Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
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Lesprojetsdeformationàdistance:
vecteursdeconflitsenmilieudetravail?
Distanceeducationprojects:vectorsofconflictsinthe
workplace?
Proyectosdeeducaciónadistancia:¿vectoresdeconflictoenel
lugardetrabajo?
Natalie Bourcier, M. A., chargée de projets
SOFAD, Canada
bourciern@sofad.qc.ca
Josianne Basque, chercheuse régulière et professeure associée
Institut LICEF, Université TÉLUQ, Canada
josianne.basque@teluq.ca
RÉSUMÉ
L’élaboration de formations à distance constitue une tâche complexe d’ingénierie
pédagogique comportant de nouveaux défis pédagogiques, technologiques et
organisationnels. Les pratiques de travail se développent graduellement en ce domaine, mais
demeurent encore peu établies dans les divers milieux s’y adonnant. Ce contexte de travail
est-il susceptible de favoriser l’émergence de conflits au sein des équipes de travail? Nous
avons cherché à répondre à cette question en menant un sondage en ligne auquel ont répondu
80 professionnels ayant participé, à divers titres et dans divers milieux, à des projets de
conception de formations à distance. Les résultats révèlent que des situations conflictuelles y
sont effectivement observées. Ils fournissent un éclairage sur leur fréquence, sur les objets
sur lesquels elles ont porté ainsi que sur leurs effets. Ces situations conflictuelles, si elles sont
mal gérées, sont susceptibles de compromettre la qualité des formations à distance.
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Mots-clés
: formation à distance, formation en ligne, conception pédagogique, ingénierie
pédagogique, conflits en milieu de travail, gestion de conflits
ABSTRACT
The development of distance learning is a complex instructional engineering task involving
new pedagogical, technological and organizational challenges. Work practices are gradually
developing in this field but are still not well established in many settings engaged in it. Is this
work context likely to foster the emergence of conflicts within work teams? We sought to
answer this question by conducting an online survey that has been completed by 80
professionals who have participated in online distance learning design projects in various
settings. The results reveal that conflict situations are indeed observed and shed light on their
frequency, the objects they have focused on, and their observed effects. If poorly managed,
these conflict situations are likely to compromise the quality of distance learning.
Keywords: distance education, online learning, instructional design, instructional engineering,
conflict in the workplace, conflict management
RESUMEN
El desarrollo de la educación a distancia es una tarea compleja de ingeniería pedagógica con
nuevos retos pedagógicos, tecnológicos y organizativos. Las prácticas de trabajo se están
desarrollando gradualmente en este campo, pero todavía no están bien establecidas en los
entornos que se dedican a ello. ¿Es probable que este contexto laboral fomente la aparición
de conflictos en los equipos de trabajo? Tratamos de responder a esta pregunta realizando
una encuesta en línea a 80 profesionales que han participado, en diversas capacidades y en
diversos entornos, en proyectos de diseño de educación a distancia. Los resultados revelan
efectivamente la existencia de situaciones de conflicto y arrojan luz sobre su frecuencia, los
elementos en los que se han centrado y sus efectos observados. Estas situaciones de
conflicto, si se gestionan mal, pueden comprometer la calidad de la enseñanza a distancia.
Palabras clave: educación a distancia, entrenamiento en nea, diseño de instrucción, ingeniería
de instrucción, conflicto en el lugar de trabajo, manejo de conflictos
Introduction
Avec l’évolution des technologies numériques, la formation à distance (FAD) en ligne s’est rapidement
répandue au cours des dernières années sous une variété de formes tant dans les milieux d’éducation
formelle que dans les milieux de travail et dans les démarches personnelles d’« apprentissage à vie ». La
conception, le développement, l’évaluation et l’implantation de ces environnements numériques
d’apprentissage et d’enseignement constituent une tâche complexe d’ingénierie pédagogique, qui
comporte de nouveaux défis pédagogiques, technologiques et organisationnels. Les situations rapportées
par des conseillers et ingénieurs pédagogiques engagés dans des projets de formation en ligne en milieu
universitaire dans l’ouvrage de Potvin, Power et Ronchi (2014) permettent de prendre la mesure des
nombreux défis et difficultés auxquels ces professionnels sont confrontés. Lorsqu’il s’agit de projets d’une
certaine ampleur, des équipes de travail composées de personnes détenant des expertises et fonctions
variées doivent généralement être constituées : concepteurs pédagogiques (appelés aussi ingénieurs
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Mots-clés
: formation à distance, formation en ligne, conception pédagogique, ingénierie
pédagogique, conflits en milieu de travail, gestion de conflits
ABSTRACT
The development of distance learning is a complex instructional engineering task involving
new pedagogical, technological and organizational challenges. Work practices are gradually
developing in this field but are still not well established in many settings engaged in it. Is this
work context likely to foster the emergence of conflicts within work teams? We sought to
answer this question by conducting an online survey that has been completed by 80
professionals who have participated in online distance learning design projects in various
settings. The results reveal that conflict situations are indeed observed and shed light on their
frequency, the objects they have focused on, and their observed effects. If poorly managed,
these conflict situations are likely to compromise the quality of distance learning.
Keywords: distance education, online learning, instructional design, instructional engineering,
conflict in the workplace, conflict management
RESUMEN
El desarrollo de la educación a distancia es una tarea compleja de ingeniería pedagógica con
nuevos retos pedagógicos, tecnológicos y organizativos. Las prácticas de trabajo se están
desarrollando gradualmente en este campo, pero todavía no están bien establecidas en los
entornos que se dedican a ello. ¿Es probable que este contexto laboral fomente la aparición
de conflictos en los equipos de trabajo? Tratamos de responder a esta pregunta realizando
una encuesta en línea a 80 profesionales que han participado, en diversas capacidades y en
diversos entornos, en proyectos de diseño de educación a distancia. Los resultados revelan
efectivamente la existencia de situaciones de conflicto y arrojan luz sobre su frecuencia, los
elementos en los que se han centrado y sus efectos observados. Estas situaciones de
conflicto, si se gestionan mal, pueden comprometer la calidad de la enseñanza a distancia.
Palabras clave: educación a distancia, entrenamiento en nea, diseño de instrucción, ingeniería
de instrucción, conflicto en el lugar de trabajo, manejo de conflictos
Introduction
Avec l’évolution des technologies numériques, la formation à distance (FAD) en ligne s’est rapidement
répandue au cours des dernières années sous une variété de formes tant dans les milieux d’éducation
formelle que dans les milieux de travail et dans les démarches personnelles d’« apprentissage à vie ». La
conception, le développement, l’évaluation et l’implantation de ces environnements numériques
d’apprentissage et d’enseignement constituent une tâche complexe d’ingénierie pédagogique, qui
comporte de nouveaux défis pédagogiques, technologiques et organisationnels. Les situations rapportées
par des conseillers et ingénieurs pédagogiques engagés dans des projets de formation en ligne en milieu
universitaire dans l’ouvrage de Potvin, Power et Ronchi (2014) permettent de prendre la mesure des
nombreux défis et difficultés auxquels ces professionnels sont confrontés. Lorsqu’il s’agit de projets d’une
certaine ampleur, des équipes de travail composées de personnes détenant des expertises et fonctions
variées doivent généralement être constituées : concepteurs pédagogiques (appelés aussi ingénieurs
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pédagogiques ou encore technopédagogues), conseillers pédagogiques, experts de contenu (appelés
aussi experts de la matière), gestionnaires de projet, analystes informatiques, intégrateurs web,
graphistes, etc. Les rôles et responsabilités des concepteurs pédagogiques varient d’un projet à l’autre et
sont souvent méconnus ou mal compris (Richardson et al., 2019; Schwier et Wilson, 2010; You et
Teclehaimanot, 2010). De plus, les projets de FAD requièrent de développer de nouvelles méthodes de
travail qui doivent souvent être ajustées en cours de projet. Il s’agit là d’un ensemble de facteurs
susceptibles de susciter des résistances et potentiellement des conflits au sein des équipes de travail.
Comme le souligne Cormier (2011), une complexification accrue des tâches dans les milieux de travail
requiert une forte interdépendance entre les travailleurs et constitue ainsi un facteur pouvant générer des
conflits interpersonnels.
Les recensions de recherches effectuées par Basque, Zakorovotnaya et Bourcier (2014) et par Sugar
(2014) sur les pratiques des concepteurs pédagogiques révèlent que les chercheurs se sont intéressés
aux tâches les plus souvent réalisées par ces derniers, à leur processus de prise décision, aux théories
sous-tendant leurs décisions, à leurs conceptions de l’enseignement et de l’apprentissage, à leurs
pratiques de collaboration, aux rôles qu’on leur attribue, aux différences entre les experts et les novices
dans l’exercice du métier de même qu’aux compétences requises, acquises et à développer pour l’exercer.
Aucune recherche portant sur les situations conflictuelles vécues par ces praticiens de la conception
pédagogique et l’ensemble des autres acteurs engagés dans des projets de FAD n’a été recensée. Afin
de contribuer à combler ce besoin de recherche, nous rapportons les résultats d’un sondage en ligne mené
sur le sujet auprès de professionnels ayant participé à l’élaboration de formations à distance.
1. Cadre de référence
Dans les écrits en communication organisationnelle, le conflit en contexte de travail est défini en tant
qu’une incompatibilité de buts, d’intérêts, de besoins, de perceptions ou de valeurs (Deutsch, 1973, cité
dans Cormier, 2011). Il s’engage lorsqu’une partie perçoit que l’autre partie est sur le point de contrecarrer
ses intérêts (Thomas et Kilman, 1974). Mastenbroek (1987, cité dans Cormier, 2011) distingue trois
composantes au conflit : son objet, le pouvoir et l’émotion. L’objet du conflit correspond au contenu du
conflit : il concerne la tâche elle-même, le processus ou encore la méthode appliquée pour réaliser la
tâche. Les composantes du pouvoir et de l’émotion correspondent à ce qui est vécu dans le conflit. Le
pouvoir, qui est présent à divers degrés dans toute relation, fait référence à « l’habileté à obtenir ce que
l’on veut dans l’environnement compte tenu de ce qui est disponible » (Cormier, 2011, p. 11). Il détermine
les approches que peuvent privilégier les parties impliquées pour dénouer le conflit. Quant à la composante
de l’émotion, elle fait référence à « une constellation de réponses de forte intensité qui comportent des
manifestations expressives, physiologiques et subjectives typiques » chez la personne en situation de
conflit (Bloch et al., 2002, p, 422).
Cormier (2011) différencie, d’une part, les conflits cognitifs centrés sur l’objet du conflit, dans lesquels les
enjeux de pouvoir et les émotions sont relativement faibles et, d’autre part, les conflits relationnels dans
lesquels le pouvoir et l’émotion jouent un rôle plus déterminant que l’objet du conflit. Les conflits
interpersonnels peuvent évoluer en conflits relationnels quand ils mettent en cause les droits, les intérêts
et les valeurs des individus. Ces conflits relationnels portent atteinte à lidentité provoquant des émotions
comme le blâme, la colère ou des sentiments négatifs. Les effets négatifs de ce type de conflit sont
nombreux : atteinte de manière réelle ou anticipée à l’intégriprofessionnelle, psychologique, morale,
physique ou financière, stress, blessure d’amour-propre, atteinte à l’estime de soi, liens brisés et
établissement d’un climat de méfiance. Dans un conflit relationnel, la perception des différences entre les
parties est stimulée au détriment des similitudes (Cormier, 2011). Les parties s’engagent dans un
processus de compétition plutôt que de collaboration. S’il n’est pas démontré que les conflits relationnels
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affectent la performance individuelle, ils peuvent toutefois agir négativement sur le climat organisationnel
et le rendement des équipes (Cormier, 2011). Ils peuvent également se solder par une augmentation du
taux de roulement des employés et engendrer des coûts financiers pour les organisations (Foucher et
Thomas, 1991). Les conflits non gérés ou mal gérés risquent de renaître, d’absorber encore plus de temps
de travail (Cormier, 2011; Thomas, 1992) et d’entraîner des coûts organisationnels et individuels.
Quant aux conflits cognitifs, des études montrent qu’ils peuvent avoir une incidence positive sur la
performance des individus s’ils sont bien gérés (Cormier, 2011; Foucher et Thomas, 1991). Ils servent
alors à la confrontation des idées et conduisent à l’adoption de décisions plus créatives et plus efficaces
(Thomas, 1992). Ils peuvent également favoriser la créativité et l’innovation tout en suscitant une réflexion
sur les rapports de pouvoir et les normes d’un groupe de travail (Coser, 1965; Cormier, 2011).
2. Méthodologie
La population visée dans notre sondage était constituée de professionnels ayant œuvré à au moins un
projet de conception d’une FAD, et ce, peu importe le secteur d’emploi (scolaire, académique, entreprise,
fonction publique). L’invitation à participer au sondage a été diffusée aux membres de deux associations
professionnelles canadiennes, soit le REFAD
1
(Réseau d’enseignement et de formation à distance) qui
compte 390 adresses courriel dans sa liste d’envoi et 500 relations dans son groupe LinkedIn ainsi que
l’ACCP/CAID
2
(Association canadienne des conceptrices et concepteurs pédagogiques/Canadian
Association of Instructional Designers) dont la liste d’envoi compte 350 adresses. Le message d’invitation
a également circulé dans quelques autres groupes LinkedIn associés aux domaines de la FAD et de la
technologie éducative, élargissant ainsi notre appel à des personnes œuvrant hors du Canada.
Au total, 80 personnes ont répondu anonymement au questionnaire diffusé dans le site de sondage en
ligne SurveyMonkey entre le 21 octobre et le 23 novembre 2015. Ce questionnaire compte 23 questions,
dont onze visant à brosser le profil socioprofessionnel des répondants et douze portant sur le thème
principal de l’étude. Dans cet article, nous rapportons les résultats provenant des données obtenues aux
questions portant sur (1) la fréquence de situations de désaccord
3
vécues à titre de témoin et à titre
personnel dans des projets de FAD et les objets sur lesquels elles ont porté, (2) les effets observés des
situations de désaccord vécues et (3) la fréquence d’occurrence de cinq conditions de travail
représentatives de la situation professionnelle des répondants susceptibles de conduire à des situations
conflictuelles. Deux questions ouvertes concluaient le questionnaire, l’une invitant les répondants à décrire
une situation conflictuelle spécifique vécue personnellement dans un projet de FAD et l’autre à ajouter
librement tout autre commentaire concernant le sujet de l’étude.
Les rapports des statistiques descriptives générés dans l’outil SurveyMonkey ont servi à l’analyse des
données quantitatives. Les données textuelles recueillies au moyen des questions ouvertes ont été
soumises à une analyse de leur contenu par les deux auteurs de cet article selon la technique de l’analyse
catégorielle appliquée de manière semi-émergente.
1 www.refad.ca
2 www.accp-caid.org
3 Le sujet abordé s’avère un sujet sensible. Il peut, en effet, être difficile d’admettre la présence de conflits dans le cadre de son travail, d’autant
plus si on y a été impliqué. Dans le questionnaire, nous avons donc remplacé le terme « conflit » par celui de « désaccord » et celui de « situation
conflictuelle » par celui de « situation de désaccord ».
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3. Résultats
3.1 Profil socioprofessionnel des répondants
Les répondants sont majoritairement des individus de sexe féminin (60 %), âgés entre 35 ans et 55 ans
(70 %), qui possèdent plus de 10 ans d’expérience dans le domaine de la formation (69 %) et ont participé
à plus de 10 projets de FAD (56 %) ou à entre 6 et 10 projets (20 %). La majorité (74 %) détient un diplôme
universitaire d’études supérieures (57 % de 2
e
cycle et 23 % de 3
e
cycle), les autres détenant un diplôme
de 1
er
cycle (16 %) ou d’études collégiales (4 %). À une question à réponses multiples portant sur leur
domaine d’études, 54 % mentionnent avoir étudié en sciences de l’éducation, 46 % en technologie
éducative, 23 % en FAD, 8 % en ingénierie, 7 % en gestion des ressources humaines et 8 % dans une
autre spécialide l’administration; près de la moitié (46 %) ont coché la case « autres » sans préciser le
domaine d’études. Par ailleurs, 62 % ont signalé avoir suivi une formation continue en FAD, 57 % en
technologie éducative, 55 % en conception pédagogique et 26 % en conseillance pédagogique, 17% des
répondants ont indiqué d’autres domaines tels que l’intelligence artificielle et les approches pédagogiques.
Deux questions leur ont été posées sur leur titre d’emploi, l’une portant sur leur titre actuel et l’autre sur le
titre professionnel auquel ils s’identifient le plus. Les données rapportées au tableau 1 montrent la variété
des titres d’emploi des répondants au moment du sondage. Les plus courants parmi les titres mentionnés
dans le questionnaire sont ceux de conseiller en formation (17 %), concepteur pédagogique (17 %) et
conseiller pédagogique (15 %), alors que les moins courants sont ceux de formateur (6 %) et de spécialiste
en sciences de l’éducation (6 %). Le tiers des répondants (33 %) ont mentionné un autre titre que ceux
apparaissant dans les choix de réponse, la majorise rapportant à des postes administratifs, tels que
président d’entreprise en e-learning, directeur du développement, gestionnaire de projets, gestionnaire de
formation, directeur de formation et analyste d’affaires. Quelques-uns ont indiqué des titres de professeurs
ou enseignants. Quant au titre d’emploi auquel ils s’identifient le plus, celui de concepteur pédagogique se
classe au premier rang (24 %), suivi de celui de conseiller pédagogique (15 %). Le tiers des répondants
(32 %) ont spécifié d’autres titres d’emploi que ceux fournis dans les choix de réponse, dont plusieurs se
rapprochent des titres d’emploi inscrits dans le questionnaire, par exemple ceux de conseiller en
apprentissage ou de conseillère en e-learning pour la catégorie « conseiller pédagogique », ceux de
professeur, chargé de cours, formatrice et instructeur en ligne pour la catégorie « formateur », ceux
d’ingénieur pédagogique et de concepteur multimédia pour la catégorie « concepteur pédagogique » et
enfin ceux de spécialiste de la performance et de l’apprentissage des adultes et de spécialiste en formation
pour la catégorie « spécialiste en sciences de l’éducation ». Plusieurs ont également mentionné des titres
se rapportant à la catégorie que nous appelons « gestionnaire », tels que ceux de directrice formation,
analyste d’affaires, directrice de développement de matériel pédagogique.
Les milieux de travail dans lesquels les répondants ont œuvré au cours de leur carrière incluent les milieux
scolaires et académiques (78 %), les ministères ou organismes publics (31 %), les entreprises privées
(40 %), les entreprises spécialisées en formation (30 %), les associations professionnelles (19 %) et les
organismes communautaires (9 %).
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Tableau 1
Titre d’emploi actuel et titre d’emploi auquel les répondants s’identifient le plus
4
Titre d’emploi
Titre actuel
Titre auquel les répondants
s’identifient le plus
N
%
N
%
Formateur
5
6
4
5
Conseiller pédagogique
13
15
12
15
Techno-pédagogue
6
8
9
12
Spécialiste en sciences de l’éducation
4
5
1
0
Conseiller formation
13
16
8
10
Concepteur pédagogique
13
16
19
24
Autre
26
33
25
32
TOTAL
79
99 %
78
98 %
Une question visait à identifier les rôles que les répondants ont assumés parmi ceux de « responsable »,
« conseiller » ou « exécutant » dans la réalisation de diverses tâches (tableau 2). Ils ne pouvaient cocher
qu’un seul rôle pour chaque tâche, ce qui a posé problème pour une quinzaine de répondants ayant
mentionné avoir assumé plus d’un rôle selon les projets. On peut toutefois considérer les réponses fournies
par les répondants comme un indice du rôle qu’ils auraient le plus souvent assumé pour chacune des
tâches. Pour l’ensemble des tâches, les répondants affirment avoir joué le plus souvent le rôle de
« responsable » (55 %) ou de « conseiller » (32 %).
Tableau 2
Rôles des répondants dans diverses tâches dans des projets de formation à distance
4
Dans l’ensemble des tableaux présentés dans cet article, tous les pourcentages ont été arrondis à l’unité près.
Tâches
Rôles
N
Responsable Conseiller Exécutant
Total
Responsable
et conseiller
formation
37
50 %
28
38 %
9
12 %
65
88 %
74
Identification et organisation
31
42 %
32
44 %
10
14 %
63
86 %
73
49
68 %
18
25 %
5
7 %
67
93 %
72
43
58 %
22
30 %
9
12 %
65
88 %
74
Conception du matériel de
35
48 %
27
37 %
11
15 %
62
85 %
73
Médiatisation
30
42 %
32
44 %
10
14 %
62
86 %
72
Gestion générale du projet
48
68 %
11
15 %
12
17 %
59
83 %
71
37
56 %
20
30 %
9
14 %
57
86 %
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3.2 Perception du contexte de travail dans les projets de formation à
distance
Près des deux tiers des répondants (65 %) estiment que les projets de FAD reçoivent un accueil mitigé
dans les milieux de travail ils ont œuvré (37 % parfois, 26 % souvent et 2 % très souvent). Une très
grande majorité (95 %) estime avoir l’autonomie nécessaire pour réaliser leurs tâches (43 % souvent, 28 %
très souvent et 24 % parfois). Cependant, 79 % d’entre eux perçoivent que leurs tâches sont ambigües
(57 % parfois, 19 % souvent et 3 % très souvent) et plus des deux tiers (70 %) estiment que leurs collègues
ne comprennent pas leur rôle (44 % parfois, 22 % souvent et 4 % très souvent). En outre, 83 % de
répondants partagent l’impression que leurs responsabilités chevauchent celles des autres acteurs
impliqués dans les projets (50 % parfois, 24 % souvent et 9 % très souvent).
3.3 Situations de désaccord rapportées par les répondants
3.3.1 SITUATIONS DONT LES RÉPONDANTS ONT ÉTÉ TÉMOINS
Le tableau 3 rapporte, en ordre décroissant, les objets des situations de désaccord dont les répondants
ont été témoins (sans y être personnellement impliqués) dans le cadre de projets de FAD selon leur
fréquence. Ces données révèlent que des situations de désaccord portant sur onze des douze objets
mentionnés dans le questionnaire ont été observées « parfois », « souvent » ou « très souvent » par une
majorité de répondants (entre 69 % et 92 %). Seules les ambitions de carrière des uns et des autres n’ont
jamais fait l’objet de désaccord pour plus de la moitié des répondants (53 %), mais l’ont été tout de même
dans une bonne proportion (48 %) Le format médiatique de la formation, l’échéancier de travail et
l’approche pédagogique à privilégier ont fait l’objet de désaccords observés par plus de 90 % des
répondants. Tous les autres objets de désaccord ont été perçus par plus des deux tiers des répondants.
Toutefois, la plupart des désaccords n’ont été observés que « parfois » par les répondants, et ce, dans
une proportion plus grande ou similaire à « souvent » ou « très souvent » combinés.
Tâches
Rôles
N
Responsable Conseiller Exécutant
Total
Responsable
et conseiller
33
52 %
26
41 %
5
8 %
59
93 %
64
33
52 %
21
33 %
9
14 %
54
85 %
63
48
69 %
14
20 %
8
11 %
62
89 %
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Tableau 3
Objets des situations de désaccord dont les répondants ont été témoins dans des projets de formation à
distance
Objets des situations de
désaccord
Fréquence des situations
N
total
Jamais
Parfois
Souvent
Très
souvent
Total
Parfois
à très
souvent
Le format médiatique de la
formation à privilégier
6
9 %
38
58 %
19
29 %
3
5 %
60
92 %
66
L’échéancier de travail
6
9 %
28
42 %
18
27 %
15
22 %
61
91 %
67
L’approche pédagogique à
privilégier
6
9 %
37
56 %
18
27 %
5
8 %
60
91 %
66
La nature des tâches à réaliser
8
12 %
36
55 %
16
24 %
6
9 %
58
88 %
66
L’engagement des uns et des
autres dans le projet
9
13 %
29
43 %
23
34 %
6
9 %
58
86 %
67
La détermination des tâches
prioritaires
9
14 %
32
49 %
21
32 %
3
5 %
56
86 %
65
Les technologies à privilégier
9
13 %
35
52 %
17
25%
6
9 %
58
86 %
67
La méthode de conception de la
formation
10
15 %
35
54 %
16
25 %
4
6 %
55
85 %
65
Le vocabulaire utilisé dans la
formation
14
21 %
27
40 %
22
32 %
5
7 %
54
79 %
68
Les valeurs privilégiées par les
différents acteurs
14
21 %
27
40 %
20
30 %
6
9 %
53
79 %
67
Le vocabulaire utilisé pour
communiquer entre eux
20
30 %
22
33 %
18
27 %
6
9 %
46
69 %
66
Les ambitions de carrière des
uns et des autres
35
53 %
17
26 %
11
17 %
3
5 %
31
48 %
66
Dans la case « Autre », trois répondants ont précisé qu’il peut y avoir des désaccords relatifs au
vocabulaire utilisé sans forcément qu’il y ait conflit (par exemple, dans le cas fréquent, selon un répondant,
de l’utilisation d’un mot « qui ne désigne pas une même réalité pour tout le monde »). Toutefois, un autre
répondant affirme avoir été témoin d’un désaccord entre un réviseur linguistique et un expert de contenu
« dans le choix du vocabulaire utilisé dans la discipline » ou « dans la façon d’approcher un thème à
l’étude ». Un autre encore rapporte que « la ligne de pouvoir » peut susciter des désaccords au sein des
équipes, citant le cas d’un expert de contenu « qui ne voulait surtout pas discuter de pédagogie parce qu’il
n’y connaissait rien ».
3.3.2 SITUATIONS DANS LESQUELLES LES RÉPONDANTS ONT ÉTÉ PERSONNELLEMENT
IMPLIQUÉS
Le tableau 4 classe en ordre décroissant les objets des situations de désaccord dans lesquelles les
répondants ont signifié avoir été personnellement impliqués dans le cadre de projets de FAD selon leur
fréquence. Les résultats diffèrent relativement peu de ceux obtenus à la question sur les situations dont
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ils ont été témoins. Des situations de désaccord portant sur l’ensemble des objets mentionnés dans le
questionnaire ont été vécues « parfois », « souvent » ou « très souvent » par les répondants. De 41 % à
91 % et, dans une large mesure, 60 % et plus des répondants ont été impliqués dans des situations de
désaccord portant sur ces objets. Seules les ambitions de carrière des uns et des autres n’ont jamais fait
l’objet de situations de désaccord vécues par plus de la moitié des répondants (59 %), mais là également
elles l’ont été tout de même dans une bonne proportion (41 %). Toutefois, les répondants ont indiqué que
la plupart de ces situations n’auraient été vécues que « parfois » plutôt que « souvent » ou « très souvent »
combinés. L’échéancier de travail vient au premier rang des objets des situations conflictuelles, suivi de
l’approche pédagogique à privilégier, de la méthode de conception de la formation et du format médiatique
de la formation.
Tableau 4
Objets des situations de désaccord les plus fréquemment rapportées dans lesquelles les répondants ont
été personnellement impliqués
Objets des situations de
désaccord
Fréquence des situations
Jamais
Parfois Souvent
Très
souvent
Total
Parfois à
très
souvent
N
Total
L’échéancier de travail
6
9 %
31
46 %
22
33 %
8
12 %
61
91 %
67
L’approche pédagogique à
privilégier
7
11 %
37
56 %
20
30 %
2
3 %
59
89 %
66
La méthode de conception de
la formation
11
17 %
39
6
0 %
14
22 %
1
2 %
54
84 %
65
Le format médiatique de la
formation à privilégier
11
17 %
40
61 %
10
15 %
5
8 %
55
84 %
66
La détermination des tâches
prioritaires
12
18 %
32
48 %
20
30 %
2
3 %
54
81 %
66
La nature des tâches à
réaliser
13
19 %
34
51 %
19
28 %
1
1 %
54
80 %
67
L’engagement des uns et des
autres dans le projet
14
21 %
33
49 %
15
22 %
5
7 %
53
78 %
67
Les technologies à privilégier
15
22 %
36
54 %
12
18 %
4
6 %
52
78 %
67
Les valeurs privilégiées par
les différents acteurs
21
31 %
28
41 %
17
25 %
2
3 %
47
69 %
68
Le vocabulaire utilisé dans la
formation
23
35 %
23
35 %
16
24 %
4
6 %
43
65 %
66
Le vocabulaire utilisé pour
communiquer entre eux
27
40 %
20
30 %
14
21 %
6
9 %
40
60 %
67
Les ambitions de carrière des
uns et des autres
40
59 %
18
26 %
8
12 %
2
3 %
28
41 %
68
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10
Dans la case « Autre », un répondant rapporte avoir vécu des situations de désaccord dans un projet
impliquant des partenaires de différentes cultures et ayant des visions différentes du projet. Trois
soulignent en avoir vécues relativement aux technologies utilisées. Dans un cas, le service des
technologies de l’information craignait pour la sécurité des réseaux si des modules d’extension (plug-in)
étaient utilisés. Dans un autre cas, les responsables de la médiatisation s’ingéraient dans des tâches de
nature pédagogique. Un autre répondant a observé que le logiciel choisi initialement pour une activité
d’apprentissage s’avérait trop coûteux aux yeux de l’institution. Encore un autre mentionne avoir vécu
également des désaccords de nature pédagogique, cette fois entre l’équipe de conception et l’équipe en
charge du tutorat des apprenants à distance.
Par ailleurs, 47 sondés ont répondu à la question ouverte les invitant à décrire en quelques lignes une
situation de désaccord spécifique dans laquelle ils ont été impliqués. Le tableau 5 présente les objets sur
lesquels les situations décrites ont porté.
5
Ceux-ci ont été identifiés au moyen d’une analyse catégorielle
effectuée en reprenant les objets identifiés dans les questions précédentes relatives à la fréquence des
situations conflictuelles observées et vécues et en y ajoutant deux objets ayant émergé durant le codage,
à savoir « le mode de diffusion de la formation » et « les rôles et l’expertise des acteurs ». Il est à noter
qu’une même situation conflictuelle peut porter sur plusieurs objets.
Tableau 5
Objets des situations de désaccord décrites par les répondants à la question : « Pouvez-vous décrire en
quelques lignes une situation de désaccord (ou une situation de conflits) dans laquelle vous avez déjà été
impliqué(e) dans un projet de formation à distance ? »
Objets des situations de désaccord
décrites par les répondants
Nombre de situations
N = 44
Les rôles et l’expertise des acteurs
20
L’échéancier de travail
13
L’approche pédagogique à privilégier
10
La méthode de conception de la formation
9
L’engagement des uns et des autres dans le projet
8
Le mode de diffusion de la formation
4
Les ambitions de carrière des uns et des autres
3
Le format médiatique de la formation à privilégier
2
Les technologies à privilégier
1
Les rôles et l’expertise des acteurs engagés dans les projets de FAD ont fait l’objet de près de la moitié
des situations décrites (20) par les répondants. Parmi ceux-ci, quelques-uns déplorent globalement des
lacunes dans la répartition des tâches et des rôles et le doublement des tâches au sein des équipes.
Toutefois, la plupart rapportent des situations impliquant des conflits entre des catégories spécifiques
d’acteurs. Ils évoquent le plus souvent des situations où il y a un manque de reconnaissance du rôle des
acteurs pédagogiques (concepteurs, ingénieurs ou conseillers pédagogiques, technopédagogues, etc.) de
la part des experts de contenu (formateurs, professeurs, enseignants, experts du domaine, etc.). Ces
derniers n’ont généralement pas de formation en pédagogie ni en ingénierie pédagogique, ce qui conduit
à des situations l’expert « veut tout faire tout seul », ou encore il propose des scénarios
pédagogiques jugés inappropriés par l’acteur pédagogique dont le travail n’est pas reconnu ou accepté,
tel que l’expriment ces témoignages :
5
Trois situations ont été retirées de l’analyse, celles-ci n’ayant pu être interprétées.
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11
C’est souvent une question de compréhension entre l’expert en contenu et l’expert
en pédagogie. Chacun a le désir de voir son expertise reconnue et respectée.
J'ai l'impression que mes questions et mes interventions sont perçues comme des
menaces, alors qu'elles sont plutôt des tentatives de ma part de comprendre les
intentions pédagogiques et la façon de travailler de ce professeur. Son insécurité le
pousse à vouloir contrôler toutes les étapes du travail, incluant la façon dont je dois
accomplir les tâches que j'ai pourtant l'habitude faire depuis des années. […] je me
rends compte que je représente une "terre inconnue" que ce professeur ne veut pas
ou n'a pas le temps d'explorer.
L'expert de contenu […] se croit l'expert en moyens d'enseignement, résultat,
beaucoup de perte de temps qui au final démontre le manque de compétences et
d'expérience de l'expert. Le travail est à refaire depuis le début.
Un prof a fait faire mon travail par des étudiants, les considérant aussi compétents
que moi pour définir des approches pédagogiques.
D’autres situations rapportées concernent des frictions entre d’autres acteurs impliqués dans les projets.
Un conseiller pédagogique rapporte avoir été « forcé » d’ignorer « les fautes d'orthographe et de
grammaire dans le contenu (texte, images, enregistrements...) […] après les avoir signalées ». Un autre
indique qu’une situation conflictuelle fréquente « oppose le réviseur et l’expert [de contenu] », ce dernier
se sentant « jugé parce que son travail est remis en question et le réviseur se sent incompris parce qu’on
ne tient pas toujours compte de son avis ». Deux autres répondants signalent une collaboration difficile
entre les acteurs pédagogiques et les acteurs technologiques (services des technologies de l’information,
équipe informatique).
Par ailleurs, certaines situations rapportées révèlent les limites du pouvoir décisionnel et du pouvoir
d’action des acteurs pédagogiques, tel que l’illustre celle-ci :
Un projet […] débute toujours sur un accord entre les différents acteurs du projet sur
les deadlines qui ne sont pourtant souvent pas respectées par les enseignants […].
Dans ce type de situation, mon seul pouvoir est la relance (j'ai donc à ce moment-
l'impression que je m'éloigne de mes missions j'envoie des mails et des mails,
j'appelle aussi […]). Si je n'obtiens toujours pas de réponse, le dossier est renvoyé
au bout d'un certain temps au niveau supérieur hiérarchiquement. Les enseignants
se sentent alors obligés de reprendre le travail...d'autres abandonnent, mais c'est
plus rare.
D’autres répondants rapportent que certains acteurs à qui l’on confie des responsabilités ne possèdent
pas l’expérience ainsi que les connaissances ou les compétences requises pour assurer la bonne marche
du projet, tel ce gestionnaire du projet qui, selon un répondant, « manquait d’expérience (méconnaissance
du processus, insécurité, essais et erreurs…) et d’aptitudes à gérer une équipe ».
L’ensemble des situations rapportées ayant pour objet les rôles ou l’expertise des acteurs d’un projet de
FAD implique, comme le souligne un répondant, qu’« il faut bien définir les rôles de chacun dès le départ »,
tout en reconnaissant que « cela ne donne pas toujours les résultats escomptés ».
Ajoutons que plusieurs des commentaires, fournis librement à la question ouverte finale du questionnaire
par des répondants, démontrent également que le manque de reconnaissance de l’expertise spécifique
des divers acteurs engagés dans les projets ainsi que les limites de leur pouvoir sont l’objet d’inconfort et
d’un sentiment d’incompréhension et de frustration, comme l’exprime cette remarque : « c’est très frustrant
de constater que les gens remettent en question votre travail sans avoir une vision globale du projet ».
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L’échéancier de travail, qui est au premier rang des objets des situations de désaccord dans lesquelles
les répondants ont été les plus fréquemment impliqués (tableau 4), vient au deuxième rang des objets à
l’origine de situations conflictuelles spécifiquement décrites par les répondants (tableau 5). Il s’agit d’un
objet également évoqué dans les commentaires fournis à la dernière question ouverte du questionnaire.
Ces situations mettent en évidence des attentes démesurées quant au temps requis pour réaliser le travail,
de sorte que les échéanciers sont trop serrés, les acteurs du projet sont sursollicités et la qualité du travail
s’en trouve menacée :
There were unreasonable expectations about what could be produced in the time
frame allowed. There were also concerns that the quality would be compromised.
Trop souvent, l'échéancier m'est imposé sans que j'aie un seul mot à dire puis
malgré le fait que ce ne soit réaliste ni atteignable, je dois me conformer et faire des
miracles afin de le rencontrer.
La méconnaissance des processus et des tâches à mettre en œuvre dans les projets tant chez les
demandeurs de formations à distance que chez les acteurs les concevant et les réalisant expliquerait en
partie pourquoi les échéanciers sont difficiles à planifier et à respecter :
Le demandeur pense que le projet pourra être réalisé en quelques semaines sans
avoir pleinement connaissance de toutes les étapes et ressources impliquées.
[Les désaccords] sont généralement liés à une compréhension très limitée des
administrateurs des notions de base en conception pédagogique (ex. processus
ADDIE
6
). Les budgets et les attentes sont toujours complètement disproportionnés.
L’arrivée de nouveaux acteurs en cours de projet peut aussi devenir une source de conflit lorsque ces
derniers veulent « réaliser les étapes autrement ou changer les décisions qui ont été convenues »,
remarque un autre répondant. De même, l’interdépendance entre les tâches des différents acteurs fait en
sorte que l’absence temporaire d’un collègue ou le retard pris par l’un des acteurs du projet dans son
travail peut entraver celui des autres et nuire au respect de l’échéancier, comme en témoigne ce
commentaire : « un des consultants externes engagés tarde à fournir ses livrables affectant ainsi mon
travail et le respect des délais du projet ».
L’engagement des uns et des autres dans le projet est un objet de désaccord se retrouvant souvent
conjugué à celui de l’échéancier dans les situations décrites par les répondants, sans doute du fait que le
faible engagement de certains acteurs dans un projet va souvent de pair avec le temps qu’ils y consacrent.
Huit des dix situations spécifiques de ce type décrites par les répondants concernent le manque de
disponibilité des experts de contenu, en particulier des professeurs et des enseignants, ceux-ci ayant déjà
une lourde charge de travail en dehors du projet et ne réalisant souvent pas la complexité et l’ampleur du
travail qu’ils auront à réaliser, comme ces exemples l’illustrent :
Les enseignants acceptent des projets sans se poser en amont la question : est-ce
que j'aurai le temps de m'y consacrer ? D'autres mésestiment également le travail à
réaliser pensant pouvoir faire un copier/coller de leurs cours magistraux vers un
projet à distance.
Un professeur sollicite ma collaboration pour le développement d'un cours, mais n'a
pas terminé son processus de réflexion quant à la nature du travail à faire. Il est
6
L’acronyme ADDIE fait référence à la méthode classique de design pédagogique incluant les activités suivantes : Analyse Design
Développement Implantation - Évaluation.
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aussi occupé par plusieurs projets et ne consacre pas le temps qu'il faudrait pour
réfléchir convenablement à ce cours.
Selon un gestionnaire de formation, le temps d'implication des experts de contenu dans un projet est
« souvent sous-estimé dans des projets de formation à distance », ce qui a pour résultat, ajoute-t-il, qu’« on
se fait reprocher d'avoir un temps de conception et de validation trop long ». Comme le fait remarquer un
autre répondant dans un commentaire libre à la fin du questionnaire, les projets « sont parfois très longs
à prendre forme et cela peut occasionner une démotivation de la part des experts [de contenu]. Il peut
alors survenir des tensions dans l'équipe à ce sujet ».
Le faible engagement des experts de contenu dans un projet peut aussi résulter d’un manque d’intérêt
pour la FAD. Un répondant relève le cas d’un professeur s’étant « fait imposer un cours à distance qu’il ne
veut pas », ce qui a agi sur « la motivation des différents acteurs [qui était] à la baisse avant même de
débuter le projet ».
Comme rapporté au tableau 4, lapproche pédagogique à privilégier est le deuxième objet de situations
de désaccord dans lesquelles les répondants sont le plus fréquemment impliqués. Il se trouve au troisième
rang des objets à l’origine des situations conflictuelles décrites par les répondants (tableau 5). Les
désaccords à ce sujet se manifestent surtout entre les acteurs pédagogiques et les experts de contenu,
mais aussi entre d’autres acteurs. Parfois, c’est l’absence de préoccupation de nature pédagogique qui
pose problème, comme le souligne un répondant déplorant des « méthodes de gestion sans approche
pédagogique ». Dans d’autres cas, les acteurs ne s’entendent pas sur l’approche pédagogique à adopter,
tel le cas d’un « intervenant qui remettait en question l'approche pédagogique à chaque réunion [et] tentait
de forcer sa vision qui consistait à répliquer l'approche utilisée pour la formation en présentiel ». Dans un
autre cas, l’expert de contenu « refusait l’approche constructiviste demandée par l’établissement » et dans
un autre, il voulait « déterminer le scénario pédagogique… rendant la formation une simple séance
d’information ». Dans un commentaire fourni à la dernière question ouverte du questionnaire, un conseiller
pédagogique résume ainsi le défi que représente sa tâche dans ses interactions avec les experts de
contenu portant sur l’approche pédagogique :
J'ai noté qu'un expert pense être le spécialiste dans son domaine ou dans sa
discipline sans vraiment l'être en termes de conception pédagogique. Il y a parfois
tout un gouffre entre ce que l'expert connaît et comment il peut rendre accessibles
ses connaissances dans une formation à distance. Cela peut entraîner des
désaccords sur les stratégies d'apprentissage à mettre en place et c'est qu'un
conseiller pédagogique d'expérience doit avoir recours à toutes ses ressources
internes pour bien guider l'expert dans la démarche de conception. Cela prend
parfois beaucoup de tact pour ne pas se mettre à dos son expert de contenu en
cours de projet.
Au troisième rang des objets de situations de désaccord dans lesquelles les participants ont été impliqués
(tableau 4), se trouve la méthode de conception de la formation qui compte aussi parmi les objets des
situations spécifiques les plus décrites par les répondants savoir au quatrième rang, tableau 5). Cet
objet est également évoqué dans certains commentaires fournis à la dernière question ouverte. Tel que
déjà mentionné, plusieurs acteurs impliqués dans les projets de FAD ne connaitraient pas les processus
à mettre en œuvre et, conséquemment, ne percevraient pas la complexité du travail à faire : « les collègues
ne comprennent pas toujours tout ce que ça prend pour avoir un programme de formation solide et la
complexité du travail ». D’autres répondants observent une tendance à vouloir négliger certaines étapes
du processus, comme le signale ce conseiller en formation : « l’importance de la phase de conception est
souvent une étape difficile à faire comprendre aux experts de contenu. Ils veulent très souvent ‘passer à
l'action’ sans même avoir déterminé le but de la formation et les objectifs d'apprentissage ».
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Enfin, d’autres objets de situations conflictuelles sont évoqués dans les commentaires fournis librement à
la fin du questionnaire. Ainsi, un répondant perçoit l’expression de résistances lorsque les projets de FAD
sont imposés par la direction : « Il y a toujours une sorte de stéréotype dans le jugement organisationnel
[envers la FAD] et une résistance au changement institutionnel qui, mal gérée, peut ruiner tout le projet ».
Un autre répondant remarque que bien que les situations conflictuelles soient « très variées […] un
élément central est la position et le type de gestion que la structure administrative adopte ».
3.4 Effets des situations de conflit
Les répondants reconnaissent que les situations de conflit peuvent avoir la plupart du temps des effets
positifs. En effet, comme le révèlent les résultats rapportés au tableau 6, ils estiment en majorité que ces
situations permettent, à des fréquences allant de « parfois » à « très souvent », d’améliorer leur
performance (85 %) ainsi que le processus décisionnel (96 %) et de clarifier les objectifs du projet ainsi
que les rôles des acteurs (98 %). Ils observent aussi que ces situations favorisent l’expression d’une plus
grande créativité chez les acteurs du projet (95 %).
Quant aux effets négatifs, ils seraient manifestes aux yeux d’une moins grande proportion de répondants.
Il n’en reste pas moins que, selon les trois quarts des répondants (75 %), les situations de désaccord
détériorent leurs relations de travail. Les deux tiers (65 %) reconnaissent qu’elles les démotivent.
Toutefois, près des deux tiers des répondants (64 %) estiment que les situations de désaccord ne
remettent « jamais » en question leur identité professionnelle et plus de la moitié (56 %) indiquent qu’elles
ne portent « jamais » atteinte à leur estime personnelle.
Tableau 6
Effets positifs et négatifs perçus des situations de désaccord selon leur fréquence
Effets des conflits
Jamais
Parfois
Souvent
Très
souvent
Total
Parfois à
très
souvent
N
Total
Effets positifs
Ces situations permettent de
clarifier les objectifs du projet
et les rôles des acteurs.
2
3 %
23
34 %
31
46 %
12
18 %
66
98 %
68
Ces situations favorisent
l’expression d’une plus
grande créativité.
3
4 %
32
47 %
29
43 %
4
6 %
65
96 %
68
Ces situations permettent
d’améliorer le processus
décisionnel.
4
6 %
33
49 %
25
37 %
6
9 %
64
95 %
68
Ces situations contribuent à
améliorer ma performance.
10
15 %
31
46 %
21
31 %
5
8 %
57
85 %
67
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Effets des conflits
Jamais
Parfois
Souvent
Très
souvent
Total
Parfois à
très
souvent
N
Total
Effets négatifs
Ces situations détériorent
mes relations de travail.
17
26 %
40
60 %
9
13 %
1
2 %
50
75 %
67
Ces situations me
démotivent.
24
36 %
34
5
1 %
6
9 %
3
5 %
43
65 %
67
Ces situations portent
atteintes à mon estiment
personnelle.
37
56 %
23
35 %
6
9 %
0
0 %
29
44 %
66
Ces situations remettent en
question mon identité
professionnelle.
42
64 %
19
29 %
4
6 %
1
2 %
24
37 %
66
4. Discussion
Les résultats de notre sondage mené auprès de personnes ayant joué divers rôles dans des projets de
FAD lèvent un voile sur les situations de désaccord susceptibles de se présenter dans ce type de projets,
celles-ci pouvant mener à des conflits ouverts au sein des équipes de travail. La complexité de ces projets
exige une forte interdépendance dans le travail réalisé par les uns et les autres, ce qui serait propice, selon
Cormier (2011), à l’émergence de conflits. Nos résultats révèlent un ensemble d’objets sur lesquels des
désaccords ont été observés et vécus, ce qui laisse penser qu’une telle conjoncture est susceptible de se
produire.
Les études menées sur les pratiques des concepteurs pédagogiques démontrent que peu importe le type
d’organisations dans lesquelles ils œuvrent, ceux-ci exercent des rôles multiples (Liu, Kishi et Rhodes,
2007). Les résultats de notre sondage indiquent qu’il y a également ambiguïté sur leur rôle (exécutant,
conseiller, responsable), que les rôles de l’ensemble des membres des équipes sont souvent
insuffisamment clarifiés, qu’il y a chevauchement et dédoublement de leurs tâches, que leur expertise est
peu reconnue de leurs collègues, voire contestée, et que, pour certains d’entre eux, leur pouvoir
décisionnel s’avère limité.
En outre, le manque de connaissance portant sur le processus d’élaboration des formations à distance
chez certains acteurs des projets conduit à l’adoption d’échéanciers souvent très serrés, voire irréalistes,
et à une sous-estimation du temps nécessaire pour réaliser les projets. Cette situation se traduit aussi par
une planification déficiente des ressources humaines et financières requises. Elle peut agir négativement
sur l’engagement et la motivation des acteurs du projet. La méconnaissance des processus expliquerait
aussi la difficulté à déterminer les tâches prioritaires et leur nature. Elle peut également soulever des
problèmes de communication parce que les acteurs du projet ne partagent pas un langage commun.
La connaissance insuffisante des processus à mettre en œuvre et des tâches à réaliser pour optimiser la
qualité des formations à distance tant sur le plan pédagogique que sur le plan médiatique est ainsi évoquée
par plusieurs répondants en tant qu’un vecteur majeur de situations pouvant mener à des conflits. Ces
résultats rejoignent un constat rapporté par plusieurs chercheurs (Brigance, 2011; Corbeil et Corbeil, 2013;
Hodell, 2013; Liu, Kishi et Rhodes, 2007; Potvin et al., 2014; Richardson et al., 2019; Schwier et Wilson,
2010; Solomonson, 2008; You et Teclehaimanot, 2010). Ceux-ci rapportent des difficultés pouvant survenir
dans les relations entre les experts de contenu et les professionnels de la conception pédagogique, de
même qu’une méconnaissance du rôle et des tâches que ces derniers peuvent assumer pour relever les
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défis posés par le développement d’environnements numériques d’apprentissage.
Une majorité de répondants indiquent que les situations conflictuelles qu’ils ont observées et vécues
détériorent leurs relations de travail et les démotivent, mais relativement peu d’entre eux rapportent
qu’elles mettent en doute leur estime d’eux-mêmes et leur identité personnelle et professionnelle.
D’ailleurs, les conflits n’ont pas nécessairement que des effets négatifs (Coser, 1965; Cormier, 2011), ce
que la grande majorité des répondants reconnait. Ces derniers estiment que les conflits peuvent, en effet,
inciter les acteurs du projet à clarifier les objectifs du projet et leurs rôles ainsi qu’à améliorer leur
performance et le processus décisionnel tout en favorisant l’expression d’une plus grande créativité. Ces
conclusions rejoignent celle formulée par Coser (1965), à l’effet que les conflits « favorisent le réajustement
des normes de groupe et des rapports de pouvoir à l’intérieur du groupe, conformément aux besoins
ressentis par les membres individuels » (p. 493).
Pour ce faire cependant, les conflits doivent être bien gérés en choisissant d’adopter l’approche la mieux
adaptée au contexte des conflits parmi les cinq recommandées par Thomas et Kilman (1974), à savoir
celles de l’accommodement, de la compétition, de l’évitement, de la collaboration ou du compromis.
Adopter une approche non adaptée au contexte du conflit ou mal gérer le conflit comporte des risques à
ne pas minimiser (Cormier, 2011). Or, des résultats de notre sondage, que nous n’avons pu rapporter dans
cet article, faute d’espace, révèlent que les répondants ne distinguent pas les approches de gestion de
conflits les plus adaptées aux divers types de situations conflictuelles pouvant se produire en contexte de
travail. Ils tendent à privilégier la collaboration en toutes circonstances. Si cette approche ne convient pas
à la situation conflictuelle, elle présente le risque de voir les collaborateurs confondre collaboration et
manipulation et d’assister à l’adoption de « routines défensives » de la part des collaborateurs (Argyris et
Schön, 2002, cité dans Cormier, 2011). En outre, elle exige beaucoup de temps et de disponibili chez
les acteurs impliqués, alors que nos résultats révèlent que le temps semble échapper à une majorité
d’entre eux, compte tenu des échéanciers trop serrés des projets, et que l’engagement des acteurs du
projet nécessaire à une bonne collaboration n’est pas toujours au rendez-vous.
5. Conclusion
La FAD se répand depuis quelques années de manière marquée dans les mieux d’éducation et de
formation. Les résultats de notre sondage révèlent un potentiel relativement élevé de situations
conflictuelles pouvant se manifester au sein des équipes engagées dans des projets d’élaboration de FAD,
ce qui peut compromettre la qualité de leurs productions. Il n’est pas certain que les milieux de travail dans
lesquels sont élaborées des formations à distance soient suffisamment sensibilisés à cette réalité à l’heure
actuelle. Aussi, nous pensons qu’il conviendrait de sensibiliser les milieux de travail à la complexité des
projets de formation à distance et aux moyens d’assurer leur succès par une démarche d’ingénierie
pédagogique et de gestion de projet bien menée. Il semble bien que l’expertise dans le domaine de
l’ingénierie pédagogique, fondée sur des travaux menés depuis plus de 60 ans par de nombreux
chercheurs et ayant conduit à fonder la discipline de la technologie éducative, ne soit pas encore
suffisamment connue et exploitée. Ces chercheurs ont développé une riche base de connaissances et une
diversité d’outils conceptuels, méthodologiques et technologiques qui peuvent soutenir le travail
d’ingénierie pédagogique des formations à distance et en optimiser leur qualité pédagogique. Il serait dans
l’intérêt des acteurs des projets de FAD et des milieux de travail dans lesquels ils œuvrent, de reconnaître
cette expertise, de la valoriser et de s’en servir pour améliorer les pratiques. Il y aurait lieu également de
les sensibiliser aux différents objets susceptibles de générer des conflits dans ces projets et de soutenir le
développement de leurs compétences en collaboration interprofessionnelle et en gestion de projets et de
conflits.
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défis posés par le développement d’environnements numériques d’apprentissage.
Une majorité de répondants indiquent que les situations conflictuelles qu’ils ont observées et vécues
détériorent leurs relations de travail et les démotivent, mais relativement peu d’entre eux rapportent
qu’elles mettent en doute leur estime d’eux-mêmes et leur identité personnelle et professionnelle.
D’ailleurs, les conflits n’ont pas nécessairement que des effets négatifs (Coser, 1965; Cormier, 2011), ce
que la grande majorité des répondants reconnait. Ces derniers estiment que les conflits peuvent, en effet,
inciter les acteurs du projet à clarifier les objectifs du projet et leurs rôles ainsi qu’à améliorer leur
performance et le processus décisionnel tout en favorisant l’expression d’une plus grande créativité. Ces
conclusions rejoignent celle formulée par Coser (1965), à l’effet que les conflits « favorisent le réajustement
des normes de groupe et des rapports de pouvoir à l’intérieur du groupe, conformément aux besoins
ressentis par les membres individuels » (p. 493).
Pour ce faire cependant, les conflits doivent être bien gérés en choisissant d’adopter l’approche la mieux
adaptée au contexte des conflits parmi les cinq recommandées par Thomas et Kilman (1974), à savoir
celles de l’accommodement, de la compétition, de l’évitement, de la collaboration ou du compromis.
Adopter une approche non adaptée au contexte du conflit ou mal gérer le conflit comporte des risques à
ne pas minimiser (Cormier, 2011). Or, des résultats de notre sondage, que nous n’avons pu rapporter dans
cet article, faute d’espace, révèlent que les répondants ne distinguent pas les approches de gestion de
conflits les plus adaptées aux divers types de situations conflictuelles pouvant se produire en contexte de
travail. Ils tendent à privilégier la collaboration en toutes circonstances. Si cette approche ne convient pas
à la situation conflictuelle, elle présente le risque de voir les collaborateurs confondre collaboration et
manipulation et d’assister à l’adoption de « routines défensives » de la part des collaborateurs (Argyris et
Schön, 2002, cité dans Cormier, 2011). En outre, elle exige beaucoup de temps et de disponibili chez
les acteurs impliqués, alors que nos résultats révèlent que le temps semble échapper à une majorité
d’entre eux, compte tenu des échéanciers trop serrés des projets, et que l’engagement des acteurs du
projet nécessaire à une bonne collaboration n’est pas toujours au rendez-vous.
5. Conclusion
La FAD se répand depuis quelques années de manière marquée dans les mieux d’éducation et de
formation. Les résultats de notre sondage révèlent un potentiel relativement élevé de situations
conflictuelles pouvant se manifester au sein des équipes engagées dans des projets d’élaboration de FAD,
ce qui peut compromettre la qualité de leurs productions. Il n’est pas certain que les milieux de travail dans
lesquels sont élaborées des formations à distance soient suffisamment sensibilisés à cette réalité à l’heure
actuelle. Aussi, nous pensons qu’il conviendrait de sensibiliser les milieux de travail à la complexité des
projets de formation à distance et aux moyens d’assurer leur succès par une démarche d’ingénierie
pédagogique et de gestion de projet bien menée. Il semble bien que l’expertise dans le domaine de
l’ingénierie pédagogique, fondée sur des travaux menés depuis plus de 60 ans par de nombreux
chercheurs et ayant conduit à fonder la discipline de la technologie éducative, ne soit pas encore
suffisamment connue et exploitée. Ces chercheurs ont développé une riche base de connaissances et une
diversité d’outils conceptuels, méthodologiques et technologiques qui peuvent soutenir le travail
d’ingénierie pédagogique des formations à distance et en optimiser leur qualité pédagogique. Il serait dans
l’intérêt des acteurs des projets de FAD et des milieux de travail dans lesquels ils œuvrent, de reconnaître
cette expertise, de la valoriser et de s’en servir pour améliorer les pratiques. Il y aurait lieu également de
les sensibiliser aux différents objets susceptibles de générer des conflits dans ces projets et de soutenir le
développement de leurs compétences en collaboration interprofessionnelle et en gestion de projets et de
conflits.
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Notre recherche constitue une première exploration de la question délicate des conflits pouvant survenir
au sein des équipes engagées dans les projets d’élaboration de FAD. Il est possible que le terme de
« désaccord » que nous avons choisi d’utiliser dans la formulation de plusieurs questions du sondage
plutôt que celui de « conflit » ait eu une influence à la hausse dans les réponses portant sur la fréquence
des situations vécues et observées, les désaccords ayant pu être perçus moins problématiques que les
conflits. On ne peut savoir si l’usage du mot « conflit » aurait eu l’effet inverse. Une recherche future
utilisant le mot « conflit » et fournissant une définition du terme pourrait permettre de nuancer nos résultats.
Quoi qu’il en soit, les commentaires fournis par nos répondants et les descriptions qu’ils font de situations
personnelles vécues montrent qu’une variété de situations pouvant être assimilées à des situations
conflictuelles à divers degrés sont manifestes au sein des équipes.
Les répondants à notre sondage occupaient des titres et des fonctions variés, certains relevant de la
sphère pédagogique, d’autres de la sphère médiatique ou de la sphère administrative. Des croisements
entre les fonctions occupées par les répondants et leurs réponses aux questions portant sur les situations
conflictuelles seraient à effectuer, idéalement avec un nombre plus élevé de répondants, afin de mieux
discerner les vécus spécifiques à chaque fonction. De même, nous n’avons pas effectué de croisement
entre les données pour vérifier si le sexe, le milieu de travail et le rôle des répondants exercent une
influence sur les réponses fournies. Il serait intéressant de procéder à une telle analyse dans une
recherche future. En outre, une recherche portant sur la manière dont les situations conflictuelles
observées et vécues ont été gérées et résolues dans les milieux de travail et sur le degré de satisfaction
des acteurs face aux approches employées serait une autre piste à explorer. Enfin, des recherches portant
sur le développement d’outils de soutien au développement de compétences en collaboration
interprofessionnelle et en gestion de conflits destinés spécifiquement aux acteurs engagés dans des
projets de FAD pourraient être utiles à l’amélioration des pratiques en ce domaine.
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