Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
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Discours,plurilinguismeetconstruction
dessavoirsdansles
MOOC
etles
formationsentièrementoupartiellementà
distance
Présentationdunuméro
Discourse,plurilinguismandknowledgeconstructioninMOOC
andotherformsofdistanceeducation
Discursos,multilingüismoyconstruccióndeconocimientoen
losMOOCyenformacionesparcialototalmenteadistancia
https://doi.org/10.52358/mm.vi7.259
RESPONSABLES DU NUMÉRO
Mariana Fonseca Favre, maître-assistante
Université de Genève, Suisse
mariana.fonseca@unige.ch
Claire Peltier, professeure adjointe
Université Laval, Canada
claire.peltier@fse.ulaval.ca
Baptiste Campion, chargé de cours
Institut des Hautes Études des Communications Sociales (IHECS), Belgique
baptiste.campion@galilee.be
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RÉSUMÉ
Les MOOC et autres dispositifs de formation entièrement ou partiellement à distance ont
souvent recours, notamment pour des raisons d'accessibilité, à la langue anglaise et à des
formats médiatiques assez standardisés (tel le face camera). Toutefois, les implications des
choix d'écriture posés lors de la conception de ces productions éducatives restent
insuffisamment interrogées. Cet éditorial cherche à mettre en perspective les questions
transversales soulevées par ces choix de réalisation, leurs causes et leurs conséquences
possibles. Il argumente de la nécessité de développer des recherches interdisciplinaires sur
ces dispositifs de formation à distance reposant en grande partie sur la vidéo, en remettant en
question, de manière systématique, la manière dont s'articulent en leur sein les composantes
linguistique, discursive et médiatique, dans des contextes institutionnels et techniques
généralement structurants. Il conclut en présentant les contributions de ce numéro consacré
au rôle des langues et des discours dans la construction des savoirs dans les MOOC et autres
dispositifs de formation à distance.
Mots-clés : MOOC, formation à distance, plurilinguisme, langages, discours
ABSTRACT
MOOC and other entirely or partially distance learning devices often use English and fairly
standard media formats, notably due to accessibility concerns. However, the implications of
the choices made in the design of these educational productions remain insufficiently explored.
This editorial seeks to put into perspective the cross-cutting issues raised by these choices,
while identifying their determinants and consequences. We argue for the need to develop
interdisciplinary research on these distance learning devices mainly based on videos. To do
so, we systematically question how linguistic, discursive and media components are articulated
in institutional and technical structuring contexts. We conclude by presenting the contributions
in this issue, which is devoted to the role of languages and discourses in the construction of
knowledge in MOOC and other distance learning devices.
Keywords: MOOC, distance learning, plurilingualism, languages, discourses
RESUMEN
Los MOOC y otras modalidades de formación total o parcialmente a distancia suelen utilizar
el inglés, especialmente por razones de accesibilidad, así como formatos mediáticos bastante
estandarizados. Sin embargo, las implicaciones de las selecciones de escritura realizadas en
el diseño de tales producciones educativas siguen siendo insuficientemente exploradas. Este
editorial trata de poner en perspectiva las cuestiones transversales que plantean dichas
opciones de producción, sus causas y sus posibles consecuencias. En él, se defiende la
necesidad de desarrollar una investigación interdisciplinar sobre estas modalidades de
formación a distancia basadas en buena medida en el vídeo, cuestionando sistemáticamente
el modo en que se articulan en las mismas los componentes lingüísticos, discursivos y
mediáticos, en contextos institucionales y técnicos generalmente estructurantes. El editorial
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se cierra con la presentación de las aportaciones de este número dedicado al papel de las
lenguas y de los discursos en la construcción del conocimiento en los MOOC y otras
modalidades de formación a distancia.
Palabras clave: MOOC, educación a distancia, plurilingüismo, idiomas, discursos
Les MOOC, objets linguistiques et langagiers
Depuis quelques années, les cours en ligne ouverts et massifs (MOOC, ou CLOM en français) contribuent
à une large diffusion des savoirs, principalement à travers la mise à disposition de contenus diversifiés
destinés à un public d’adultes intéressés par des formations courtes, parfois diplômantes, et aux modalités
de suivi flexibles. Initialement portés par de grandes universités occidentales (surtout aux États-Unis et en
Europe), les MOOC font aujourd’hui l’objet d’une offre étendue et hétérogène, tant du point de vue des
thématiques abordées que du modèle économique sous-jacent (Cisel, 2018). Deux aspects semblent
pourtant particulièrement stables et récurrents dans ce contexte : le recours massif à la langue anglaise
et la prédominance, à travers la majorité des capsules vidéo produites, d’une forme de magistrali
discursive caractéristique d’une approche pédagogique transmissive.
Souvent justifié par une recherche d'universalité des MOOC, elle-même motivée par des politiques
institutionnelles et/ou de diffusion, le recours à une langue hégémonique n'est pas sans conséquence pour
les processus de construction et de contextualisation des savoirs. Les travaux sur le plurilinguisme,
notamment dans l'enseignement supérieur, ont montré que l'utilisation massive de l'anglais repose souvent
sur une représentation des langues mettant en avant de manière parfois un peu simpliste sa fonction de
communication et sous-exploitant leur potentiel pour la construction des connaissances (Berthoud et Gajo,
2020). Par ailleurs, l'homogénéisation non seulement des langues, mais également des formats discursifs
et pédagogiques, induite par les grandes plateformes, tend vers des modèles universels de diffusion des
connaissances (Altbach, 2014), gommant l’ancrage culturel des savoirs (Dillon, Wang et Tearle, 2007),
pourtant présent tant du côté de la conception que de la réception (Fonseca et Gajo, 2020, 2021). Malgré
cette tendance à la standardisation, certains travaux commencent à mettre en évidence, à partir de
perspectives diverses, l'importance de prendre en compte la diversité linguistique et culturelle dans les
MOOC (Bayeck et Choi, 2018; Kerr, Merciai et Eradze, 2018; Nkuyubwatsi, 2014; Phan, 2018; Stratton et
Grace, 2016). Si ces contributions constituent des avancées importantes, elles travaillent généralement
dans une perspective d’ouverture à la diversité, s’intéressant rarement au rôle du plurilinguisme dans la
construction des savoirs.
Du point de vue discursif et pédagogique, les MOOC présentent certaines particularités qu’il semble
intéressant d’aborder sous l’angle linguistique et communicationnel. Depuis plusieurs décennies,
anthropologues, psychologues et psycholinguistes ont en effet montré l’importance du langage dans le
développement cognitif humain. Au-delà de son rôle structurant, le langage et en particulier le langage
verbal est porteur d’un ensemble de représentations du monde, lesquelles diffèrent d’une langue à
l’autre. En effet, en tant que système de signes arbitraires, une langue constitue un cadre d’opérations
mentales et l’expression singulière d’une culture et de valeurs, enfin une façon de voir le monde. Du point
de vue cognitif, Denis (1989) relevait la capacité qu’ont les mots à produire des images mentales distinctes.
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De leur côté, Fauconnier et Turner (2002) ont souligné le rôle des métaphores langagières dans
l’élaboration conceptuelle. Enfin, les travaux de Gajo (voir, par exemple, Gajo, 2007) ont mis en évidence
que le passage par une deuxième langue (L2), en permettant une deuxième médiation (une « re-
médiation »), contribue souvent à une meilleure intégration des savoirs linguistiques et disciplinaires. Par
ces quelques exemples, on observe que, contrairement à la représentation courante, les langues ne sont
pas des véhicules transparents (voir Cassin, 2004), mais peuvent jouer un rôle non négligeable dans la
construction des savoirs.
Dans le même ordre d’idées, si l'on se réfère aux travaux menés en sémiologie et en sémiopragmatique,
les capsules vidéo produites à des fins éducatives dans les MOOC ou tout autre dispositif de formation
entièrement ou partiellement à distance peuvent être appréhendées comme des langages articulant
plusieurs registres sémiotiques (audio-scripto-visuel selon la terminologie de Cloutier, 1973) susceptibles
de produire des effets différenciés sur les apprenants (Meunier et Peraya, 1993/2010; Peraya, 1999).
Plusieurs études récentes (Peltier et Campion, 2017; Peltier et Campion, 2018; Campion, Peltier et Peraya,
2019) ont souligné que la nature discursive des capsules vidéo élaborées pour les MOOC fait la part belle
au discours magistral et à une vision diffusionnelle et transmissive de l’apprentissage médiatisé. Dans
cette perspective, la dimension relationnelle, pourtant intrinsèquement constitutive de tout langage et de
tout apprentissage, est le plus souvent occultée et sous-exploitée sur le plan verbal.
Une problématisation nécessaire
Questionner les MOOC et autres dispositifs de formation intégralement ou partiellement à distance dans
leurs aspects linguistiques, discursifs et communicationnels ne s'impose néanmoins pas comme une
évidence, et ce, pour plusieurs raisons. D'une part, ces dimensions des capsules vidéo sont étudiées par
des chercheurs appartenant à des champs disciplinaires proches, comme la linguistique et la sémiotique,
ou encore les sciences de l'éducation et de l'information, mais qui n'abordent que rarement cet objet récent
et complexe de manière coordonnée. D'autre part, le développement de ces dispositifs de médiation des
savoirs se fait, on le verra, de manière parfois assez empirique, les acteurs développant avant tout des
solutions par expérimentation directe, voire par essais et erreurs, le travail de conceptualisation ne se
faisant souvent que dans un second temps, une fois que les pratiques se stabilisent et s'institutionnalisent.
Une des ambitions de ce numéro thématique est de proposer des axes de réflexion forts propices à
l'articulation disciplinaire et à la réflexivité propre à interroger des pratiques parfois déjà bien ancrées dans
les établissement d’enseignement universitaire. Un tel projet impose, cependant, de préalablement
problématiser cet objet en identifiant brièvement les questions transversales à la médiation des savoirs au
sein des MOOC et de leur production.
Médiation numérique et accès aux savoirs
Quand on s’intéresse à l'enseignement et à l’apprentissage à distance, on ne peut que faire le constat de
la centralité qu'y occupent désormais les capsules vidéo utilisées à des fins de médiation des savoirs, que
ce soit sur des plateformes grand public (comme YouTube) ou encore spécialisées dans les MOOC
(comme Coursera, FUN, OpenClassroom, MyMOOC, etc.) (voir Cisel et Bruillard, 2012). La place prise
par la vidéo dans ce dispositif est devenue si importante que certains auteurs la considèrent même comme
une nouvelle forme de manuel scolaire pour l'université (Young, 2013).
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Cette évolution n'est pas sans conséquence sur la manière de construire et de scénariser ces dispositifs
de formation à distance, pour différentes raisons. D'une part, la vidéo, en permettant d'atteindre un public
plus large, constitue un vecteur puissant de massification de l'enseignement. D'autre part, elle tend à
imposer, comme le notaient déjà Cisel et Bruillard (2012) cités plus haut, des formats courts, à même de
répondre à des pratiques de consultation fragmentées, amenant ainsi à ce que Michaël Bourgatte et Daniel
Jacobi (2019) identifient comme une forme « d'hypersegmentation du savoir ». Cette nécessité de
formatage les amène au concept de « vidéographisation », qu'ils définissent comme un « principe de
diation du savoir passant par la réalisation de vidéos » la plupart du temps destinées à une diffusion
sur Internet (Bourgatte et Jacobi, 2019). Ainsi, pour les concepteurs, produire des capsules vidéo
présuppose un important travail d'écriture médiatique adaptée au contexte numérique, qui passe par
différents procédés de médiation - pas toujours conscients et donc variablement problématisés - visant à
réduire la distance entre les savoirs savants et les savoirs ordinaires.
Nous pouvons tenter de décrire cette écriture médiatique à travers l'identification d'au moins trois
composantes, qu'il ne s'agit pas simplement de juxtaposer, mais dont il faut également penser l'intégration
de sorte à prendre pleinement en compte la multimodalité numérique dans l'accès aux savoirs. Ces
composantes sont :
la composante linguistique : choix de la ou des langues de la capsule vidéo et/ou des variétés de
langue, prise en compte des registres langagiers, éventuellement réflexion sur la mise à
disposition d’un dispositif de sous-titrage;
la composante discursive et les modèles de magistralité qui en découlent, à mettre en relation
avec le format de la séquence : exposé face camera, témoignage, entretien, table ronde sont
parmi les formats les plus couramment employés dans les capsules vidéo des MOOC et
mobilisent des types de discours spécifiques discours théorique, narration, dialogue, etc. Si on
suit (Jacquinot, 1977/2012), on pourrait se demander quels seraient les formats à adopter afin de
sortir d'une stricte « épistémologie de la transmission »;
la composante communicationnelle ou « médiatique » : intégration des aspects propres à
l'écriture audiovisuelle, comme la disposition des interlocuteurs face à la caméra, le choix du lieu,
l'échelle des plans, etc. qui contribuent à construire une relation de proximité avec l’apprenant. À
cela s’ajoutent les incrustations d’illustrations, schémas, mots-clés, qui sont autant de manières
de didactiser le savoir. Contrairement aux précédentes, du ressort des concepteurs, cette
composante « médiatique » dépend potentiellement d'un nombre d'acteurs plus important, car
elle est construite à la croisée d'un savoir disciplinaire détenu par les enseignants-chercheurs,
mais également de l'équipe pédagogique, didactique et technique de production.
De manière transversale à ces trois composantes se trouve la dimension culturelle, qui peut être comprise
à deux niveaux, comme culture nationale, mais aussi comme culture disciplinaire (voir Fonseca et Gajo,
2020). Les choix opérés par les concepteurs et équipes sont ainsi marqués par le contexte dans lequel ils
se trouvent (Bayeck et Choi, 2018) on n'envisage pas nécessairement les dimensions citées plus haut
de la même manière à Genève, à Bruxelles ou à Québec et par la discipline de référence (voir, par
exemple, Fonseca et Gajo, 2021; Bourgatte et Jacobi, 2019) une capsule qui développe un sujet de droit
n'opère pas les mêmes choix d’écriture médiatique qu’une capsule qui traite un sujet de médecine. Par
ailleurs, à l’intérieur même d’un domaine disciplinaire, le choix de la ou des langues et/ou des registres,
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par exemple, peut varier selon le sujet traité (voir l’entretien avec Laurent Turcot ici même
1
). Rappelons,
par ailleurs, que la dimension culturelle ne concerne pas uniquement les pratiques des concepteurs, mais
également celles des apprenants/usagers (Loizzo et Ertmer, 2016). Cette dimension renvoie à la tension
entre les processus de contextualisation et d’internationalisation qui anime les MOOC et qui reste encore
insuffisamment interrogée (Fonseca et Gajo 2021; Gajo, Fonseca et Steffen ici même
2
).
Il semble ainsi nécessaire de questionner ce rapport au plurilinguisme et aux langages (compris ici dans
le sens de l’articulation de plusieurs registres sémiotiques dans une capsule vidéo) dans l'ensemble des
contraintes techniques et institutionnelles pesant sur la conception de ces dispositifs médiatisés. D'un côté,
la mise en forme technique nécessaire définit un ensemble de possibles avec lequel les intentions
pédagogiques doivent être « négociées ». Par exemple, tout n'est pas aisément facile à montrer à l'image,
ou encore le recours au sous-titrage dans une perspective plurilingue impose des choix de réalisation qui
vont, à leur tour, influer sur la posture des apprenants/usagers. D'un autre côté, les politiques
institutionnelles contribuent à cadrer parfois fortement la manière dont sont pensées, réalisées et produites
les capsules vidéo, comme nous l'avons déjà mentionné. Cela est d'autant plus vrai que ces contextes
institutionnels sont parfois très différents les uns des autres, et font par ailleurs l'objet d'évolutions (voir p.
ex. Jaillet, 2014), allant de situations les enseignants sont contraints de « bricoler » avec les moyens
du bord à de véritables politiques institutionnelles dotées de moyens conséquents. À cela s'ajoute le fait
que ces capsules sont, ensuite, mises en ligne sur des plateformes qui ont leurs propres logiques
économiques ainsi que des modèles de mise en activité des apprenants et d'accompagnement des
contributeurs (Bullich, 2018), allant souvent dans le sens d’une « internationalisation » (et parfois
marchandisation) des savoirs (Moeglin, 1998). Pour cette raison, il serait également utile de s'interroger
sur les conséquences possibles de ces politiques institutionnelles, voire entrepreneuriales, sur
l'homogénéisation des savoirs, leurs modes de médiation et les pratiques présidant à leur
« consommation », mais cela sortirait de notre propos.
Enfin, on notera que ces expériences interrogent également la question du statut de ces productions dans
le champ universitaire et leur reconnaissance par les établissements d’enseignement. On rencontre en
effet des discours potentiellement contradictoires en la matière, entre un espoir de (re)valorisation de la
figure du pédagogue par l'entremise de l'investissement dans ces dispositifs innovants et sources de
prestige pour les universités, et la faible reconnaissance par les pairs de ces productions et du temps que
les universitaires peuvent y consacrer.
1
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Présentation du numéro thématique
Les contributions constituant ce dossier rendent compte d'expériences menées dans des contextes
différents, et prennent des formes variées : de l'article de recherche « classique » à l'entretien avec un
praticien, en passant par des comptes-rendus de travaux d'étudiants et un témoignage sur les expériences
menées dans un contexte institutionnel particulier. Cette diversité est une richesse de ce numéro et une
volonté de ses coordonnatrices et coordonnateur, soucieux de montrer, par-delà les contextes
institutionnels et disciplinaires, que chaque expérience apporte à sa manière des éléments de réponse
aux questions éminemment transversales que nous venons de présenter.
Articles de recherche
L'article d'Annick Rivens Mompean et Sophie Babault
3
fournit des pistes intéressantes pour questionner
l'articulation des logiques linguistiques, langagières, pédagogiques et techniques nécessairement à
l'œuvre dans un MOOC, dont l'articulation est par essence complexe. Partant de leur expérience comme
expertes dans la mise en place d'un MOOC en didactique des langues et de l'observation de MOOC déjà
existants, leur contribution questionne les paradoxes inhérents à la création d'un MOOC en didactique des
langues, dont différents choix pédagogiques sont en réaliguidés par des contraintes techniques propres
à cet objet. Les auteures montrent que ces dispositifs d'apprentissage imposent de penser les tensions et
les régulations possibles entre quatre pôles interconnectés présents dans tout MOOC : les conceptions
de l'apprentissage sur lesquelles s'appuient les concepteurs, le public visé et ses caractéristiques, les
choix techniques de mise en œuvre du dispositif et, enfin, le cadre institutionnel dans lequel le MOOC
prend place. Ces tensions appellent des régulations qu'elles proposent de modéliser (modèle APTI),
inscrites dans deux temporalités différentes : d'une part celle de la conception des MOOC, à travers le
poids relatif donné aux différents pôles, et d'autre part celle de la mise en œuvre du MOOC proprement
dite, à travers une attention particulière portée aux discours d'accompagnement.
En partant du principe que le dispositif détermine la transposition didactique (Chevellard et Joshua, 1991),
Audrey Thonard
4
interroge, à partir d'exemples concrets, l'effet d'un MOOC destiné à de futurs enseignants
de FLE sur la médiation (cognitive, relationnelle et langagière, Coste et Cavalli, 2020) des savoirs. Dans
ses analyses, l'auteure montre que les dimensions relationnelle et cognitive sont omniprésentes sur le plan
verbal (à travers, notamment, le recours, par l'enseignant, à différents genres de discours, à une posture
énonciative polyphonique) et non verbal (gestes, mimiques) et contribuent à la construction des
connaissances, malgré la distance. Si l'aspect « ouvert » et « en ligne » du MOOC n'est pas un écueil pour
la construction de la relation pédagogique entre enseignant et enseigné, cette contribution montre que
cela n'est pas le cas pour la « massivité » qui complexifie l'accompagnement des participants et demande
l'adoption d'autres formules comme les SPOC (Small Private Online Course).
Dans leur article, Laurent Gajo, Mariana Fonseca et Gabriela Steffen
5
s’interrogent sur le rôle du
plurilinguisme dans les MOOC et, en particulier, le mécanisme d’alternance codique, bien décrit dans les
études du biplurilinguisme, mais encore peu appliqué au cas des MOOC. Les auteurs expliquent que ce
mécanisme peut intervenir à différents niveaux macro (choix de la langue pour telle capsule vidéo ou tel
3
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MOOC), micro (changement de langue plus ou moins spontané en cours d’énoncé) et méso (recours
didactisé à deux ou plusieurs langues dans une même capsule ou leçon) et concerne notamment la
place et l’usage du sous-titrage dans ce dispositif. Au moyen d’extraits de trois MOOC issus de différentes
disciplines, de déclarations des concepteurs et de témoignages des usagers, les auteurs décrivent le
potentiel du plurilinguisme non seulement pour la communication des savoirs dans les MOOC, mais
également pour leur problématisation. Par ce biais, cette contribution met en évidence la tension entre
l’universalisation choix d’une langue unique pour la diffusion des savoirs et la contextualisation prise
en compte de la diversité linguistique et culturelle dans la fabrication des savoirs qui anime ce dispositif.
Travaux étudiants
La contribution de Teurra Villatti
6
présente et analyse une expérience de réalisation d'une capsule vidéo
plurilingue pour la diffusion de sa recherche doctorale auprès d'un public de non-spécialistes dans le cadre
d'un événement promu par une universibrésilienne. À partir d'une analyse qualitative et interprétative
de sa propre production, l'auteure suggère comment la mobilisation du plurilinguisme comme stratégie
discursive peut contribuer à la valorisation et à transmission du savoir scientifique.
Dans sa contribution, Carole Cattin
7
cherche à identifier quelques enjeux pédagogiques du passage de
deux enseignements universitaires présentiels à un MOOC. Pour ce faire, elle étudie les choix et
contraintes qui ont pesé sur la conception d'un MOOC, qui allie plurilinguisme (diversité des langues) et
variation (diversi au sein d'une même langue). Ce texte souligne en particulier la manière dont ce
dispositif amène les concepteurs à produire un travail d'écriture médiatique numérique, qui touche aux
dimensions linguistiques, discursives et communicationnelles exposées plus haut (même si ces notions
ne sont pas décrites en ces termes dans la contribution). Ce travail peut compliquer et complexifier la
scénarisation du dispositif en raison de la tension émergeant entre un souhait d'accessibilité large et les
niveaux de maîtrise linguistique exigée des usagers pour saisir toutes les implications de ces choix.
Témoignages et entretiens
Dans un long entretien avec l'historien et vidéaste Laurent Turcot, Baptiste Campion et Claire Peltier
8
interrogent la construction de ces dispositifs d'apprentissage non sous l'angle de la langue, mais de la
construction discursive et communicationnelle des capsules vidéo telles qu'elles sont utilisées dans de
nombreux MOOC, dispositifs de formation à distance ou de vulgarisation. Parlant de son expérience de
vulgarisateur des savoirs historiques sur la plateforme YouTube, Laurent Turcot s'attarde sur les questions
d'écriture au sens large du terme : une capsule vidéo articule un texte dont il met en avant les contraintes
d'efficacité et de fluidité, et une écriture audiovisuelle à travers les choix de cadrage, la variation des plans
et le rythme des illustrations, le tout au service d'une économie de l'attention particulièrement importante
sur ce type de plateforme. Ce faisant, cet entretien montre également les ressources pratiques et
techniques mobilisées pour construire de telles capsules pédagogiques ou de vulgarisation, souvent mal
maîtrisées par les universitaires à l'origine de ces dispositifs, et pas toujours reconnues dans le champ
universitaire.
6
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Cette question des compétences des enseignants-chercheurs articulée à la recherche de dispositifs
pédagogiques performants basés sur des capsules vidéo avec leurs spécificités langagières est au cœur
de la contribution de Stéphanie Chauveau
9
. Celle-ci rend compte de l'expérience de Michaël Bourgatte et
Laurent Tessier, enseignants-chercheurs à l'Institut Catholique de Paris et concepteurs d'un projet de
laboratoire universitaire des innovations pédagogiques. Ceux-ci ont en effet intégré la vidéo dans leurs
projets dès 2014 et témoignent d'une évolution pédagogique et technique structurée à la fois par une
réflexion sur les dispositifs pédagogiques et ce qu'on pourrait considérer comme des hasards, comme les
compétences en vidéo d'un membre de l'équipe ou les partenariats qui permettent de développer ces
projets. Par l’intermédiaire de Stéphanie Chauveau, Michaël Bourgatte et Laurent Tessier montrent
comment cela les a amenés à s'éloigner progressivement du « modèle » de l'enseignant face camera
soutenant une magistralité transmissive visible dans un grand nombre de MOOC au profit de la mise en
place de dispositifs visant à la collaboration entre enseignants et apprenant à travers la vidéo, par le biais
du concept de vidéographisation que nous avons évoqué plus tôt.
Liste de références
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https://doi.org/10.6017/ihe.2014.75.5426
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https://doi.org/10.19173/irrodl.v19i1.2729
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Campion, B., Peltier, C. et Peraya, D. (2019). Analyse communicationnelle de vidéos de MOOCs : quelle magistralité les choix
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http://revueeducationformation.be/include/download.php?idRevue=33&idRes=354
Cassin, B. (dir.) (2004). Vocabulaire européen des philosophies. Dictionnaire des intraduisibles. Éditions du Seuil/Dictionnaires
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