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Constructiond’un
hub
socialetformation
desétudiantseningénieriepédagogique
Socialhubconstructionandstudents'traininginpedagogical
engineering
Construccióndeunhubsocialyformacióndeestudiantesde
ingenieríapedagógica
https://doi.org/10.52358/mm.vi11.280
Olivier Perlot, enseignant
Institut national supérieur du professorat et de l’éducation,
Université de Reims Champagne-Ardenne, France
olivier.perlot@univ-reims.fr
Bertrand Mocquet, expert numérique et chercheur
Agence de mutualisation des universités et établissements,
Laboratoire MICA, Université Bordeaux Montaigne, France
bertrand.mocquet@amue.fr
SUMÉ
Notre article présente et analyse un dispositif, mis en place progressivement, d’un espace
numérique d’échanges dans une formation de l’enseignement supérieur français se destinant
au métier de l’ingénierie pédagogique répondant à une compétence de formation : répondre
à un appel à projet fictif. Nous tentons de démontrer, en relatant la dernière année de
formation, que cette pratique de formation intentionnelle de la part de l’enseignant fait
apparaître toutes les caractéristiques d’un hub social (Gobert, 2009, 2020) dans la formation,
mais aussi dans les six mois qui la suivent. Par ailleurs, nous témoignons que le hub social
construit ainsi des pratiques professionnelles d’anciens étudiants aujourd’hui praticiens,
puisque les interactions sont encore effectives bien après la formation.
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Mots clés : hub social, formation professionnelle, ingénieur pédagogique, enseignement
supérieur
ABSTRACT
Our paper presents and analyzes a device, progressively set up, of a digital space of
exchanges in a French higher education training intended for the profession of pedagogical
engineering answering a fictitious call for project. We try to demonstrate, by relating one year
of observations, that this intentional training practice on the part of the teacher shows all the
characteristics of a social hub (Gobert, 2009, 2020) in training but also in the six months that
follow it. Moreover, we testify that the social hub thus builds professional practices of former
students who are now practitioners since the interactions are still effective long after the
training.
Keywords: social hub, professional training, educational engineer, higher education
RESUMEN
Nuestro artículo presenta y analiza un dispositivo, implementado progresivamente, de un
espacio de intercambio digital en un curso de formación superior francesa. Dicho curso está
destinado a la profesión de ingeniero pedagógico y se centra en una competencia de
formación: responder a una convocatoria de proyectos ficticia. Intentamos demostrar,
relatando los últimos tres años de observaciones, que esta práctica formativa intencionada
por parte del profesor revela todas las características de un hub social (Gobert, 2009, 2020),
tanto durante la formación como en los seis meses posteriores. Además, damos fe de que el
hub social construye así las prácticas profesionales de los antiguos alumnos que ahora son
profesionales, ya que las interacciones siguen siendo eficaces mucho tiempo después de la
formación.
Palabras clave:
hub social, formación profesional, ingeniería educativa, educación superior
Le contexte
Notre contexte pour cet article est la formation des ingénieurs pédagogiques en France au sein d’un Institut
national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPE). Nous observons et analysons des interactions
d’un groupe composé d’un formateur et d’étudiants durant leur formation comprenant la réponse à un
appel à projet fictif.
Le métier d’ingénieur pédagogique en visée
Conscients des mutations professionnelles des métiers de lenseignement supérieur, nous portons notre
intérêt sur les ingénieurs pédagogiques et les modalités de leur formation pour répondre aux nouveaux
enjeux de la pédagogie universitaire à l’heure du numérique (Loisy et Lameul, 2014).
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Guichard (2022) estime l’origine de ce métier au début des années 90 avec une première
institutionnalisation en France en 1997 par « l’emploi de jeunes docteurs agents de développement des
nouvelles technologies ». Ainsi, l’ingénieur pédagogique constitue à la fois un acteur ancien à l’échelle du
numérique et un membre nouveau de la communauté universitaire.
Le métier, pour le domaine universitaire, est encadré institutionnellement par le référentiel des emplois
types de la recherche et de l'enseignement supérieur qui décrit la mission principale de l’ingénieur pour
l’enseignement numérique, comme « étudier et assurer la maîtrise d'œuvre des projets numériques pour
répondre aux besoins des acteurs et publics des établissements et favoriser l'évolution des pratiques
pédagogiques »
1
. À cela, toujours dans ce référentiel, s’ajoute une disparité de familles d'activités
professionnelles dans des emplois types RéFérens III allant d’ingénieur de recherche à adjoint technique
recherche et formation. Cette spécificité est pour nous un marqueur des rôles que les ingénieurs
pédagogiques jouent une fois en poste. Nous avons d’ailleurs récemment mis l’accent sur leurs rôles dans
la stratégie numérique universitaire d’une université ou d’un établissement. Ainsi leurs « rôles sont
différents en fonction des universités et établissements, mais surtout dépendent fortement de la situation
dans laquelle se trouve l’intervention de l’ingénieur·e pédagogique » (Mocquet et Perlot, 2022). Ce dernier
point mérite de s’interroger sur cette capacité à adapter les compétences technopédagogiques (Bérubé et
Poellhuber, 2005; Karsenti et al., 2007) en fonction de la situation professionnelle. Comment développer
cette adaptation durant leur formation?
Dans la suite, nous commençons par décrire les acteurs en jeu dans cette formation : les apprenants et le
formateur. La méthode est décrite, y compris le dispositif observé (un appel à projet fictif), les outils
numériques mobilisés et leurs fonctions pour les échanges et les productions, les questions et enfin le
corpus étudié. Un focus explique le modèle de caractérisation des messages. Les résultats obtenus
évoquent la création d’un groupe coopération puis son évolution. Nous discutons ensuite de la construction
de l'espace de discussion et des gestes du formateur qui autorisent sa transformation en hub social, d’un
point de vue temporel et spatial. En conclusion, nous démontrons la transformation du groupe coopération
en un hub social avec les situations collaboratives comme levier de développement. Dans ce hub social,
nous prouvons l’ajustement du jeu de postures entre le formateur et les apprenants. Pour conclure, nous
envisageons la continuité du hub social en situation professionnelle.
Les acteurs en jeu
Dans cette partie, nous décrivons les acteurs étudiés : les apprenants et le praticien-formateur.
Les bénéficiaires de la formation : les apprenants
Avant d’envisager un transfert du processus de formation, il nous paraît nécessaire d’indiquer les profils
des étudiants. Il n’y a pas d’étude nationale sur les profils des étudiants se destinant au métier d'ingénieur
pédagogique. Ainsi, nous rendons compte dans ce paragraphe de la filière ouverte depuis trois ans : le
master IE-FUN
2
de l’INSPE à l’URCA, formation se déroulant à distance (FOAD).
1
Fiche métier F2D57 Ingénieur·e pour l'enseignement numérique. https://tinyurl.com/2ykvjsun
2
Ingénierie des e-formations et usages des outils numériques
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Depuis la rentrée 2018, les étudiants sont quasiment exclusivement salariés et en reprise d’études. Ils
sont une vingtaine par an. Certains entrent dans cette formation par une validation d’acquis de l’expérience
(VAE)
3
. Ce sont des professionnels de l’éducation : enseignants, formateurs, conseillers ou ingénieurs
pédagogiques, conseillers principaux d'éducation. Ils sont tous francophones, mais habitent sur trois
continents (Europe, Asie, Amérique du Nord). Deux à trois étudiants par promotion sont locaux. Les
étudiants ont un bagage professionnel et sont peu disponibles. Ils sont en adoption dans les usages des
outils numériques en situation pédagogique. Ainsi, selon Coen et Schumacher (2006), ils sont au stade de
l’alphabétisation technologique. Ils conservent une grande dépendance à leur réseau de soutien. Ils sont
en questionnement, mais ils sont également enthousiastes. Cet état d’esprit est un prérequis pour suivre
une formation à distance.
Le formateur
Comme nous rendons compte d’un retour d'expérience, il nous paraît important d'informer les lecteurs de
cet article que l’un des rédacteurs est le praticien-formateur étudié. Il a suivi une formation initiale en
mathématiques et en informatique. Les mathématiques lui confèrent des influences socioconstructivistes.
Son doctorat sur un sujet étudiant l’algorithmique et la programmation confirme son expertise scientifique.
Le praticien est autodidacte dans la gestion de projets et travaille en INSPE depuis 2010. Il puise dans
son expérience professionnelle de répondant à des appels à projets ou de membre de jurys pour construire
son dispositif au sens de Peraya (1999) : « une instance, un lieu social d’interaction et de coopération
possédant ses intentions, son fonctionnement matériel et symbolique enfin, ses modes d’interactions
propres ».
La situation : la formation
Dans la suite de cette communication, nous envisageons le cadre théorique à travers les définitions : d’un
hub social de Gobert (2020), des systèmes d’échanges selon modèle de Lebrun (2004) et des espaces
d’après Nowakowski et Cotton (2021). Nous abordons alors la formation et en particulier la réponse à un
appel à projet fictif, ainsi que les outils mobilisés par les apprenants et le formateur.
Le cadre théorique
LE HUB SOCIAL
Comme le souligne Thierry Gobert, « l’une des préoccupations des équipes pédagogiques […] est de
maintenir le lien entre l’organisation et les personnes qui la composent, l’entourent ou sont en relation avec
elle » (Gobert, 2020) et c’est encore plus important pour nous dans le cadre de la mise à distance de la
formation. Ainsi les technologies numériques prennent un intérêt particulier dans l’apprentissage à
distance, non seulement pour leurs capacités à adapter l’espace de formation (par exemple en alternant
entre asynchronisme et synchronisme, en jouant sur la distance proxémique (Martin, 2022) entre les
participants, en autorisant de faire et refaire certaines activités selon le besoin du formé…), mais aussi en
provoquant des situations développant les interactions sociales et les usages de ces technologies : un
véritable « construit social » (Chambat, 1994).
3
VAE : validation d’acquis de l’expérience, Loi de modernisation sociale (2002) : https://tinyurl.com/bdhnmfxj.
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Nous nous référons à la notion de hubs sociaux, définis comme « des lieux de convergence physiques
ou/et dématérialisés, disposant d’un nom ou d’une raison sociale et dont l’accès nécessite une
formalisation, au minimum par une inscription de soi-même ou d’une tierce personne » (Gobert, 2020).
Dans le cas qui illustre cet article, il s’agit de repérer ces caractéristiques citées ci-dessus et de s’interroger
autour des conditions d’apparition dans la formation, comment elles sont scénarisées dans un moment
crucial de la vie d’un étudiant : le passage à la vie active.
LES ESPACES ET SYSTÈMES D’ÉCHANGES
Le formateur propose pour dispositif un programme blended learning au sens de Charlier, Deschryver et
Peraya (2006), en combinant « une ou plusieurs des dimensions suivantes : en ligne/hors ligne,
individuel/collaboratif, contenu formel/informel, théorie/pratique, etc. ». En tant que formateur devenu
concepteur, il manie également le pragmatisme du modèle IMAIP
4
de Lebrun (2004). Mobiliser le modèle
IMAIP, lors de trois productions, apparaît pour le formateur comme une nécessité notamment pour rendre
actifs les apprenants. Ainsi, il envisage une mise en œuvre progressive de lieux de convergence, disposant
d'une raison sociale et dont l’accès nécessite une formalisation, ce qui selon Gobert caractérise un hub
social. Les apprenants sont en situation de découvrir, de s’approprier puis de développer progressivement
un groupe coopération, toujours selon Lebrun (2004). Pour transformer ce groupe coopération en hub
social, et durer au-delà de la formation, nous retrouvons, dans la construction du formateur, des espaces
d’échanges tout au long de la formation. Cette construction comprend une diversité des espaces
d’échanges, de réflexion individuelle ou collective telle que l’entendent Nowakowski et Cotton (2021). Dans
ce dispositif de formation à distance, la multiplicité et la diversité des productions contraignent les
apprenants à occuper des espaces adaptés à leurs besoins. Ainsi nous attendons que les apprenants à
distance passent par « le feu de camp » pour réfléchir en petit groupe, dans un endroit de coopération et
de collaboration. Dans « le feu de camp », les étudiants peuvent apprendre à se concentrer tout en
interagissant avec les autres. Dans un nouvel espace, « la scène », ils trouvent un lieu de présentation au
groupe. « La scène » est aussi une agora, une « place publique », un forum. Les étudiants donnent leurs
avis et apprennent aussi à écouter l’avis des autres. Pour la concentration individuelle, les étudiants
s’abritent dans « le nid ». Ils y trouvent un endroit calme, ils peuvent procéder à l’intériorisation de ce
qui a été observé et expérimenté. Pour dialoguer entre pairs, ils se rendent à « l’oasis ». Il s’agit d’un
espace informel, un endroit de passage l’apprentissage se fait par la conversation. Ainsi, la
compréhension avance par l’interaction sociale. Pour produire, faire le lien entre théorie et pratique, les
apprenants expérimentent au « labo ». Enfin, pour compléter leurs connaissances, les apprenants
reviennent aux « sources ». Ils y trouvent des journaux, des livres et, dans notre cas, des ressources
numériques.
Cette communication étudie ainsi la construction d’un hub social à travers une diversité d’espaces.
4
IMAIP : Information, motivation, activités, interaction, productions
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Descriptif général de la formation observée
Le parcours IE-FUN ne propose qu’une seconde année de master. Les étudiants y accèdent soit par VAE,
soit par une première année de master parcours CIREF
5
. Cette formation se déroule entièrement à
distance et en majorité de manière asynchrone. IE-FUN aborde dans un tronc commun la sociologie de
l’éducation, la connaissance des publics et des établissements de formation. Ce parcours valorise un stage
de huit à dix semaines dans une unité d’enseignement (UE)
6
. IE-FUN intègre dans une UE « la formation
à et par la recherche conduisant à la rédaction d’un mémoire ». Enfin, IE-FUN possède cinq UE spécifiques
centrées sur l'ingénierie de formation, les usages pédagogiques des outils numériques (pendant deux
semestres), les systèmes d’information et l’accompagnement d’un projet long. Dans cette dernière UE,
nous observons l'élément constitutif intégrant la gestion de projets.
LA RÉPONSE À UN APPEL À PROJET FICTIF
Pour initier les étudiants à la gestion de projets, nous observons que le formateur travaille sur la mise en
place d’un dispositif de réponse à un appel à projet fictif et des modalités collaboratives d’échanges et de
production, dans un premier temps encadré pour aller finalement vers un dispositif plus libre et piloté entre
étudiants.
Considérant les objectifs d’apprentissage, le profil et les attentes des apprenants, le praticien a construit
son dispositif sur un semestre et en quatre périodes. Pour étudier les effets du dispositif après son terme,
notre étude s’étend sur deux périodes supplémentaires, soit six périodes en tout. Elle se prolonge d’abord
jusqu’à la fin administrative de la formation puis six mois après. Finalement, en fonction des jalons
éducatifs et réglementaires, nous avons défini les six périodes dans le tableau 1.
5
CIREF : Conception, intervention, recherche en éducation et formation.
6
Les diplômes universitaires sont constitués, en France, de plusieurs UE. Chaque UE est un groupement d’enseignements appelés « éléments
constitutifs » (EC) comportant entre eux une cohérence scientifique et pédagogique.
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Tableau 1
Description des périodes étudiées
Période 1
Annonce décrivant le dispositif y compris les trois rendez-vous synchrones : première
visioconférence de cadrage, lancement du premier travail sur l’organisation des services
numériques dans les universités françaises, ouverture des forums, à abonnement
facultatif, de l’environnement numérique de travail et accès à l’Etherpad
7
imposé par
l’enseignant.
Collaboration asynchrone des étudiants sur la production attendue. Régulation par le
formateur à J-2 de la date limite.
Période 2
Deuxième visioconférence : analyse de la production des étudiants et de son organisation,
institutionnalisation, lancement de la seconde production : une cartographie des acteurs
du numérique de l’enseignement supérieur et recherche français. Libre choix pour les
outils représentant la cartographie. Demande du praticien : traces d’échanges sur le
forum.
Collaboration entre étudiants sur la cartographie, ils donnent accès à leur cartographie à
l'enseignant.
Période 3
Troisième visioconférence : analyse de la production des étudiants et de son organisation,
institutionnalisation. Lancement de l’appel à projet fictif comptant pour l'évaluation :
création d’un MOOC
8
sur FUN
9
avec un thème disciplinaire imposé, initiation aux
formations hybrides. Le choix des outils collaboratifs et des espaces d'échanges est
totalement libre. Les étudiants se répartissent à leur guise, en deux groupes concurrents
pour répondre à l’appel à projet.
Construction collaborative de la réponse à l’appel à projet, inscription du formateur aux
divers espaces en ligne par les étudiants. Dépôt individuel de la réponse collective.
Période 4
Annonce décrivant la création individuelle d'une vidéo de présentation du projet en 5’.
Période 5
Retour formatif détaillé individuel et collectif par le praticien.
Cette période cesse à la fin administrative de la formation.
Période 6
Après la fin de la formation. Les étudiants n'ont plus accès au cours en ligne.
Note : © O. Perlot et B. Mocquet, 2022.
LES OUTILS MOBILISÉS ET LEURS FONCTIONS DANS LE DISPOSITIF
Concernant les outils mobilisés pour ce dispositif, le formateur impose les premiers (représentés sur fond
bleu dans la figure 1) pour la production (Etherpad) et les échanges synchrones (Zoom) ou asynchrones
(Forums de l’environnement numérique de travail via Moodle), puis il laisse progressivement le choix de
l'organisation et des outils aux apprenants (représentés sur fond vert dans la figure 1).
7
https://Etherpad.org/
8
MOOC : Massive Open Online Course
9
FUN : France Université Numérique
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Figure 1
Le dispositif et sa mise en œuvre (outils et usages)
Note : © O. Perlot et B. Mocquet, 2022.
Ainsi en période 2, les étudiants construisent leur cartographie des acteurs de l’enseignement supérieur
et de la recherche sur Mindmeister. Microsoft Teams est utile pour les premiers échanges et la
coopération. En période 3, les apprenants gèrent le suivi de leur réponse à l’appel à projet et l’organisation
de leurs tâches à l’aide de Trello. Microsoft OneDrive et Google Drive permettent de rédiger de manière
collaborative des documents ou de stocker des « sources ». Des visioconférences sont organisées de
manière synchrone sur Zoom, en période 2 et 3, pour organiser le groupe et répartir les tâches. Enfin, le
fil WhatsApp avec enseignant est indispensable pour échanger de manière asynchrone et tenir compte
des disponibilités de chaque membre du groupe.
À sa demande et pour permettre une évaluation individuelle, concernant les outils choisis par leurs soins,
les étudiants doivent donner accès au praticien-formateur. L’enseignant indique que leur participation est
évaluée au regard de leurs échanges dans ce groupe avec enseignant. Ainsi, l’enseignant a accès aux
divers outils nécessaires à la production et aux échanges entre apprenants.
Toutefois, il est à noter que les étudiants ont créé un autre groupe WhatsApp sans l’enseignant cinq mois
avant le début du dispositif. Interrogé sur l'existence de ce groupe sans l’enseignant, le formateur nous
informe que son éthique professionnelle lui en interdit l’accès.
Les étudiants ont ainsi recours à divers outils et usages hors du système d’information universitaire.
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Description de la méthode
Notre travail de recherche est fondamentalement pluridisciplinaire. Nos références s’appuient sur les
sciences de l’éducation et les sciences de l’information et de la communication, dans un contexte qui est
la formation universitaire, observée ici dans toutes ses dimensions sociales et technopédagogiques. Nous
cherchons, dans cette observation, des éléments permettant de comprendre les interactions entre les
acteurs du dispositif. Papi (2014) nous indique la faible utilisation des forums au profit de communications
directes avec le formateur ou de communications externes avec les autres apprenants.
À partir notamment d’un forum, nous allons ainsi nous questionner sur les modalités et les leviers
autorisant la création temporelle et spatiale d’un hub social. Le corpus est ensuite décrit. Il comprend un
système d’échange de messages hébergés dans un forum et un groupe WhatsApp. Enfin, pour faire
émerger les préoccupations des apprenants et du praticien, nous proposons une typologie des messages.
Les questions
Une bonne pratique d’apprentissage attendue pendant ce dispositif serait la mise en place d’un hub social
(Gobert, 2009, 2020) par les étudiants en ingénierie pédagogique. Par conséquent, nous nous
questionnons dans une logique d’analyse de la trajectoire dynamique du dispositif : poussé par des enjeux
collectifs, comment le groupe coopération, au sens de Lebrun, se transforme-t-il en hub social? Comment
la mise en place progressive de situations collaboratives favorise-t-elle l'activité d’un hub social et sa
construction spatiale? Dans quelle mesure la posture du formateur influence-t-elle ce hub social?
Finalement, comment le hub social peut-il trouver des prolongements professionnels après la formation?
Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons posé comme hypothèse que les interactions sur les
plateformes de communication utilisées durant les périodes décrites sont le terrain de révélation de signes
montrant à la fois une activité en termes de quantité, mais aussi en termes de préoccupations des
messages du formateur et des formés.
Pour répondre à ces questions, nous explorons plusieurs hypothèses.
Hypothèse 1 : le hub social en formation à distance est un construit social :
piloté par le formateur dans le cadre d’une formation à travers les activités collaboratives imposées;
et coconstruit, dans un second temps, par les apprenants et leurs productions.
Hypothèse 2 : pour s’adapter aux besoins successifs des apprenants, le hub social est constitué d’une
diversité de lieux.
Hypothèse 3 : un hub social construit en formation trouve des prolongements professionnels.
Le corpus
Face à la multiplicité des outils (figure 1) et des données disponibles, nous avons choisi de nous concentrer
sur ceux facilitant les échanges. Ainsi, nous étudierons, avec l’accord des étudiants contactés via
WhatsApp, le forum institutionnel dédié de l’élément constitutif et le fil WhatsApp, avec enseignant, d’un
des deux groupes d’étudiants. Le forum était accessible pour tous les apprenants du 29/02/2021 au
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31/08/2021. Il a été ensuite purgé pour commencer une nouvelle année de formation. Ainsi ses données
ont été relevées a posteriori. Nous les avons analysées via une sauvegarde installée sur l’environnement
numérique de travail de l’Université. Le fil WhatsApp, avec enseignant, a été créé par un étudiant le
15/03/2021. Il est à ce jour encore actif. Ses données ont été exportées le 12/01/2022 au format texte puis
traitées à l’aide d’un tableur.
Les résultats (données, observations) sont dans un premier temps les échanges dans ces deux espaces
d’un point de vue qualitatif et quantitatif, puis les prolongements professionnels de la construction de ce
hub social. En effet, la continuité d’activités dans cet espace est étudiée six mois après la fin de la
formation.
Modèle de caractérisation des messages
D’un point de vue qualitatif et pour caractériser les messages des apprenants et du formateur, nous
mobilisons dans un premier temps « les préoccupations enchâssées » de Bucheton et Soulé (2009, p. 33)
puis le lien entre les postures d’étayage du formateur et les postures d’étude des apprenants selon le
double ajustement de Bucheton et Soulé (2009, p. 41). Ainsi, dans leur « multi-agenda des préoccupations
enchâssées », Bucheton et Soulé (2009, p. 33) postulent que pour un enseignant, lors d’une séance
pédagogique en présence, « cinq préoccupations sont les piliers autour desquels s’élaborent l’agir
ordinaire dans la classe, les savoirs professionnels, l’expérience et les compétences ». Pour les auteurs,
les cinq préoccupations sont : les objets de savoir et les techniques, l’atmosphère, le pilotage des tâches,
le tissage et enfin l’étayage. Ces cinq préoccupations sont systémiques et rétroagissent les unes avec les
autres. Elles sont modulaires et dynamiques : les préoccupations évoluent en fonction des phases d’une
formation. Elles sont hiérarchiques; par exemple lorsque le praticien souhaite créer des conditions
relationnelles favorables au travail, il se préoccupe avant tout de l’atmosphère. Plus précisément,
Bucheton et Soulé (2009, p. 36) indiquent que les objets de savoir sont une cible floue incluant « des
concepts, des techniques, des attitudes, des méthodes, des stratégies, des comportements scolaires,
sociaux, des pratiques sociales, des formes d’adaptation et d’ajustement aux situations, etc. ». Les
auteurs, p. 35, définissent le tissage comme « l’activité du maître ou des élèves pour mettre en relation le
dehors et le dedans de la classe ». Le pilotage consiste, selon Bucheton et Soulé (2009, p. 34), à
« organiser la cohérence et la cohésion de la séance, d’assurer la chronogenèse de la leçon ». À la même
page, Bucheton et Soulé définissent l’atmosphère comme « l’espace intersubjectif qui organise la
rencontre intellectuelle, relationnelle, affective, sociale entre des individus confrontés à une situation
contenant des enjeux à gérer en commun ». Enfin, l’étayage consiste avant tout à faire comprendre, à
faire dire et à faire faire par les apprenants.
Ainsi, pour comprendre les préoccupations du praticien-formateur et des apprenants lors du dispositif,
nous observerons ces préoccupations dans les échanges à notre disposition : les messages du forum et
du groupe WhatsApp avec enseignant. Nous proposons une adaptation des préoccupations de Bucheton
et Soulé (2009) au contexte d’échanges textuels dans une formation à distance. Cette catégorisation des
messages (tableau 2) établit un lien entre le contenu d’un message et la préoccupation mobilisée.
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Tableau 2
Proposition de catégorisation des préoccupations contenues dans des messages d’apprenants et de
formateurs, lors d’une formation à distance
Préoccupations
selon Bucheton
et Soulé (2009)
Éléments recherchés dans un message
pour cette communication
Catégorie des
messages pour
cette
communication
Les objets de
savoir et les
techniques
Le contenu du message est lié au sujet des productions (les
services numériques, la cartographie des acteurs du numérique,
les divers livrables pour la réponse à l’appel à projet).
Contenu des
productions
Le pilotage des
tâches
Le contenu du message concerne l’organisation générale et
administrative du dispositif piloté par le praticien. En général,
l’apprenant interroge le praticien. Le praticien peut répondre.
Organisation
générale du
dispositif
L’étayage
Le contenu du message organise le travail collaboratif entre les
apprenants. Il appartient au vocabulaire du travail collaboratif
(modalités, nature de l’outil, aide)
Travail
collaboratif
L’atmosphère
Le contenu du message exprime des liens affectifs entre
apprenants ou le praticien. Par exemple, des sujets personnels
sont évoqués : les enfants, les conjoints, des difficultés
professionnelles… Des encouragements pour le mémoire de
recherche sont exprimés. L’empathie et le soutien moral sont
présents. Il peut contenir des émoticônes ou des GIF animés. Il va
au-delà d'une simple formule de courtoisie.
Signes ou liens
affectifs
Le tissage
Le contenu du message fait une transition vers un autre cours de
master, y compris le mémoire de recherche. Il partage un
événement, une offre d’emploi, ou une demande de conseil
professionnel après formation. Il projette l’apprenant dans un autre
contexte de formation ou dans le domaine professionnel.
Partage
professionnel
ou un autre de
cours de
master
Note : © O. Perlot et B. Mocquet, 2022.
Par exemple, le message « J trouve pas les étiquettes et je ne trouve pas initiales
» est classé dans
l’organisation du travail collaboratif et il est propice à une atmosphère empathique par l’insertion d’une
émoticône. Ainsi, il sera classé dans deux catégories, en respectant l’ordre de lecture : travail collaboratif
puis signes ou liens affectifs. Pour simplifier l’étude, nous nous sommes limités à trois catégories par
message. Nous avons alors catégorisé manuellement l’ensemble des messages du forum et du groupe
WhatsApp.
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Résultats obtenus
Avec 119 messages dans le forum et 6 337 dans le groupe WhatsApp, tous classés suivant les
5 catégories définies précédemment, les résultats sont à la fois quantitatifs et qualitatifs. Nous les
présentons en deux temps : la création du groupe coopération puis une évolution majeure des lieux de
convergence dématérialisés.
Création du groupe coopération
Chronologiquement, le forum, mis à disposition par le praticien, est l’outil fondateur des premiers
échanges. C’est 119 messages qui ont été publiés par 17 contributeurs. La moyenne de messages par
participant est 7, soit 0,033 message par jour par participant. L’enseignant a publié 25 messages, soit
21 % du total. Quatre étudiants peuvent être considérés comme gros contributeurs avec entre 13 et 11
messages. L’écart-type est de 6. Dans la figure 2, nous avons trié par période et par profil de participants :
apprenants et enseignant.
Figure 2
Nombre de messages publiés par période sur le forum
Note : © O. Perlot et B. Mocquet, 2022.
La participation étudiante est donc croissante entre les deux premières périodes puis elle ne cesse de
décroître jusqu’à atteindre 0 message en période 6. Cette absence d'activité, en période 6, s’explique alors
simplement. La formation étant close, les étudiants n’ont plus accès au forum. On relève une participation
quasi constante de l’enseignant sur les trois premières périodes.
D’un point de vue qualitatif, 97 messages, soit 82 %, contiennent une formule introductive de politesse
Bonjour », « Bonsoir », « Salut »). Aucun message ne contient de photographie ou de GIF animé. Seul
l’enseignant utilise des émoticônes et encore en version originelle à l’aide de caractères.
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En prenant en considération la faible quantide messages pour les périodes 4 à 6, l’analyse à l’aide de
pourcentages et la faible significativité des proportions dans ce cas de figure, nous faisons le choix de ne
pas étudier les périodes 4 à 6 pour la catégorisation des messages du forum.
Dans les figures 3 et 4, nous avons trles publications par catégorie, par période et en fonction du statut :
apprenants ou enseignant.
Figure 3
Pourcentage par catégorie par période par les
apprenants sur le forum
Figure 4
Pourcentage par catégorie par période par
l’enseignant sur le forum
Note : © O. Perlot et B. Mocquet, 2022.
Note : © O. Perlot et B. Mocquet, 2022.
D’abord, il est nécessaire de signaler qu’un message pouvant contenir plusieurs catégories, la somme des
pourcentages de toutes ces catégorisations peut dépasser 100.
Côté apprenants, en proportion, nous constatons :
une diminution des messages liés aux contenus des productions, avec initialement des taux élevés;
une certaine constance concernant l'organisation générale de l’élément constitutif autour de 20 %;
une augmentation régulière des échanges autour de l'organisation du travail collaboratif et des marques
d'affection, cette dernière catégorie débutant à 7 % en période 1 pour atteindre 25 % en période 3. Cette
proportion croissante prend sa source dans le nombre total de messages avec marques d’affection :
2, 9 puis 4 et dans le nombre total de messages : 27, 43 et 16, respectivement en périodes 1 à 3. Dans
ce forum, aucun échange n’aborde de sujet personnel.
Pour l'enseignant, nous relevons des écarts plus significatifs :
d’abord, nous pouvons noter que pour les périodes 1 et 2, les taux concernant l'organisation générale
du dispositif dépassent 75 %, alors que les autres catégories ne franchissent pas le seuil de 25 %;
les messages relatifs au contenu des productions restent peu élevés, en débutant à 13 % pour atteindre
25 %;
pour les deux catégories : signes ou liens affectifs et travail collaboratif, le formateur ne les sollicite pas
pour les périodes 1 et 2 respectivement.
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Dans le forum, aucun échange ne concerne un tissage professionnel par une offre d’emploi, un partage
d'événement… et seulement deux messages ont évoqué un autre cours du master.
Évolution majeure du groupe coopération
Le groupe WhatsApp avec le formateur, créé par un étudiant à la suite d’échanges sur le forum, intègre
12 contributeurs : les 11 membres du groupe répondant à l’appel à projet fictif et le formateur. Il contient
6 337 messages, la moyenne est de 528 messages par participant, soit 1,74 message par participant par
jour. L’enseignant envoie 428 publications, soit 6,75 % du total. En considérant, de plus, le nombre moins
élevé de contributeurs sur WhatsApp par rapport au forum, la part d'activité du formateur s’est notablement
réduite dans ce nouvel outil d’échanges. Six apprenants dépassent sa participation, jusqu’à atteindre 1 371
messages. Deux apprenants ont une activité très faible : 6 et 17 messages. L’écart-type est de 456. Dans
la figure 5, nous avons trié par période et par profil de participants : apprenants et enseignant.
Figure 5
Nombre de messages publiés par période sur WhatsApp
Note : © O. Perlot et B. Mocquet, 2022.
Lors des deux premières périodes, le groupe WhatsApp, avec enseignant, n’était pas ouvert. Ensuite, son
succès a été immédiat. Ainsi les périodes 3 et 5 contiennent 78 % des 6 337 messages. Concernant les
périodes 4 et 6, il faut relativiser ces données. En effet, la période 4 est courte (23 jours) et la production
attendue est individuelle alors que la période 6 (134 jours) est longue et la formation est terminée.
Dans les figures 6 et 7 à double échelle des ordonnées, nous superposons le nombre de messages par
jour sur le forum et dans WhatsApp. Il faut noter que l’axe des ordonnées à gauche est relatif au forum et
l’axe à droite concerne WhatsApp. Un facteur 1 jusqu’à 40 différencie ces deux axes.
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Figure 6
Nombre de messages publiés par jour par les
apprenants sur les deux espaces d'échanges
Figure 7
Nombre de messages publiés par jour par
l’enseignant sur les deux espaces d'échanges
Note : © O. Perlot et B. Mocquet, 2022.
Note : © O. Perlot et B. Mocquet, 2022.
Ces deux figures indiquent clairement la transition du forum vers le groupe WhatsApp par les apprenants
entre les périodes 2 et 3, plus tardivement par l’enseignant entre les périodes 4 et 5. Par ailleurs, même
avec des apprenants en moins, l'activité sur le nouveau fil d’échanges est environ 50 fois supérieure. Enfin,
il faut relever l'absence d'activité du formateur sur le groupe WhatsApp jusqu’à la période 4 incluse.
Qualitativement, 137 publications, soit 2,16 %, contiennent une formule introductive de politesse
Bonjour », « Bonsoir », « Salut »). Quarante-huit photographies ou copies d’écran, 58 GIF ou GIF
animés et un fichier audio sont intégrés dans les messages. On a comptabilisé 2 347 émoticônes : ils sont
très présents. Le ton très formalisé employé dans le forum n’est plus d’usage.
Pour la figure 8, nous avons catégorisé 6 290 messages puis nous les avons triés par profil. Quarante-
sept messages sont inexploitables par manque de sens ou faute de frappes, ou plus souvent supprimés
après envoi.
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Figure 8
Nombre de messages par catégorie sur WhatsApp
Note : © O. Perlot et B. Mocquet, 2022.
Par rapport au forum sous modération de l'enseignant le taux atteint 19 %, dans ce nouvel outil de
discussion, 59 % des messages expriment des signes ou des liens affectifs. Les trois autres pôles
d'échanges sont : le contenu lié aux productions, le travail collaboratif et un autre cours du master. Non
mobilisé par des forums éteints en période 5, le partage professionnel émerge.
Par la suite, nous avons trié ce fil de discussion par catégorie, par période et par profil (figures 9 et 10).
Figure 9
Pourcentage de messages par période par
catégorie par les apprenants sur WhatsApp
Figure 10
Pourcentage de messages par période par
catégorie par l’enseignant sur WhatsApp
Note : © O. Perlot et B. Mocquet, 2022.
Note : © O. Perlot et B. Mocquet, 2022.
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Côté apprenants, la période 3 montre des activités sur l'organisation du travail collaboratif et le contenu
des productions. Les signes ou liens affectifs prennent part à 32 % des messages. À partir de la période 4,
ces signes affectifs prédominent. Des sujets très personnels sont alors abordés : maladie d’enfants,
situation au Liban et même entraide pouvant conduire à l’usurpation d’identité, comme l’indique le
message du 5/05/2021 : « Je peux déposer pour toi si tu veuxon n est pas à une usurpation d identi
près J
J ». Les discussions autour du contenu et du travail collaboratif décroissent de manière très
significative, notamment pour ce dernier. Pour les dernières périodes, on perçoit l'apparition de deux
nouveaux pôles : le partage professionnel et les autres cours du master. Les taux atteints par le partage
professionnel peuvent paraître faibles, mais en période 6, cette catégorie se classe en seconde position.
L'activité de l’enseignant est faible, voire nulle, sur les 4 premières périodes. En périodes 1 et 2, le fil
d’échanges n’est pas ouvert. En période 3, il ne publie que trois messages au début pour signaler sa
présence. Son message du 15/03/2021 le confirme :
« Bonsoir,Euh surtout. Faites comme si je n'étais pas là
Restez natures.Je n'interviendrai pas
et il y a de fortes chances que je ne vous lisent
10
pas même si vous dites du mal de

Bon
projet ».
Les pourcentages liés à cette période sont donc peu significatifs. En période 4, l’enseignant ne participe
pas aux échanges. Pour les deux dernières périodes, le praticien exprime dans ses messages des signes
affectifs à plus de 80 %. Les deux sujets de discussion sont en période 5 : les autres cours du master, en
particulier le mémoire, puis en période 6 : le partage professionnel. Le praticien diffuse ainsi des offres
d’emploi.
Discussion
Notre discussion portera sur les conditions de construction du hub social, à savoir comment les étudiants
s’en sont emparés. Ont-ils coconstruit? Comment l’enseignant a-t-il dirigé cette activité menant à cette
construction d’un nouvel espace et ce qu’il recommanderait dès lors? Et par ailleurs, quel est l’impact de
cette expérience et comment favorise-t-elle ou non des dynamiques de pôle ou de hub social dans les
pratiques professionnelles des anciens étudiants aujourd’hui praticiens?
La construction de l’espace
SPATIALEMENT ET FONCTIONNELLEMENT
D’un point de vue spatial et selon Nowakowski et Cotton (2021), dans la partie accessible de l’espace
étudié (figure 1), nous constatons que le premier lieu occupé a été « la place publique » dans le forum
institué par le formateur. Le langage est soutenu et poli, voire très formalisé avec 82 % des publications
introduites par des formules de courtoisie. « Les sources », absentes de la figure 1, correspondent d’abord
au cadrage et à la bibliographie fournis par le praticien. Face au tarissement brutal en périodes 3 et 4, les
10
Le praticien nous confie cette faute d’orthographe involontaire dans le message.
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étudiants ont sondé de nouveaux territoires et ont trouvé des « sources » chez FUN ou auprès d’experts
dans le domaine des MOOC.
Pour la première production, les apprenants se sont conformés à « un laboratoire » : un Etherpad. Ensuite,
les étudiants ont choisi d'autres « labos » en fonction des besoins de leurs productions : Mindmeister,
Microsoft OneDrive, Google Drive et Trello. Ces outils adaptés aux nouveaux enjeux et souvent proposés
par un apprenant-connaissant ont permis la création de ces productions collectives.
Nous verrons par la suite que le groupe WhatsApp avec le formateur joue un rôle crucial dans « le point
d’eau » et « l’oasis ». Le langage y est plus familier, on ne s’encombre plus de formules convenues de
politesse. Seulement 2,16 % des messages contiennent une formule introductive de courtoisie. On fait
place aux émoticônes et aux GIF animés. Une des caractéristiques de « l’oasis » consiste en échanges
entre pairs. Pour installer le dialogue entre pairs, nous considérons que l’absence d'activité du praticien
lors de la création est essentielle. Elle permet la libération de la parole contrairement à « la place publique »
qui reste sous le pilotage du formateur.
La lecture des messages de « l'oasis », notamment en période 3, montre que les étudiants ont ouvert
divers « feux de camp ». En effet, après la répartition des tâches pour la réponse à l’appel à projet fictif,
ils se sont réunis en plus petits groupes. Ainsi de nouveaux fils de discussion, pour lesquels nous n'avions
pas d’accès, se sont ouverts.
Les visioconférences ont permis cette coordination synchrone, ces points d’étapes indispensables lors
d’un travail collaboratif conséquent. Elles ont été mobilisées dans plusieurs lieux : « place publique »,
« oasis » et « feux de camp ».
Enfin, seuls chez eux, derrière leurs claviers, dans leur « cave », leur « nid », les formés ont pu se
concentrer, produire individuellement et intérioriser leur vécu. Enfin, nous n'avons pas eu accès au groupe
WhatsApp sans enseignant, mais un message du 18/06/2021 sur le groupe avec l'enseignant nous
confirme son existence; les étudiants le nomment entre eux « le forum sans espion
».
Par son étendue, par la richesse de ses fonctions et de ses lieux, nous estimons que cet espace aura
répondu aux besoins fonctionnels du dispositif. Les apprenants ont occupé divers espaces nécessaires à
leurs apprentissages, décrits par Nowakowski et Cotton (2021).
TEMPORELLEMENT
D’un point de vue temporel, la construction de cet espace s’avère progressive dans l'activité mesurée. La
« place publique » reste un espace formel et peu pratiqué par les participants (sept messages en
moyenne). Le contenu des messages était à prédominance sur l'organisation générale de l’élément
constitutif et sur les aspects collaboratifs nécessaires pour les productions. La « place publique »
n’entraîne pas l'adhésion large du groupe. Ce forum reste utile au groupe coopération de Lebrun en vue
d’une production, mais il montre ensuite ses limites pour des outils plus instantanés, intégrés aux pratiques
quotidiennes personnelles et adaptés aux besoins du groupe et de la formation. L’ergonomie joue
également un rôle. Alors que 9 actions sont nécessaires pour répondre à un message d’un forum, 2
suffisent sur WhatsApp, qui est nativement installé sur un téléphone intelligent. Les notifications sur
WhatsApp sont également instantanées et mieux intégrées dans les usages personnels et courants. Alors
que sur le forum, les réglages par défaut déclenchent une notification 30 minutes après l’envoi d’un
message. Ainsi la mise en place voulue d’une « oasis » provoque un accroissement considérable et
immédiat des messages (233 messages le premier jour, 492 en moyenne par participant sur une période
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certes plus longue), même en présence de l’enseignant. Il sopère une véritable transition. Le groupe
coopération opère une mue entre les périodes 2 et 3. De sujets organisationnels sous le pilotage du
formateur, les étudiants passent vite à des éléments sous leur responsabilité : l’organisation collaborative
en période 3, puis les contenus des productions. Ensuite nous notons l’augmentation également des
marques d’affection; les apprenants assignent finalement à leur groupe coopération des objectifs éducatifs
et sociaux. En périodes 5 et 6, les sujets dorganisation et de contenus des productions s’effacent au profit
du mémoire de recherche puis, après la formation, du partage professionnel. Cette activité professionnelle
notable en pourcentage, mais faible en nombre de messages en période 6, peut s’expliquer par l’absence
d’enjeux partagés et la reprise d’activités plus personnelles. Des échanges, par exemple autour de la
pédagogie ou de l’enseignement supérieur et de la recherche, auraient pu alimenter la discussion si
l’insertion professionnelle vers le métier d’ingénieur pédagogique avait été plus élevée. En effet, malgré
leur réussite au master et leur intérêt pour le métier d’ingénieur pédagogique, peu d’étudiants sont passés,
à ce jour, au statut de professionnel. Ainsi en témoigne le message du 18/09/2021 : « Peut être qu il y
aura plus de candidats quand les salaires seront décents
». Ainsi, les sujets professionnels prennent
place, mais dans un cadre d’une activité réduite.
Enfin, l'activité a certes suivi la temporalité du dispositif et notamment les productions à rendre, en
particulier celles évaluées; néanmoins nous notons sa persistance au-delà de la formation. L’ambiance au
sein du groupe n’y est pas étrangère, mais l’évolution des sujets et donc des objectifs assignés au groupe
y contribuent également.
Les gestes du praticien qui autorisent ici la construction du hub social
Quand nous observons l’activité sur les espaces de communication du formateur et des formés, nous
constatons que la posture d’étayage de l’enseignant passe du pilotage au lâcher-prise durant la formation
avec un point de basculement, le passage sur le second outil de communication. Le praticien nous confie
que son inactivité est volontaire dans « l’oasis » : « En périodes 3 et 4, je lisais les messages. Face à
l’émotion exprimée par les étudiants, face à leurs questions, j’ai rédigé des réponses. Je me suis interdit
de les envoyer ». En réponse au lâcher-prise de l’enseignant, les apprenants, conformément à la
dynamique réciproque des postures (Bucheton et Soulé, 2009), adoptent une posture d’étude de type
première puis réflexive. Ainsi, les interactions sur ce second outil sont en nette augmentation, le formateur
laissant ainsi la place à une communication entre pairs. Les sujets ont changé, le groupe coopération a
mué. Pour les périodes 5 et 6, le praticien adopte une posture d’accompagnement, il cultive l’atmosphère,
il tisse en partageant des offres d’emploi. Ces gestes du praticien ont autorisé la construction d’un hub
social.
En effet, nous retrouvons ici les caractéristiques des hubs sociaux cités plus haut :
« des lieux de convergence physiques ou/et dématérialisés ». Le groupe coopération de Lebrun se
contente d’un outil de production et d’un forum. Il mobilise ainsi « une place publique » et un « labo ».
La mue du groupe coopération en hub social, voulue par l’enseignant et coconstruite par les apprenants,
nécessite dans le cas étudié divers espaces. Ainsi, le hub social occupe une « place publique », une
« oasis », des « feux de camp », des « laboratoires »… correspondant aux outils de la figure 1. Le forum
ou le fil WhatsApp jouent le rôle d’une porte d’entrée au hub social selon la temporalité, la fonction
recherchée et les outils ouverts. Les apprenants se retrouvent ainsi dans divers lieux de convergence
dématérialisés;
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« disposant d’un nom ou d’une raison sociale ». Lors des deux premiers travaux cadrés par le praticien,
cette raison sociale est donc imposée. Elle ne suffit pas pour obtenir l’adhésion du groupe d’apprenants.
Dans un second temps, l'appartenance au groupe chargé de répondre à l’appel à projet devient cette
raison sociale. De plus, les étudiants nomment leur fil WhatsApp, identifiant ainsi leur groupe;
« et dont l’accès nécessite une formalisation ». Au début de la formation, l’accès aux divers outils du
groupe coopération reste sous le pilotage de l’enseignant. Avec la mise en place progressive du hub
social, la gestion des accès tombe sous la responsabilité des étudiants. Une formalisation par
inscription, voire une identification est requise pour accéder aux divers lieux.
Conclusion
En conclusion, nous abordons la transformation du groupe coopération en un hub social d’un point de vue
spatial et temporel. Les leviers et les gestes professionnels favorables à la création du hub social sont
décrits : les situations collaboratives, les postures du praticien et l’ajustement dynamique des apprenants.
Enfin pour un hub social, nous proposons une description spatiale à l’aide de lieux divers puis une
construction temporelle à l’aide du modèle IMAIP.
Du groupe coopération au hub social
Pour transformer le groupe coopération de Lebrun durablement en hub social de Gobert, les lieux
d’échanges et de productions doivent se diversifier progressivement, initialement proposés par le praticien
puis au choix des étudiants et parfois en dehors du système d’information de l'établissement (figure 1).
Ces divers lieux correspondent ainsi immédiatement aux besoins et aux pratiques des apprenants. Le
formateur admet qu’il n’a pas accès à tous les lieux du hub social. Cependant pour la partie accessible,
convenons qu'une faible partie de l’iceberg a émergé dans le système d’information universitaire : la
« place publique » (figure 11). Enfin, pour favoriser la mue, l’atmosphère dans « l’oasis » doit être propice
aux apprentissages et aux partages professionnels.
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Figure 11
Les postures du formateur autorisant la construction d’un hub social et la description spatiale d’un hub
social
Note : © O. Perlot et B. Mocquet, 2022.
Dans les paragraphes suivants, nous détaillons la figure 11 : la construction spatiale du hub à l’aide divers
lieux, les situations collaboratives comme levier de construction, les postures à adopter et enfin la
continuité du hub dans une situation professionnelle.
Les situations collaboratives : un levier de construction du hub social
Dans un dispositif prévoyant trois productions collaboratives, les étudiants ont pris le temps de se
connaître, de travailler ensemble sur des projets. À partir d’un système piloté par l’enseignant, les étudiants
construisent de nouveaux lieux. Ils les habitent. Ils s’autorégulent. Les trois productions collaboratives sont
ainsi les contraintes indispensables, le levier pour construire les différents lieux. En ce sens, si le praticien
a dressé le plan, les apprenants ont dessiné : « l’oasis », « les laboratoires », « les nids », « les feux de
camp »… Et surtout, ils ont vécu dans ce hub social, dans la partie immergée hors du système
d’information universitaire (figure 11).
Le dispositif contient trois productions collaboratives et donc trois instances du modèle IMAIP qui, par
l’appropriation individuelle, par l’accroissement des interactions et des lieux d’échanges dans le groupe
coopération, tendent à favoriser l’autorégulation dans le hub social. Le praticien vise des savoirs et des
compétences nécessaires à l’emploi d’ingénieur pédagogique par le choix des sujets liés aux trois
productions (organisation des services numériques, cartographie des acteurs du numérique, réponse à
l’appel à projet fictif). L’organisation collaborative contribue également à la professionnalisation. À partir
d’un objectif de formation, le hub social mue alors modestement vers des sujets professionnels.
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La figure 12 décrit ainsi une construction temporelle du hub social à partir d’une mobilisation de plusieurs
instances d’IMAIP.
Figure 12
IMAIP-AP : construction temporelle du hub social à partir du modèle IMAIP
Note : © O. Perlot et B. Mocquet, 2022.
Le hub social : les apprenants s’ajustent au jeu de postures du formateur
Mais que seraient les lieux de la figure 11 sans interactions? Sans doute pas un hub social. La posture de
l'enseignant apparaît comme un deuxième levier pour l'installation d’un hub social, notamment pour
l’autorégulation et enfin pour le prolongement après la formation. Elle invite à l’ajustement de la posture
d’enseignement des apprenants. Le lâcher-prise, voire l’absence du formateur, ne doit pas être perçu
comme une marque de désintérêt par et pour les apprenants, mais plutôt comme une marque de confiance
et un transfert de responsabilité pour les productions à réaliser. En périodes 5 et 6, les préoccupations du
formateur ont visé l’installation d’une atmosphère propice aux échanges puis un tissage vers le monde
professionnel. La posture d’accompagnement a permis en partie de prolonger l’activité au-delà de la
formation.
Le hub social : une continuité de l’espace groupe coopération dans une
situation professionnelle
Ainsi le groupe coopération, sous la pression des productions collaboratives à fournir, par ajustement
dynamique et réciproque des postures du praticien et des apprenants, se transforme en hub social à visée
éducative puis progressivement, et certes avec une activité moindre que pendant la formation, en hub
social à visée professionnelle, grâce à la persistance des liens noués et au partage professionnel.
La formation terminée, alors que les étudiants n’ont plus accès administrativement au forum, « l’oasis »
constituée reste son point d’interconnexion et prolonge les effets du hub social.
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Nous reconnaissons que, malgré la quantité de données traitées, cette étude se limite à une formation.
La taille du groupe est petite. Le profil spécifique des apprenants leur confère une appétence non
négligeable pour les outils numériques. Enfin, si le hub social a prolongé de façon notable son activité au-
delà de la formation, il le doit en partie aux liens tissés pendant la formation et pas seulement aux nouveaux
sujets d’échanges tels que le partage professionnel. Son existence reste fragile.
Pour réussir sa seconde mue, nous nous interrogeons à présent si un hub social peut perdurer uniquement
avec des interactions dans une « oasis ». Si d’autres lieux, à nouvelle visée fonctionnelle notamment
professionnelle doivent être installés pendant ou après la formation via les diplômés ou les réseaux
professionnels.
En conclusion, nous avons prouvé qu'à partir d'un groupe coopération, il est possible de construire un hub
social. Par des situations collaboratives, les apprenants trouvent un terrain propice à la construction d’un
hub social. Ils érigent ainsi divers lieux nécessaires à leurs échanges, à leurs productions et donc à leurs
apprentissages. Dans ce hub social, pour le formateur, les postures notamment de lâcher-prise ou parfois
d’accompagnement favorisent l’appropriation par les apprenants. L’atmosphère doit être propice aux
échanges de toute nature. Enfin, pour inscrire le hub social au-delà de la formation, les préoccupations
peuvent notamment viser la professionnalisation.
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Liste de références
Bérubé, B., et Poellhuber, B. (2005). Un référentiel de compétences technopédagogiques destiné au personnel enseignant
du réseau collégial. Collège d’enseignement général et professionnel de Rosemont.
Bucheton, D., et Soulé, Y. (2009). Les gestes professionnels et le jeu des postures de l’enseignant dans la classe : Un
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