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Lacrisesanitaire:uneoccasiondepenser
despratiquesd’évaluationdanslecadre
d’unenseignementàdistance
Thehealthcrisis:Anopportunitytothinkaboutassessment
practicesinthecontextofdistancelearning
Lacrisissanitaria:unaoportunidadparareflexionarsobre
lasprácticasdeevaluaciónenelcontextodelaenseñanza
adistancia
https://doi.org/10.52358/mm.vi9.239
Yann Verchier, enseignant-chercheur
Université de Technologie de Troyes, France
yann.verchier@utt.fr
Christelle Lison, professeure
Université de Sherbrooke, Canada
christelle.lison@usherbrooke.ca
RÉSUMÉ
La crise sanitaire a imposé aux structures d’enseignement supérieur la mise en place d’un
enseignement à distance. Dans ce cadre, l’évaluation des apprentissages s’est avérée
difficile. Notre article propose de présenter différentes stratégies d’évaluation mises en place
par des équipes pédagogiques lors des semestres en distanciel, de discuter de leurs limites
et de mettre en lumière les questionnements et les prises de conscience des enseignants.
Afin de nourrir ce bilan, le ressenti des étudiants quant à ces évaluations est aussi présenté.
Au-delà de l’utilisation d’exemples dans les pratiques et de la littérature existante sur le sujet,
nous souhaitons prendre un recul critique afin de voir dans quelle mesure cela pourrait
également s’appliquer dans une perspective d’enseignement en présentiel.
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Mots-clés :
formation à distance, évaluation des apprentissages, synchrone, asynchrone,
triche
ABSTRACT
The health crisis has forced higher education structures to set up distance learning. In this
context, the evaluation of learning has proved to be difficult. Our article proposes to present
different evaluation strategies implemented by pedagogical teams during distance learning
semesters, discuss their limits, discuss their limits, and highlight the questioning and
awareness of teachers. The students' feelings about these evaluations are also presented to
feed this assessment. Beyond using examples in practice and existing literature on the subject,
we wish to take a critical step back to see to what extent this could also be applied from a face-
to-face teaching perspective.
Keywords:
distance learning, learning assessment, synchronous, asynchronous, cheating
RESUMEN
La crisis sanitaria ha obligado a las estructuras de enseñanza superior a establecer una
formación a distancia. En este contexto, la evaluación del aprendizaje ha resultado difícil.
Nuestro artículo se propone presentar diferentes estrategias de evaluación aplicadas por los
equipos pedagógicos durante los semestres de enseñanza a distancia, discutir sus límites y
destacar el cuestionamiento y la sensibilización de los profesores. Para alimentar esta
evaluación, también se presentan los sentimientos de los estudiantes sobre estas
evaluaciones. Más allá del uso de ejemplos en la práctica y de la literatura existente sobre el
tema, queremos dar un paso crítico para ver hasta qué punto esto también podría aplicarse
en una perspectiva de enseñanza presencial.
Palabras clave:
aprendizaje a distancia, evaluación del aprendizaje, síncrono, asíncrono,
trampa
Introduction
Dans le contexte de crise sanitaire qui s’est installée à l’échelle mondiale lors du printemps 2020, les
établissements du supérieur ont dû, en quelques jours seulement, adapter leurs modalités d’enseignement
afin de passer d’un format traditionnel présentiel à des enseignements dispensés à distance. Si l’on peut
constater que cela a bousculé les habitudes d’enseignement, mais aussi d’apprentissage, force est de
reconnaitre que la question des évaluations des apprentissages est apparue comme cruciale. Pierre
d’achoppement pour de nombreux enseignants, cela s’est avéré encore plus difficile en période de
pandémie (Detroz, Tessaro et Younès, 2020).
Afin de comprendre ce qui s’est passé au cœur d’un établissement français d’enseignement supérieur,
nous avons interrogé des enseignants et des étudiants. Cet article se veut un retour sur cette enquête qui
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a consisté en une approche quantitative et qualitative. Des questionnaires ont été envoyés aux étudiants
et aux enseignants par les services de la scolarité et par un centre de soutien à la pédagogie (plus de 900
réponses chez les étudiants et près de 80 réponses chez les enseignants), durant et à la fin de chaque
semestre. Les questions portaient sur les pratiques, les outils, les besoins, les difficultés rencontrées, etc.
Ces questionnaires ont été remplis par des échanges lors de webinaires, de cafés pédagogiques et de
groupes de discussion (focus-group) organisés durant les périodes de confinement. Lors de ces
rencontres, les enseignants et les étudiants ont ainsi pu expliciter certaines de leurs réponses aux
questionnaires.
Notre article est structuré en deux parties, soit une mise en contexte et la nécessité de repenser les
modalités d’évaluation à distance. Dans cette dernière, nous présentons cinq types d’évaluation mis en
place par les enseignants de l’établissement du premier auteur au cours des derniers mois.
Une mise en contexte
Face à la crise, les cellules de soutien à la pédagogie (services regroupant en général des ingénieurs
pédagogiques, des technopédagogues et des techniciens audiovisuels) et les services informatiques ont
rapidement mutualisé leurs énergies afin de proposer aux équipes pédagogiques des solutions
d’enseignement et d’apprentissage à distance telles que des classes virtuelles, des plateformes
numériques d’apprentissage (par exemple : Zoom, Teams, Moodle, Big Blue Button, Wooclap, etc.) ou
encore des outils de travail collaboratif.
La première intention de nombreux établissements d’enseignement supérieur était de mettre en place ce
qu’il est commun d’appeler une continuité pédagogique permettant de passer d’un mode d’enseignement
présentiel à un mode d’enseignement distanciel. Plus spécifiquement en ce qui concerne l’établissement
au cœur de notre recherche, considérant les demandes formulées par les enseignants et
l’accompagnement réalisé par la cellule de soutien à la pédagogie, il est apparu que lors de cette première
période de confinement, une « ingénierie de crise » (Peraya, 2020) s’était organisée avec la caractéristique
principale de donner des cours coûte que coûte, comme en présentiel.
Les équipes pédagogiques de l’établissement se sont alors principalement concentrées sur la mise en
place de sessions de cours à distance : synchrones avec l’utilisation de classes virtuelles ou asynchrones
avec l’enregistrement de capsules de cours dans un cadre privé et mises ensuite en ligne sur les ENT
(environnements numériques de travail) de type Moodle. Le choix d’une de ces deux modalités a parfois
été motivé par des critères pédagogiques, mais aussi souvent par des contraintes techniques (mauvais
débit Internet dans le cadre personnel ne permettant pas de réaliser des classes virtuelles dans de bonnes
conditions, etc.) ou encore par des appétences personnelles, certains enseignants n’étant pas à l’aise
avec le fait de donner des cours en direct via un outil de classe virtuelle dont ils ne maitrisaient pas
intégralement l’usage (participants sans caméra, outils de discussion instantanée non contrôlés, etc.).
Il s’avère que lors de cette première phase, les pratiques pédagogiques n’ont finalement que très peu
évolué, l’attention étant mise sur le choix du « bon » outil et sa prise en main par les équipes (Vidal, 2020),
dans une perspective de « simple » transposition des enseignements en présentiel. C’est lors de la
seconde phase de continuité pédagogique, qui a eu lieu à l’automne 2020, qu’une réflexion pédagogique
plus profonde s’est engagée pour penser pédagogiquement, didactiquement et technologiquement des
cours à distance de qualité. Ainsi, les équipes pédagogiques, fortes de la maitrise des outils pour enseigner
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à distance, ont commencé à se questionner réellement sur ce que sont les modalités des formes
d’enseignement à distance : quelle durée pour un enseignement en visioconférence? Quel format pour les
capsules de cours consultées en mode asynchrone? Comment rendre actifs les étudiants durant les temps
de travaux dirigés à distance? Comment permettre aux étudiants de travailler en groupe lors des séances
de travaux dirigés ou de travaux pratiques virtualisés? Notons toutefois que certains enseignants avaient
d’ores et déjà fait cet exercice, souvent avec l’accompagnement d’un conseiller pédagogique, mais nous
considérons que l’urgence de la situation n’a pas été propice à favoriser un questionnement en profondeur.
La crise sanitaire, considérée par certains comme un catalyseur d’une évolution des pratiques
pédagogiques, a cependant fait apparaitre un point critique qu’est l’évaluation à distance des
apprentissages (Heilporn et Denis, 2020). En effet, dans de nombreux cursus de formation, les évaluations
se font sous forme d’examens terminaux (médians, partiels, finaux) qui ont lieu en promotions entières, en
présentiel et dans des conditions surveillées. Autrement dit, dans de nombreux cas, les modalités
d’évaluation, pourtant au cœur du processus de formation, n’ont pas été pensées pour être transposées
dans un cadre d’évaluation à distance. Autant une transposition plus ou moins fidèle des dispositifs
d’enseignement a semblé simple pour d’aucuns, autant une transposition des modalités d’évaluation
« classiques » était inutile, voire inenvisageable. De nombreux enseignants ont donc été confrontés aux
questions suivantes : comment évaluer à distance la progression des étudiants? Comment produire une
évaluation qui ne fait pas uniquement appel à des connaissances consultables à l’aide de documents de
cours ou d’Internet? Comment garantir une qualité d’évaluation à l’aide de plateformes de type Moodle?
Comment limiter la fraude lors des évaluations et des examens? Il a alors fallu envisager de nouvelles
pratiques d’évaluation dans le cadre d’un enseignement à distance en situation de crise sanitaire.
La nécessité de repenser les modalités d’évaluation à
distance
Très rapidement après l’adaptation des temps d’enseignement en mode distanciel, la principale
préoccupation des instances et des équipes pédagogiques a été de garantir la qualité des évaluations
(Brown, 2019). Dans le cadre de cet article, nous définissons l’évaluation des apprentissages comme un
processus faisant appel, à différents degrés, à l’intégration d’outils technologiques (modalités synchrones
et asynchrones) et qui consiste à recueillir des informations sur l’apprentissage réalisé par l’étudiant, à les
interpréter en vue de porter un jugement et de prendre la meilleure décision possible.
Concrètement, pour les enseignants interrogés (une trentaine lors d’échanges durant des webinaires et
des cafés pédagogiques virtuels), proposer des évaluations de qualité signifiait principalement trois
choses :
1) limiter la fraude et s’assurer que chaque étudiant était bien l’auteur de son travail (Hettiarachchi et
Huertas, 2013);
2) ne pas « dégrader » l’évaluation. En d’autres termes, tester des niveaux d’acquisition des
connaissances et de développement des compétences de l’ordre de ceux évalués en présentiel;
3) éviter les problématiques techniques supplémentaires. Dans cette optique, nous souhaitons ici mettre
en lumière et illustrer les cinq types d’évaluation les plus mis en place par les enseignants de
l’établissement du premier auteur au cours des derniers mois.
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Les évaluations asynchrones et le dépôt de devoirs en ligne
Le premier réflexe de certains enseignants a été de vouloir « parfaitement » transposer leurs pratiques
d’évaluation du mode présentiel au mode distanciel, à la seule différence qu’il n’était pas possible de réunir
tous les étudiants dans une salle d’examen. En pratique, cela consistait à mettre à la disposition de tous
les étudiants un sujet au format PDF (envoyé par email ou déposé sur la plateforme d’apprentissage du
cours) et de leur laisser un temps donné pour réaliser le travail, numériser leur copie et la déposer sur la
plateforme dédiée type Moodle. Ces évaluations asynchrones de type devoir ont souvent donné lieu à une
forme de travail collaboratif se résumant alors pour l’enseignant à corriger un grand nombre de copies
identiques. Dépités par cette situation, plusieurs enseignants ont choisi de proposer des devoirs plus
complexes faisant appel à des capacités de synthèse et d’analyse accrues (Anderson, Krathwohl et Bloom,
2001).
Parmi les avantages de cette modalité relevés lors des webinaires, des cafés pédagogiques et des
groupes de discussiion, les enseignants et les étudiants ont mentionné une diminution du stress par
rapport aux modalités techniques. Toutefois, les enseignants ont soulevé des limites, dont l’impression de
fraude, les amenant à corriger des copies quasi identiques, faisant en sorte qu’il était difficile de savoir
quels étudiants maitrisaient les connaissances nécessaires ou avaient développé les compétences
adéquates.
Les évaluations synchrones avec vidéosurveillance
Afin de pallier les problèmes de fraude, certains enseignants ont souhaité réaliser des évaluations de type
devoir en mode synchrone, utilisant alors des outils de visioconférence en tant quoutils de surveillance
(Moore, Head et Griffin, 2017; Woldeab et Brothen, 2019). En pratique, un créneau d’examen était
programmé et le sujet de l’évaluation était mis à disposition à la même heure pour l’ensemble de la
promotion d’étudiants. Chacun d’entre eux était alors invité à se connecter sur une application de
visioconférence afin que l’enseignant ou l’équipe d’enseignants puisse observer ses conditions de travail.
L’analyse de cette pratique fait apparaitre plusieurs limites en partie liées à la technologie utilisée. Du point
de vue légal tout d’abord, il est apparu qu’il n’est pas possible d’imposer aux étudiants l’utilisation d’une
webcam (accès pratique à cette technologie, équité face au matériel demandé et droit à l’image en groupe
dans le cadre d’une visioconférence). Du point de vue de l’accessibilité, certains étudiants, dans des zones
mal reliées à un réseau Internet, ne pouvaient afficher leur vidéo lors de la visioconférence, ne disposaient
pas du débit nécessaire pour consulter puis déposer le sujet tout en affichant leur vidéo, ou encore ne
possédaient pas de forfait assez performant (quantité de gigaoctets) pour se conformer à ce type de
modalités. Finalement, cela constituait un stress supplémentaire pour les étudiants qui craignaient que les
enseignants croient qu’ils trichaient s’ils regardaient quelques secondes « ailleurs » et demandaient aux
enseignants de trouver des solutions alternatives en cas de problème, ce qui amenait potentiellement une
iniquité entre les étudiants.
L’utilisation de quiz
Pour pallier les problèmes de fraudes observés lors des évaluations de type devoir réalisées à distance,
certaines équipes enseignantes ont fait appel aux évaluations de type quiz, réalisables avec des
plateformes comme Moodle. Ce mode d’évaluation permet d’utiliser plusieurs paramétrages qui ont pour
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but de limiter les risques de fraude (Université de Sherbrooke, s.d.). Pour ce faire, les équipes ont réalisé
des banques de questions au sein desquelles certaines étaient tirées aléatoirement (Gamage et al., 2019)
et présentées sans ordre prédéfini. En temps limité, la navigation dans le quiz était de type séquentiel, ce
qui signifie que l’étudiant ne pouvait pas revenir sur une question déjà traitée, l’objectif étant de limiter la
mise en commun de réponses.
À la suite de notre enquête, il apparait que cette modalité d'évaluation a été utilisée pour plus de 50 % des
enseignements et a semblé convenir à un grand nombre d’enseignants. Toutefois, nous observons
plusieurs limites à l’utilisation de quiz. D’une part, les questions créées portaient souvent sur des
connaissances et demandaient un faible niveau d’analyse aux étudiants. Ce faisant, le risque de
consultation des ressources de cours internes ou externes était grand et ne permettait pas nécessairement
une évaluation des compétences ciblées. D’autre part, du point de vue technique, ce type de test demande
une bande passante haut débit et nécessite que chaque étudiant soit connecté dans des conditions
optimales afin d’éviter les erreurs dans l’affichage des formulaires et l’envoi de données en temps réel.
De plus, du point de vue des étudiants, il est ressorti que la limite de temps et la navigation séquentielle
étaient source de stress, ne permettant pas de corriger des erreurs perçues après coup. À l’inverse, les
enseignants ont mentionné que cette façon de procéder leur permettait de limiter la fraude (par les
questions aléatoires et la navigation séquentielle) et que la correction automatique des copies était un
avantage indéniable, particulièrement dans les plus grands groupes, comme l’ont souligné Gilles et
Charlier (2020).
Les exposés
Une autre approche a été de demander aux étudiants de réaliser des exposés seuls ou en groupe avec
une phase de restitution synchrone ou asynchrone, permettant ainsi d’obtenir des productions originales.
Afin d’aller plus loin que le simple oral terminal, certains enseignants ont ponctué le semestre de temps
de restitution à réaliser sur différents thèmes ou séquences de cours : présentation analytique d’un
montage de travaux pratiques, synthèse d’une séquence de cours, réalisation d’une expérience
scientifique avec du matériel courant disponible à la maison, débat sur un thème de société, etc. Dans
cette configuration, chaque étudiant ou chaque groupe d’étudiants pouvait travailler sur un sujet unique et
original (imposé ou non par l’enseignant), ce qui limitait de fait la fraude associée aux activités d’évaluation
à distance. Selon le temps imparti dans l’unité d’enseignement, les productions pouvaient être réalisées
en direct en visioconférence, ou de manière différée au moyen d’enregistrement de capsules vidéo
déposées ensuite sur un site dédié.
Cette modalité a permis de mobiliser les étudiants, de les rendre actifs lors de l’activité d’apprentissage et
de leur faire prendre du recul en les mettant de fait dans une posture invitant au recul et à l’analyse.
Toutefois, certains étudiants ont pu éprouver des difficultés quant à la réalisation à distance de travaux en
équipe, notamment en termes d’organisation. Notons également qu’à l’instar des travaux des résultats de
Colognesi et Dumais (2020), les étudiants ont parfois plus apprécié le format « enregistré », car cela
diminuait leur stress de pouvoir le refaire à plusieurs reprises en cas de besoin.
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L’évaluation par les pairs
Certaines équipes ont choisi de mettre l’évaluation des productions des étudiants entre les mains des
étudiants. La démarche a eu pour principal objectif de rendre actifs les étudiants lors de cette période
angoissante au cours de laquelle la plupart des modalités d’évaluation ont été réajustées en cours de
semestre. Ainsi, certains enseignants ont fourni des grilles critériées aux étudiants avec la consigne
d’évaluer trois à cinq productions d’autres étudiants de la promotion. La logistique associée à ce travail a
pu être réalisée à l’aide d’extensions spécifiques de la plateforme Moodle. D’autres enseignants qui ont
demandé des productions originales aux étudiants sont allés plus loin et ont décidé de prendre un temps
en groupe afin de concevoir la grille d’évaluation avec la cohorte, comme le propose Martin (2017). Ce
travail, déroutant pour certains au début (« Mais vous nous demandez de faire votre travail »; « C’est aux
enseignants de savoir ce qui est juste et de qualité ») a permis de faire prendre conscience aux étudiants
des attentes de l’évaluateur en cernant les éléments importants, voire essentiels pour l’évaluation. Une
fois la grille conçue et validée par tous les étudiants de la promotion, un système d’évaluation croisée était
alors mis en place via la plateforme Moodle.
Cette modalité invite les étudiants à être acteurs du processus d’évaluation et leur permet de consulter les
travaux d’autres groupes et d’avoir un regard critique, mais bienveillant, sur leurs productions. Cette
démarche permet de dépasser l’évaluation sommative formelle, donc les rétroactions et leur utilisation par
les étudiants sont souvent faibles. Ils ont mieux compris ce qui était attendu et ont réalisé, par la suite, des
travaux de meilleure qualité.
Conclusion
Durant la période de crise sanitaire, les contraintes imposées aux modalités d’évaluation (distance,
examens difficiles à surveiller, accès aux documents de cours, soucis de connexion…) ont obligé les
équipes pédagogiques à revoir leurs modalités habituelles. Force est de constater que la crise a été
l’occasion pour plusieurs de repenser ce processus (Roblez, Biancarelli et Gremion, 2020; Papi, Gérin-
Lajoie et Hébert, 2020) auquel ils accordaient peut-être peu de temps, au-delà de l’aspect des corrections.
D’aucuns ont ainsi constaté l’importance de la rétroaction pour permettre aux étudiants de progresser dans
leurs apprentissages et le développement de leurs compétences (Cabot, 2017). Au-delà des retours sur
la production, la rétroaction a pour but de permettre aux étudiants de développer leur capaci
d’autoévaluation et d’autorégulation. C’est l’une des « bonnes pratiques » que les étudiants souhaiteraient
voir maintenue lors d’un retour en présentiel et que plusieurs enseignants reconnaissaient comme étant
pertinente pour favoriser des apprentissages de qualité.
Parmi les enseignants que nous avons rencontrés, plusieurs ont également mentionné une redécouverte
de l’évaluation continue en période de crise. En effet, ils ont proposé plus d’évaluations, tant formatives
que sommatives, aux étudiants. Il importe toutefois de ne pas en arriver à surévaluer, ce qui pourrait finir
par amener les étudiants à se désengager de certaines activités pédagogiques. En revanche, enseignants
et étudiants ont reconnu la pertinence de varier les modalités d’évaluation pour permettre le
développement de connaissances et de compétences, de même que pour limiter le plagiat et la tricherie,
en proposant des évaluations qui favorisent la mobilisation de stratégies cognitives et métacognitives de
haut niveau.
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