Le responsable de la cellule;
Le directeur de l’établissement.
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DES LIMITES OBSERVABLES DE L’UTILISATION DES AMM
Outre les bienfaits de l’utilisation d’une application mobile multiplateforme (AMM) mentionnée ci-dessus,
certains enseignants déclarent n’avoir jamais participé à ces groupes, surtout en raison du manque de
réseau en brousse et du manque de temps accorder à l’amélioration des pratiques.
De plus, une des limites des groupes est la quantité de messages postés. Un des enseignants raconte :
« Tu peux ouvrir un groupe, 200 messages, 300. Ce n’est pas possible de tout lire » (Q21,
RTED1).
Sur le plan de l’organisation, il est difficile de déceler un programme de discussion selon les jours de la
semaine. Certains enseignants mentionnent tout de même qu’il existe des jours précis où les discussions
tournent autour d’un thème ou d’un débat, par exemple la pédagogie active, la pédagogie fonctionnelle.
Enfin, pour utiliser une AMM, l’outil privilégié par les enseignants pour communiquer est le téléphone
portable. Peut-il être vu comme une piste de réflexion pour des projets liés à l’amélioration de la formation
continue des enseignants? Nous verrons ci-dessous comment les enseignants décrivent cet outil dans les
collectifs.
Le téléphone portable privilégié par les enseignants
Comme cela a été dit précédemment, le téléphone portable est un outil que beaucoup d’enseignants
utilisent déjà dans les classes pour filmer les prestations ou encore mettre des informations dans les
communautés.
Pour certains, l’utilisation du téléphone portable permet de pallier les difficultés de l’utilisation des tablettes
pour filmer dans les cellules :
« […] parce que maintenant avec les portables à touche-écran on parvient à avoir des cartes
mémoires ou bien des capacités de mémoires de portables et de filmer. Après chaque film on
supprime après avoir transforça en clé, on supprime pour avoir de l’espace encore pour la
prochaine séance sinon ça va saturer après le portable » (Q13, RTEB 3, 16’).
En dehors des cellules, un enseignant fait part de son utilisation d’Internet pour l’aider à construire ses
cours :
« Moi personnellement j’aime beaucoup l’internet, partout je suis j’avais mon ordinateur et
j’avais mon téléphone, j’avais mon ordinateur avec connexion. Bon si je voulais faire une fiche sur
le chant ou bien sur une activité, je vais sur Google, je tape ce que je veux, comment faire une
fiche de chant même si je n’ai pas le texte je tape, j’aurais le texte la chanson, les différentes
phrases, l’auteur, etc. Donc l’internet c’est un support pour nous. Donc vraiment l’internet c’est un
outil indispensable » (Q22, RTED3).
À Ziguinchor, des enseignants ont expérimenté la cellule à distance pendant la COVID avec une connexion
entre la France et le Sénégal dans le cadre de nos travaux de thèse.
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L’expérimentation des services de vidéoconférence (SdV) en CAPC pendant
la COVID-19
D’après eux, cette expérience a plutôt bien fonctionné et leur a ouvert des possibles :
« Bon à distance oui, en ce sens que moi j’avais fait une communication sur le droit d’une manière
générale, dix minutes. J’étais dans ma classe, les autres étaient éparpillés un peu avec Google
Meet. Voilà ils ont réagi ils ont posé des questions et le directeur devait faire une communication
aussi sur le support numérique, etc. » (Q21, RTEZ2).
Les enseignants de la cellule se disent en avance sur le fait d’employer des services de vidéoconférence
dans leurs CAPC. Deux types de services sont énoncés lors des entretiens :
« Aujourd’hui on a initié Google Meets lors de la dernière cellule et on s’est dispersé on a fait deux
communications de dix minutes, les gens ont reçu, ils ont posé des questions, ils ont contribué »
(Q10, RTEZ 2, 12’30).
« Comme l’autre jour, ils avaient mis un lien pour le Zoom. Si par exemple tu n’as pas la connexion,
tu ne peux pas être -bas, donc il faut acheter de la connexion pour pouvoir le faire » (Q11,
RTEZ5).
Leur souhait est de valoriser ce type de pratique :
« On aimerait vraiment lors de la cellule prochaine essayer de mettre ça en exergue pour voir
comment ça fonctionne » (Q21, RTEZ 4, 19’).
L’usage du téléphone portable reste informel dans les collectifs. Il n’est pas institutionnalisé ni encouragé
par les institutions malgré une utilisation croissante. En ayant posé la question de l’utilisation du téléphone
portable dans les cellules, certains interrogés n’ont pas pensé à leur utilité, mais ils étaient curieux de
creuser la question.
Synthèse et perspectives
Nos résultats
5
montrent que les enseignants perçoivent l’application mobile multiplateforme (AMM) comme
étant complémentaire aux activités liées aux technologies en cellule d’animation pédagogique. Cependant,
certains enseignants mentionnent l’importance de la médiation (Larrieux et Béziat, 2020) pour éviter les
nombreux échanges infructueux sans lien direct avec l’intérêt premier de ces communautés virtuelles
informelles. L’importance de la gestion de la communauté a été mentionnée, notamment par l’élaboration
d’un calendrier avec des conférences thématiques quotidiennes médiées par des enseignants ou d’autres
acteurs de l’éducation. Le rôle de l’administrateur est central pour réglementer et cadrer les échanges.
5
En cours d’analyse à l’heure d’écrire ces lignes.
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Dans les discours des enseignants, les outils privilégiés pour filmer ou communiquer sont le téléphone
mobile et l’ordinateur portable. Malgré une volonté institutionnelle d’intégrer la tablette dans les cellules,
les problèmes d’accessibilité et de fragilité de l’outil freinent son utilisation à grande échelle. Les services
de vidéoconférence (SdV) ou le microphone sont privilégiés pour filmer, photographier ou enregistrer des
séances de cours ou des prestations en cellule. La prise en compte institutionnelle du rôle du téléphone
mobile dans les cellules serait une piste de réflexion possible, notamment à travers la création d’une
application pour garder une trace des échanges et des vidéos.
Mais comme le soulignent Béziat et Villemonteix (2012), les technologies informatisées sont à la fois un
objet d’enseignement à didactiser (la programmation, l’algorithmique, la robotique…), un ensemble de
savoirs (valeurs et connaissances du domaine à l’instant présent) et une instrumentation des disciplines
et des apprentissages (un outil). La compréhension des technologies informatisées en contexte de
formation demande la prise en compte de ces trois pôles dans un processus distinguant l’objet
d’enseignement de l’outil. Sous cet angle, l’intégration d’un outil informatique comme la tablette dans une
cellule, qui trouve sa traduction sur le terrain essentiellement dans une formation des enseignants à l’outil,
devient insuffisante pour répondre à l’ensemble des exigences liées à une éducation au monde
informatisé.
Dans le travail de thèse en cours, nous poursuivons le questionnement sur l’amélioration de l'utilisation
des TICE en contexte de formation continue des enseignants en Afrique. Nous insisterons sur l’importance
de dépasser la vision de l’outil pour se centrer sur la réflexivité et l’instrumentation des pratiques. La
perspective est de pouvoir entamer une discussion plus globale sur le processus d’institutionnalisation des
pratiques de formation réalisées dans les communautés enseignantes. Avec le souci de contextualiser les
initiatives, il s’agira également de continuer à penser les cadres de formation initiale et continue des
enseignants au Sénégal et ailleurs.
Liste de références
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de mobilisation pour l’amélioration de la qualité de l’éducation. Biennale 2015 du CNAM sur le thème « Coopérer »,
Paris, France.
Awokou, K. (2007). De l’utilisation des médias et des technologies de l’information et de la communication dans l’éducation
de 1960 à 2006. Le cas du Togo. Université de Rouen, France.
Béziat, J et Villemonteix, F. (2012). Les technologies informatisées à l’école primaire. Déplacements et perspectives. Dans
M. Sidir, E. Bruillard et G.-L. Baron (dir.), Actes du colloque JOCAIR 2012 (p. 295-307). Amiens, France :
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Béziat, J., Villemonteix, F. (2016). Suffit-il d'en faire? Les TICE au quotidien. Le cas de l'école primaire en France.
Education & Formation, e-304(02), 41-52. https://tinyurl.com/spbrt5pp
Blitz, C. L. (2013). Can online learning communities achieve the goals of traditional professional learning communities?
What the literature says. (REL 2013003). Washington, DC: U.S. Department of Education, Institute of Education
Sciences, National Center for Education Evaluation and Regional Assistance, Regional Educational Laboratory
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Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
© Auteurs. Cette œuvre est distribuée sous licence Creative Commons 4.0 International.
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