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9, 2022
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Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
Intention et outils, ou comment ne pas mettre la charrue
avant les bœufs
Un problème émerge de ces constats quant à la pertinence des évaluations et, par extension, celle du
jugement évaluatif. En effet, alors que les programmes de formation visent le développement de
compétences, les modalités d’évaluation utilisées par certains enseignants n’évaluent que l’accumulation
des connaissances acquises par l’élève alors que « le recours à une note de passage comme repère dans
le jugement à porter ne tient plus la route » (Scallon, 2004a, p. 15). Si l’alignement pédagogique – le fil
conducteur entre ce qui doit être enseigné (ce qui est prévu au programme), ce qui est enseigné et ce qui
est évalué – est inexistant, la pertinence de l’évaluation et de ses résultats est alors compromise (Biggs et
Tang, 2011). Déjà en 1949, Tyler insistait sur l’importance de la cohérence entre les objectifs
d’enseignement, les activités d’apprentissage et l’évaluation des apprentissages. En 1987, Cohen précise
que les résultats des élèves sont considérablement plus élevés lorsque l’alignement pédagogique est
respecté. Dans cet esprit d’alignement pédagogique, Pellegrino (2012) insiste sur l’importance pour
l’enseignant de déterminer, en premier, ce qu’il souhaite évaluer et par la suite de choisir la modalité
d’évaluation la plus appropriée. Rieunier (2007) propose aussi de penser et de préparer son évaluation
avant même de concevoir le dispositif d’enseignement-apprentissage. Pellegrino (2012) insiste aussi sur
l’importance de la pertinence des choix évaluatifs, puisqu’une même modalité d’évaluation ne permet pas
d’évaluer tout objet d’apprentissage. Ainsi, une modalité d’évaluation non adaptée à l’objet d’apprentissage
ciblé, donc non aligné pédagogiquement, mènera à des conclusions erronées sur les apprentissages réels
de l’élève (Pellegrino, 2012). Que se passe-t-il lorsque l'on se doit de soutenir le développement de
compétences, mais que l'on utilise des outils peu adaptés pour les évaluer? Qui monterait dans un avion
dont les apprentissages du pilote ont été évalués par des questions à choix multiples au lieu de tâches
complexes simulant un vol et des vols réels? Qui accepterait de subir une chirurgie par un médecin dont
on aurait vérifié les compétences en analysant son temps de connexion au système de formation par des
learning analytics?
Compétences, situation et complexité : un triptyque
indissociable
Déjà en 1994, Finson se positionnait sur les modalités d’évaluation dites traditionnelles, tels les items à
choix multiples, en affirmant qu’elles ne permettent pas d’évaluer la capacité à résoudre des problèmes ni
de réaliser une expérience de laboratoire. Il suggère plutôt une évaluation des apprentissages à l’aide de
performances, soit de tâches complexes. Ainsi, lors de l’évaluation des acquis dans un contexte
d’évaluation de compétences, l’enseignant amène l’élève à mobiliser des connaissances au lieu de lui
demander de répondre à des questions nécessitant une réponse déjà connue textuellement. Dans ce
contexte de recherche d’évaluation authentique, Scallon (2004b) met l’accent sur la réalisation d’une tâche
complexe signifiante pour l’élève lui permettant de mobiliser plusieurs ressources dans le but de démontrer
sa compétence. Gérard (2009) ajoute l’importance d’une solution originale et efficace de la part de l’élève.
Une tâche complexe est authentique, signifiante pour l’élève, elle ne le guide pas vers la solution,
notamment en laissant l’élève discriminer les informations pertinentes et non pertinentes, elle permet à
l’élève de mobiliser plusieurs connaissances, habiletés et stratégies, et elle permet plusieurs solutions. La
réalisation de plusieurs tâches complexes par l’élève permettra à l’enseignant d’inférer le niveau de
compétence développé. Par conséquent, il est à privilégier que toutes les situations d’évaluations réalisées
dans le but de porter un jugement consigné au bulletin soient une tâche complexe. Lors de la correction,
la démarche peut revêtir plus d’importance que la réponse elle-même. Le jugement transmis par le bulletin