Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
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LeProjetUp:
Undispositifinnovantd’aideàlaréussite
universitaireparl’apprentissage
collaboratifenmodehybride
ProjetUp:
Aninnovativesystemtosupportacademicsuccessthrough
blendedlearning
ElProjetUp:
undispositivouniversitarioinnovadorcentradoenla
colaboraciónyelaprendizajehíbrido
Stéphanie Marty, maître de conférences
Université Paul Valéry, Montpellier, France
stephanie.marty@univ-montp3.fr
Katia Vasquez, ingénieure en pédagogies innovantes
Université Paul Valéry, Montpellier, France
katia.thomas-vasquez@univ-montp3.fr
RÉSUMÉ
Dans la présente contribution, nous étudions un dispositif d’aide à la réussite impulsé par la
loi ORE (orientation et réussite des étudiants) et centré sur la réussite et l’intégration des
étudiants en première année de Licence. Nous initions une réflexion sur ce dispositif et, plus
largement, sur les dispositifs pédagogiques en engageant un dialogue alimenté par nos
parcours et statuts respectifs de maître de conférences et d’ingénieure pédagogique. À travers
une approche ethnographique, prenant appui sur des matériaux de terrain (storyboards
pédagogiques, journal de bord des séances, comptes rendus des réunions pédagogiques et
des séances), nous esquissons l'écosystème de ce dispositif ancré dans la conduite de projet
agile, l’apprentissage collaboratif et l’hybridation. Enfin, nous pointons la fécondité de ces
pistes susceptibles d’être inspirantes pour d’autres situations d’apprentissage, d’autres
dispositifs pédagogiques, d’autres disciplines, voire d’autres types d’établissements.
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Mots-clés : pédagogie, projet, collaboration, hybridation
ABSTRACT
In this contribution, we study a system of assistance for success, driven by the ORE law
(Orientation and Success of Students) and focused on students' success and integration in
the first year of the License. We are initiating a reflection on this device and - more broadly -
on the educational devices by engaging in a dialogue sustained by our respective backgrounds
and statuses as Senior Lecturer and Educational Engineer. Through an ethnographic
approach, focusing on field materials (educational storyboards, logbook of sessions, reports
of educational meetings and sessions), we outline this device's ecosystem based on three
aspects: the project, collaborative learning and hybridization. We finally highlight promising
lines of thought, inspiring for other learning situations, other educational systems, other
disciplines, and even other institutions.
Keywords: teaching method, project, collaboration, hybrid methodology
RESUMEN
En la presente contribución, estudiamos un dispositivo universitario innovador, impulsado por
la ley francesa ORE (Orientation et Réussite des Étudiants), centrado en el éxito y en la
integración de los estudiantes en el primer año universitario. Iniciamos una reflexión sobre
este dispositivo y, más ampliamente, sobre los dispositivos pedagógicos, estableciendo un
diálogo alimentado por nuestras trayectorias y nuestros puestos respectivos de maestra de
conferencias y de ingeniera pedagógica. Con un enfoque etnográfico (que se apoya en
storyboards pedagógicos, diarios de a bordo, actas de las reuniones pedagógicas y de los
cursos), perfilamos el ecosistema de este dispositivo, anclado en tres aspectos: proyecto ágil,
formación colaborativa e hibridación. Subrayamos finalmente la fecundidad de estas pistas,
susceptibles de ser inspiradoras para otras situaciones y dispositivos educativos, otras
disciplinas e incluso, otros establecimientos.
Palabras claves:
pedagogía, proyecto, colaboración, hibridación
Introduction
De nos jours, la réflexion sur l'ingénierie pédagogique des dispositifs numériques constitue une
problématique centrale de l’enseignement marquée, entre autres innovations, par l’avènement de
l’hybridation. Cette contribution propose d’interroger les dispositifs pédagogiques hybrides, entendus
comme une occasion d’intégrer les innovations et les avancées technologiques qu’offre l’apprentissage
en ligne combiné à l’interaction et à la participation découlant des pratiques de l’apprentissage en
présentiel (Chew et al., 2010, p. 3), soit encore comme l’intégration réfléchie d’occasions d’apprentissage
en classe et en ligne, qui n’est ni une addition à la présentation magistrale en classe ni un cours en ligne
(Chew et al., 2010, p. 3). Plus précisément, elle interroge les dispositifs d’aide à la réussite mis en œuvre
à l’université, à l’ère du numérique et de l’hybridation.
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Dans un premier temps, sont évoqués les débats académiques qui questionnent l’enseignement,
l’importance accordée à la réussite des étudiants, la centralité de l’innovation et de l’hybridation; débats
qui interrogent assez peu encore cependant les dispositifs d’aide à la réussite mis en œuvre au sein des
universités dans ce contexte.
Un deuxième temps est consacré à la présentation des éléments constitutifs de l’étude menée dans le
cadre de la présente contribution. À savoir, tout d’abord, le dispositif d’aide à la réussite retenu comme
objet d’étude : un dispositif de remédiation mis en œuvre au sein de l’Université Paul-Valéry de Montpellier
(France) en blended learning
1
(Bower et al., 2014), c’est-à-dire sous forme d’apprentissage hybride, mêlant
des cours en présentiel, des cours en présentiel enrichi (par le recours à l’outil numérique) et des séances
distancielles, synchrones ou asynchrones (rendues possibles par le recours à des outils issus de
l’enseignement en e-learning). Ce premier point est complété par la description du socle méthodologique
mobilisé afin d’étudier ce dispositif d’aide à la réussite. Soit une démarche ethnographique, qui prend appui
sur le recueil de matériaux de terrain; recueil effectué sous forme de storyboards pédagogiques, d’un
journal de bord (regroupant les observations réalisées dans le cadre du dispositif) et de comptes rendus
(de séances et de réunions pédagogiques). Cette démarche permet d’explorer in vivo les rouages de ce
dispositif d’aide à la réussite et, plus largement, ceux des dispositifs pédagogiques pensés en blended
learning (Bower et al., 2014).
La dernière partie de cette contribution fait état des résultats émergeant du traitement
-
par analyse de
contenu thématique
-
des données recueillies sur le terrain. Ces résultats révèlent la fécondité des
pédagogies par conduite de projets « agiles »
2
et collaboratives puisant leur efficacité dans des
collaborations multiples (entre étudiants, enseignants, membres du personnel administratif, partenaires…)
donnant vie à de fructueux (mé)tissages
3
(de personnalités, de points de vue, de compétences,
d’expériences…). Ils montrent combien l’hybridation mise en œuvre dans le cadre du dispositif étudié peut
faciliter ce type de pédagogie par projet et favoriser la mise en place de collaborations plurielles souvent
inusitées en première année de Licence.
État de l’art
Enseignement, innovation et hybridation
Les politiques éducatives actuelles impulsent dans l’enseignement un « mouvement de transformation et
d’innovation pédagogiques, dans lequel le numérique est généralement considéré comme un des leviers
prioritaires » (Fleck et Massou, 2020). Ainsi, un impératif de numérisation (Dubrac et Djebara, 2015;
Massou et Lavielle-Gutnik, 2017) s’entrelace aujourd’hui à une injonction à l’innovation pédagogique
(Bertrand, 2014; Rohr et al., 2015) incitant les enseignants à reconsidérer leurs pratiques pédagogiques,
souvent au prisme du numérique, afin d’assurer l’intégration et la réussite des apprenants. Intégrés dans
un processus d’innovation entendu comme processus qui place les acteurs au centre, les dispositifs de
formation deviennent des objets négociables (Jacquinot et Choplin, 2002). Parmi ces dispositifs ancrés
dans une dynamique d’innovation (et, partant, de négociation) se trouvent les dispositifs hybrides (Charlier
et al., 2006; Choplin et al., 2007, Paquienséguy et Pérez-Fragoso, 2011; Deschryver et Charlier, 2012;
Fleck et Hachet, 2016). La littérature francophone (Valdès, 2005) intègre le concept de dispositif hybride
comme l’articulation des activités présentielles et distancielles, par le moyen d’un environnement
technologique dédié : un mouvement de convergence entre les formations en présence et à distance,
1
Blended learning : recours à la numérisation, tant en présentiel enrichi qu'en distanciel synchrone et asynchrone.
2
Nous employons cet adjectif dans son acception spécifique de : méthodologie de conduite de projet agile.
3
(Mé)tissage : néologisme convoqué dans la présente communication afin d'esquisser un trait d’union entre, d’une part, les tissages initiés
dans le cadre du dispositif et, d’autre part, les métissages qui en résultent.
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chacune acceptant les caractéristiques de l’autre. L’hybridation se traduit ainsi par la création d’une
nouvelle entité, dont les caractéristiques majeures sont l’articulation du présent et du distant et l’intégration
de technologies en soutien du processus d’enseignement-apprentissage. D’autres auteurs (Depover et
Quintin, 2003) considèrent que les dispositifs hybrides sont un mode d’ancrage de l’innovation dans des
pratiques anciennes :
« cette approche par hybridation correspond [...] à un souci d’accompagner l’innovation, en
assurant un ancrage par rapport aux pratiques habituelles. Dans cette perspective, nous
prévoyons à l’avenir d’accentuer les aspects pris en charge à distance en diminuant la présence
au cours […] » (Depover et Quintin, 2003, p. 45).
Dans cette conception, le dispositif hybride représente un moment de l’innovation pédagogique et en est
une conséquence. De ce fait, l’hybridation est une caractéristique pas seulement du dispositif en lui-même,
mais aussi, et surtout, une caractéristique qui résulte du processus d’innovation technopédagogique en
cours dans la situation. Ainsi, un dispositif de formation hybride se caractérise par « la présence, dans un
dispositif de formation, de dimensions innovantes liées à la mise à distance. Le dispositif hybride, parce
qu’il suppose l’utilisation d’un environnement technopédagogique, repose sur des formes complexes de
médiatisation et de médiation » (Charlier et al., 2006).
Afin de mieux appréhender le concept de dispositif hybride, il est important de proposer une définition plus
détaillée. Selon Osguthorpe et Graham (2003), un dispositif de blended learning est une mise en relation
équilibrée et harmonieuse de la présence et de la distance, soutenue par l’usage des technologies
numériques et du réseau. Il est en mesure de combiner les dimensions : en ligne/hors ligne,
individuel/collaboratif, contenu formel/informel, théorie/pratique qui permet d’enrichir la formation
traditionnelle avec un coût raisonnable. Il séduit par la rationalisation du ratio investissement/résultat,
l’accès aux ressources, les interactions sociales, la facilité de régulation, la proposition de self-directed
learning. Mais aussi, du point de vue des apprenants, par son inscription dans le contemporain, la
consolidation et l’autonomisation de l’apprentissage qu’il autorise.
Numérique et réussite à l’université
À l’université, la numérisation et l’hybridation sont des phénomènes particulièrement prégnants (Gremmo
et Kellner, 2011; Endrizzi, 2012; Papi, 2016; Duguet et Morlaix, 2018). En effet, le fleurissement des
campus numériques (Peraya, 1999; Bal et Combes, 2007; Deceuninck, 2007), de l’EAD
4
(Massou, 2010),
des MOOC
5
, des open classrooms, ou encore des ENT
6
(Chaptal, 2005) révèle combien le numérique est
au cœur des préoccupations des universités (Conseil national du numérique, 2016), à l’instar de la réussite
des étudiants (Annoot, 2012; Morlaix et Suchaut, 2012; Michaut et Roche, 2017). En effet, de nombreuses
mesures et injonctions se font jour dans les universités, qui placent la réussite et l’intégration des étudiants
au cœur de leurs objectifs (Clanet, 2001; Dahmani et Ragni, 2009; Romainville et Michaut, 2012; Chevallier
et Giret, 2013).
Parmi les mesures contemporaines, déployées dans les établissements universitaires français en vue de
la réussite et de l’intégration des étudiants (et convoquant le numérique), la Loi ORE (orientation et réussite
des étudiants) incite les universités à mettre en place des dispositifs d’accompagnement pédagogique
(Bruno et al. 2015) et d’aide à la réussite (Perret et al., 2016). Ces dispositifs sont particulièrement riches
et intéressants, car ils illustrent et cristallisent différents impératifs traversant aujourd’hui l’enseignement
supérieur. Parmi ces impératifs, les dispositifs d’accompagnement rappellent la nécessité de favoriser
4
EAD : Enseignement A Distance.
5
MOOC : Massive Online Open Courses.
6
ENT : Environnements Numériques de Travail.
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l’intégration et l’insertion socioprofessionnelle des étudiants afin d’endiguer l’abandon des études et donc
la forte déperdition d’effectifs qui en résulte, phénomènes particulièrement constatés dans les universités
(Romainville et Michaut, 2012). En outre, en invitant les enseignants à renouveler leurs pratiques et
approches pédagogiques, les dispositifs d’accompagnement universitaires font écho à l’injonction
contemporaine à l’innovation, à la numérisation et à l’hybridation des enseignements universitaires.
Pourtant, malgré leur richesse, leur épaisseur et leur capacité à cristalliser les mouvements contemporains
qui traversent l’enseignement universitaire, les dispositifs d’accompagnement mis en place à l’université
ne font pas encore l’objet de recherches scientifiques nombreuses : en effet, si certaines recherches
doctorales ont commencé à s’en emparer, il n’existe pas encore une importante littérature scientifique
dédiée à ces dispositifs spécifiques. Le présent propos ambitionne donc de contribuer à alimenter cette
recherche scientifique en étudiant l’un de ceux mis en œuvre dans les universités françaises : le dispositif
de remédiation, centré sur l’amélioration de l’expression écrite, l’intégration et la réussite des étudiants en
première année de Licence (L1). Nous proposons d’identifier et d’interroger les mécanismes de ce
dispositif d’aide à la réussite et, plus largement, ceux des dispositifs pédagogiques hybrides
contemporains. Nous interrogeons notamment les enjeux portés par la structuration d’un dispositif de ce
type autour d’une conduite de projet professionnalisante pensée en mode collaboratif et hybride, et dans
laquelle les étudiants, formés en junior entreprise, travaillent en présence et à distance afin de répondre à
une commande. Plus spécifiquement, nous proposons d’expliciter en quoi et comment un dispositif d’aide
à la réussite universitaire
-
passant par une dynamique de projet en mode « agile », une logique
d’apprentissage collaboratif et un déploiement en blended learning (Bower et al., 2014)
-
peut être source
d’enseignements utiles et inspirants afin de saisir et de relever les défis de l’apprentissage universitaire
contemporain en pleine mutation.
Étude d’un dispositif d’aide à la réussite
La présente contribution, centrée sur l’étude d’un dispositif d’aide à la réussite (la remédiation), s’appuie
sur l’expérience que nous en avons eue et sur la façon dont nous l’avons mis en œuvre au sein de
l’Université Paul-Valéry de Montpellier (France), selon les modalités qui sont décrites au paragraphe
suivant. Elle prend appui sur une approche qualitative et compréhensive et une démarche ethnographique
(mobilisant des storyboards pédagogiques, un journal de bord, des comptes rendus de séances et de
réunions pédagogiques) en vue d’étudier les mécanismes et les défis inhérents à la mise en œuvre de
dispositifs d’aide à la réussite (et, plus largement, dans la conception de dispositifs pédagogiques hybrides)
à l’université.
Le dispositif de remédiation en information-communication de l’Université
Montpellier 3
Parmi les mesures déployées aujourd’hui dans notre pays en vue de favoriser la réussite et l’intégration
des étudiants, la Loi ORE (orientation et réussite des étudiants) incite les composantes à mettre en place
des dispositifs d’accompagnement pédagogique et d’aide à la réussite. Parmi eux, le dispositif de
remédiation a pour particulari de se centrer sur l’amélioration de l’expression écrite (académique et
professionnelle) ainsi que l’intégration et la réussite des étudiants en première année de Licence (L1). Il a
également pour mission de procurer aux étudiants qui y sont engagés un accompagnement en adéquation
avec le cursus qu’ils ont choisi et les savoirs qui y sont enseignés, tout en les préparant au devenir
socioprofessionnel que les études entreprises leur permettent d’envisager.
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La présente étude porte sur le dispositif de remédiation tel que mis en œuvre au sein du Département
Information-communication de l’Université Paul-Valéry
7
de Montpellier (France) et dont nous avons la
charge, depuis deux ans, en tant que maître de conférences en sciences de l’information et de la
communication et ingénieure pédagogique. Cette mixi dans le portage du dispositif (maître de
conférences/ingénieure pédagogique) enrichit cette étude d’un dialogue permanent entre des points
d’entrée théoriques et médiats (maître de conférences) et des propositions plus pragmatiques et
empiriques (ingénieure pédagogique), même si l’expérience montre finalement qu’il n’y a pas de partition
aussi radicale dans les faits. En effet, dans la réalité, des propositions pratiques peuvent se faire jour du
fait du maître de conférences, tout comme la médiation théorique peut être le fait de l’ingénieure
pédagogique. Un autre intérêt de cette collaboration pédagogique duale réside dans le fait que nous
adoptons une double posture de concepteurs pédagogiques et de chercheurs. Ainsi, la conception puis la
conduite du dispositif de remédiation sont-elles simultanément assorties d’une prise de recul et d’une
distanciation (de chercheurs) afin de procéder à l’analyse réflexive des pratiques pédagogiques mises en
œuvre. Ce double positionnement de praticiens/chercheurs génère un feedback constructif permanent,
qui se traduit par le questionnement et le réajustement constants du dispositif pédagogique initialement
conçu à l’aune des enseignements de la recherche.
En tant que responsable et coordinatrice du dispositif de remédiation pour le Département Information-
communication de notre université, nous portons plusieurs missions : travailler simultanément l’expression
écrite et la réussite des étudiants de première année en concevant un dispositif en phase avec le cursus
Information-communication et de nature à susciter l’envie de poursuivre dans cette formation. Missions
auxquelles s’ajoutent les objectifs de favoriser l’intégration (universitaire) de ces étudiants et de leur
permettre de préparer leur future insertion socioprofessionnelle.
Le dispositif de remédiation du Département Information-communication (rebaptisé Projet Up en raison de
la connotation positive, stimulante et non stigmatisante de la locution « Up ») accueille des étudiants sur
la base du volontariat, même si, en référence aux principes de la communication engageante, il leur est
demandé de prendre un engagement formalisé par un document écrit. Ils sont ensuite placés en situation
d’équipe-projet au sein d’une agence junior de communication. L’objectif est de réaliser un projet (en mode
« agile ») en réponse à une commande émanant d’un commanditaire universitaire. Cette commande
consiste à organiser un événement de fin d’année, événement qui a pour but de mettre en lumière les
travaux réalisés par des étudiants en L3 Information-communication dans le cadre d’un enseignement
innovant de création de teasers et de serious games. En l’état, le commanditaire du projet est donc tout à
la fois l’enseignant de L3 porteur du cours et les étudiants de L3 qui le suivent. Le scénario pédagogique
du Projet Up, ainsi ancré dans une conduite de projet et dans la création d’un groupe relié par un objectif
commun (la commande finale), ambitionne de répondre aux différentes missions de la remédiation. D’une
part, ce scénario engage l’expression écrite dans les nombreux échanges et productions liés au projet.
D’autre part, ce scénario favorise l’intégration des étudiants via l’appartenance à une agence junior et la
collaboration avec différents acteurs de leur université. Enfin, il s’emploie à stimuler leur adhésion au
cursus Information-communication, à travers une mise en connexion avec leurs aînés de troisième année
qui leur donnent un aperçu du programme des années à venir, susceptible d’éveiller un attachement aux
études entreprises et une envie de les poursuivre. L’adhésion au cursus Information-communication est
également stimulée par la mise en situation professionnalisante et concrète, donnant du corps pratique
aux enseignements théoriques de leur cursus. Voilà trois dimensions (expression, intégration, adhésion
au cursus) cruciales dans le dispositif de remédiation et indispensables à leur réussite.
Concernant les modalités d’organisation pratique, les séances du Projet Up se déroulent tout au long de
l’année universitaire, à un rythme hebdomadaire, dispensé en deux heures présentielles et deux heures
distancielles (synchrones ou asynchrones). Pour ce qui est des modalités d’évaluation, les L1 impliqués
dans le Projet Up se voient attribuer une gratification (bonus d’un à trois points) sur la note obtenue à un
7
Université de Lettres, Arts et Sciences Humaines
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enseignement disciplinaire fondamental Méthodes de travail ») dont le contenu est particulièrement en
lien avec les activités développées au sein du Projet Up. Cette gratification est arbitrée selon trois critères
relevés hebdomadairement par l’enseignant en charge du dispositif : l'assiduité, la participation active et
la progression constatée, pour chaque étudiant, lors de chaque séance présentielle ou distancielle.
Approche, démarche, recueil, analyse
Afin d’étudier d’un point de vue scientifique le dispositif ainsi conçu, nous mobilisons une approche
qualitative (Gohier, 2004; Paillé et Mucchielli, 2005; Anadon, 2006) et compréhensive fondée sur une
démarche ethnographique (Garfinkel, 1967; Trudel, 1994; Beaud et Weber, 1997; Barthélémy et al., 2014).
Cette approche « se traduit par une certaine posture intellectuelle, qui [...] se caractérise par un certain
regard sur la réalité sociale » (Coulon, 2014). Elle postule en effet que l’accomplissement d’une situation
est endogène, c’est-à-dire que le sens provient avant tout de la situation elle-même. Il est co-construit par
les acteurs et les objets qui y prennent part : « il est continuellement en train de se faire, en train d’émerger,
comme réalité objective ordonnée, intelligible et familière de ce point de vue » (Quéré, 1997). Dans cette
perspective, la démarche ethnographique consiste à observer et à recueillir des données au plus près des
pratiques, des usages en situation tels qu’ils se développent dans des contextes avérés.
En cohérence avec cette approche qualitative et compréhensive, et cette démarche ethnographique,
l’étude privilégie des techniques permettant l’investigation, en appui sur des données expérientielles. Elle
compile des observations ethnographiques (Soulé, 2007) prélevées in vivo, sur le terrain, au moyen de
trois recueils de données spécifiques.
Le premier est le storyboard pédagogique, document établissant le plan d’action, le canevas et le scénario
pédagogique posés a priori pour notre action, soit le prescrit du dispositif. Ce storyboard pédagogique
répertorie notamment les différents éléments pour lesquels nous avons prévu de mobiliser l’outil
numérique et la façon dont nous en avons planifié, au préalable, le déploiement. Y sont mentionnés, en
particulier, les différents usages que nous prévoyons d’en faire à l’origine du projet.
Le deuxième est le corpus de comptes rendus de séances et de réunions pédagogiques. Celui-ci retrace
les décisions pratiques et les choix pédagogiques concrets (adaptations, réajustements, usages réels…)
opérés dans le fil du déroulement du projet.
Le troisième, enfin, est un journal de bord dans lequel nous avons relevé et noté les observations
émergeant des activités en ligne et hors ligne. Les formes et objectifs des journaux de bord sont multiples
(Green et Cluley, 2014; Mallinger, 2013; Ortlipp, 2008; Zundel et al., 2016). Celui mobilisé ici renferme les
traces, les propos, les témoignages, les réactions et les propositions formulés par les étudiants à l’égard
du dispositif pédagogique. Dans ce journal de bord, la retranscription est « naïve », spontanée. Ceci afin
de constituer un fil conducteur, une trace des événements vécus pendant l’année universitaire, afin d’en
extraire, ensuite, une compréhension du phénomène observé. Cet outil d’investigation phénoménologique
constitue, outre un historique de la recherche, une abondante source de références, de vérification et de
mesure des écarts de points de vue; une base de données indispensable à la compréhension des
phénomènes constitutifs du dispositif pédagogique étudié. Ce journal de bord correspond également à la
volonté d’inscrire la recherche dans une approche ethnographique de la situation observée. Il s’agit d’un
outil régulièrement mobilisé en sciences humaines et sociales dans le cadre de recherches conduites en
immersion, comme c’est le cas ici. Concrètement, il prend la forme d’un document numérique dans lequel
est consigné, au fur et à mesure des séances, un ensemble de réflexions du chercheur
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« à propos de lui-même, ses pensées, ses réflexions, ses réactions, la qualité des rapports lors
de ses premiers contacts avec le/les sites de recherche ainsi qu’avec les personnes impliquées.
[Une] réelle "mémoire vive" du chercheur permettant de conserver le caractère naturel et spontané
des données » (Reis, 1994).
À l’exception des approches ethnographiques (Emerson et al., 2011; Peretz, 2004; Werner, 1999), cet
appareil méthodologique est parfois relégué au rang de « document accessoire » (Mucchielli, 2009,
p. 130), alors qu’il permet une description riche et continue des situations, ainsi que l’identification de
relations entre les données collectées et la théorisation formelle ou informelle qui en émerge (Baribeau,
2005).
En pratique, la démarche ethnographique retenue ici se centre sur des matériaux empiriques recueillis de
manière systématique (soit de façon hebdomadaire à l’issue de chaque séance présentielle et distancielle)
du mois d’octobre 2018 au mois de mai 2020. Elle s’appuie ainsi sur l’expérience, en situation, des
enseignants et des étudiants impliqués dans le dispositif pédagogique étudié.
Pour ce qui est du traitement du corpus ainsi constitué (par le storyboard pédagogique, les comptes rendus
de séances et de réunions pédagogiques, le journal de bord et les relevés d’observations qui le
nourrissent) et parmi les différentes techniques d’analyse de contenus que proposent les méthodes
qualitatives, nous choisissons l’analyse thématique de contenu : une technique « permettant de dégager
les thèmes présents dans un corpus » (Paillé, 1996). L’intérêt de cet « instrument d’investigation [est qu’il
est] applicable à des messages de nature très différente : diffusion de masse ou échanges interpersonnels,
entretiens cliniques ou matériaux d’enquête, observation ethnologique ou documents historiques, tests
psychologiques ou textes littéraires. A priori, toute parole, orale ou écrite, spontanée suscitée peut-être
soumise à l’analyse de contenu » (Bardin, 2013). En effet, l’analyse de contenu désigne un ensemble de
techniques d’analyse de documents, le plus souvent textuels, mais pas uniquement, permettant de repérer,
dans des expressions verbales ou textuelles, des thèmes généraux récurrents qui apparaissent sous
divers contenus plus concrets. Elle est donc la première forme de catégorisation appliquée à un corpus.
En pratique ici, l’analyse de contenu thématique appliquée au corpus procède par une opération de
découpage du texte en unités puis par la classification de ces unités en catégories, suivant des
regroupements analogiques. Plus précisément, elle relève de quatre phases distinctes et indissociables.
La première, dite de retranscription systématique, est dans notre cas déjà effectuée par la tenue et
l’actualisation systématique du storyboard pédagogique, des comptes rendus (de séances et de réunions
pédagogiques) et du journal de bord. La deuxième phase, dite de codage, vise à la mise en évidence de
sous-thèmes : elle est effectuée par une relecture systématique et une application de codes couleurs au
fur et à mesure de l’apparition des thématiques majeures émergeant des documents constituant le corpus.
Elle s’assortit d’un cartouche élaboré au fur et à mesure de l’opération de relecture/coloration par codes
couleurs. Nous identifions, parmi les documents constituant le corpus, des similarités et des différences,
des formes communes et des divergences. Cette seconde étape conduit à une troisième, dite de
catégorisation, permettant d’identifier les thématiques majeures (qui ont surgi de la relecture/coloration) et
de procéder à leur classement. Enfin, par inférence, nous aboutissons à des conclusions qui résultent des
prémisses mises en lumière à l’étape précédente.
Partant de cette analyse de contenu thématique, nous confrontons les éléments qui en émergent aux
travaux de recherche qui abordent notamment l’apprentissage par projet, l’apprentissage collaboratif et
l’hybridation. Ainsi, nous mettons en lumière les principales lignes directrices du dispositif pédagogique
conçu, tout en introduisant un double point d’entrée pratique
-
analytique, et un fructueux dialogue de
chercheur-praticien (Lameul et Loisy, 2014), permis par nos parcours et statuts respectifs (maître de
conférences et ingénieure pédagogique).
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Résultats
L’analyse des données recueillies
-
via le storyboard pédagogique, les comptes rendus (de séances et de
réunions pédagogiques) et le journal de bord
-
permettent d’identifier les mécanismes et les leviers utilisés
afin de relever les défis auxquels nous
8
avons été confrontées. Ainsi, l’analyse met en évidence les
principaux ressorts fonctionnels et stratégiques du dispositif pédagogique étudié : le pilotage pédagogique
en mode conduite de projet « agile », les collaborations et les « (mé)tissages », et l’hybridation.
Apprentissage par projet, communication engageante, naming
9
pédagogique
L’un des premiers défis rencontrés dans le cadre de la mise en œuvre du dispositif de remédiation repose
sur la nécessité de susciter l’engagement des étudiants tout en répondant aux prescriptions de la
remédiation (travailler l’expression écrite académique et professionnelle, consolider les enseignements du
cursus en Information-communication, favoriser l’intégration et la réussite en Licence)… alors même que
la participation au dispositif est facultative et se fait sur la base du volontariat.
APPRENTISSAGE PAR PROJET EN MODE « AGILE »
Afin de relever ce défi, nous proposons aux étudiants inscrits en remédiation d’assurer, tout au long de
l’année universitaire, la promotion d’un cours de troisième année de Licence (L3) que nous avons choisi
pour son caractère particulièrement innovant, puisque centré sur la conception de teasers et de serious
games. Pour ce faire, nous plaçons le groupe en situation d’agence de communication junior, chargée,
outre la promotion du dispositif pédagogique innovant de L3, de l'organisation d’un événement de fin
d’année mettant en lumière ce même dispositif et réunissant tous les partenaires et acteurs impliqués dans
cette action au cours de l’année. Ainsi, en mobilisant une logique de conduite de projet collaborative, nous
amenons les étudiants à produire de l’écrit, à se familiariser avec leur cursus et à s’intégrer.
En les faisant travailler à la promotion des réalisations des étudiants de troisième année et à l’organisation
d’un événement les mettant en valeur, nous ancrons le dispositif dans une dynamique de projet. Cette
démarche fait écho au concept de « pédagogie de/par projet » (Perrenoud, 2002). En effet, les choix que
nous avons retenus pour la conception et la mise en œuvre du dispositif de remédiation coïncident
parfaitement avec la définition de la « démarche projet », notamment celle proposée par Perrenoud
(2002), qui définit cette dernière comme
« une entreprise collective gérée par le groupe-classe […]; un ensemble de tâches dans
lesquelles tous les [...] [apprenants] peuvent s’impliquer et jouer un rôle actif; l’apprentissage de
savoirs et de savoir-faire de gestion de projet […]; des apprentissages identifiables [...] figurant
au programme d’une ou plusieurs disciplines » (Perrenoud, 2002).
Le dispositif pédagogique s’articule ainsi au concept de « pédagogie de/par projet », concept relativement
ancien, puisque déjà présent chez de nombreux pédagogues dès la fin du 19
e
siècle. Cette modalité
pédagogique inspirée des travaux de John Dewey, philosophe et pédagogue américain, se fonde sur une
action organisée vers un but précis, appelée aussi le « learning by doing », c’est-à-dire l’« apprendre en
faisant » ou encore l apprendre par et dans l’action » (Dewey, 1968). Pour Dewey, le « penser » et le
« faire » sont inséparables. L’idée fondatrice de cette théorie est que l’apprentissage doit être abordé de
façon pragmatique en proposant des activités concrètes qui répondent au désir des apprenants (Proulx,
2004) et des activités qui s’appuient sur leurs centres d’intérêt afin de développer leur autonomie et de les
8
Nous, et plus largement les enseignants universitaires.
9
Par naming, nous entendons ici la pratique consistant à renommer, à rebaptiser (en l’occurrence, ici, renommer, rebaptiser un dispositif
pédagogique).
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préparer à s’adapter au monde dans lequel ils vivent et vivront (Mayer et Alexander, 2011). Depuis ces
prémisses, la « pédagogie de/par projet » a pris son essor pour devenir une pratique très répandue dans
l’enseignement, particulièrement dans l’enseignement supérieur, car elle y est de plus en plus perçue
comme essentielle à l’amélioration plurielle des compétences, à la motivation et à l’engagement des
apprenants. À noter que le dispositif pédagogique étudié possède une originalité supplémentaire, en cela
qu’au lieu de proposer une conduite de projet dite classique, nous franchissons un pas de plus dans
l’innovation et proposons à nos étudiants de fonctionner selon une méthodologie de conduite de projet
beaucoup plus récente et novatrice : la méthode dite « agile ».
Nous plaçons le projet et l’expérimentation au cœur de l’apprentissage afin d’inciter nos étudiants à
travailler en mode « agile » et à adopter une position d’acteurs responsables de leur projet. Nous abordons
donc le travail sur l’expression écrite en convoquant une conduite de projet « agile », pédagogie innovante
en rupture avec les modalités traditionnelles qui ont parfois rebuté les étudiants par le passé. La méthode
agile « est une approche itérative et incrémentale, qui est menée dans un esprit collaboratif, avec juste ce
qu’il faut de formalisme. Elle génère un produit de haute quali[…] » (Messager, 2013). Cette pratique a
été imaginée, à l’origine, pour pallier les difficultés rencontrées dans les cycles de développement en
« cascade » ou en « V » (traditionnellement utilisés dans le monde du développement logiciel) prévoyant
une phase de planification totale « au préalable » et interdisant ensuite tout changement ou modification
dans le projet. À l’inverse, la méthode « agile » de conduite de projet permet de répondre à des méthodes
par trop prédictives et rigides, en proposant de nouveaux principes plus flexibles tels que l’anticipation,
l’auto-organisation, le feedback et la collaboration. Ainsi, la conduite de projet « agile » (Collignon et
Schöpfel, 2016) qui est la nôtre fait particulièrement écho au concept de sérendipité, renvoyant à « [...] la
capacité humaine à œuvrer avec l’inattendu, à prêter attention à un fait surprenant et à en imaginer une
interprétation pertinente [en reconnaissant] sa centralité dans les processus de découverte et d’invention
[...] » (Heuguet, 2017). Par définition, dans cette conduite « agile » et contrairement à une conduite dite
classique, nous ne contractualisons ni ne fixons aucun cadre rigide a priori, si ce n’est l’objectif commun
final : un événement de clôture de projet qui soit l’occasion d’une mise en lumière des travaux des étudiants
et des enseignants commanditaires. Nous privilégions ainsi la fluidité et la flexibilité des actions entreprises
pour les structurer au fil du projet grâce à un système d’itérations constantes entre les différentes
catégories d’acteurs partie prenante du projet.
COMMUNICATION ENGAGEANTE
En ancrant le dispositif de remédiation dans une dynamique d’apprentissage de/par projet « agile », nous
l’inscrivons simultanément dans le paradigme de la communication engageante (Kiesler, 1971; Joule et
Beauvois, 1998) : une forme de communication particulièrement adaptée à notre dispositif, car susceptible
de générer un changement d’attitudes et de comportements, y compris dans le champ de l’innovation
pédagogique (Girandola et Joule, 2012). Parmi les changements les plus notables impulsés par cette
dynamique-projet, nous relevons l’intensification et l’amélioration de la quali des échanges et des
collaborations au sein du groupe, la prise de confiance en soi et en ses propositions, l’émergence d’une
écoute attentive (bienveillante et respectueuse) des uns par les autres et l’adhésion à un système de prise
de décision par vote à la majorité, ressenti et accepté comme totalement légitime et fondé.
Nous choisissons de faire de ce paradigme de la communication engageante un vecteur structurant du
dispositif en incitant nos étudiants à un ensemble d’engagements : engagement à travailler au sein d’une
agence de communication junior et engagement à conduire collectivement, tout au long de l’année, la
promotion d’un enseignement de L3 et à la matérialiser par l’organisation d’un événement de clôture. Cette
conduite de projet est d’autant plus engageante qu’elle permet aux étudiants impliqués dans le dispositif
de travailler leur écrit, leur communication, leur réussite et leur intégration, tout en mettant en visibilité le
travail des étudiants de troisième année et, par extension, le travail du Département Information-
communication et de l’Université Paul-Valéry dans un mouvement collectif que l’on pourrait assimiler à
une « spirale vertueuse ».
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NAMING PÉDAGOGIQUE
Afin de rendre plus manifeste cette spirale « ascensionnelle » (« Up »), vertueuse et engageante auprès
des étudiants et des différents acteurs impliqués, nous utilisons un naming pédagogique stratégique et
stimulant. Nous décidons en effet de rebaptiser le dispositif de remédiation : le Projet Up, en référence aux
multiples significations positives de la locution anglaise « Up » (grandir, s’élever, aller vers le haut). Loin
d’être anecdotique, cette nouvelle dénomination est un des éléments clés de l'adhésion au dispositif de
remédiation. En effet, lors de nos premiers échanges, les étudiants indiquent que l’appellation
« remédiation » est pour eux « dévalorisante », car elle renvoie au champ du « remède », à un
« dysfonctionnement » stigmatisant et, par là même, à un déficit à combler, une « faute à corriger ». Autant
de connotations négativement ressenties et peu propices à l’adhésion :
« Je n’aime pas ce nom, la remédiation, on dirait qu’on est malade »;
« Quand je dis que je fais de la remédiation, les autres me répondent que c’est un truc pour ceux
qui ont pas le niveau »;
« Même les profs à qui on en parle pensent qu’on est pas capables de suivre les cours, qu’on a
besoin d’être assisté ».
En revanche, l’appellation Projet Up fait appel, pour eux, à des connotations « positives », en référence à
la construction, à la responsabilisation et à l’élévation, soit autant de perspectives dont ils sont
particulièrement demandeurs à leur entrée à l’université :
« J’aime bien ce nom, projet Up, ça fait tout de suite plus pro de dire qu’on participe à un projet »;
« Up, on voit tout de suite que c’est un truc pour dire qu’on va monter, qu’on est dynamique »;
« Quand même, projet up, c’est franchement plus sympa que remédiation. En plus, Up, tout le
monde voit tout de suite que ça claque, qu’on se bouge, qu’on a la niaque
10
».
ENJEUX D’UN APPRENTISSAGE PAR PROJET « AGILE »
L’ancrage du dispositif pédagogique dans un apprentissage par projet « agile », engageant, stimulant et
identifié par un naming pédagogique valorisant, s’inscrit dans une volonté de répondre aux prescriptions
de la remédiation :
- Premièrement : l’amélioration de l’écrit.
Sur ce point, les étudiants mentionnent la façon dont le Projet Up les a induits à améliorer leur
expression écrite professionnelle :
« J’ai pu repérer des fautes que je faisais tout le temps »;
« C’est mieux de bosser l’écrit en écrivant pour un projet qui nous intéresse »;
« Je me suis amélioré, j’écris mieux qu’avant : il y a plein de fautes que je faisais et que je fais
plus »;
10
Niaque : vocable du registre familier qui évoque la combativité, la volonté de gagner.
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« Katia a pu me dire des fautes que je faisais tout le temps et qui me faisaient perdre des points
dans les évals »;
« En écrivant chaque semaine pour le projet, j’ai pu évacuer des fautes que je faisais, sans passer
par la case dictée ».
Grâce à la dynamique de projet, les étudiants sont amenés à travailler leur écrit sous de multiples
formes (courriels, comptes rendus, communiqués de presse, articles, publications sur les réseaux
sociaux numériques…), et ce, dans une dynamique ludique. Le projet est pensé comme un processus
engageant, favorisant une entrée ludique (Barnabé, 2014) dans l’activité d’écriture. Nous convoquons
ainsi la notion de « plaisir optimal », plus couramment nommée le « flow » :
« un état mental atteint par une personne lorsqu'elle est complètement immergée dans ce qu'elle
fait […] et qu'elle éprouve [...] un sentiment d'engagement total et de réussite. Cela signifie qu'une
tâche sera d'autant plus facilement réalisée par un individu, qu'il éprouve de plaisir à le faire »
(Alvarez et al., 2012).
- Deuxièmement, l’adhésion aux études entreprises.
Sur ce point, les étudiants soulignent les liens entre le Projet Up et le cursus en Information-
communication :
« On a fait de la vraie com, on a formé une agence, avec un nom d’agence, un logo, un slogan,
on a appris à faire de la promo »;
« C’était moins abstrait que les CM; on a fait des posts FB, des affiches, des teasers, on était
vraiment dans la com »;
« Ça nous parle parce que c’était de la com »;
« C’était la première fois que je faisais la promo d’un événement et que j’organisais un événement,
[…] ça me re-servira »;
« On a mis en pratique plein de trucs qu’on a abordé dans les cours »;
« Ya plein de moments, dans le projet up, on disait […] "ah ouais ça on en a parlé dans tel
cours" ».
Ainsi, le dispositif centré sur la promotion et l’événementialisation s’inscrit en complémentarité avec
les enseignements délivrés en Information-communication. Il amène notamment les étudiants à
travailler leur communication écrite (académique, professionnelle) et à s’initier à (ou se familiariser
avec) la communication interne, externe, institutionnelle, événementielle ou encore digitale
(community management).
- Troisièmement, la collaboration.
En effet, en plaçant un projet au cœur du dispositif, nous invitons les étudiants à rechercher
collectivement, mais aussi collaborativement, les solutions et les réponses concrètes aux multiples
questions soulevées par le projet. Les membres du Projet Up soulignent combien la conduite d’un
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projet commun a généré une dynamique collective et combien l’apprentissage par projet a favorisé le
tissage de liens, le partage et la collaboration, en vue de trouver des solutions communes :
« À chaque étape, à chaque pépin du projet, chacun a apporté sa petite pierre »;
« On a eu des besoins très variés dans le projet […]; chacun a apporté des choses différentes »;
« Séparément on aurait pas pu faire autant de choses, ou résoudre autant de problèmes »;
« Quand t’es dans un projet comme ça, tu te serres les coudes, plus que dans les cours […] y a
plus d’entraide »;
« Y’avait pas la même ambiance que dans les cours; dans les séances up, on était une team avec
un but commun ».
En ce sens, le Projet Up, piloté en mode projet, vient rappeler que la mise en commun et la
mutualisation des compétences du groupe entier peuvent permettre de faire face aux défis et de
trouver des solutions lorsque les compétences individuelles, mobilisées séparément, ne le permettent
pas/plus.
Les étudiants soulignent en outre combien la conduite d’un projet commun peut être vectrice d’un
sentiment d’appartenance à un groupe :
« Le fait d’avoir un projet commun m'a donné envie de me dépasser pour apporter quelque chose
au groupe »;
« Parfois, je n'étais pas du tout d'accord avec les propositions faites par d'autres, mais comme on
en a discuté, j'ai accepté de faire évoluer mon point de vue car les autres le faisaient aussi »;
« J'aurais jamais cru être capable de réaliser autant de choses, mais une fois dans le groupe, on
a tous proposé des choses […] pour faire avancer le groupe ».
Ainsi, le Projet Up fait écho à l’injonction contemporaine indiquant la nécessité de mettre en place
« des conduites de projets [...], demandant de travailler en équipe, de partager des tâches [...], de
s'engager dans un dialogue constructif » (Fleck et Massou, 2020) et dans des collaborations
stimulantes. Ce dernier point conduit ainsi au deuxième ressort fondamental mobilisé dans le cadre
du dispositif de remédiation étudié : l’apprentissage collaboratif.
L’apprentissage par projet : fruit de multiples collaborations et
« (mé)tissages »
L’apprentissage par projet recouvre, outre des vertus stimulantes, des vertus fédératives. En effet, dans
le dispositif étudié, l’apprentissage par projet a impulsé des collaborations fructueuses (Baudrit, 2007)
entre les membres du Projet Up et de nombreux acteurs : étudiants impliqués comme eux dans le Projet
Up, étudiants de leur promotion, étudiants d’autres promotions, enseignants porteurs de projets
pédagogiques, personnels administratifs, partenaires internes et externes à l’Université… Ainsi, les
membres du Projet Up ont collaboré activement entre eux; ils ont réalisé des interviews des enseignants
et étudiants de L3 (commanditaires et « parrains » symboliques); ils ont élaboré une stratégie de
publication promotionnelle avec la Community Manager de leur département; ils ont également effectué
des démarches auprès de différents services administratifs de l’Université, qui leur ont permis non
seulement d’en connaître l’existence et la localisation spatiale mais, en plus, de s'acclimater à y recourir,
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par-delà le cadre du Projet Up.
Nous souhaitons préciser, à ce stade, que les relations initiées entre ces multiples acteurs sont bien des
collaborations plutôt que des coopérations. En effet, la coopération est définie par certains auteurs
comme :
« une organisation collective du travail dans laquelle la tâche à satisfaire est fragmentée en sous-
tâches [...] affectée[s] à un acteur [...] en fonction des compétences particulières de chacun.
Autrement dit, il s’agit d’une division rationalisée d’une tâche en actions qui seront réparties entre
acteurs agissant de façon autonome » (Esteves De Lima, 2007).
En ce sens, la coopération est un mécanisme de juxtaposition (dacteurs, dactions, dobjectifs) la
collaboration est, au contraire, un mécanisme de tissage. Ainsi, dans la logique de conduite de projet
« agile » retenue ici, la primeur est donnée au mécanisme de collaboration, plus adapté à la fluctuation
souple des rôles en fonction des situations à traiter. Pas de répartition a priori des rôles, chaque membre
étant susceptible de travailler sur tous les aspects du projet et les contributions des membres étant
fusionnées au lieu de juxtaposées. Ainsi, la responsabilité est collective, ce qui suppose une navette
communicationnelle, des interactions interpersonnelles et des itérations constantes afin que chacun puisse
disposer d’une vision précise de la progression globale. Ce mode de fonctionnement collaboratif favorise
une mise en cohérence des actions et des communications, susceptible de contribuer à l’efficience de
l’action collective.
Ces précisions terminologiques étant posées, les sections qui suivent se consacrent à mettre en lumière,
de manière plus détaillée, les différents types de collaborations initiés dans le cadre du Projet Up, et
notamment la collaboration entre les étudiants de l’agence junior, avec l’enseignante, avec les étudiants
« aînés-parrains » ou avec d’autres acteurs hétérogènes. L’étayage de ces différents types de
collaborations est suivi d’une réflexion interrogeant leurs enjeux.
COLLABORATION ENTRE LES ÉTUDIANTS DE L’AGENCE JUNIOR
La dynamique de conduite de projet amène les étudiants impliqués dans le Projet Up à collaborer entre
eux. En effet, le fonctionnement en agence de communication junior conduit chacun d’eux à se projeter
dans des situations de référence, à adopter un métier (interchangeable au fil de l’avancement du projet),
à proposer différentes compétences susceptibles d’enrichir le travail collaboratif, à organiser des formes
de collaboration qui combinent ces compétences, etc. Selon les étapes du projet et les objectifs du
moment, les étudiants constituent des sous-groupes spécifiques de nature à répondre au mieux aux
attentes du groupe entier. Concrètement, un étudiant impliqué dans l’équipe de « Rédacteurs » pourra
rejoindre l’équipe de « Community Managers », qui aura besoin de son talent rédactionnel pour enrichir
une publication à destination des réseaux sociaux de l’Université. De même, un étudiant versé dans la
conception graphique et visuelle
-
et ainsi logiquement investi dans l’équipe « Communication visuelle »
-
pourra venir en renfort de l’équipe de « Rédacteurs » pour l’aider à mettre en forme un communiqué de
presse ou un édito, pour lequel il possède des connaissances spécifiques ou, simplement, de l’intérêt. Et
ainsi de suite.
« Ce qui change, par rapport aux cours, c’est que [dans le Projet Up] on a choisi d’emblée de faire
ce qu’on aime ou ce qu’on veut faire dans la vie »;
« Le truc cool dans le Projet Up, c’est qu’on peut tester un peu tous les métiers de la com, pour
voir ce qui nous plait le plus »;
« J’étais partie sur la team com visuelle, et au final, j’ai fini dans la team community managers; je
le savais pas, mais en fait j’aime bien le community management »;
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par-delà le cadre du Projet Up.
Nous souhaitons préciser, à ce stade, que les relations initiées entre ces multiples acteurs sont bien des
collaborations plutôt que des coopérations. En effet, la coopération est définie par certains auteurs
comme :
« une organisation collective du travail dans laquelle la tâche à satisfaire est fragmentée en sous-
tâches [...] affectée[s] à un acteur [...] en fonction des compétences particulières de chacun.
Autrement dit, il s’agit d’une division rationalisée d’une tâche en actions qui seront réparties entre
acteurs agissant de façon autonome » (Esteves De Lima, 2007).
En ce sens, la coopération est un mécanisme de juxtaposition (dacteurs, dactions, dobjectifs) la
collaboration est, au contraire, un mécanisme de tissage. Ainsi, dans la logique de conduite de projet
« agile » retenue ici, la primeur est donnée au mécanisme de collaboration, plus adapté à la fluctuation
souple des rôles en fonction des situations à traiter. Pas de répartition a priori des rôles, chaque membre
étant susceptible de travailler sur tous les aspects du projet et les contributions des membres étant
fusionnées au lieu de juxtaposées. Ainsi, la responsabilité est collective, ce qui suppose une navette
communicationnelle, des interactions interpersonnelles et des itérations constantes afin que chacun puisse
disposer d’une vision précise de la progression globale. Ce mode de fonctionnement collaboratif favorise
une mise en cohérence des actions et des communications, susceptible de contribuer à l’efficience de
l’action collective.
Ces précisions terminologiques étant posées, les sections qui suivent se consacrent à mettre en lumière,
de manière plus détaillée, les différents types de collaborations initiés dans le cadre du Projet Up, et
notamment la collaboration entre les étudiants de l’agence junior, avec l’enseignante, avec les étudiants
« aînés-parrains » ou avec d’autres acteurs hétérogènes. L’étayage de ces différents types de
collaborations est suivi d’une réflexion interrogeant leurs enjeux.
COLLABORATION ENTRE LES ÉTUDIANTS DE L’AGENCE JUNIOR
La dynamique de conduite de projet amène les étudiants impliqués dans le Projet Up à collaborer entre
eux. En effet, le fonctionnement en agence de communication junior conduit chacun d’eux à se projeter
dans des situations de référence, à adopter un métier (interchangeable au fil de l’avancement du projet),
à proposer différentes compétences susceptibles d’enrichir le travail collaboratif, à organiser des formes
de collaboration qui combinent ces compétences, etc. Selon les étapes du projet et les objectifs du
moment, les étudiants constituent des sous-groupes spécifiques de nature à répondre au mieux aux
attentes du groupe entier. Concrètement, un étudiant impliqué dans l’équipe de « Rédacteurs » pourra
rejoindre l’équipe de « Community Managers », qui aura besoin de son talent rédactionnel pour enrichir
une publication à destination des réseaux sociaux de l’Université. De même, un étudiant versé dans la
conception graphique et visuelle
-
et ainsi logiquement investi dans l’équipe « Communication visuelle »
-
pourra venir en renfort de l’équipe de « Rédacteurs » pour l’aider à mettre en forme un communiqué de
presse ou un édito, pour lequel il possède des connaissances spécifiques ou, simplement, de l’intérêt. Et
ainsi de suite.
« Ce qui change, par rapport aux cours, c’est que [dans le Projet Up] on a choisi d’emblée de faire
ce qu’on aime ou ce qu’on veut faire dans la vie »;
« Le truc cool dans le Projet Up, c’est qu’on peut tester un peu tous les métiers de la com, pour
voir ce qui nous plait le plus »;
« J’étais partie sur la team com visuelle, et au final, j’ai fini dans la team community managers; je
le savais pas, mais en fait j’aime bien le community management »;
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« J’étais sûre que j’étais plus douée pour créer des animations que pour écrire des mails. Et puis,
comme les personnes de l’équipe "Rédaction" étaient sympa, un jour, j’ai travaillé avec eux et ça
m’a plu aussi. Ce qui est marrant, c’est que les rédacteurs, ils ont fait comme moi, mais à l’envers,
ils sont venus travailler sur de l’animation dans notre équipe. Et franchement, ils assurent pas
mal. Bon, je préfère toujours les animations, mais s’il faut faire un mail, maintenant, je sais que je
sais faire, surtout si on le fait à plusieurs. C’est sûrement pareil pour les autres, ils ont leur
préférence. Mais en tout cas, on sait qu’on est capable de changer de team s’il le faut ».
La collaboration entre les membres du Projet Up implique l’adoption d’un savoir-être en matière de rapport
à autrui (être à l’écoute, accepter les idées sans a priori, différer les jugements, tolérer l’original…) ainsi
que l’acquisition de certaines compétences indispensables pour la poursuite d’études et pour le devenir
en tant qu’individu social (empathie, acceptation de l’altérité, autocritique, réflexivité, capacité de
négociation, stratégie d’ajustement, recherche du compromis et du consensus, respect réciproque…).
Ainsi, la collaboration entre les membres du Projet Up, en interpellant le sens critique, la tolérance et la
tempérance, rend possible le « ()tissage » des points de vue. Cette collaboration permet le tissage, à
proprement parler, d’un tissu (le projet) au sein duquel les différences des acteurs qui manient le métier
forment des motifs particulièrement riches.
Au cœur du Projet Up, chacun se perçoit comme appartenant à une entité qui répond avec précision et
agilité aux exigences de la situation. La collaboration des étudiants au sein de l’agence formée dans le
cadre du Projet Up donne lieu à des dynamiques collectives (complémentarité des rôles, interdépendance
dans la réalisation des tâches…) permettant l’émergence d’un « team flow » (Borderie, 2015) : un état
optimum d’harmonie collaborative, une « expérience optimale de coopération que peuvent connaître les
membres d'une équipe lorsque leurs actions [...] sont fluides, synergiques, plaisantes et qu’elles donnent
à chacun l’impression de ne faire qu’un avec l’équipe » (Borderie, 2015). L’émergence de ce « team flow »
est étroitement liée à l’interdépendance positive, c’est-à-dire aux liens structurels et fonctionnels qui
unissent les membres d’une équipe (Walker, 2010). En effet, les liens qui se développent au sein d’une
équipe peuvent créer une entité qui transcende la somme des individus qui la compose.
Ces éléments rappellent combien la totalité peut être plus que la somme de ses parties (Dortier, 2012). En
effet, pour reprendre les postulats de l’approche holiste en sciences humaines (Durkheim, 1893) et plus
particulièrement du concept de synergie, le dispositif conçu souligne combien la compréhension totale
d’un système (en même temps que son efficience optimale et sa puissance productive) repose sur les
liens, les interactions et les itérations entre les parties qui le composent. Le dispositif étudié relance ainsi,
à nouveaux frais, le concept de « sérendipité » (Ertzscheid et Gallezot, 2003), ce « hasard heureux »
(Bourcier et Van Andel, 2011) soulignant combien le résultat d’une action collective peut être imprévisible
au départ, comment elle prend sens au fur et à mesure de l’avancée du projet, et atteste in fine de la
supériorité du produit collectif sur la simple addition des productions individuelles. En effet, la régulation et
la stabilisation du projet s’opèrent non par cadrage préalable, mais dans un processus d’itérations,
d’incrémentations et d’adaptations permanentes entre les étudiants porteurs du projet (y compris entre
eux) et leurs partenaires (encadrants, commanditaires, adjuvants internes et externes à l’Université). De
ce fait, si la réussite de l'objectif collectif final (événement de clôture) constitue un stimulus pratique et
symbolique majeur pour les étudiants, il permet, dans le même temps, à notre niveau « méta » (dans les
choix didactiques et pédagogiques qui fondent notre action), de favoriser l’intégration et la réussite des
étudiants. En effet, au terme du Projet Up, les étudiants qui y ont participé avec assiduité ont non
seulement créé entre eux un groupe solidaire au sein duquel ils se soutiennent, indépendamment du travail
sur le Projet Up, mais ils ont également acquis plus d’assurance dans leurs relations avec les acteurs de
leur formation (enseignants, administratifs). Enfin, en termes de poursuite des études entreprises,
l’ensemble du groupe s’est inscrit pour poursuivre en deuxième année. En cela, le Projet Up semble avoir
contribué à attacher les étudiants à la discipline et au cursus choisis, et à endiguer la déperdition
d’étudiants entre la première et la deuxième année de Licence.
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Bien sûr, instaurer un tel travail collaboratif ne va pas toujours de soi. Il soulève, comme c’est le cas au
sein de toute activité humaine collectivement conduite, des résistances, des divergences, des prises de
position sceptiques, réfractaires, voire littéralement d’opposition. Dans le cadre du Projet Up, des positions
de ce type ont ponctuellement émergé, concernant notamment les décisions liées au contenu des textes
promotionnels, à l’esthétique des supports de promotion ou encore aux outils (numériques) mobilisés pour
travailler en équipe. La question est alors de savoir comment prendre en compte ces positions, comment
les résoudre afin de pérenniser la cohésion du groupe et la poursuite du projet. Face à ces différentes
difficultés, la conduite de projet en mode « agile » offre un outil majeur de résolution de problèmes et
d’apaisement des tensions consistant à se placer dans une posture d’écoute, d’échange et de discussion
permanente. Elle favorise l’exposé des prises de position des uns et des autres, leur explicitation et leur
discussion par le groupe entier. Cela a pour effet d’éviter l’écueil du non-dit qui paralyserait l’avancée du
projet. D’autre part, au sein du « groupe Up », un fonctionnement « a-hiérarchique » est instauré dès le
départ, pour ce qui concerne toutes les prises de décision. Il est inspiré de modalités managériales
participatives que l’on peut qualifier de collaboration horizontale (même si en dernier ressort, quand cela
est absolument nécessaire, l'enseignant peut exercer un droit de véto). Ce management collaboratif
horizontal, qui se traduit par la discussion collégiale de toutes les décisions à valider et par un vote
démocratique à la majorité, a contribué, d’une part, à créer un forum de discussion sur les points de
dissension et, d’autre part, à offrir une modali de prise de décision à laquelle, finalement, tous ont
consenti et adhéré. Ces derniers éléments, introduisant l’importance du management participatif de projet,
nous conduisent à aborder une autre forme de collaboration qui s’avère cruciale dans le Projet Up : celle
qui se tisse entre les étudiants et l’enseignante.
COLLABORATION AVEC L’ENSEIGNANTE
Dans le cadre du Projet Up, les étudiants ne collaborent pas seulement entre eux, mais également avec
l’enseignante en charge de la coordination pédagogique. La collaboration avec cette enseignante est
particulièrement centrale. De nombreux chercheurs posent le quid du rôle de l’enseignant dans un
dispositif de « pédagogie de/par projet » (Paivandi et Espinosa 2013), envisageant l’enseignant comme la
pierre angulaire des dispositifs pédagogiques innovants (Paivandi et Espinosa, 2013). Proulx (2004), quant
à lui, met en lumière les multiples rôles assumés par un enseignant investi dans un management d’équipe-
projet :
un rôle d’entraîneur, expert, prenant les grandes décisions qui s’imposent, tout en gérant le risque et
l’incertitude indissociables de la conduite de projet (a fortiori, lorsque la modalité de conduite est
« agile »);
un rôle d’animateur, supervisant les activités du groupe, tout en restant attentif aux différentes
activités de chaque étudiant;
un rôle de motivateur, soutenant et encourageant l’adhésion tout au long du projet;
enfin, un rôle d’évaluateur, incluant, à l’issue de projet, une synthèse, une restitution et une rétroaction
(individuelle et collective) sur l’apprentissage.
Dans le cadre du Projet Up, une forme de collaboration innovante est initiée entre l’enseignante et les
étudiants. En effet, le management directif, à hiérarchie verticale descendante, propre au magistère, est
remplacé par un management participatif horizontal favorisant la prise d’initiatives et de responsabilis
personnelles au sein de l’agence. Autrement dit, en distance avec la théorie de la reproduction (qui fait de
l’enseignant le représentant de la culture légitime et l’agent de sa sélection), nous instaurons une relation
de partenariat pédagogique qui autorise les interactions et les transactions entre les différents acteurs
impliqués dans le projet. Aussi, nous délaissons le fonctionnement hiérarchique (dont la rigidité peut être
propice à la dégradation de la relation enseignant/étudiants) pour privilégier un contrat pédagogique au
sein duquel l’interactivité et l’interchangeabilité des rôles sont les maîtres-mots. Cette dynamique est
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ancrée dans un échange « agile » des rôles et des activités qui reconfigure les jeux relationnels et
communicationnels entre les acteurs du projet (enseignant inclus). Diverses initiatives nourrissent et
entretiennent cet état d’esprit et ce fonctionnement horizontal, démocratique et participatif, à commencer
par la pratique du brainstorming (en français « remue-méninges »), qui accueille à valeur égale les
propositions de chacun. Il est par exemple mobilisé pour la création du nom, du logo et du slogan de
l’agence, de sorte que ces éléments résultent des idées croisées de tous et que chacun puisse s’y
reconnaître. Par ailleurs, le recours systématique au vote à la majorité, dans lequel chaque voix a le même
poids, est également proposé pour arbitrer toutes les prises de décision importantes et toutes les
réalisations qui seront publiées. Ces initiatives visent notamment à inciter les étudiants à investir
subtilement et efficacement le rôle traditionnellement dévolu à l’enseignant.
COLLABORATION AVEC LES « AÎNÉS » (ÉTUDIANTS-PARRAINS)
Les étudiants investis dans le Projet Up sont mis au contact de leurs « aînés » (étudiants en troisième
année de Licence), dont ils feront la promotion. Cette initiative vise à impulser une dynamique de partage,
de cohésion et de parrainage. Les « aînés » partagent un certain nombre d’expériences, de compétences,
de points de vue : ils offrent un aperçu du programme des années à venir et sont, en ce sens, susceptibles
d’attiser une envie de réussite et de poursuite d’études. Cette forme de collaboration entend ainsi susciter
des liens interpromotions stimulants, favorisant tout à la fois l’intégration des L1 et leur attachement aux
études entreprises… car donner à voir le devenir invite à s’y engager davantage. Sur ce point précis, nous
avons constaté que les relations intergénérationnelles ainsi nouées ont rapidement débordé le cadre strict
du Projet Up pour se poursuivre au travers d’autres activités partagées et relevant cette fois plutôt de la
vie quotidienne du campus et des festivités, rencontres et solidarités qui s’y manifestent.
COLLABORATION AVEC DES ACTEURS HÉTÉROGÈNES
Par-delà les étudiants-parrains, le Projet Up conduit les étudiants à connaître et à se faire connaître auprès
d’autres interlocuteurs particulièrement hétérogènes. En effet, le dispositif les conduit à se mettre en
contact avec les enseignants pilotant des projets pédagogiques innovants dans leur département, mais
également avec les personnels administratifs (mobilisés, notamment pour demander validation puis
diffusion des contenus promotionnels réalisés). En outre, les étudiants sont amenés à rechercher et à
établir un dialogue avec différents partenaires-adjuvants choisis et sollicités pour favoriser la réussite de
l’événement de clôture. Notons d’ailleurs qu’au-delà des liens tissés par les étudiants avec les acteurs
internes de l’Université cités supra, une telle démarche conduit à dépasser les frontières du campus pour
développer également des compétences liées à la recherche de partenaires extérieurs, qu’il s’agisse de
sponsors ou de mécènes, en vue d’étoffer et de consolider l’aide déjà apportée par les différents acteurs
universitaires. Ainsi, le « (mé)tissage » s’enrichit de fils qui outrepassent le microcosme universitaire pour
donner l’occasion aux étudiants de vivre une première projection et expérience dans l’univers
socioprofessionnel qui sera bientôt le leur. Le « tissu » du projet s’en trouve considérablement diversifié,
enrichi et consolidé. En effet, ces collaborations permettent aux étudiants de s’acculturer à l’environnement
et aux usages universitaires, tout en stimulant un réseautage stratégique, favorable à leur réussite et à
leur intégration. Ces collaborations incitent en outre les étudiants à étoffer et diversifier leur expression
écrite, en adaptant et en variant leur registre de langage selon les interlocuteurs auxquels ils s’adressent
et les objectifs qu’ils visent, à l’interne comme à l’externe de l’Université.
LES CONDUITES DE PROJET, FRUITS DE COLLABORATIONS ET DE « (MÉ)TISSAGES »
Le dispositif pédagogique étudié, pensé sous forme de « pédagogie de/par projet agile », impulse
différentes formes de « (mé)tissages »
11
. Dans la présente section, nous cherchons à mettre en évidence
11
Pour mémoire; (Mé)tissage : néologisme, déjà convoqué et présenté en introduction, qui permet d’esquisser un trait d’union entre, d’une
part, les tissages initiés dans le cadre du dispositif et, d’autre part, les métissages auxquels ces tissages donnent lieu.
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les tissages de disciplines et de compétences émergeant au cœur d’un tel dispositif. Pour ce faire, nous
pointons ici le caractère interdisciplinaire des actions menées ainsi que les constantes itérations et les
nombreuses interactions entre les compétences des différents acteurs impliqués. Plus largement, nous
mettons en lumière les multiples opportunités de « (mé)tissages » offertes par la « pédagogie de/par projet
agile » et susceptibles d’expliquer la renaissance et le succès de cette modalité d’enseignement.
Tout d’abord, la dynamique de « pédagogie de/par projet » donne vie à un « (mé)tissage » de disciplines.
En effet, les étudiants sont incités à rechercher et à mobiliser, dans différentes disciplines, des savoirs
complémentaires susceptibles de contribuer à la réalisation collective et à la réussite du projet. Ce dernier
les incite ainsi fréquemment à sortir de leur champ disciplinaire d’inscription (Sciences de l’information et
de la communication) pour aller glaner, dans d’autres disciplines, les éléments utiles à la construction
collective de leur projet, multifacettes et multifactoriel. L’interdisciplinarité telle que nous la pratiquons au
sein du Projet Up sollicite d’autres disciplines lorsque le projet le nécessite (Bailly et Schils, 1988) et fait
appel à différents champs disciplinaires pour analyser les situations, les découper en problèmes et trouver
des solutions alternatives (Giordan et Souchon, 1992). Au-delà des Sciences de l’information et de la
communication (71
e
section), nous mobilisons en premier lieu la 70
e
section (Sciences de léducation),
dans la mesure notre action est tout entière articulée à une ingénierie pédagogique adossée à des
notions largement traitées en sciences de l’éducation (pédagogie par projet « agile », communication
engageante, naming pédagogique, apprentissage collaboratif…). Nous convoquons par ailleurs des
disciplines liées à la Langue et la littérature (9
e
section
12
) et aux Sciences du langage (7
e
section
13
) pour
tout ce qui relève des productions écrites. Nous invitons également les Arts appliqués (18
e
section
14
) pour
tout ce qui concerne les productions créatives et la conception graphique (affiches, flyers, murs
d’expression, teasers... nécessaires à la promotion du projet…), ainsi que le Droit public (2
e
section
15
)
lorsque nous sommes amenés, dans cet objectif, à utiliser des écrits, des images et des sons soumis au
droit de la propriété intellectuelle. Pour ce qui concerne l’animation et la dynamique de groupe, nous
faisons appel à la fois aux Sciences de gestion (6
e
section
16
) pour la conduite de projet « agile »,
le management... et à la Psychologie sociale (16
e
section
17
) pour la gestion des dynamiques, des
positionnements et des enjeux stratégiques qui se font jour au sein du projet. Enfin, afin de susciter et de
développer la réflexion et la prise de recul critiques chez nos étudiants, nous recourons fréquemment à
l’Épistémologie (72
e
section
18
). Il résulte de ce « (mé)tissage » de disciplines un croisement fertile des
démarches et des résultats et par conséquent une compréhension plus complète et systémique du projet
mené. Ainsi, dans le contexte du Projet Up, l'interdisciplinarité est une modalité pédagogique qui permet,
tout en décloisonnant les disciplines, de conduire les étudiants à acquérir de multiples compétences
transversales.
En plus du « (mé)tissage » de disciplines, le dispositif étudié, en étant ancré dans la « pédagogie de/par
projet agile », incite les étudiants à initier des collaborations et stimule, par même, un « (mé)tissage »
de compétences. En effet, le dispositif repose sur le « (mé)tissage » des compétences de différents
acteurs : les étudiants impliqués dans le Projet Up entre eux, mais également le réseau qu’ils se
constituent dans le cadre du projet avec l’enseignante coordinatrice du Projet Up, les étudiants-parrains,
les enseignants de leur département (Information-communication), les membres de l’administration
universitaire ou encore les divers partenaires externes sollicités. Le projet invite ainsi les membres du
Projet Up à collaborer avec ces différents acteurs, à être actifs et à conscientiser les pratiques, très
12
9
e
section CNU : Langue et littérature françaises.
13
7
e
section CNU : Sciences du langage : linguistique et phonétique générales.
14
18
e
section CNU : Architecture (ses théories et ses pratiques), arts appliqués, arts plastiques, arts du spectacle, épistémologie des
enseignements artistiques, esthétique, musicologie, musique, sciences de l'art.
15
2
e
section CNU : Droit public.
16
6
e
section CNU : Sciences de gestion.
17
16
e
section CNU : Psychologie, psychologie clinique, psychologie sociale.
18
72
e
section CNU : Épistémologie, histoire des sciences et des techniques.
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diverses, qui sont les leurs. Il les conduit à réaliser un « tissage » étroit, minutieux et fécond, reposant sur
le « (mé)tissage » des personnalités, des expériences et d’acteurs particulièrement hétérogènes
(étudiants, enseignants, personnels administratifs, acteurs économiques, mécènes…). Pour mener à bien
le projet, la collaboration et la mutualisation s’imposent, et avec elles le « (mé)tissage » des compétences,
des savoirs, des savoir-faire, des savoir-être, des savoir-devenir et des points de vue qu’ils partagent,
conjuguent ou co-construisent. Ainsi, le pilotage sur un mode conduite de projet « agile » stimule les
collaborations et conduit les étudiants à « (mé)tisser » leurs compétences. Ces compétences nouvelles et
transversales s’apparentent alors à des « fils » d’origines multiples entrelacés pour donner vie à un
« tissu » final, richement « (mé)tissé » (résultant du métissage des compétences) et « motivé » (constitué
de motifs aussi hétérogènes que complémentaires, car propres aux singularités des différents acteurs
parties prenantes du projet).
Reste à indiquer, à ce stade de la réflexion, combien la structuration des collaborations et des
« ()tissages » que nous venons de pointer s’est avérée dépendante et consubstantielle de l’hybridation
du dispositif.
L’hybridation : une clé pour les projets collaboratifs et « (mé)tissés »
Dans le cadre du Projet Up, nous avons eu recours à l’hybridation pour mettre en place les collaborations
hétérogènes et les « (mé)tissages » particulièrement denses induits par le pilotage en mode conduite de
projet « agile ».
HYBRIDATION, PRÉSENTIEL ENRICHI, DISTANCIEL SYNCHRONE ET ASYNCHRONE
Afin de rendre possibles les multiples collaborations et « ()tissages » nécessaires à la construction, à
la conduite et à la réussite du Projet Up, nous mettons en œuvre un dispositif hybride reposant sur
l’articulation présence-distance, la médiation et la médiatisation. Le premier terme, médiation, est entendu
comme le rôle de médiateur, investi par l’enseignant, entre les apprenants et les objets d’apprentissage
afin de faciliter la compréhension et l'appropriation, par les premiers, des seconds. Le second terme,
médiatisation, renvoie ici en revanche à la médiation instrumentalisée par l’objet technique (Peraya et
Papi, 2018).
Le dispositif hybride (Bower et al., 2014) créé dans le cadre du Projet Up renouvelle « la pédagogie
classique en face à face, en articulant des temps en présentiel et du travail asynchrone » (Isaac,
2007, p. 13). Il articule, à un rythme hebdomadaire, une alternance de séances présentielles (enrichies
par l’utilisation d’outils et de supports numériques) et des séances distancielles, synchrones et
asynchrones, les deux en employant divers outils numériques qui diffèrent selon que l’on soit en présence
ou à distance.
Pour les séances présentielles, elles s’inscrivent dans ce qu’il est convenu de nommer du présentiel enrichi
(ou amélioré), et ce, par le recours à divers outils multimédias qui permettent de rendre le travail plus
attractif (audio, vidéo, plateformes de communication spécifiques à la conduite et à l’organisation de projet,
comme Trello
19
ou Discord
20
pour ne citer que celles-là).
Par ailleurs, un trait d’union et une continuité entre ces séances présentielles et ces séances distancielles
est instauré afin d’inciter les étudiants à poursuivre le travail en dehors des séances présentielles. Ce trait
d’union consiste à mobiliser et à proposer l’utilisation de différentes plateformes permettant la
19
Trello : outil (plateforme) de gestion de projet développé par l’entreprise Frog Creek Software et accessible en France à partir de 2015.
20
Discord : outil de communication (type forum) développé par Jason Citron en 2015. Créé en vue de rassembler tous les logiciels de VoIP
(Skype, TeamSpeak, Mumble, etc.) dans un seul logiciel, Discord est d'abord utilisé par les communautés de joueurs, mais d'autres
communautés s’en sont rapidement emparées.
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communication, l’interactivité et le travail collaboratif à distance, synchrones ou asynchrones. Différentes
plateformes permettent ainsi aux étudiants et à l’enseignante de prolonger les séances présentielles :
- Une première page Facebook (FB) privée, créée et administrée par l’enseignante et les étudiants,
tient lieu de journal de bord et d’espace privilégié d’échanges internes à l’agence junior. Elle
permet de partager des informations et des contenus, d’échanger sur des idées, mais également
d’effectuer des sondages, des votes, ou de construire une auto-évaluation collective. Le
Messenger, intégré à cette page Facebook, sert d’espace de dialogue instantané et souvent
informel, pendant les séances distancielles synchrones. Il sert également de relai pour les
échanges d’informations durant les temps de travail asynchrone du groupe;
- Une seconde page Facebook, publique celle-là, sert de vitrine promotionnelle aux activités du
« groupe Up » lui-même et à celles des commanditaires. Elle permet aux partenaires, aux
enseignants et aux personnels administratifs de suivre l’avancement du projet à travers les
publications que les membres du Projet Up y déposent régulièrement;
- Un espace Google Drive sert de point de rendez-vous pour de nombreuses activités
collaboratives. Il permet de déposer des documents, d’en créer à plusieurs mains, de s’initier à la
co-écriture, à la co-production et à la co-conception, en présence parfois, mais surtout à distance,
dans une dynamique de Living Lab éducatif
21
. Cet espace permet (aux étudiants, à l’enseignante
et aux partenaires) de déposer, de partager et d’organiser des dossiers, des contenus, des
documents, et de travailler tantôt ensemble, tantôt chacun à son rythme;
- Un groupe WhatsApp permet enfin les échanges directs et ponctuels sur le « en cours ». Il
structure les échanges courants et permet de diffuser, tout aussi spontanément qu’efficacement,
les informations les plus urgentes, souvent pratiques ou informelles.
À ce stade, il est intéressant de relever que, très vite, les étudiants du « groupe Up » s’emparent de ces
outils, particulièrement ceux dévolus à la communication (FB, Messenger, WhatsApp) pour en faire un
usage parfois informel, même si toujours en relation avec le projet. Le fait que l’enseignante y participe,
sur ce même mode, favorise les rapprochements, le gommage de la relation de magistère, au profit d’une
relation teintée de sympathie, de confiance mutuelle et proche, en ce sens, d’autres contextes, comme
celui de la machine à café autour de laquelle s’échangent des propos plus spontanés, sources de
fédération affective du groupe. Il en va de même pour les pages FB, qu’il s’agisse de la page privée ou de
la page vitrine. On constate qu’après un temps (relativement bref) d’acclimatation à leur fonctionnement,
les étudiants les investissent et se les approprient de plus en plus spontanément en y développant des
initiatives qui n’étaient pas inscrites dans le schéma initial d’utilisation. Ces appropriations semblent révéler
l’émergence d’une adhésion et d’une volonté croissante d’appartenir et de participer au groupe.
Dans le cadre du Projet Up, les plateformes numériques sont proposées par les initiateurs du dispositif
selon différentes modalités (présentiel enrichi, travail distanciel en synchrone et asynchrone) et pour
différents buts (recherche d’informations, gestion de projet, échanges avec les pairs, échanges avec les
partenaires, community management
22
…). Lorsqu’elles sont appropriées par le groupe sur un mode plus
informel et personnalisé, ces plateformes deviennent, plutôt qu’un simple support technique, un véritable
lieu de fédération.
21
L’expression living lab éducatif renvoie ici à la mise en œuvre d’un dispositif pédagogique ancrée dans une dynamique de laboratoire
d’expérimentation et d’innovation pédagogiques.
22
Le terme community management renvoie aux pratiques consistant à animer des communautés en ligne.
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ENJEUX DE L’HYBRIDATION : COLLABORATIONS/MÉTISSAGES FACILITÉS, APPRENTISSAGE
AMPLIFIÉ, LITTÉRATIE NUMÉRIQUE ASSIMILÉE, DIFFICULTÉS RENCONTRÉES
Le caractère hybride du Projet Up présente un certain nombre d’atouts, mais implique également certaines
difficultés à surmonter, que nous allons aborder dans cette section.
En ce qui concerne les atouts, l’hybridation facilite considérablement les collaborations et les
« (mé)tissages ». En effet, les environnements numériques mobilisés dans le cadre du Projet Up
permettent d’instaurer un espace de travail commun réel/virtuel, un lieu privilégié de collaborations et de
« (mé)tissages » pluriels impliquant et fédérant tout à la fois des étudiants, des enseignants, des membres
de l’administration universitaire, des partenaires… En effet, ces différents environnements numériques
stimulent et favorisent le partage et l’échange. Ils forment, au sein du projet, le socle permettant d’initier,
de faciliter, de renforcer et d’accompagner (efficacement et en continu) l’apprentissage collaboratif et le
« (mé)tissage » des compétences, des savoirs, des savoir-être et des savoir-faire. Ces environnements
numériques permettent d’organiser des séances (présentielles et distancielles) centrées sur l'entraide et
la mutualisation. L’hybridation a ainsi des implications dans le travail en groupe, les échanges,
les interactions, les modalités de partage et de construction des connaissances et les relations entre les
acteurs. Dans cette perspective, le dispositif étudié révèle les atouts de l’hybridation (synchrone ou non)
et du numérique à vocation pédagogique dans les conduites de projet telles qu’en usage à l’université ou
dans le milieu professionnel.
Outre la facilitation des collaborations et des « (mé)tissages », l’hybridation contribue également à
l’amplification de l’apprentissage. En effet, les interactions récursives entre les activités présentielles et les
activités distancielles permettent d'amplifier de façon dynamique le système d'apprentissage (De Lavergne
et Lieb-Storebjerg, 2009).
« On est pas toujours au point pendant les séances présentielles. Avec le distanciel, on peut
revenir sur les séances, tranquillement, à notre rythme »;
« On travaille en groupe, entre nous, en distanciel, on discute entre nous et ça nous donne des
idées pour intervenir en distanciel, on se sent plus sûr de nous après »;
« Dans le Messenger FB, on discute un peu de tout. Même avec la prof, on se connait mieux, on
rigole ensemble parfois. Du coup, on a moins peur de proposer des choses parce qu’on est
devenus plus proches ».
Dans le cadre du Projet Up, l’hybridation donne la possibilité de développer des interactions sociales et de
créer une « présence à distance » (Jézégou, 2010)
permettant de favoriser les apprentissages. Elle offre
la possibilité de prolonger les échanges et de créer une continuité aux discussions, donnant par là même
à la pensée le temps de se développer (Bruillard, 2010). Plus largement, l’hybridation mise en œuvre dans
le Projet Up permet de dynamiser l’apprentissage : elle génère une démultiplication des situations de
travail et d’échanges qui se croisent et s’entrecroisent pour créer les conditions optimales de l'efficaci
dans le projet et dans l’apprentissage.
Enfin, l’hybridation mise en place dans le cadre du Projet Up passe par le déploiement d’un outillage
pédagogique numérique permettant aux étudiants de s’acculturer à de nouvelles pratiques numérisées
et d’acquérir une véritable littératie numérique. « Véritable » dans le sens l’entendent Hoechsmann et
DeWaard (2015), à savoir non seulement l'acquisition d’un niveau fonctionnel minimal de compétences
techniques, mais bien plus largement, l’acquisition de la capacité à devenir des acteurs sociaux adaptés
à la numérisation du monde dans lequel ils se préparent à évoluer et à prendre leur place. Soit, encore,
acquérir une véritable citoyenneté numérique (Hoechsmann et DeWaard, 2015). Dans cette dynamique,
le Projet Up permet aux étudiants de construire les bases indispensables à l’acquisition d’une littératie
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numérique qui, par-delà la simple maitrise d’un outillage technique numérique, leur confère la capacité à
participer activement et efficacement à une société au sein de laquelle la numérisation est présente dans
tous les champs de l’existence socioprofessionnelle.
« Avant d’être dans le Projet Up, je me servais des réseaux sans trop réfléchir. Maintenant, je me
rends compte de tout ce à quoi ils peuvent me servir, pas seulement pour discuter avec les amis,
mais aussi pour faire passer mes idées, proposer des trucs utiles »;
« Avant pour moi, les réseaux, c’était surtout pour rigoler avec les potes. Maintenant, je m’en sers
pour plein d’autres choses. J’ai réalisé que je pouvais m’en servir aussi pour des choses plus
pros. »...
Pour terminer, en ce qui concerne les difficultés rencontrées et les actions mises en œuvre pour les
surmonter, mentionnons les principales qui se sont fait jour dans la conduite du Projet Up, du point de vue
de l’enseignante comme du point de vue des étudiants.
Pour l’enseignante, l’une des difficultés consiste à maintenir l’engagement et la motivation des étudiants,
aussi bien en présence qu’à distance, en respectant l’équilibre entre ces deux modalités. Il s’agit
également de gérer les individualités, les résistances et les freins manifestés par les étudiants. Durant les
activités en distanciel, la difficulté est de maintenir une attention, d’assurer un accompagnement et un
soutien de qualité à travers une « présence à distance » (Jézégou, 2010) crédible, sensible et perceptible.
Pour ce qui est du pilotage, l’enseignante doit s’assurer que la dynamique de projet et le recours aux outils
numériques (et aux productions multimédias) ne viennent pas phagocyter le travail sur l’écrit, objectif
majeur de la remédiation.
Chez les étudiants, nous identifions différentes difficultés revenant à plusieurs reprises dans nos relevés.
Parmi ces difficultés, les étudiants doivent parvenir à faire preuve de constance, d’assiduité et d’implication
alors même que le projet, facultatif, s’inscrit en sus des enseignements. Il n’est pas toujours facile, pour
eux, d’honorer l’engagement qu’ils ont contractualisé en début d’année et de suivre assidûment un projet
hybride, coûteux en temps et en énergie.
« Des fois, c’est pas facile de faire le Projet Up en plus des cours […] »;
« C’est dûr de tout gérer, les cours, le Projet Up, surtout quand les partiels arrivent »;
« Ça arrive qu’on soit sous l’eau entre les cours obligatoires et le Projet Up […] et qu’on voit pas
comment on va faire pour être partout en même temps »;
« Il y a des semaines on peut pas faire tout ce qu’on voudrait dans le Projet Up, parce qu’on
est coincés […] par exemple quand il y a les dossiers à rendre dans les cours obligatoires ».
Une autre difficulté relève de l’acclimatation à une pédagogie et à des technologies innovantes requérant
une certaine maitrise et impulsant de nouvelles façons d’apprendre, marquées notamment par l’alternance
de séances présentielles et distancielles.
« Ça met un petit temps de s’habituer à toutes les plateformes et à switcher d’une à l’autre »;
« Passer de Facebook à Drive et revenir à Facebook […] faire un document sur Drive et aller voter
sur Facebook […] ça se fait pas de suite […] mais après c’est bon quand même, on prend le
rythme »;
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« On a plusieurs plateformes […] maintenant on est rodés, on navigue partout dans les dossiers
de Drive, on pose des fichiers, tout ça; mais au début, on était moins à l’aise […] j’avais pas le
réflexe d’aller d’un à l’autre »;
« […] à la base, j’avais ni Drive ni Facebook donc j’ai créer des comptes et me mettre à la
page, j’ai eu plus de mal que les autres ».
Enfin, il s’agit, pour chaque étudiant impliqué dans ce projet collaboratif, de trouver sa place, d’exprimer
sa voix et de s’affirmer tout en respectant la diversité des points de vue dans un groupe-projet.
« Au début, j’étais pas rassurée parce que je suis hyper timide donc je savais pas si j’allais arriver
à trouver ma place dans l’agence »;
« Les brainstormings, c’est génial, parce que tout le monde dit son avis : après, le plus dur, c’est
de se faire entendre ».
Notons que dans le cadre du Projet Up, les choix de fonctionnement qui ont été décrits plus haut tentent
de fournir des pistes susceptibles de remédier aux freins et aux difficultés qui viennent d’être présentés.
Conclusion
La présente contribution interroge les mécanismes en jeu dans les dispositifs pédagogiques hybrides et,
plus précisément, ceux des dispositifs d’aide à la réussite mis en œuvre à l’université. Elle étudie
l’ingénierie pédagogique d’un dispositif d’aide à la réussite universitaire spécifique : la remédiation centrée
sur l’écrit, l’intégration et la réussite des étudiants en première année de Licence. Elle se centre tout
spécifiquement sur la remédiation en Information-communication que nous avons mise en œuvre en tant
que maître de conférences et ingénieure pédagogique au sein de l’Université Paul-Valéry (Montpellier III).
Nos statuts complémentaires nous permettent d’initier un point d’entrée analytique-pratique et un fructueux
dialogue de chercheur-praticien, convoquant une démarche ethnographique fondée sur le recueil et
l’analyse de matériaux de terrain (storyboards pédagogiques, journal de bord, comptes rendus de séances
et de réunions pédagogiques). Cette démarche nous permet d’explorer in vivo les mécanismes, les leviers
et les ressorts fonctionnels de l’ingénierie pédagogique mise en œuvre dans le cadre de ce dispositif, soit :
le pilotage pédagogique en mode conduite de projet « agile », l’apprentissage collaboratif, le
« (mé)tissage » et l’hybridation. Nous étayerons synthétiquement, infra, ces différents mécanismes.
Le dispositif de remédiation mobilise une logique de conduite de projet (Perrenoud, 2002) et une
dynamique de « learning by doing » (Dewey, 1968) pour conduire les étudiants à produire de l’écrit, à se
familiariser avec leur cursus et à s’y intégrer. En effet, les étudiants assurent l’organisation et la promotion
d’un événement mettant en lumière les travaux de leurs « aînés » (étudiants en troisième année de
Licence). Cette conduite de projet s’ancre dans une dynamique « agile » (Messager, 2013) qui privilégie
des modes de fonctionnement flexibles tels que la collaboration, l’auto-organisation, l’adaptation et
l’anticipation. En ancrant ainsi le dispositif de remédiation dans une dynamique d’apprentissage par projet
« agile », nous l’inscrivons simultanément dans le paradigme de la « communication engageante »
(Kiesler, 1971; Joule et Beauvois, 1998) : en effet, les étudiants sont encouragés à s’engager dans un
projet promotionnel et événementiel stimulant, identifié par un naming pédagogique valorisant (Projet Up).
Ce projet s’avère d’autant plus engageant qu’il contribue à une « spirale vertueuse » : en assurant la
promotion des travaux de leurs « aînés », les étudiants mettent en valeur une multitude de compétences
acquises dans le cadre de leur cursus et assurent simultanément la visibilité de leur département et de
leur établissement.
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l’ingénierie pédagogique créée s’adosse à une dynamique d’apprentissage collaboratif. En effet, les
étudiants engagés dans le « Projet Up » sont conduits à tisser différentes collaborations avec des acteurs
particulièrement hétérogènes dans et hors l’université : (1) des collaborations entre membres de l’agence
de communication junior ancrées dans la dynamique de « team flow » (Borderie, 2015), d’interdépendance
positive et de « (mé)tissage » des points de vue; (2) des collaborations avec l’enseignante, sur un mode
de fonctionnement « a-hiérarchique » inspiré de modalités managériales participatives qui envisagent la
relation enseignant/étudiant comme une collaboration horizontale et un partenariat pédagogique marqués
par l’interchangeabili des rôles, l’encouragement à la prise d’initiatives/de responsabilités et la
démocratisation de la décision; (3) des collaborations avec les étudiants « aînés et parrains » (troisième
année de Licence) qui entendent susciter des liens interpromotions stimulants, susceptibles de favoriser
tout à la fois l’intégration des L1 et leur attachement aux études entreprises; (4) enfin, des collaborations
avec des enseignants, des membres du personnel administratif et des partenaires extérieurs (sponsors,
mécènes...) qui favorisent une acculturation à l’environnement universitaire et un réseautage stratégique
(au-delà du microcosme universitaire) propices à la réussite et à l’intégration des étudiants. Ces différentes
collaborations sont pensées comme des modalités visant à faciliter l’acquisition de compétences
collaboratives indispensables pour leur poursuite d’études et leur devenir socioprofessionnel.
Les différentes collaborations ainsi impulsées contribuent à un « (mé)tissage » de disciplines
23
, dans la
mesure le projet conduit les étudiants à aller glaner, dans différents départements et disciplines, les
éléments utiles à l’atteinte collective de leurs objectifs. Elles favorisent par ailleurs un « (mé)tissage » de
personnalités, dexpériences et de compétences d’acteurs particulièrement hétérogènes (étudiants,
enseignants, personnels administratifs, acteurs économiques…).
Plus globalement, les collaborations et les « (mé)tissages » pointés dans la présente contribution semblent
dépendants et consubstantiels de l’hybridation du dispositif. En effet, l’hybridation du dispositif, par
l’intermédiaire de différentes plateformes (Facebook, Messenger, Whatsapp, Google Drive), semble
constituer un socle permettant tout à la fois : (1) d’assurer différentes modalités pédagogiques permettant
d’amplifier l’apprentissage : présentiel enrichi, travail distanciel synchrone et asynchrone, présence à
distance (Jézégou, 2010); (2) de mettre en place les collaborations hétérogènes et les « (mé)tissages »
particulièrement denses induits par le pilotage en mode projet « agile »; (3) d’acculturer les étudiants à
des pratiques numérisées et à des littératies numériques (Hoechsmann et DeWaard, 2015) indispensables
à leur devenir.
Ainsi, les différents résultats obtenus introduisent la fécondi des pédagogies innovantes
-
dont
l’écosystème articule conduite de projet « agile », apprentissage collaboratif et « (mé)tissages »
-
dans la
mise en œuvre de dispositifs d’accompagnement et d’aide à la réussite. Ils pointent notamment les
opportunités qu’offre ce type de pédagogie pour ludiciser l’activité d’écriture, sensibiliser à des pratiques
académiques et professionnelles, et ainsi favoriser tout à la fois l’intégration et la réussite des étudiants.
Ces résultats soulignent par ailleurs la fertili de l’hybridation, de la médiation et de la médiatisation
(Peraya et Papi, 2018) pour la mise en œuvre de ce type de pédagogie innovante.
Ces pistes s’avèrent particulièrement fécondes pour étudier d’autres situations d’apprentissage et d’autres
dispositifs pédagogiques dans d’autres établissements et disciplines, du fait même du caractère
fondamentalement transdisciplinaire de nos propositions. En effet, l’étude présentée dans le cadre de cette
contribution ainsi que les premiers résultats relevés en amorçant une réflexion sur les effets des ingénieries
pédagogiques projectives, collaboratives et hybrides sur les apprentissages des étudiants ouvrent un
ensemble de perspectives scientifiques qui mériteraient, selon nous, d’être investies.
23
(Mé)tissage : néologisme convoqué dans la présente communication, afin d'esquisser un trait d’union entre, d’une part, les tissages initiés
dans le cadre du dispositif et, d’autre part, les métissages qui en résultent.
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« On a plusieurs plateformes […] maintenant on est rodés, on navigue partout dans les dossiers
de Drive, on pose des fichiers, tout ça; mais au début, on était moins à l’aise […] j’avais pas le
réflexe d’aller d’un à l’autre »;
« […] à la base, j’avais ni Drive ni Facebook donc j’ai créer des comptes et me mettre à la
page, j’ai eu plus de mal que les autres ».
Enfin, il s’agit, pour chaque étudiant impliqué dans ce projet collaboratif, de trouver sa place, d’exprimer
sa voix et de s’affirmer tout en respectant la diversité des points de vue dans un groupe-projet.
« Au début, j’étais pas rassurée parce que je suis hyper timide donc je savais pas si j’allais arriver
à trouver ma place dans l’agence »;
« Les brainstormings, c’est génial, parce que tout le monde dit son avis : après, le plus dur, c’est
de se faire entendre ».
Notons que dans le cadre du Projet Up, les choix de fonctionnement qui ont été décrits plus haut tentent
de fournir des pistes susceptibles de remédier aux freins et aux difficultés qui viennent d’être présentés.
Conclusion
La présente contribution interroge les mécanismes en jeu dans les dispositifs pédagogiques hybrides et,
plus précisément, ceux des dispositifs d’aide à la réussite mis en œuvre à l’université. Elle étudie
l’ingénierie pédagogique d’un dispositif d’aide à la réussite universitaire spécifique : la remédiation centrée
sur l’écrit, l’intégration et la réussite des étudiants en première année de Licence. Elle se centre tout
spécifiquement sur la remédiation en Information-communication que nous avons mise en œuvre en tant
que maître de conférences et ingénieure pédagogique au sein de l’Université Paul-Valéry (Montpellier III).
Nos statuts complémentaires nous permettent d’initier un point d’entrée analytique-pratique et un fructueux
dialogue de chercheur-praticien, convoquant une démarche ethnographique fondée sur le recueil et
l’analyse de matériaux de terrain (storyboards pédagogiques, journal de bord, comptes rendus de séances
et de réunions pédagogiques). Cette démarche nous permet d’explorer in vivo les mécanismes, les leviers
et les ressorts fonctionnels de l’ingénierie pédagogique mise en œuvre dans le cadre de ce dispositif, soit :
le pilotage pédagogique en mode conduite de projet « agile », l’apprentissage collaboratif, le
« (mé)tissage » et l’hybridation. Nous étayerons synthétiquement, infra, ces différents mécanismes.
Le dispositif de remédiation mobilise une logique de conduite de projet (Perrenoud, 2002) et une
dynamique de « learning by doing » (Dewey, 1968) pour conduire les étudiants à produire de l’écrit, à se
familiariser avec leur cursus et à s’y intégrer. En effet, les étudiants assurent l’organisation et la promotion
d’un événement mettant en lumière les travaux de leurs « aînés » (étudiants en troisième année de
Licence). Cette conduite de projet s’ancre dans une dynamique « agile » (Messager, 2013) qui privilégie
des modes de fonctionnement flexibles tels que la collaboration, l’auto-organisation, l’adaptation et
l’anticipation. En ancrant ainsi le dispositif de remédiation dans une dynamique d’apprentissage par projet
« agile », nous l’inscrivons simultanément dans le paradigme de la « communication engageante »
(Kiesler, 1971; Joule et Beauvois, 1998) : en effet, les étudiants sont encouragés à s’engager dans un
projet promotionnel et événementiel stimulant, identifié par un naming pédagogique valorisant (Projet Up).
Ce projet s’avère d’autant plus engageant qu’il contribue à une « spirale vertueuse » : en assurant la
promotion des travaux de leurs « aînés », les étudiants mettent en valeur une multitude de compétences
acquises dans le cadre de leur cursus et assurent simultanément la visibilité de leur département et de
leur établissement.
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