
revue-mediations.teluq.ca No. 4, 2020
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communion qu’elle ne retrouve pas dans les câbles et les signaux, mais dans sa condition
humaine même. Dans The Marvelous Clouds: Toward a Philosophy of Elemental Media, il
invite les lecteurs à étendre leur conception des médias au-delà des seuls médias de masse.
François Cooren, professeur de communication à l’Université de Montréal, a profité d’une
conférence de John Durham Peters donnée à l’occasion du 40
e
anniversaire de son
département pour s’entretenir avec lui au sujet de sa conception de la communication. Les
deux hommes discutent notamment de la nécessité de dépasser l’opposition entre le monde
apparemment immatériel de la communication et le monde matériel qu’elle représenterait.
Benjamin Peters, professeur adjoint à l’université de Tulsa, en Oklahoma, les accompagne en
partageant son intérêt pour les régimes spatiaux, temporels et de pouvoir qui se tissent autour
des médias numériques.
Mots-clés :
médias, philosophie de la communication, matérialité, dialogue, dissémination
ABSTRACT
John Durham Peters, professor of English and of Film and Media Studies at Yale University,
is known for his work on the history of media and communication. His first book, Speaking into
the air: A history of the idea of communication, gained worldwide fame thanks to its
transdisciplinary outlook on humanity’s thirst for communion, which it finds not in cables and
signals, but in its very human condition. In The Marvelous Clouds: Toward a Philosophy of
Elemental Media, he invites readers to expand their understanding of media beyond mass
media. François Cooren, professor at Université de Montréal’s Department of communication,
invited John Durham Peters to give a presentation for the department’s 40
th
anniversary and
took the occasion to discuss with him about his conception of communication. The two men
exchange their views, among others, on the need to get past the separation between an
apparently immaterial realm of communication and the material world it would merely
represent. Benjamin Peters, assistant professor at the University of Tulsa, Oklahoma, joins
them and shares his interest in how digital media intersects with regimes of space, time, and
power.
Keywords:
media, philosophy of communication, materiality, dialogue, dissemination
RESUMEN
John Durham Peter, profesor de inglés y de estudios cinematográficos y mediáticos a la
universidad Yale, es conocido por su trabajo en la historia de los medios y de la comunicación.
Su primer libro, Speaking into the air: A history of the idea of communication, ganó fama
mundial gracias a su visión transdisciplinaria de la sed de comunión de la humanidad, que no
se encuentra en los cables y las señales, sino en su misma condición humana. François
Cooren, profesor del Departamento de Comunicación de la Universidad de Montreal, invitó a
John Durham Peters a hacer una presentación para el 40 aniversario del departamento y
aprovechó la ocasión para discutir con él sobre su concepción de la comunicación. Los dos
hombres intercambiaron sus puntos de vista, entre otros, sobre la necesidad de superar la
separación entre una comunicación aparentemente inmaterial y el mundo material que sólo
representaría. Benjamin Peters, profesor adjunto de la Universidad de Tulsa, Oklahoma, se
une a ellos y comparte su interés por la forma en que los medios digitales se cruzan con los
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regímenes del espacio, el tiempo y el poder.
Palabras clave:
medios, filosofía de la comunicación, materialidad, diálogo, diseminación
John Durham Peters est le professeur d’anglais Maria Rosa Menocal et professeur d’études
cinématographiques et médiatiques à l’université Yale. Il a rejoint cette institution en 2017, après avoir
enseigné trente ans à l’université de l’Iowa. Il est connu pour ses travaux sur l’histoire des médias et de la
communication. Son premier livre, Speaking into the air: A history of the idea of communication (1999,
University of Chicago Press), a connu un succès mondial grâce à son regard transdisciplinaire sur la soif
de l’humanité pour une communion qu’elle ne retrouve pas dans les câbles et les signaux, mais dans sa
condition humaine même. L’ouvrage nous guide dans un parcours à la fois philosophique, religieux,
littéraire et sociologique, commençant avec Socrate et Jésus, jusqu’à William James et Kafka. Plus
récemment, et parmi de nombreux autres travaux, Peters a écrit un autre livre provocateur, The Marvelous
Clouds: Toward a Philosophy of Elemental Media (2015, University of Chicago Press), où il invite les
lecteurs à étendre leur conception des médias au-delà des seuls médias de masse. En rejetant la
distinction entre les « nouveaux » médias et les plus anciens, et entre la nature et la technologie, Peters
situe les médias dans des pratiques, plutôt que dans le support lui-même.
À l’occasion du 40
e
anniversaire du département de communication de l’Université de Montréal, son
directeur François Cooren a invité John Durham Peters à y donner une conférence et a profité de l’occasion
pour s’entretenir avec lui au sujet de sa conception de la communication, entretien que nous reproduisons
ici. Cooren, entre autres distinctions et fonctions, est un ancien président de l’International Communication
Association et un ancien rédacteur en chef de la revue Communication Theory, ainsi qu’un Distinguished
Scholar de la National Communication Association. Il a également écrit sur la nécessité de répudier la soi-
disant « bifurcation de la nature » qui sépare le monde apparemment immatériel de la communication du
monde matériel qu’elle ne ferait que représenter. En reconnaissant que la communication est aussi
matérielle et, de manière liée, qu’elle n’est pas réservée aux seuls humains, on peut rendre compte de la
façon dont la communication participe à la constitution de nos collectifs et de notre socialité (Cooren, 2000,
2013, 2015).
John et François sont accompagnés de Benjamin Peters, qui est le professeur adjoint d’études
médiatiques Hazel Rogers, ainsi que le directeur du département d’études médiatiques de l’université de
Tulsa, en Oklahoma, et qui est aussi, incidemment, le fils de John. Ben a un intérêt pour les régimes
spatiaux, temporels et de pouvoir qui se tissent autours des médias, et en particulier, les médias
numériques.
François : Merci d’être là. Je pense qu’il est bien que nous puissions avoir un dialogue réflexif sur ce qui
nous intéresse. Une chose que j’ai beaucoup aimée dans Speaking into the Air, c’est le fait que vous y
reconnaissez deux traditions d’études communicationnelles. Vous appelez les représentants de la
première les Dialoguiens et, bien que nous n’employiez pas le mot, j’appellerais les représentants de la
seconde les Disséminateurs.
John : Oui, c’est votre innovation!
François : Une chose intéressante que vous faites, c’est d’associer les Dialoguiens avec Socrate et les
Disséminateurs avec Jésus, tous deux étant des sortes d’incarnation de ces deux traditions respectives.