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7, 2021
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Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
Je venais de finir un grand cycle de recherches sur l'histoire des sports et des loisirs et de publier un livre
qui était une synthèse allant de la préhistoire au 21
e
siècle (Turcot, 2016). Je me suis rendu compte que
j'étais à l'aise dans la réalisation de dissertations historiques même quand je dépassais ma période de
prédilection. Je savais comment dire les choses, j’enseignais depuis une quinzaine d’années environ. J’ai
alors écrit à Benjamin Brillaud pour lui dire à quel point j’aimais beaucoup ce qu’il faisait, et nous nous
sommes rencontrés à Montréal durant l'été 2017. Je lui ai proposé un script sur les Jeux olympiques de
Berlin en 1936. Cette vidéo a d’ailleurs très bien fonctionné (je pense qu’elle a fait 300 000 vues très
rapidement). Pensant que je pouvais creuser un peu plus, j'ai écrit un deuxième puis un troisième script.
En décembre 2017, je me suis lancé, un peu sur un coup de tête, et j’ai choisi un nom de domaine qui me
semblait bon : L’histoire nous le dira.
J’ai écrit à Benjamin Brillaud pour lui dire que je lançais ma chaîne et lui demander ce qu'il fallait comme
matériel, en mentionnant le budget que je pouvais y consacrer (environ 2000 $). Je me suis alors acheté
une caméra, une prise de son, des lumières, un trépied, etc., mais je ne maîtrisais absolument pas ce
matériel. J'ai alors réalisé une bande-annonce qui s’est révélée être une catastrophe : la caméra bougeait
sans arrêt, l’éclairage était mauvais, etc. Cela m’a pris environ deux ans pour être au point sur le plan
technique. Je n’avais pas l’habitude de tout ce matériel, à l'inverse de Benjamin qui était cadreur et venait
du milieu de l’image.
Je me suis rendu compte que je pouvais utiliser les chroniques que j’avais faites ailleurs, les refondre, les
réécrire. Cette activité me permettait aussi d’obtenir un retour sur ce que je faisais, même si YouTube
n’implique évidemment pas un succès instantané. Même quand une vidéo a du succès, ça ne veut
absolument pas dire que cela va se pérenniser. C’est là que j’ai compris qu'il faut « nourrir la bête » comme
on dit dans le milieu des vidéastes. J'ai trouvé dans ce milieu une collégialité qui parfois « faisait défaut »
à l’université, du fait de la concurrence entre collègues. Les vidéastes s’aident les uns les autres,
collaborent, etc. C’est ce que j’ai fait avec Benjamin, et ces collaborations ont fait croître le public de la
chaîne assez rapidement, même si cela est à nuancer : j'avais peut-être 5000 abonnés après la première
année et des vidéos qui recueillaient quelques centaines de vues. Ce n’était pas énorme compte tenu du
fait que l’on ne peut pas « monétiser » les vidéos quand on n'a pas assez d'abonnés. Je me suis alors
dit que j'allais travailler sur le fond et sur des séquences qui me plaisent à moi, contrairement à certains
vidéastes qui font systématiquement des vidéos pensées pour « maximiser » l'audience. Je voulais faire
des vidéos pour plaire à ceux à qui je voulais m’adresser, c’est-à-dire le public universitaire, les étudiants.
Je pense que ne pas faire du mainstream a été une très bonne idée.
BAPTISTE CAMPION :
Si je vous comprends bien, la liberté que vous avez pu trouver est un des
facteurs de votre motivation. Est-ce une liberté thématique (traiter de ce qu’on a envie) ou de format
et de construction (le traiter comme on en a envie)?
LAURENT TURCOT
: C’est une question intéressante. En fait, ce sont les deux. En histoire, le domaine de
recherche nous cantonne le plus souvent à une grande période. Je suis moderniste, donc ma période de
prédilection va, globalement, de la Renaissance à la Révolution française. J’ai étendu un peu la période
pour traiter, d’une part, de « l’automne du Moyen Âge », comme le disait Huizinga et, d’autre part, du début
du 19
e
siècle. Avec mon livre sur l'histoire des sports et des loisirs, je me suis décloisonné, et c’est cette
tendance ce que j’ai poursuivi dans mes vidéos. Mais cette liberté existe aussi du point de vue du temps
que l’on peut consacrer à la présentation de son sujet. Une chronique à la radio ou à la télévision ne dure
qu’entre deux et dix minutes. Il arrive donc qu'on n’ait pas le temps de traiter l’intégralité de notre sujet.
Aborder dans mes vidéos les thématiques que je choisis, en y consacrant le temps que j’estime