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Durisquedemultiplierlesperspectives
lorsdelaconceptiond’uneapplication
numériquepourlaclasse:lecasduCNEC
OntheRiskofMultiplyingStakeholdersDuringtheDesignofa
Computer-basedLearningEnvironment:TheCaseoftheCNEC
Sobreelriesgodemultiplicarlospuntosdevistaduranteel
diseñodeunatecnologíaeducativa:elcasodelCNEC
https://doi.org/10.52358/mm.vi10.224
Matthieu Cisel, enseignant-chercheur
CY Cergy Paris Université, France
matthieu.cisel@cyu.fr
RÉSUMÉ
Afin de favoriser le développement d’environnements numériques d’apprentissage utilisables
en classe, fondés sur la recherche et répondant aux besoins des utilisateurs, l’État français a
financé les projets eFRAN des consortiums hétéroclites rassemblant industriels, acteurs du
système éducatif et laboratoires. Si, au premier abord, la composition des consortiums laisse
penser que sont réunies toutes les compétences nécessaires à l’atteinte des objectifs affichés,
les divergences entre acteurs ont pu nuire au processus de conception, comme nous le
suggérons sur la base d’un cas d’étude : les Savanturiers du Numérique. Les différences de
perspectives et d’intérêts, ainsi que les impensés dans les modalités de collaboration au sein
du consortium, ont conduit à rechercher des consensus qui se sont faits, selon nous, au
détriment de l’utilité et de l’utilisabilité de l’application numérique développée, le Carnet
Numérique de l’Élève Chercheur (CNEC). Sur la base d’un suivi longitudinal de l’ensemble du
processus de conception, nous livrons dans cette contribution, sous la forme d’un retour
d’expérience, une analyse des difficultés du processus de conception associées à la
multiplicité des points de vue qui se sont exprimés.
Mots-clés : conception, utilisabilité, utilité, EIAH
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ABSTRACT
To foster the adoption of computer-based learning environments in the classroom, based on
both research and user tests, the French State funded via theeFRAN projects, heterogeneous
consortia featuring EdTech companies, teachers, and research laboratories. While at first
glance, the composition of such consortia suggests that all the skills required to reach these
objectives are all present, divergences among stakeholders may have hindered the design
process on various occasions. We illustrate this hypothesis using the case study: Les
Savanturiers du Numérique, responsible for the design of the Student-Researcher Digital
Notebook (SRDN). Differences of perspectives and conflicting interests, as well as the initial
lack of rules regarding the collaboration within the consortium led to a series of consensus that
ultimately hindered the utility and usability of the learning environment. Based on a longitudinal
analysis of the entire design process, we offer an analysis of the design process issues
associated with the multiplicity of visions expressed.
Keywords:
design, usability, utility, computer-based learning environment
RESUMEN
Para promover el desarrollo de entornos de aprendizaje digital en clase, basados tanto en la
investigación como en las necesidades de los usuarios, el estado francés ha financiado, a
través de proyectos eFRAN, consorcios heterogéneos que reúnen a empresas, actores del
sistema educativo y laboratorios. Si a primera vista la composición de los consorcios sugiere
que se combinan todas las habilidades necesarias para lograr los objetivos planteados, las
diferencias entre actores podrían haber perjudicado el proceso de diseño, como sugerimos a
partir de un estudio de caso: los “Savanturiers du Numérique”. Las diferencias de perspectivas
e intereses, así como la falta de reglas de colaboración dentro del consorcio, han llevado a
una búsqueda de consensos que se han logrado, a nuestro juicio, en detrimento de la utilidad
y de la usabilidad de la aplicación digital desarrollada, la CNEC. A partir de un seguimiento
longitudinal de todo el proceso de diseño, aportamos un análisis de las dificultades de dicho
proceso asociadas a la multiplicidad de los puntos de vista involucrados.
Palabras clave:
diseño, usabilidad, utilidad, entorno digital
Introduction
Le CNEC, un EIAH issu d’un consortium hétéroclite
Une recommandation revient régulièrement dans les travaux portant sur la conception d’Environnements
Informatiques pour l’Apprentissage Humain (EIAH) : faire preuve d’interdisciplinarité en réunissant des
acteurs aux compétences complémentaires. On la retrouve aussi bien dans des textes sur les méthodes
de conception en ingénierie pédagogique, vieux de plusieurs décennies (Tripp et Bichelmeyer, 1990), que
dans des écrits plus récents sur les dispositifs comme Educate, visant à mettre à l’épreuve dans les classes
différents types de technologies éducatives (Cukurova et al., 2019). En matière de financement de ces
technologies, les politiques publiques contemporaines semblent faire écho à cette recommandation. En
témoigne la composition du consortium Les Savanturiers du Numérique, à l’origine du Carnet Numérique
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de l’Élève Chercheur (CNEC) : un laboratoire, une entreprise, un acteur de l’innovation en éducationles
Savanturiers et des académies permettant aux concepteurs d’avoir accès à des enseignants susceptibles
de les conseiller et d’ouvrir aux tests utilisateurs leurs classes d’écoles primaires et de collèges. Ce
consortium s’est constitué pour répondre à l’appel à projets eFRAN, pour « espaces de Formation de
Recherche et d’Animation Numérique », financé par la Caisse des Dépôts et des Consignations. Il vise à
développer un EIAH dans le champ de l’enseignement scientifique, et plus précisément pour le programme
Savanturiers.
Fondé en 2014 par une ancienne professeure des écoles, le programme Savanturiers promeut, au sein
des cycles de l’enseignement primaire et secondaire, l’organisation de projets scientifiques de plusieurs
mois fondés sur la démarche d’investigation (Carosin et Demeuse, 2018; Pirone, 2018). Il insiste sur
l’importance qu’il y a à faire participer les élèves dans les questions qu’ils explorent. Certains auteurs ont
qualifié ce phénomène dans les travaux anglophones de Student-Question Based Inquiry (Herranen et
Aksela, 2019), que nous pouvons traduire par « démarche d’investigation fondée sur les questions des
élèves ». L’accompagnement des enseignants et des élèves par un mentor dans la conduite des projets
constitue l’une des caractéristiques saillantes du programme, qui propose chaque année à des chercheurs
en poste, des doctorants et des ingénieurs de devenir partenaires et de s’investir auprès d’enseignants
d’écoles primaires, de collèges et de lycées répartis sur l’ensemble du territoire, souvent au moyen
d’interactions à distance. L’expression d’Éducation par la Recherche (EpR) (Pirone, 2018; Carosin et
Demeuse, 2018) revient de manière régulière dans ses discours pour désigner les « projets de recherche »
miniatures. Les centaines de classes associées à ce programme peuvent être retrouvées dans l’ensemble
des académies françaises, des petites classes comme le cours préparatoire jusqu’à aux classes de lycée,
et dans tous les milieux socioéconomiques.
Le consortium remplit plusieurs des critères qui, selon les travaux consacrés à la conception d’EIAH
(Cukurova et al., 2019), font le succès d’un projet de conception : multiplici des expertises et des
perspectives, financements pour l’ensemble des acteurs concernés, possibilité de tester les artefacts sur
le terrain. Néanmoins, les modalités de collaboration entre ces différents acteurs, parfois discutées dans
la littérature (Jean-Daubias, 2004), restaient des impensés au moment de la constitution des Savanturiers
du Numérique, ce qui, et c’est le centre de notre contribution, a affecté de manière négative le déroulé du
projet.
Articuler les perspectives contrastées et les difficultés de conception
La mise à l’épreuve des versions définitives du CNEC suggère qu’un grand nombre de difficultés
d’appropriation semblent découler de la multiplicité des points de vue et des discours d’acteurs qui
caractérisent le projet. Nous souhaitons préciser ici que nous n’établissons pas ici une correspondance
automatique entre incohérence de l’artefact et diversité des points de vue durant la conception. Nous
pointons en revanche le risque, en termes d’incohérence, que la multiplication des points de vue peut
engendrer lorsque le cadre qui régit les interactions entre acteurs est fragile, et que les objectifs ne sont
pas partagés.
Dans cette contribution pensée sous la forme d’un retour d’expérience de praticien, nous décrivons la
manière dont la diversité des perspectives qui caractérise le consortium a engendré des difficultés pour
les différents acteurs impliqués dans le projet et, en définitive, pour l’appropriation du CNEC par les
enseignants et les élèves. Nous nous inspirons ce faisant des nombreux travaux retrant des projets de
développements d’EIAH (Luengo, 1999; Moons et De Backer, 2013), et en particulier de ceux dont la
focale porte sur les difficultés rencontrées, comme c’est le cas pour le projet Lirécrire
(Penneman et al., 2016). Plus généralement, nous visons à illustrer, par le truchement du cas du CNEC,
certaines des difficultés que peut engendrer ce modèle de développement de l’offre de technologies
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éducatives, où l’État finance des consortiums éphémères composés d’acteurs aux intérêts généralement
divergents.
Analysant un moment clé du processus de conception, nous avions déjà pointé les tensions découlant de
l’horizontalité qui caractérisait les relations entre membres du consortium et la difficulté que celui-ci avait
eue pour impulser une direction claire au projet (Cisel et al., 2017). Nous voulons ici élargir le propos en
nous situant à l’échelle du projet dans son ensemble, présentant ce faisant les différents modules du CNEC
et le rôle que chacun des acteurs a joué dans sa mise en place. Nous ne présenterons pas un protocole
précis ayant permis d’aboutir aux conclusions présentées dans cette contribution. Celles-ci ne découlent
pas à proprement parler d’une analyse de données, mais correspondent davantage à un ressenti forau
fil des réunions qui ont ponctué le projet, tout au long des trois ans qu’a duré notre participation au
consortium. Nous précisons brièvement, dans la prochaine section, les modes d’implication du laboratoire
dans le projet, renvoyant à des publications sur des dimensions précises du projet comme une étude sur
les tableaux de bord numériques (Cisel et Baron, 2019a) pour de plus amples développements sur les
méthodologies employées.
Participation des chercheurs au projet de conception
Les chercheurs impliqués dans le projet, tout au long du processus de conception, se sont placés dans
une logique de participation observante. Lors de notre participation aux réunions, nous avons porté une
attention particulière au choix des orientations technologiques et aux déterminants de ces choix
(Cisel et al., 2017). Nous observions le déroulement des réunions rassemblant l’industriel, les Savanturiers
et le laboratoire, et, plus rarement, les enseignants. Nous prenions des notes, collectant les objets
intermédiaires définis par Jeantet (1998) comme « un artefact construit par les acteurs du processus de
conception, fortement investi par ceux-ci et qui circule entre eux. L’objet intermédiaire représente, traduit
des idées et sert de médiateur et d’outil d’échange » (p. 292). Nous n’enregistrions pas les interactions
verbales au cours des réunions, cette modalité de travail interférant, selon les acteurs concernés, avec la
spontanéité nécessaire pour les échanges. Ont ainsi été documentées, pendant les trois années du
consortium, les nombreuses décisions qui, mises bout à bout, ont conduit à la forme finale du CNEC.
La section qui suit vise à présenter une synthèse de nos impressions, et plus précisément comment les
principaux acteurs du consortium ont influé sur le processus de conception.
Apports des différents acteurs du processus
de conception
Dans cette section, nous déclinons les apports et les modalités de contribution des quatre principaux
acteurs du projet : les chercheurs, l’industriel, les Savanturiers et les enseignants.
Un laboratoire de recherche, force de proposition
Au moins deux rôles ont été endossés par les chercheurs au cours du processus de conception. Nous
avons, d’une part, cherché à apporter un regard critique sur la conception, en soulignant les obstacles
engendrés par une approche inductiviste du processus de conception (Cisel et Baron, 2018) et, d’autre
part, réalisé un certain nombre de propositions en termes d’orientations technologiques possibles. En
particulier, nous avons proposé de construire sur la base des travaux de Quintana et al. (2004) une série
d’étayages visant à structurer les productions écrites des élèves lorsqu’ils proposent une hypothèse, par
exemple. Certaines de nos idées ont été réifiées dans le module du Brouillon de recherche, inspiré de
l’Hypothesis Scratchpad (Van Joolingen et de Jong., 1991), et du Knowledge Forum (Scardamalia et
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de l’Élève Chercheur (CNEC) : un laboratoire, une entreprise, un acteur de l’innovation en éducationles
Savanturiers et des académies permettant aux concepteurs d’avoir accès à des enseignants susceptibles
de les conseiller et d’ouvrir aux tests utilisateurs leurs classes d’écoles primaires et de collèges. Ce
consortium s’est constitué pour répondre à l’appel à projets eFRAN, pour « espaces de Formation de
Recherche et d’Animation Numérique », financé par la Caisse des Dépôts et des Consignations. Il vise à
développer un EIAH dans le champ de l’enseignement scientifique, et plus précisément pour le programme
Savanturiers.
Fondé en 2014 par une ancienne professeure des écoles, le programme Savanturiers promeut, au sein
des cycles de l’enseignement primaire et secondaire, l’organisation de projets scientifiques de plusieurs
mois fondés sur la démarche d’investigation (Carosin et Demeuse, 2018; Pirone, 2018). Il insiste sur
l’importance qu’il y a à faire participer les élèves dans les questions qu’ils explorent. Certains auteurs ont
qualifié ce phénomène dans les travaux anglophones de Student-Question Based Inquiry (Herranen et
Aksela, 2019), que nous pouvons traduire par « démarche d’investigation fondée sur les questions des
élèves ». L’accompagnement des enseignants et des élèves par un mentor dans la conduite des projets
constitue l’une des caractéristiques saillantes du programme, qui propose chaque année à des chercheurs
en poste, des doctorants et des ingénieurs de devenir partenaires et de s’investir auprès d’enseignants
d’écoles primaires, de collèges et de lycées répartis sur l’ensemble du territoire, souvent au moyen
d’interactions à distance. L’expression d’Éducation par la Recherche (EpR) (Pirone, 2018; Carosin et
Demeuse, 2018) revient de manière régulière dans ses discours pour désigner les « projets de recherche »
miniatures. Les centaines de classes associées à ce programme peuvent être retrouvées dans l’ensemble
des académies françaises, des petites classes comme le cours préparatoire jusqu’à aux classes de lycée,
et dans tous les milieux socioéconomiques.
Le consortium remplit plusieurs des critères qui, selon les travaux consacrés à la conception d’EIAH
(Cukurova et al., 2019), font le succès d’un projet de conception : multiplici des expertises et des
perspectives, financements pour l’ensemble des acteurs concernés, possibilité de tester les artefacts sur
le terrain. Néanmoins, les modalités de collaboration entre ces différents acteurs, parfois discutées dans
la littérature (Jean-Daubias, 2004), restaient des impensés au moment de la constitution des Savanturiers
du Numérique, ce qui, et c’est le centre de notre contribution, a affecté de manière négative le déroulé du
projet.
Articuler les perspectives contrastées et les difficultés de conception
La mise à l’épreuve des versions définitives du CNEC suggère qu’un grand nombre de difficultés
d’appropriation semblent découler de la multiplicité des points de vue et des discours d’acteurs qui
caractérisent le projet. Nous souhaitons préciser ici que nous n’établissons pas ici une correspondance
automatique entre incohérence de l’artefact et diversité des points de vue durant la conception. Nous
pointons en revanche le risque, en termes d’incohérence, que la multiplication des points de vue peut
engendrer lorsque le cadre qui régit les interactions entre acteurs est fragile, et que les objectifs ne sont
pas partagés.
Dans cette contribution pensée sous la forme d’un retour d’expérience de praticien, nous décrivons la
manière dont la diversité des perspectives qui caractérise le consortium a engendré des difficultés pour
les différents acteurs impliqués dans le projet et, en définitive, pour l’appropriation du CNEC par les
enseignants et les élèves. Nous nous inspirons ce faisant des nombreux travaux retrant des projets de
développements d’EIAH (Luengo, 1999; Moons et De Backer, 2013), et en particulier de ceux dont la
focale porte sur les difficultés rencontrées, comme c’est le cas pour le projet Lirécrire
(Penneman et al., 2016). Plus généralement, nous visons à illustrer, par le truchement du cas du CNEC,
certaines des difficultés que peut engendrer ce modèle de développement de l’offre de technologies
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Bereiter, 2006).
Dans le champ de l’instrumentation de la démarche d’investigation, les exemples de prototypes ancrés
empiriquement et théoriquement abondent. Néanmoins, ils ne sont qu’exceptionnellement scolarisés le
Knowledge Forum et le WISE (Slotta et Linn, 2009) constituent à certains égards des exceptions de ce
point de vue. Dès lors, nous avons considéré le consortium comme une opportunité pour réifier les
concepts associés à ces prototypes dans un artefact qui pourrait être utilisé en classe. Pour ce faire, nous
avons réalisé une revue de littérature (Cisel et Baron, 2019b) et effectué diverses actions de médiation de
ce travail auprès des membres du consortium à des fins d’inspiration. Certaines idées ont rencontré un
écho favorable et connu des débuts de développement; d’autres ont été considérées comme non
prioritaires. Ainsi, nous avions proposé de numériser une banque d’erreurs de raisonnement courantes
lors d’une argumentation scientifique, qui devait être réifiée dans un module destiné à l’aide au diagnostic.
Cette idée a été écartée et le travail bibliographique correspondant a été fait en vain. L’industriel n’étant
pas en position de prestataire, il peut s’opposer à certaines propositions, aussi étayées soient-elles, s’il
estime qu’elles desservent ses intérêts ou la cohérence globale de l’artefact. Il est nécessaire, pour mieux
appréhender ce phénomène, de revenir sur sa perspective, d’autant plus importante que cet acteur est
maître de la dépense des budgets de développement et qu’il représente, en définitive, le propriétaire de
l’application.
L’industriel, propriétaire de l’application développée
Dans la mesure elle constitue un membre à part entière du consortium, l’entreprise se définit comme
un partenaire à part entière. Elle est dès lors légitime pour se constituer en force de proposition et
considérer que ses intérêts stratégiques sont à prendre en considération lors du choix des orientations
technologiques à impulser au projet (Cisel et al., 2017). Seuls des choix quant aux technologies employées
et à l’ergonomie des interfaces relèvent exclusivement de ses prérogatives. S’agissant des choix
pédagogiques sous-tendant l’application, un consensus s’impose à elle. En effet, les Savanturiers, en
qualité de pilote du projet, peuvent choisir de bloquer l’attribution de certaines subventions si la qualité du
travail réalisé est considérée comme insuffisante. Dès lors, l’industriel défend parfois des choix de
conception, mais les légitime toujours avec les discours des autres acteurs, ce qui rend difficile à identifier
son orientation stratégique.
L’exemple le plus représentatif est celui d’un outil de brainstorming collaboratif, que l’industriel a nommé
le Générateur d’idées. Les élèves y rédigent des idées par exemple des questions de recherche puis
les rangent dans des catégories dont ils peuvent choisir l’intitulé. Ce module, bien que défendu initialement
avant tout par l’industriel, trouve sa légitimation dans la première étape du modèle structurant des
Savanturiers, à savoir le « recueil des questions des élèves ». En définitive, il est plus simple d’identifier
les modules pour lesquels l’industriel a émis des réticences que d’identifier des approches pédagogiques
qu’il aurait défendues dès le début du projet. L’industriel a notamment défendu sans succès le choix du
fonctionnement exclusivement par groupes aux dépens d’une logique d’utilisation individuelle. Par
exemple, il est possible pour chaque élève d’un groupe donné de rédiger ses propres textes dans le
Brouillon de recherche, contrairement aux recommandations de l’industriel, qui s’est adapté en définitive
aux demandes de partenaires en réalisant ce développement.
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divergents.
Analysant un moment clé du processus de conception, nous avions déjà pointé les tensions découlant de
l’horizontalité qui caractérisait les relations entre membres du consortium et la difficulté que celui-ci avait
eue pour impulser une direction claire au projet (Cisel et al., 2017). Nous voulons ici élargir le propos en
nous situant à l’échelle du projet dans son ensemble, présentant ce faisant les différents modules du CNEC
et le rôle que chacun des acteurs a joué dans sa mise en place. Nous ne présenterons pas un protocole
précis ayant permis d’aboutir aux conclusions présentées dans cette contribution. Celles-ci ne découlent
pas à proprement parler d’une analyse de données, mais correspondent davantage à un ressenti forau
fil des réunions qui ont ponctué le projet, tout au long des trois ans qu’a duré notre participation au
consortium. Nous précisons brièvement, dans la prochaine section, les modes d’implication du laboratoire
dans le projet, renvoyant à des publications sur des dimensions précises du projet comme une étude sur
les tableaux de bord numériques (Cisel et Baron, 2019a) pour de plus amples développements sur les
méthodologies employées.
Participation des chercheurs au projet de conception
Les chercheurs impliqués dans le projet, tout au long du processus de conception, se sont placés dans
une logique de participation observante. Lors de notre participation aux réunions, nous avons porté une
attention particulière au choix des orientations technologiques et aux déterminants de ces choix
(Cisel et al., 2017). Nous observions le déroulement des réunions rassemblant l’industriel, les Savanturiers
et le laboratoire, et, plus rarement, les enseignants. Nous prenions des notes, collectant les objets
intermédiaires définis par Jeantet (1998) comme « un artefact construit par les acteurs du processus de
conception, fortement investi par ceux-ci et qui circule entre eux. L’objet intermédiaire représente, traduit
des idées et sert de médiateur et d’outil d’échange » (p. 292). Nous n’enregistrions pas les interactions
verbales au cours des réunions, cette modalité de travail interférant, selon les acteurs concernés, avec la
spontanéité nécessaire pour les échanges. Ont ainsi été documentées, pendant les trois années du
consortium, les nombreuses décisions qui, mises bout à bout, ont conduit à la forme finale du CNEC.
La section qui suit vise à présenter une synthèse de nos impressions, et plus précisément comment les
principaux acteurs du consortium ont influé sur le processus de conception.
Apports des différents acteurs du processus
de conception
Dans cette section, nous déclinons les apports et les modalités de contribution des quatre principaux
acteurs du projet : les chercheurs, l’industriel, les Savanturiers et les enseignants.
Un laboratoire de recherche, force de proposition
Au moins deux rôles ont été endossés par les chercheurs au cours du processus de conception. Nous
avons, d’une part, cherché à apporter un regard critique sur la conception, en soulignant les obstacles
engendrés par une approche inductiviste du processus de conception (Cisel et Baron, 2018) et, d’autre
part, réalisé un certain nombre de propositions en termes d’orientations technologiques possibles. En
particulier, nous avons proposé de construire sur la base des travaux de Quintana et al. (2004) une série
d’étayages visant à structurer les productions écrites des élèves lorsqu’ils proposent une hypothèse, par
exemple. Certaines de nos idées ont été réifiées dans le module du Brouillon de recherche, inspiré de
l’Hypothesis Scratchpad (Van Joolingen et de Jong., 1991), et du Knowledge Forum (Scardamalia et
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Le programme Savanturiers, pilote du projet
Le programme Savanturiers, par sa position de pilote du projet, joue un rôle central dans le processus de
conception. Les discours qu’il tient, notamment ce qu’il nomme l’Éducation par la Recherche (EpR), ont
été rapidement traduits dans le cahier des charges. Ainsi, une Fiche-Recherche fonctionnant selon le
principe de la rédaction incrémentale a fait écho à la décomposition de la démarche d’investigation en
différentes étapes que le programme qualifie de « modèle en huit étapes » : formulation des questions de
recherche, constitution d’un état de l’art, génération d’hypothèses, mise au point de protocoles, collecte
de données, interprétation des données, conclusion puis communication. La Fiche-Recherche se présente
comme une succession de cinq étapes question, hypothèse, protocole, données, conclusion qui
constitue une version plus courte du modèle mis en avant par les Savanturiers. Si ce type de modèle
structurant a été mobilisé par le pilote du projet, ce dernier n’avait pas initialement d’idée précise quant
aux besoins à instrumenter. À ce titre, le positionnement des acteurs du programme Savanturiers
impliqués dans le processus de conception a reflété le caractère inachevé de la définition de l’EpR. Il existe
des éléments structurants le modèle en huit étapes mais les acteurs du programme insistent sur
l’importance qu’il y a à donner la parole aux enseignants (Cisel et Baron, 2018), dans la mesure où l’EpR
est également définie par leurs pratiques, aussi diverses soient-elles. L’importance accordée à la
perspective des praticiens a poussé le chef de projet du programme pour la conception du CNEC à inclure
dans les comités de conception (cocons) des enseignants dès les premiers mois du projet. Ces comités
se réunissent pour discuter des propositions de développements technologiques, de maquettes de
prototypes, ou pour prendre en main des prototypes déjà codés, entre autres choses. L’association
précoce d’utilisateurs est recommandée par de nombreux auteurs (Jean-Daubias, 2004), mais les
obstacles qu’une telle démarche peut engendrer sont multiples si l’on échoue à hiérarchiser les besoins
qu’ils suscitent.
Des enseignants présents, mais souvent inaudibles
Le rôle que les enseignants partenaires ont joué sur la forme finale de l’application représente l’un des
paradoxes du consortium. Les enseignants sont régulièrement sollicités via les cocons, mais ont semblé
peser peu, en définitive, sur les grandes orientations du projet, notamment parce que les membres du
consortium ne se sont jamais mis d’accord sur la manière de prendre en compte leurs suggestions. Or,
les points de vue s’opposaient particulièrement souvent (Cisel et al., 2017), car les niveaux primaires et
secondaires sont deux populations différentes avec des besoins distincts sur le plan didactique. Un
enseignant de primaire mettait par exemple la priorité sur les outils de communication avec le mentor,
quand un enseignant de collège favorisait un outil de correction des erreurs. Aucune vision commune des
enseignants ne s’est dégagée. Plus que la représentativité de l’échantillon d’enseignants constitué, c’est
la méthodologie mobilisée pour articuler des points de vue souvent antithétiques qui a posé un problème.
L’anecdotisme semble avoir pris le dessus, quand pour légitimer un choix de conception, les membres du
consortium ont utilisé à de multiples reprises les propos de tel ou tel enseignant au cours d’un cocon, et
ce, quand bien même ils seraient contradictoires avec l’avis d’un autre praticien présent. Une telle
approche ouvre la voie à l’instrumentalisation, par tel ou tel acteur, de propos de praticiens sortis de leur
contexte dans le seul but de faire adopter un choix de conception donné. Symbole du caractère marginal
de la position des enseignants, leurs recommandations en termes de modification ont souvent été
réalisées lorsqu’il n’y avait plus de budget de développement dédié. Ainsi, on leur mentionnait le plus
souvent, en particulier au cours de la troisième année, que leurs retours étaient intéressants, mais qu’ils
ne pourraient pas être pris en compte à moins d’un refinancement du projet.
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Discussion
La multiplication des composantes du CNECqui découle d’une certaine manière de penser les rapports
entre acteurs du consortium a conduit à deux types de problèmes. En premier lieu, la multiplicides
idées codées dans l’application a eu pour conséquence des problèmes d’ergonomie. Les modules que
nous avons évoqués, soit Fiche-Recherche, Brouillon de recherche et Générateur d’idées, auraient pu
constituer autant applications indépendantes; et si leur interopérabilité partielle présente des avantages,
elle a également un coût tant l’appropriation en est complexifiée. Malgré l’existence des cocons consacrés
à la prise en main de l’outil, les enseignants éprouvaient de grandes difficultés à naviguer dans la
multiplicité des modules que comporte l’artefact, sollicitant régulièrement l’équipe de conception avant ou
pendant les tests utilisateurs. Ces problèmes remettent en question la stratégie de conception qui
consistait à établir des compromis entre membres du consortium qui, s’ils obtenaient l’adhésion en réunion,
suscitaient de nouveaux obstacles en termes d’utilité et d’utilisabilité (Tricot et al., 2003) du CNEC.
Au-delà des questions d’ergonomie, les problèmes techniques se sont également multipliés; les modules
ont été codés en parallèle, ce qui a conduit à une dispersion des budgets de développement. De
nombreuses idées ont été développées de manière embryonnaire et les itérations n’aboutissent pas
toujours à des versions satisfaisantes d’un module. Lorsque des problèmes sont remontés du terrain, il
n’existe presque plus de possibilités d’ajustement, ne serait-ce que pour corriger des bogues techniques.
Ces bogues font obstacle à l’appropriation du CNEC par les enseignants. Les enseignants finissent par
cesser d’utiliser les modules problématiques, constat qui va nous amener à revenir sur ce que les acteurs
peuvent retirer de ce projet.
Du point de vue de la recherche, un tel projet constitue une opportunité de dresser des ponts entre le
monde de la recherche et la classe c’est d’ailleurs l’un des objectifs des consortiums eFRAN. Néanmoins,
la scolarisation d’idées de la recherche n’est possible qu’à partir du moment où les applications
programmées ont une plus grande utilisabilité, c’est-dire moins de problèmes techniques que les
prototypes qui les ont inspirées. Ainsi, y compris du point de vue de la recherche, la situation n’est pas
vraiment satisfaisante.
L’industriel, quant à lui, a été amené à incorporer dans l’application, dont il est en définitive propriétaire,
des idées qui ne correspondent que partiellement à ses orientations stratégiques. La plus grande difficulté
de prise en main qui coule de la complexité du CNEC entrave dès lors les perspectives commerciales
de l’application. La possibilité demeure de contractualiser avec des académies partenaires du projet pour
que les enseignants y aient accès et cela offre ainsi l’opportunité de pérenniser financièrement le projet,
mais les difficultés d’utilisation constatées laissent peu d’espoir quant à la possibilité d’une utilisation à
grande échelle, du moins dans la version actuelle du prototype. Si l’industriel est le mieux placé pour
déterminer ce qu’il a pu retirer du projet, on peut dès lors se demander s’il y a pour lui un intérêt financier
à long terme à commercialiser une application dont il n’a eu qu’un contrôle imparfait sur la conception.
Enfin, les enseignants qui ont participé au projet ont certes probablement pu enrichir leur réflexion sur les
possibilités offertes par le numérique, mais l’on peut mettre en doute son intérêt si elle ne se matérialise
pas par une évolution des pratiques. Si certains praticiens déclarent que l’artefact développé comporte
des idées originales qu’ils n’ont vues nulle part ailleurs, les problèmes que rencontre l’application sont tels
qu’ils préfèrent s’en passer ou, quand ils utilisent une instrumentation numérique, se cantonner à des outils
qui leur sont familiers. Bien souvent, ils n’utilisent le CNEC que du fait de la contrainte des tests utilisateurs
pour répondre à la demande des membres du consortium qui viennent observer leur cours.
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Dans la mesure les bénéfices que les Savanturiers retirent du projet sont vraisemblablement en fonction
de l’intérêt que les enseignants partenaires portent à l’application, on peut également en conclusion
s’interroger quant aux retombées, pour le programme, d’un tel investissement. Certes, d’autres objectifs
ont été poursuivis de manière plus secondaire, comme l’enrichissement de la réflexion sur l’Éducation par
la Recherche, la démarche que promeut le programme; il reste à déterminer si la participation au
consortium a conduit à des apports significatifs de ce point de vue. Nous avons dressé dans ces
paragraphes une synthèse des retombées du projet Savanturiers du Numérique, en tâchant de les décliner
pour les différents acteurs constitutifs du consortium. Ce bilan nuancé nous amène à conclure sur le
modèle de financement de l’offre française de technologies éducatives qu’incarne ce projet, qui est selon
nous difficile à défendre.
Conclusion
Les fonds limités dont disposent les établissements pour le numérique servent souvent aux droits d’accès
à des ressources ou à des manuels numériques, ou pour des contrats avec de grandes entreprises
(Microsoft, etc.) pour l’utilisation de leurs logiciels, ce qui freine l’investissement dans les abonnements à
des applications et met en difficulté les acteurs français. On peut comprendre dès lors la volonté politique
de soutenir la filière Edtech (Weller, 2018) pour technologie éducative, à travers des financements
publics de consortiums rassemblant entreprises, acteurs de l’éducation et laboratoires de recherche. Les
politiques de financement de consortiums hétéroclites comme les Savanturiers du Numérique, et plus
généralement des projets eFRAN, se heurtent néanmoins à la difficulté d’articuler les intérêts d’acteurs
aux perspectives si distinctes (Jean-Daubias, 2004).
Les architectes de ces politiques souhaitent vraisemblablement tirer le meilleur parti des différents acteurs
mobilisés pour permettre le développement de produits susceptibles d’être utilisés à grande échelle. Les
entreprises fournissent leur capacité à industrialiser des applications numériques, les enseignants et
innovateurs, leurs connaissances des pratiques et des besoins à instrumenter, et les laboratoires de
recherche apportent un regard étayé par les travaux sur les technologies éducatives et les aspects
didactiques d’enseignement/apprentissage (Cukurova, 2019). La combinaison des perspectives semble
prometteuse, mais de nombreux problèmes, comme les impensés dans les rapports entre acteurs,
complexifient la traduction de cette diversité en artefacts faciles d’appropriation. Il conviendrait d’analyser
des cas d’étude analogues pour développer une vision panoramique des technologies éducatives
développées selon cette modalité, en commençant par d’autres projets eFRAN et en élargissant ensuite
l’investigation à d’autres projets analogues. On peut néanmoins d’ores et déjà interroger la pertinence de
ce modèle de financement de consortiums éphémères qui ont encore à prouver leur capacité à produire
des artefacts susceptibles d’être appropriés par les enseignants.
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