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7, 2021
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Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
Analyse des données
Macro-alternance
Le choix opéré par les concepteurs et conceptrices – sélection de la ou des langues principales pour un
MOOC – peut être décrit en termes de macro-alternance. De la même manière, le choix des langues de
traduction et de sous-titrage, lorsqu'il y en a, relève également de la macro-alternance dans le sens où il
est établi en amont. Comme indiqué plus haut, ce choix est souvent géopolitique, le sous-titrage servant
à atteindre des usagers/usagères-apprenants situés dans des régions ciblées.
Du point de vue de leur structure, la plupart des MOOC que nous avons analysés ont une seule
langue/variété de référence, qui fonctionne comme la langue/variété principale de la plupart des vidéos.
Ainsi, les 67 vidéos qui intègrent le MOOC « Introduction aux droits de l'homme » sont majoritairement en
français. Nous observons une structure semblable pour le MOOC « Drugs, drug use, drug policy and
health », dont le parcours obligatoire comporte 55 vidéos en anglais et seulement 5 où d'autres langues
sont majoritaires, notamment l'espagnol et le français. Dans certains MOOC, le choix de la langue
principale n'intervient pas entre une langue et une autre, mais entre des variétés d'une même langue. Cela
est le cas, par exemple, pour le MOOC « Introduction au raisonnement clinique », cours élaboré par
différentes universités francophones, dans lequel le français parlé en Suisse romande, et en particulier, à
Genève, a été choisi comme la variété de référence.
On pourrait se demander pour quelle raison les concepteurs et conceptrices des MOOC étudiés optent
souvent pour une seule langue principale et une ou des langues de sous-titrage, selon les cas. Si une
structuration autour d'une langue principale est la norme, il serait, néanmoins, possible d'imaginer une
organisation dans laquelle les langues des capsules vidéo pourraient varier selon les sujets traités et les
compétences linguistiques des intervenantes ou intervenants, amenant ainsi une grande polyphonie dans
le MOOC. Dans la plupart des MOOC analysés, le recours à une seule langue principale pour la
transmission des savoirs semble s'expliquer par trois raisons : la représentation sur les langues que
peuvent avoir les concepteurs et conceptrices, l'importance de certaines langues pour la discipline en
question ainsi que les contraintes imposées par les plateformes où les MOOC sont diffusés (voir Fonseca
et Gajo, 2021a). Si le plurilinguisme est possible dans les MOOC, la plupart du temps, le choix s'oriente
vers une seule langue. A l'Université de Genève, il s'agit soit de l'anglais, soit du français
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.
Du point de vue des représentations sociales, pour certaines disciplines, comme les sciences médicales,
s'exprimer dans une autre langue que l'anglais pourrait même mettre en question la légitimité des propos,
comme on l'observe dans le passage ci-dessous, extrait d'un entretien avec les concepteurs et
conceptrices du MOOC « Drugs, drug use, drug policy and health » :
moi ce qui m'intéresse surtout c'est effectivement […] quand voilà la personne présente et où tu
parles anglais est-ce que c'est considéré comme plus scientifique par l'apprenant que le
français/ […] parce que l'anglais est [une] langue disons scientifique […] est-ce que ça a une
Ainsi, en décembre 2020, parmi les 43 MOOC produits par cet établissement, 25 étaient en anglais et 18 en français. Parmi les MOOC en
anglais, 5 ont été sous-titrés vers d'autres langues à la demande des concepteurs et conceptrices, ce nombre s'élevant à 8 pour les MOOC
en français.
Analyse des données
Macro-alternance
Le choix opéré par les concepteurs et conceptrices – sélection de la ou des langues principales pour un
MOOC – peut être décrit en termes de macro-alternance. De la même manière, le choix des langues de
traduction et de sous-titrage, lorsqu'il y en a, relève également de la macro-alternance dans le sens où il
est établi en amont. Comme indiqué plus haut, ce choix est souvent géopolitique, le sous-titrage servant
à atteindre des usagers/usagères-apprenants situés dans des régions ciblées.
Du point de vue de leur structure, la plupart des MOOC que nous avons analysés ont une seule
langue/variété de référence, qui fonctionne comme la langue/variété principale de la plupart des vidéos.
Ainsi, les 67 vidéos qui intègrent le MOOC « Introduction aux droits de l'homme » sont majoritairement en
français. Nous observons une structure semblable pour le MOOC « Drugs, drug use, drug policy and
health », dont le parcours obligatoire comporte 55 vidéos en anglais et seulement 5 où d'autres langues
sont majoritaires, notamment l'espagnol et le français. Dans certains MOOC, le choix de la langue
principale n'intervient pas entre une langue et une autre, mais entre des variétés d'une même langue. Cela
est le cas, par exemple, pour le MOOC « Introduction au raisonnement clinique », cours élaboré par
différentes universités francophones, dans lequel le français parlé en Suisse romande, et en particulier, à
Genève, a été choisi comme la variété de référence.
On pourrait se demander pour quelle raison les concepteurs et conceptrices des MOOC étudiés optent
souvent pour une seule langue principale et une ou des langues de sous-titrage, selon les cas. Si une
structuration autour d'une langue principale est la norme, il serait, néanmoins, possible d'imaginer une
organisation dans laquelle les langues des capsules vidéo pourraient varier selon les sujets traités et les
compétences linguistiques des intervenantes ou intervenants, amenant ainsi une grande polyphonie dans
le MOOC. Dans la plupart des MOOC analysés, le recours à une seule langue principale pour la
transmission des savoirs semble s'expliquer par trois raisons : la représentation sur les langues que
peuvent avoir les concepteurs et conceptrices, l'importance de certaines langues pour la discipline en
question ainsi que les contraintes imposées par les plateformes où les MOOC sont diffusés (voir Fonseca
et Gajo, 2021a). Si le plurilinguisme est possible dans les MOOC, la plupart du temps, le choix s'oriente
vers une seule langue. A l'Université de Genève, il s'agit soit de l'anglais, soit du français
.
Du point de vue des représentations sociales, pour certaines disciplines, comme les sciences médicales,
s'exprimer dans une autre langue que l'anglais pourrait même mettre en question la légitimité des propos,
comme on l'observe dans le passage ci-dessous, extrait d'un entretien avec les concepteurs et
conceptrices du MOOC « Drugs, drug use, drug policy and health » :
moi ce qui m'intéresse surtout c'est effectivement […] quand voilà la personne présente et où tu
parles anglais est-ce que c'est considéré comme plus scientifique par l'apprenant que le
français/ […] parce que l'anglais est [une] langue disons scientifique […] est-ce que ça a une
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Ainsi, en décembre 2020, parmi les 43 MOOC produits par cet établissement, 25 étaient en anglais et 18 en français. Parmi les MOOC en
anglais, 5 ont été sous-titrés vers d'autres langues à la demande des concepteurs et conceptrices, ce nombre s'élevant à 8 pour les MOOC
en français.
autre valeur si quelqu'un s'exprime en français/ en espagnol ou autre chose […]
Si l'on comprend la préoccupation du concepteur ou de la conceptrice, étant donné l'importance de
l'anglais pour les sciences médicales, plusieurs témoignages des usagers et usagères recueillis dans le
cadre de notre recherche nous rappellent que le recours massif à une seule langue dans la diffusion des
connaissances peut finir par appauvrir les propos des intervenantes ou intervenants, notamment lorsque
ceux-ci ne maitrisent pas suffisamment la langue en question. C'est ce que nous rappellent les propos ci-
dessous d'un usager ou usagère-apprenant ou apprenante ayant suivi ce MOOC :
Subtitles are important tools to enable broader access to the course. They may also help
understanding speakers whose English pronunciation is not very good (in such cases, it is best
that they speak French, or whatever other language they speak best) (ID 90).
Contrairement à la représentation courante, recourir à une seule langue, le plus souvent l'anglais « lingua
academica » (voir plus bas), ne semble pas une solution pour la transmission des savoirs dans les MOOC.
L’argument concerne toutefois ici essentiellement la qualité de la langue de l’intervenante ou de
l’intervenant, et beaucoup moins l’intérêt du plurilinguisme en tant que tel, qui ressort davantage au niveau
de la méso-alternance.
Le recours réfléchi au plurilinguisme, à différents niveaux, entre des capsules vidéo (langues de référence
différentes selon les capsules), ou alors à l'intérieur d'une même capsule (à travers, par exemple, le
recours à des citations, interventions dans d'autres langues), rendu possible grâce au sous-titrage, peut
constituer une vraie plus-value pour la construction des savoirs et mériterait d'être exploité dans le cadre
des MOOC. Dans la section suivante, nous allons observer comment l'alternance des langues peut être
utilisée à des fins didactiques, en nous basant tout d'abord sur la perspective des concepteurs et
conceptrices, et ensuite sur celle des usagers et usagères-apprenants.
Méso-alternance et multimodalité
Dans les MOOC étudiés, on observe davantage le potentiel didactique que peut représenter le recours à
la méso-alternance plutôt que son exploitation effective par les concepteurs et conceptrices. Dans le
MOOC « Introduction aux droits de l'homme », par exemple, la méso-alternance marque souvent le
passage d'un discours en français, langue principale, à l'anglais, langue qui intervient à travers la lecture
d'une citation également projetée en arrière-plan. Dans un tel cas, le changement de langue n'agit pas tant
en termes de problématisation, mais de polyphonie, contribuant à rendre audibles d'autres voix dans le
discours de l'enseignante ou de l’enseignant. C'est cela que l'on remarque dans les images ci-dessous,
qui reprennent, respectivement, l'annonce d'une citation formulée dans un écrit oralisé (« voici un passage
clé ») (figure 1), la citation à proprement parler (lue et projetée en anglais) (figure 2) ainsi que la reprise
du discours en français, immédiatement après la lecture de la citation (figure 3).