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numériques sont pensés à l’université (de façon indifférenciés, il s’agit d’une offre qui s’adresse aux
étudiants « dans leur ensemble ») : face au poids des matrices disciplinaires dans l’appropriation des
ressources pédagogiques, elles-mêmes situées à la source même de l’appropriation des savoirs
disciplinaires, on peut légitimement se demander si le numérique peut apparaitre comme une solution au
dépassement des différences, mais il faudrait dire inégalités (Lahire, 1997), internes à l’enseignement
supérieur? Quelle est, donc, l’influence réelle du numérique sur les logiques matricielles? Seraient-elles
(enfin) dépassées grâce au numérique? C’est à ces questions que l’article souhaite apporter des éléments
de réponse car ils permettent de mieux comprendre, par exemple, la réussite ou l’échec de certains projets
d’innovation pédagogique par le numérique menés à l’université.
L’enquête
Méthodologie d’enquête et positionnement
Les résultats livrés ici sont tirés d’un traitement secondaire effectué en 2015 de données recueillies lors
d’une enquête menée en 2012 auprès d’étudiants, d’enseignants-chercheurs, de personnels des
bibliothèques et de personnels TICE. Nous n’exploiterons ici que la partie consacrée aux étudiants.
L’enquête « étudiants » a permis de recueillir 1010 questionnaires exploitables (échantillonnage par quotas
et passation en face-à-face) provenant de neuf universités françaises : Universités de Paris 1 Sorbonne
(118 - 12%), Lyon 1 (116 - 11%), Paris Sud 11 (114 - 11%), Angers (113 - 11%), Tours (113 - 11%),
Poitiers (112 - 11%), Caen (110 – 11%), Strasbourg (109 - 11%) et Limoges (105 - 10%). Elle a porté sur
cinq filières d’études : ALL (Arts, Lettres, Langues), DEG (Droit, Économie, Gestion), SHS (Sciences
Humaines et Sociales), STS (Sciences, Technologies, Santé – filière qui accueille des étudiants en premier
cycle d’études médicales) et STAPS (Sciences et techniques des activités physiques et sportives), et
quatorze types de ressources pédagogiques, dont quatre n’existaient qu’au format numérique, tandis que
les dix autres étaient disponibles à la fois au format papier et numérique. Ainsi, selon le rapport du Lisec
(Laboratoire interuniversitaire des sciences de l’éducation et de la communication) de 2016 (Groupe de
travail, 2016) le marché éditorial de l’enseignement supérieur serait aujourd’hui « bicéphale » dans lequel
on distingue une offre éditoriale papier et une offre éditoriale numérique. On compte 46% de l’échantillon
en 1ère année de Licence (dite « L1 »), 32% en « L2 », 22% en « L3 ». Les abréviations L1, L2 et L3
seront utilisées pour rendre compte des trois années de formation du cycle de Licence.
Les rares études menées sur les pratiques documentaires en sciences de l’information et de la
communication comme en sociologie sur le travail universitaire des étudiants portent sur des données
recueillies au sein d’une seule université et sur un nombre réduit d’étudiants et de filières d’études ou
disciplines (parfois une seule) (Courtecuisse et Després-Lonnet, 2006; Courtecuisse, 2008; Millet, 2003;
Chartron, Epron et Mahé, 2012). En outre, les données sont la plupart du temps uniquement de type
qualitatif. Les résultats présentés vont ainsi permettre de valider l’hypothèse de la filière d’étude et de
l’année de formation comme principes de différenciation des usages, mais aussi de quantifier des résultats
qualitatifs obtenus ailleurs et de procéder à une analyse comparative inédite.
L’enquête « étudiants » porte spécifiquement sur le cycle Licence. À la différence d’une approche centrée
sur le niveau Master ou Doctorat, il s’agit donc de travailler sur des étudiants qui « entrent » à l’université,
c’est-à-dire dans une nouvelle organisation générale des modes de transmission des savoirs, de nouveaux
dispositifs pédagogiques, différents du lycée (Jellab, 2011; Boyer et Coridian, 2002; Boyer, Coridian et
Erlich, 2001). Bien que tous les étudiants n’aient pas à faire la même expérience du passage du lycée à
l’enseignement supérieur, ce passage constitue souvent un bouleversement pour ces nouveaux entrants,
notamment dans certains secteurs de l’enseignement supérieur comme les facultés, qui rompent « plus