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Développement professionnel, réseaux, communautés
d’apprentissage
Le développement professionnel des enseignants (DPE)
Le développement professionnel touche aux savoirs disciplinaires, curriculaires et d’expérience (Tardif,
Lessard et Lahaye, 1991), aux savoir-agir stratégiques (Uwamariya et Mukamurera, 2005), mais
également à l’identité (Kaddouri, 2011; Marcel, 2005), à l’engagement individuel et collectif (Lameul, Peltier
et Charlier, 2014) ainsi qu’aux progrès dans les apprentissages et à la réussite scolaire des élèves
(Dionne, Lemyre et Savoie-Zajc, 2010; Leclerc et Labelle, 2013). Au regard de ces travaux, nous
considèrerons le développement professionnel comme un processus individuel, structuré socialement, de
changement de pratiques et d’acquisition progressive de compétences reconnues par la personne elle-
même et par la communauté professionnelle dans laquelle la personne prend une part active et s’engage
en vue d’améliorer l’apprentissage et la réussite scolaire des élèves.
Que savons-nous sur le lien entre la participation à un collectif en ligne et le développement professionnel?
Dès la fin des années 90, des recherches ont concerné les effets des échanges électroniques sur les
apprenants (Koschmann, 1996; Scardamalia et Bereiter, 1994) et sur les enseignants (Laferrière, 2001).
Avec l’apparition des réseaux sociaux, les travaux se sont multipliés en Amérique du Nord où la notion de
communauté éducative constitue une valeur importante, mais également en Europe (Daele, 2013).
Wenger, Trayner et De Laat (2011) distinguent deux grandes catégories de collectifs en ligne, les réseaux
d’apprentissage professionnels (Professional Learning Networks, PLN) et les communautés
d’apprentissage professionnelles (Professional Learning communities, PLC), en considérant que ce qui
distingue les PLC des PNL, c’est le développement, dans les secondes, de valeurs et d’une identité
partagée autour d’un sujet ou d’un ensemble de défis. Quentin (2014) utilise les métaphores du bac à
sable et de la ruche pour caractériser deux types différents de collectifs en ligne, qu’elle situe aux
extrémités d’un continuum. Les collectifs représentatifs du type bac à sable seraient à classer dans les
PNL, ceux du type de la ruche, dans les communautés
1
.
Effets des réseaux d’apprentissage professionnels sur le DPE
Trust, Krutka et Carpenter (2016) postulent que les réseaux professionnels d’enseignants sont des
systèmes d’interactions complexes et personnalisés, composés de personnes, de ressources et d’outils
numériques qui favorisent l’apprentissage continu et la croissance professionnelle. Caviale et Bruillard
(2009) ainsi que Vangrieken, Meredith, Packer et Kyndt (2017) relativisent toutefois ces effets et montrent
que les réseaux qui répondent à une commande institutionnelle et sont pilotés par un expert favorisent la
transmission d’informations institutionnelles, mais ne constituent pas des lieux véritables de collaboration
ou de discussion sur les pratiques. Ces réseaux fonctionnent avec des règles souples et souvent implicites;
ce sont des espaces dans lesquels une minorité d’enseignants donnent à voir leur pratique professionnelle.
Dans ce type de collectif, Quentin (2014) observe qu’il n’y a pas de véritable collaboration, mais une
juxtaposition d’idées, sans tâche collaborative ni langage partagé par le groupe. Dans une autre recherche,
Quentin (2019) analyse des comptes Twitter d’enseignants et conclut que le fonctionnement de Twitter,
caractérisé par la brièveté des messages, par l’autopromotion et par la présence de trolls
2
, ne favorise pas
Quentin (2014) rappelle toutefois que « l’étude des réseaux professionnels en ligne est une affaire délicate (car) il s’agit en effet d’organisations
complexes, protéiformes et en évolution perpétuelle » (p. 2). Baron et Zablot (2017) mentionnent qu’il existe une perméabilité entre ce qui est
de l’ordre de la communauté et de ce qui relève du réseau social.
Terme emprunté à la mythologie scandinave : être malveillant. Par extension, utilisateurs qui critiquent violemment d’autres utilisateurs sur les
réseaux sociaux.
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Développement professionnel, réseaux, communautés
d’apprentissage
Le développement professionnel des enseignants (DPE)
Le développement professionnel touche aux savoirs disciplinaires, curriculaires et d’expérience (Tardif,
Lessard et Lahaye, 1991), aux savoir-agir stratégiques (Uwamariya et Mukamurera, 2005), mais
également à l’identité (Kaddouri, 2011; Marcel, 2005), à l’engagement individuel et collectif (Lameul, Peltier
et Charlier, 2014) ainsi qu’aux progrès dans les apprentissages et à la réussite scolaire des élèves
(Dionne, Lemyre et Savoie-Zajc, 2010; Leclerc et Labelle, 2013). Au regard de ces travaux, nous
considèrerons le développement professionnel comme un processus individuel, structuré socialement, de
changement de pratiques et d’acquisition progressive de compétences reconnues par la personne elle-
même et par la communauté professionnelle dans laquelle la personne prend une part active et s’engage
en vue d’améliorer l’apprentissage et la réussite scolaire des élèves.
Que savons-nous sur le lien entre la participation à un collectif en ligne et le développement professionnel?
Dès la fin des années 90, des recherches ont concerné les effets des échanges électroniques sur les
apprenants (Koschmann, 1996; Scardamalia et Bereiter, 1994) et sur les enseignants (Laferrière, 2001).
Avec l’apparition des réseaux sociaux, les travaux se sont multipliés en Amérique du Nord où la notion de
communauté éducative constitue une valeur importante, mais également en Europe (Daele, 2013).
Wenger, Trayner et De Laat (2011) distinguent deux grandes catégories de collectifs en ligne, les réseaux
d’apprentissage professionnels (Professional Learning Networks, PLN) et les communautés
d’apprentissage professionnelles (Professional Learning communities, PLC), en considérant que ce qui
distingue les PLC des PNL, c’est le développement, dans les secondes, de valeurs et d’une identité
partagée autour d’un sujet ou d’un ensemble de défis. Quentin (2014) utilise les métaphores du bac à
sable et de la ruche pour caractériser deux types différents de collectifs en ligne, qu’elle situe aux
extrémités d’un continuum. Les collectifs représentatifs du type bac à sable seraient à classer dans les
PNL, ceux du type de la ruche, dans les communautés
.
Effets des réseaux d’apprentissage professionnels sur le DPE
Trust, Krutka et Carpenter (2016) postulent que les réseaux professionnels d’enseignants sont des
systèmes d’interactions complexes et personnalisés, composés de personnes, de ressources et d’outils
numériques qui favorisent l’apprentissage continu et la croissance professionnelle. Caviale et Bruillard
(2009) ainsi que Vangrieken, Meredith, Packer et Kyndt (2017) relativisent toutefois ces effets et montrent
que les réseaux qui répondent à une commande institutionnelle et sont pilotés par un expert favorisent la
transmission d’informations institutionnelles, mais ne constituent pas des lieux véritables de collaboration
ou de discussion sur les pratiques. Ces réseaux fonctionnent avec des règles souples et souvent implicites;
ce sont des espaces dans lesquels une minorité d’enseignants donnent à voir leur pratique professionnelle.
Dans ce type de collectif, Quentin (2014) observe qu’il n’y a pas de véritable collaboration, mais une
juxtaposition d’idées, sans tâche collaborative ni langage partagé par le groupe. Dans une autre recherche,
Quentin (2019) analyse des comptes Twitter d’enseignants et conclut que le fonctionnement de Twitter,
caractérisé par la brièveté des messages, par l’autopromotion et par la présence de trolls
1
Quentin (2014) rappelle toutefois que « l’étude des réseaux professionnels en ligne est une affaire délicate (car) il s’agit en effet d’organisations
complexes, protéiformes et en évolution perpétuelle » (p. 2). Baron et Zablot (2017) mentionnent qu’il existe une perméabilité entre ce qui est
de l’ordre de la communauté et de ce qui relève du réseau social.
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Terme emprunté à la mythologie scandinave : être malveillant. Par extension, utilisateurs qui critiquent violemment d’autres utilisateurs sur les
réseaux sociaux.
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la construction collective d’idées ou de connaissances.
Selon les études, les effets des réseaux d’apprentissage professionnels apparaissent très variables. Ils
varient également d’un participant à l’autre. Ils concernent aussi bien le soutien moral et affectif que l’apport
de ressources ou de stratégies d’enseignement. Cette participation aurait toutefois des effets limités sur
le développement professionnel de ses membres du fait de l’absence d’élaboration collective ou de
discussions approfondies sur les pratiques ou sur les apprentissages des élèves.
Effets des communautés d’apprentissage professionnelles sur le DPE
Les travaux sur les communautés d’apprentissage se réfèrent aux théories de Wenger (1998), pour qui
une communauté de pratique est un groupe qui interagit, apprend ensemble, construit des relations et, à
travers ces processus, développe un sentiment d’appartenance et d’engagement mutuel.
Vangrieken, Meredith, Packer et Kyndt (2017) identifient deux types de communautés susceptibles de
favoriser le DPE : la communauté orientée et la communauté formative. Les communautés orientées fixent
préalablement les buts et l’organisation de travail. Dans ce type de collectif, les objectifs sont de permettre
d’échanger sur les conceptions et les pratiques, de partager des informations et des ressources, et de
discuter des stratégies d’enseignement et des apprentissages de leurs élèves en vue de les faire
progresser. À l’inverse, dans les communautés formatives, les objectifs et les modalités de travail
s’élaborent et se négocient en fonction des attentes et des besoins des membres.
Proches des communautés orientées, les collectifs qu’on pourrait décrire comme appartenant au type
ruche, comme Sésamath
(Quentin, 2014), imposent des règles strictes de fonctionnement; les tâches
sont clairement réparties et planifiées entre les membres qui doivent respecter leurs engagements.
Contrairement au « bac à sable » où la promotion des individus est importante, ici c’est le groupe qui
prime.
La participation à ces communautés d’apprentissage « orientées » favoriserait la motivation, l’estime et la
confiance en soi, le sentiment d’efficacité personnelle et l’engagement dans le métier (Peters et Savoie-
Zajc, 2013), sur la durée (Lantheaume, 2016). Elle apporterait un soutien émotionnel important et un
encouragement à la prise de risque (Lantz-Andersson, Lundin et Selwyn, 2018). Elle enrichirait le
répertoire des stratégies d’enseignement plus centrées sur les élèves et permettrait un meilleur alignement
entre le curriculum réel et le curriculum caché (Vangrieken et al., 2017). L’engagement dans de telles
communautés favoriserait donc le développement professionnel.
Communautés et obstacles au DPE
D’autres études expriment à l’inverse des réserves sur la capacité de ces communautés à favoriser le
développement professionnel des enseignants.
Le premier obstacle est relatif à la nature et à l’intensité de la participation, qui conditionnent le succès
d’une communauté selon Wenger (1998). Les travaux pointent de nombreux freins, liés à la taille de la
communauté (Drot-Delange, 2001), aux statuts des membres (Caviale et Bruillard, 2009) et au manque
d’ancienneté dans la communauté (Audran et Simonian, 2009). Le second obstacle est relatif à la difficulté
des enseignants à exposer leurs pratiques et à développer des interactions à partir de celles-ci.
https://www.sesamath.net/