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Les études et recherches dans le domaine de la formation à distance sont riches et variées
1
. Beaucoup
interrogent les technologies et rapportent des expérimentations de multiples dispositifs, dont elles montrent
tantôt la pertinence, tantôt l’incertaine efficacité. D’autres travaux s’intéressent aux pédagogies de la
distance (Dessus et Marquet, 2009; Lameul et Loisy, 2014; Poteaux, 2013). D’autres encore concernent
les acteurs, qu’ils soient enseignants (Baron, 2010; Boissoneault, 2009; Papi, 2016), tuteurs (Depover et
al., 2011) ou apprenants (Deschênes, 1999; Glikman, 1999), les politiques institutionnelles (Jacquinot-
Delaunay et Fichez, 2008; Campus France, 2020), etc. L’histoire n’y est souvent présente que
circonstanciellement ou comme toile de fond, mais il arrive qu’elle constitue l’objet même de publications
(Albero, 2004; Audet, 2012; Baron et Depover, 2019; Chaptal, 1995; CLIFAD, 2007), qui apportent à leur
tour de très utiles éléments de réflexion. Ce n’est donc pas la première fois qu’une telle approche est
entreprise, mais ce moment particulier du recours à la distance pour des raisons sanitaires nous est apparu
propice à un retour sur des usages plus pérennes.
Si « le passé est la lanterne du futur » (Mazouz, 2015), on peut espérer que ce numéro nous aidera à
répondre à des questions fondamentales : dans quelle mesure et à quelles conditions les formations à
distance ont-elles réellement offert et peuvent-elles continuer d’offrir la « liberté d’apprendre » à son choix
et à son rythme, liberté que des organismes spécialisés affirment souvent permettre, aussi bien en France
(Centre national d’enseignement à distance, Conservatoire national des arts et métiers) qu’au Québec
(Télé-université du Québec, devenue Université TÉLUQ)? Dans quelle mesure et à quelles conditions ont-
elles véritablement ouvert et peuvent-elles continuer d’ouvrir l’accès aux connaissances et aux
certifications à des publics qui en étaient jusque-là exclus, c’est-à-dire contribuer à l’idéologie
démocratique que revendiquent les institutions qui les portent sans se contenter de tendre « à favoriser
avant tout ceux qui le sont déjà et à "faire pleuvoir là où c'est mouillé" » (Glikman, 2002, p. 266)?
La première histoire, celle des technologies dont l’évolution chronologique, commune à tous les pays
occidentaux et au-delà, est celle qui peut le plus aisément donner lieu à une périodisation temporelle, base
de toute interprétation historique et fondement pour l’analyse et la compréhension des processus à l’œuvre
(Le Goff, 2014). Il n’en reste pas moins que ce découpage technologique du temps n’exclut ni une
continuité relative, et souvent provisoire, dans l’usage des supports, ni une influence significative des
autres facteurs.
L’histoire des technologies
Qu’on la fasse remonter au milieu du XIX
e
siècle, comme la plupart des auteurs, à commencer par Henri
Dieuzeide (1985), ou, plus étonnement, à l’aube du christianisme, comme l’affirme John Daniel dans ce
numéro, la formation à distance a connu nombre d’avatars subordonnés aux supports disponibles,
participant désormais aux phénomènes d’industrialisation à l’œuvre dans la formation (Guillemet, 2004;
Mœglin, 2016). À l’imprimé des cours par correspondance est venu s’adjoindre l’audiovisuel avec des
émissions de radio et de télévision éducatives, plus tard supplantées par les cassettes audio et vidéo, les
« multimédias » combinant divers moyens (Glikman et Baron, 1991), puis l’informatique avec
l’Enseignement assisté par ordinateur (EAO) et, maintenant, le numérique et les réseaux avec les
formations en ligne qui combinent toutes ces approches sur un même écran unique via des plateformes
dédiées. À partir de la succession de ces technologies, on peut distinguer quatre grandes périodes dans
l’histoire de la formation à distance : le temps des cours par correspondance (1850-1960), la prédominance
de l’audiovisuel (1961-1980), l’hégémonie de l’informatique (1981-2000) et la suprématie des formations
en ligne (2001 à nos jours) (Glikman, 2016).
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Tant de textes sur la formation à distance ont été publiés au cours des précédentes décennies que les quelques publications citées en
référence ne sont ici que pour illustrer notre propos, sans prétendre à une quelconque exhaustivité, ni même à une sélection fondée sur leur
importance.