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11, 2022
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Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
© Auteurs. Cette œuvre est distribuée sous licence Creative Commons 4.0 International.
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Enseignant en cours de bureautique dans un établissement universitaire, nous avons été conduits à initier
les étudiants à cette plateforme, puis à organiser leur certification. Cette position nous a permis de
comparer les deux situations, avec les mêmes étudiants, et de les interroger sur leur ressenti. Notre
objectif, en tant qu’enseignant-chercheur, est d’étudier l’acceptabilité de ce nouveau type de solution
numérique et de mettre en lumière les changements sociaux induits, tant pour les apprenants que pour
les enseignants et que pour la nature des contenus pédagogiques
1
.
Nous présenterons d’abord le fonctionnement de la plateforme et, par un examen sémiotique, détaillerons
ses modalités relevant de la gamification. Dans un second temps, nous présenterons notre enquête avec
ses deux volets : d’une part un aspect qualitatif basé sur les discours des étudiants, d’autre part un aspect
quantitatif en exploitant les résultats obtenus dans Pix et en les comparant avec ceux issus de l’évaluation
du cours en présentiel de bureautique. Enfin, nous élargirons notre propos en nous appuyant tant sur les
résultats de notre enquête que sur notre expérience personnelle dans le cadre d’une observation
participante. Nous examinerons ainsi les principaux enjeux soulevés par la plateformisation gamifiée de
l’enseignement dans trois domaines : les contenus pédagogiques, la relation à l’autorité enseignante et la
posture de l’apprenant.
Pix, une plateforme d’enseignement gamifié
Les fonctionnalités de Pix
La plateforme Pix se présente comme un « service public en ligne pour évaluer, développer et certifier ses
compétences numériques »
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. Selon sa présentation, il est géré par un groupement d’intérêt public à
vocation non lucrative rassemblant des organismes gouvernementaux avec le ministère de l’Éducation
nationale, de la Jeunesse et des Sports, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de
l'Innovation, l'Agence nationale de la cohésion des territoires, mais aussi de multiples partenaires tels que
le CNAM, le CNED ou l’Université de Strasbourg. Il est animé par « une équipe de 70 personnes mettant
leur savoir-faire au service d’un objectif commun : amener chaque citoyen à cultiver ses compétences
numériques tout au long de la vie ».
Concrètement, la plateforme est structurée en « 16 compétences » qui abordent des thématiques diverses
liées au numérique, qualifiées par des verbes d’actions telles que « Mener une recherche et une veille
d’information », « Construire un environnement numérique », « Traiter des données », « S’insérer dans le
monde numérique » ou encore « Résoudre des problèmes techniques ». Il s’agit donc d’un programme de
formation au numérique très large qui aborde de multiples domaines, tant techniques que
communicationnels en termes de compétences.
Ce vaste champ de sujets est à l’image de l’éventail des problématiques qui peuvent se poser pour la
jeunesse actuelle face au numérique : savoir trouver des informations fiables sur Internet sans se laisser
abuser par des sites trompeurs, comprendre les dangers du cyberharcèlement ou des dépendances,
maîtriser la gestion des données et les logiciels courants, dont les outils de bureautique, apprendre à
1
La recherche ici présentée est indépendante de tout financement ou de tutelle institutionnelle, garantissant ainsi l’absence de biais liés à des
intérêts industriels, trop souvent constatés dans les recherches sur les applications numériques. Elle se situe dans la continuité de nos
travaux critiques sur Les instrumentalisations du jeu numérique (Lavigne, 2020).
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https://pix.fr/ - Les informations et citations qui suivent dans cette partie de présentation de Pix sont issues des pages de présentation de ce
même site.
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travailler efficacement sur ordinateur et de façon collaborative, etc.
Au sein des universités, des cours de bureautique sont proposés. Si le formateur en bureautique est
certainement expert des compétences telles que « Traiter des données » ou « Développer des documents
textuels », il est moins probable qu’il soit spécialiste du domaine « Protéger la santé, le bien-être et
l’environnement » ou « Protéger les données personnelles et la vie privée ». L’avantage incontestable de
Pix est de proposer une expertise très large sur une multiplicité de domaines liés au numérique, ensemble
qu’il est rare de rencontrer chez un formateur humain qui a plus tendance à se spécialiser.
Par ailleurs, le monde du numérique pose sans cesse de nouveaux problèmes, qu’ils soient techniques
avec les évolutions logicielles, ou sociaux avec des modifications rapides des usages. Ainsi qu’il est dit
dans la vidéo de présentation, « le numérique évolue en permanence ». Pix se targue de proposer des
contenus régulièrement actualisés avec « un référentiel évolutif » : « Les technologies et les usages
évoluent : nos questions et notre référentiel s’enrichissent avec eux! » De ce point de vue aussi, on peut
supposer la supériorité de la plateforme numérique sur le formateur humain qui ne peut se former sans
cesse dans tous les domaines du numérique.
L’enseignement proposé par Pix relève d’une pédagogie active. En effet, il n’y a pas de cours magistral,
ni même de fiches pédagogiques. On apprend en se testant. Chaque compétence propose des séries de
questions auxquelles l’apprenant doit répondre. Certaines questions relèvent souvent du questionnaire à
choix multiples (QCM) : il s’agit de choisir la ou les bonnes réponses. D’autres n’appellent qu’une seule
réponse que l’utilisateur tapera au clavier dans la case prévue à cet effet. Mais d’autres encore
représentent de véritables exercices sur lesquels il faut passer du temps, faire des recherches sur Internet
ou effectuer des saisies ou des calculs. Il s’agit souvent d’explorer sur le web des ressources pour trouver
la solution au problème. Bien souvent ces exercices se déroulent dans un cadre fictionnel : un traitement
de texte, un tableur ou un moteur de recherche fictifs sont créés, mais calqués sur des situations réelles.
Dans d’autres cas, il s’agira d’utiliser les logiciels habituels de bureautique ou de traitement d’images pour
trouver la solution. Selon la présentation de Pix, plus de 3000 questions sont disponibles.
Pour chaque question il est possible de s’abstenir de fournir une réponse en cliquant sur le bouton « Je
passe ». La plupart des exercices ne sont pas chronométrés, laissant donc le temps d’une recherche
approfondie sur une question particulière. Mais trop de temps passé sur une question empêche d’avancer;
l’option « Je passe » permet alors de contourner un problème. Certaines questions posent des conditions
particulières, par exemple en interdisant la recherche sur le web ou en imposant un temps limité pour
trouver la réponse.
Au bout de cinq questions, un bilan est fait et indique les bonnes réponses, les mauvaises et les absences
de réponse. Pour chacune il est possible d’accéder à une rubrique « Réponses et tutos » au sein de
laquelle on trouve la bonne réponse et divers liens de ressources sur le sujet « Pour réussir la prochaine
fois » et « Pour en apprendre davantage ». Ces liens conduisent vers de sites web généralistes comme
Wikipédia, ou plus spécialisés comme Comment ça marche
, ou encore des sites d’éditeurs
de solutions logicielles comme Microsoft, Apple, Google, Facebook, Instagram ou Framasoft. Sont aussi
référencés de nombreux tutoriels en vidéo diffusés sur YouTube.
https://www.commentcamarche.net/
https://www.developpez.com/