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institutions, comme le montrent les débuts difficiles de l’AU, et qu’il faut du temps pour qu’elles soient
pleinement reconnues (par le biais d’un mandat permanent, d’une lettre patente ou d’un statut de service
public). De plus, au-delà des premières années, force est de constater que la vie des universités à distance
est loin de suivre un long chemin tranquille, comme le prouvent notamment les nombreuses crises
traversées par la TÉLUQ qui fut menacée de fermeture à plusieurs reprises.
Globalement, qu’il s’agisse d’institutions spécialisées dans la formation à distance ou d’unités comme
TECFA, on constate aussi que la vision que les acteurs ont de ces organisations et de leurs missions
contribue à en façonner le destin et à en pérenniser l’existence. Décisions politiques ou d’ordre privé et
visions d’acteurs concourent donc, entre besoins socioéconomiques et idéaux éducatifs, à une adaptation
des actions institutionnelles aux évolutions du contexte sociétal.
2. Les évolutions technopédagogiques au cœur des institutions
Deux points, en particulier, sont communs à ces institutions spécialisées en formation à distance. Le
premier est d’impliquer une rupture temporelle et une division du travail entre la conception et la réalisation
des cours, d’une part, et leur mise en œuvre de l’autre, notamment en ce qui concerne l’accompagnement
et les activités collaboratives. Le second est d’intégrer les innovations technologiques susceptibles d’être
mises au service tant de la création des cours que du tutorat. C’est ainsi que l’enseignement par
correspondance s’est rapidement enrichi de l’audiovisuel, du multimédia, puis de la télématique (en
France) et enfin d’Internet. Les cours imprimés, accompagnés d’émissions de radio ou de télévision, de
disques ou de cassettes puis de cédéroms, ont donc progressivement été remplacés par des cours en
ligne. Les courriers postaux et les échanges téléphoniques, même s’ils continuent d’exister, ont largement
fait place aux communications par courriels ou visioconférences.
Il est néanmoins nécessaire de se souvenir que, si le développement de la formation à distance s’est
appuyé sur les innovations technologiques, il a également favorisé leur diffusion. L’unité TECFA et la
TÉLUQ ont par exemple contribué au déploiement d’Internet en Suisse et au Québec. De fait, pour rendre
l’éducation accessible au plus grand nombre, la formation à distance exige non seulement que les
technologies soient disponibles, mais aussi qu’elles soient intégrées dans les foyers. On peut aussi noter
que les changements technologiques relatifs aux moyens de production et de communication ont conduit
les institutions spécialisées à ne pas se limiter aux recrutements classiques de personnels universitaires,
mais également à s’adapter à l’entrée de nouveaux acteurs aux compétences liées aux technologies,
aboutissant à remanier l’éventail des profils présents en leur sein et, par conséquent, à infléchir leur propre
structure.
Par ailleurs, soutenues par l’avancée des recherches sur l’apprentissage, les modalités pédagogiques ont
évolué et le modèle béhavioriste traditionnel a peu à peu cédé la place à des approches plus
constructivistes. Dans le même temps, bien que la formation à distance s’adresse, au départ, davantage
à des individus isolés qu’à des groupes, des tentatives pour mettre les étudiants en relation les uns avec
les autres se sont fait jour, comme on le voit notamment à l’OU où la création de communautés est
vivement encouragée. Convivialité et accompagnement sont ainsi présentés dans tous les entretiens
comme des éléments essentiels pour permettre aux apprenants de suivre et réussir des études à distance.
Enfin, comme en témoignent en particulier les activités de l’unité TECFA et de l’Institut de technologie
éducative de l’OU, l’importance des liens entre recherche et formation est souvent mise en évidence, liens
qui permettent d’élaborer et de tester de nouveaux modèles de formation tout ou en partie en ligne, ainsi
que d’améliorer les environnements d’apprentissage et le soutien offert aux apprenants.
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Nous aborderons ces entretiens à partir de quelques questions qui émergent d’une lecture transversale
des récits recueillis. Pourquoi et comment ces institutions ont-elles été créées et ont-elles évolué? Quels
ont été les défis et les obstacles rencontrés et comment ont-ils été surmontés? Quel a été le rôle des
technologies dans les changements évoqués? Qu’en est-il de l’avenir de ces institutions depuis que la
formation à distance n’est plus l’apanage de quelques établissements, mais une réalité à laquelle sont
confrontés la plupart d’entre eux?
Nous insisterons ici sur quelques éléments de réponse à ces questions, souvent communs aux différents
entretiens et qui nous semblent significatifs, espérant de la sorte inciter à lire ces entretiens et contribuer
à ouvrir des pistes de réflexion permettant de faire le lien entre le passé et l’avenir de la formation à
distance.
1. L’essor de la formation à distance : une réponse à des besoins
Comme nous le vivons depuis plus d’un an avec les mesures de confinement, qui ont fait de la formation
à distance LA solution pour permettre une continuité dans l’éducation des élèves et des étudiants, celle-ci
a toujours été initiée pour répondre à un besoin particulier. Ainsi, en France, l’établissement aujourd’hui
connu sous le nom de Centre national d’enseignement à distance (CNED) a pour origine les
bouleversements entraînés par la Seconde Guerre mondiale : il s’agissait alors de rendre possible la
poursuite des études dans un contexte d’occupation et de déplacement de populations
. Les entretiens
font, quant à eux, ressortir que trois des quatre universités intégralement à distance (OU, TÉLUQ, AU)
sont nées de la nécessité et de la volonté de démocratiser l’accès à l’éducation à une époque où la
demande en termes d’enseignements secondaire et supérieur augmentait rapidement. De son côté, l’UOC
est venue répondre à un besoin d’ordre socioculturel et politique, celui de dispenser une formation à
distance en langue catalane alors que l’Université nationale à distance espagnole (UNED)
n’offrait que
des cours en castillan. Ce renforcement de l’offre de formation supérieure visait donc à accueillir un plus
grand nombre d’étudiants tout en évitant de longs déplacements aux personnes éloignées des campus et
en permettant aux adultes actifs de se former indépendamment de leur emploi du temps professionnel ou
familial. Ces spécificités en termes de distance, à la fois spatiale et temporelle, ont fait de la formation à
distance une réponse potentiellement adaptée aux besoins.
Toutefois, les origines et les modes de fonctionnement des organisations ainsi créées sont variables.
Toutes n’ont pas la même ancienneté et n’ont pas débuté avec les mêmes supports. Tandis que l’existence
du CNED, précédemment mentionné, remonte aux années 1940 et s’est d’abord appuyée sur l’imprimé,
l’OU, la TÉLUQ et l’AU sont apparues dans les années 1970 en recourant également à d’autres médias.
L’unité TECFA, elle, n’a vu le jour qu’en 1989 et l’UOC au milieu des années 1990, au moment où le
numérique s’installait durablement. Pendant que les gouvernements en place étaient demandeurs du
déploiement d’une telle offre de formation dans le cas de l’OU et de l’AU, on peut noter que ce n’est pas
le cas pour la TÉLUQ. Les sources de financement sont aussi différentes, de fonds publics aux droits
payés par les étudiants pour les enseignements supérieurs de l’OU en passant par l’obtention de crédits
obtenus dans le cadre d’appels d’offres pour TECFA.
On constate en outre que les changements gouvernementaux ont parfois influencé l’histoire de ces
Voir https://cursus.edu/actualites/43513/quelle-a-ete-la-crise-qui-a-donne-naissance-au-cned, site qui fait état d’un intéressant document
abondamment illustré retraçant l’histoire du CNED : Bourrel, J.-R., Vidal, M., Mahieux, F. (2008). L’Histoire du CNED depuis 1939. Poitiers,
France: CNED.
Sur l’UNED, on peut se reporter à https://fr.wikipedia.org/wiki/Universit%C3%A9_nationale_d%27enseignement_%C3%A0_distance et à son
site (https://www.uned.es).