Revue internationale sur le numérique en éducation et communication
revue-mediations.teluq.ca | No. 3, 2020
2
Mots-clés :
visioconférence, téléprésence, webconférence, enseignement supérieur
ABSTRACT
At a time when the world is going through a health crisis that is transforming human relations
and the relationship to training, this special issue proposes to question distance learning and
more specifically telepresence in higher education. The authors offer new insights by placing
at the heart of their concerns the human dimension of synchronous and distant teaching and
learning activities.
Keywords:
videoconferencing, telepresence, web conferencing, higher education
RESUMEN
En un momento en el que el mundo atraviesa una crisis sanitaria que está transformando las
relaciones humanas y en relación con la formación, este número especial se propone
reflexionar sobre la enseñanza a distancia y, más concretamente, sobre la telepresencia en
la enseñanza superior. Los autores ofrecen nuevas perspectivas al situar, en el centro de sus
preocupaciones, la dimensión humana de las actividades de enseñanza y aprendizaje
sincrónicas y a distancia.
Palabras clave:
videoconferencia, telepresencia, conferencia web, educación superior
Malgré un usage grandissant en enseignement supérieur de dispositifs numériques permettant la création
de contextes d’enseignement et d’apprentissage synchrones et distants (visioconférence, téléprésence et
webconférence), les études scientifiques relatives aux usages et pratiques, aux conditions favorisant un
enseignement et un apprentissage de qualité ou encore aux retombées réelles de ces dispositifs sont peu
nombreuses. Certains travaux démontrent toutefois que ces dispositifs technologiques ne sont pas
nécessairement adaptés aux multiples besoins de l’enseignement et de l’apprentissage (Alhlak,
Ramakrisnan, Hameed et Mohseni, 2012) et qu’ils n’ont pas été conçus pour faciliter la mise en œuvre
des nombreuses méthodes et approches pédagogiques (Gillies, 2008; Lawson, Comber, Gage et Cullum-
Hanshaw, 2010).
Plusieurs questions émergent : comment agissent les acteurs (formateurs, apprenants ou autres) engagés
dans de tels dispositifs? En quoi ces dispositifs transforment-ils l’enseignement et l’apprentissage? Quelles
compétences doivent développer les acteurs de la formation? Quels rôles peuvent jouer les conseillers et
ingénieurs pédagogiques? Quels sont les enjeux institutionnels propres au déploiement de ce type de
dispositifs et comment marquent-ils l’enseignement et l’apprentissage? Quelles sont les conditions qui
participent du succès de ces contextes particuliers? Quels enjeux méthodologiques émergent de létude
de ces contextes?
Alors que la formation à distance s’intègre de plus en plus à l’offre de formation en enseignement supérieur
et qu’elle mise sur l’exploitation de dispositifs numériques facilitant la téléprésence, ces questions
deviennent centrales. La fermeture généralisée des établissements denseignement, provoquée par la
Laprésenceàdistanceene-Formation
EntretienavecAnnieJézégou
Presenceatadistanceine-Learning:
InterviewwithAnnieJézégou
Presenciaadistanciaene-Learning:
EntrevistaconAnnieJézégou
Sonia Androwkha, doctorante en Sciences de l’Éducation et de la Formation
Laboratoire CIREL (EA 4354). Université de Lille, France
sonia.proust@univ-lille.fr
RÉSUMÉ
Annie Jézégou est Professeure des Universités en Sciences de l'Education et de la Formation
à l'Université de Lille (France), au laboratoire CIREL (Centre Interuniversitaire de Recherche
en Education de Lille) et au département SEFA (Sciences de l’Education et Formation des
Adultes). L’objet général de ses travaux porte sur les dimensions technico-pédagogiques et
socio-pédagogiques qui permettent de favoriser l’autodirection des apprenants en e-
Formation. Ses recherches sur la e-Formation ont notamment permis d’étayer au plan
théorique le concept d’ouverture des environnements numériques d’apprentissage. Elles ont
également contribué à modéliser le phénomène de la présence à distance en contexte d’e-
Formation.
Mots-clés :
présence à distance, affordance, autodirection
ABSTRACT
Annie Jézégou is Professor of Education and Training Sciences at the University of Lille
(France) at the CIREL laboratory (Centre Interuniversitaire de Recherche en Education de
Lille) and at the SEFA department (Sciences of Adult Education and Training). The general
aim of her work is to address the technical-pedagogical and socio-pedagogical dimensions
that promote the self-direction of learners in e-learning. Her research on e-Learning has, in
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ABSTRACT
At a time when the world is going through a health crisis that is transforming human relations
and the relationship to training, this special issue proposes to question distance learning and
more specifically telepresence in higher education. The authors offer new insights by placing
at the heart of their concerns the human dimension of synchronous and distant teaching and
learning activities.
Keywords: videoconferencing, telepresence, web conferencing, higher education
RESUMEN
En un momento en el que el mundo atraviesa una crisis sanitaria que está transformando las
relaciones humanas y en relación con la formación, este número especial se propone
reflexionar sobre la enseñanza a distancia y, más concretamente, sobre la telepresencia en
la enseñanza superior. Los autores ofrecen nuevas perspectivas al situar, en el centro de sus
preocupaciones, la dimensión humana de las actividades de enseñanza y aprendizaje
sincrónicas y a distancia.
Palabras clave: videoconferencia, telepresencia, conferencia web, educación superior
Malgré un usage grandissant en enseignement supérieur de dispositifs numériques permettant la création
de contextes d’enseignement et d’apprentissage synchrones et distants (visioconférence, téléprésence et
webconférence), les études scientifiques relatives aux usages et pratiques, aux conditions favorisant un
enseignement et un apprentissage de qualité ou encore aux retombées réelles de ces dispositifs sont peu
nombreuses. Certains travaux démontrent toutefois que ces dispositifs technologiques ne sont pas
nécessairement adaptés aux multiples besoins de l’enseignement et de l’apprentissage (Alhlak,
Ramakrisnan, Hameed et Mohseni, 2012) et qu’ils n’ont pas été conçus pour faciliter la mise en œuvre
des nombreuses méthodes et approches pédagogiques (Gillies, 2008; Lawson, Comber, Gage et Cullum-
Hanshaw, 2010).
Plusieurs questions émergent : comment agissent les acteurs (formateurs, apprenants ou autres) engagés
dans de tels dispositifs? En quoi ces dispositifs transforment-ils l’enseignement et l’apprentissage? Quelles
compétences doivent développer les acteurs de la formation? Quels rôles peuvent jouer les conseillers et
ingénieurs pédagogiques? Quels sont les enjeux institutionnels propres au déploiement de ce type de
dispositifs et comment marquent-ils l’enseignement et l’apprentissage? Quelles sont les conditions qui
participent du succès de ces contextes particuliers? Quels enjeux méthodologiques émergent de létude
de ces contextes?
Alors que la formation à distance s’intègre de plus en plus à l’offre de formation en enseignement supérieur
et qu’elle mise sur l’exploitation de dispositifs numériques facilitant la téléprésence, ces questions
deviennent centrales. La fermeture généralisée des établissements denseignement, provoquée par la
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particular, made it possible to provide theoretical support for the concept of opening up digital
learning environments. It has also contributed to modelling the phenomenon of distance
presence in an e-learning context.
Keywords:
telepresence, affordance, self-direction
RESUMEN
Annie Jézégou es profesora de Ciencias de la Educación y de la Formación en la Universidad
de Lille (Francia), en el laboratorio CIREL (Centro Interuniversitario de Investigación en
Educación de Lille) y en el departamento SEFA (Ciencias de la Educación y la Formación de
Adultos). El objetivo general de su trabajo es abordar las dimensiones técnico-pedagógicas y
socio-pedagógicas que promueven la auto-orientación de los alumnos en el aprendizaje
digital. Sus investigaciones sobre el aprendizaje digital han permitido, sobre todo, apoyar
teóricamente el concepto de apertura de los entornos digitales de aprendizaje. También ha
contribuido a modelar el fenómeno de la presencia a distancia en un contexto de aprendizaje
digital.
Palabras clave:
tele
presencia, affordance, auto-orientación
Annie Jézégou est Professeure des Universités en Sciences de l'Education et de la Formation à
l'Université de Lille (France), au laboratoire CIREL (Centre Interuniversitaire de Recherche en Education
de Lille) et au département SEFA (Sciences de l’Education et Formation des Adultes).
L’objet général de ses travaux porte sur les dimensions technico-pédagogiques et socio-pédagogiques qui
permettent de favoriser l’autodirection des apprenants en e-Formation. L’expression « e-Formation »
renvoie à
« des environnements d’apprentissage en ligne dont une des principales propriétés est d’utiliser
des technologies du multimédia et l’Internet pour faciliter l’accès à des ressources et des services
éducatifs. Ces environnements intègrent des outils logiciels qui permettent la gestion et le suivi
d’une formation en ligne, l’accès à des ressources pédagogiques médiatisées, des possibilités
technologiques d’interactions synchrones et asynchrones, de travail et de collaboration à distance
ou encore de production et de partage de contenus ». (Jézégou, 2019a, p.9).
Ses recherches sur la e-Formation ont notamment permis d’étayer au plan théorique le concept
d’ouverture des environnements numériques d’apprentissage. L’ouverture est caractérisée par le degré
de liberté de choix accordé à l’apprenant pour qu’il puisse exercer son autodirection, à la fois aux plans
motivationnel et métacognitif (autorégulation). Elles ont également contribué à modéliser le phénomène
de la présence à distance en contexte d’e-Formation.
Pour la revue Médiations et Médiatisations, Annie Jézégou a accepté de croiser plusieurs de ses apports
scientifiques sur la présence à distance en e-Formation avec la thématique de ce numéro, intitulé
« Téléprésence, visioconférence ou webconférence : enseignement et apprentissage synchrone et
distant ». Nous la remercions pour l’entretien qu’elle nous a accordé.
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Mots-clés : visioconférence, téléprésence, webconférence, enseignement supérieur
ABSTRACT
At a time when the world is going through a health crisis that is transforming human relations
and the relationship to training, this special issue proposes to question distance learning and
more specifically telepresence in higher education. The authors offer new insights by placing
at the heart of their concerns the human dimension of synchronous and distant teaching and
learning activities.
Keywords: videoconferencing, telepresence, web conferencing, higher education
RESUMEN
En un momento en el que el mundo atraviesa una crisis sanitaria que está transformando las
relaciones humanas y en relación con la formación, este número especial se propone
reflexionar sobre la enseñanza a distancia y, más concretamente, sobre la telepresencia en
la enseñanza superior. Los autores ofrecen nuevas perspectivas al situar, en el centro de sus
preocupaciones, la dimensión humana de las actividades de enseñanza y aprendizaje
sincrónicas y a distancia.
Palabras clave: videoconferencia, telepresencia, conferencia web, educación superior
Malgré un usage grandissant en enseignement supérieur de dispositifs numériques permettant la création
de contextes d’enseignement et d’apprentissage synchrones et distants (visioconférence, téléprésence et
webconférence), les études scientifiques relatives aux usages et pratiques, aux conditions favorisant un
enseignement et un apprentissage de qualité ou encore aux retombées réelles de ces dispositifs sont peu
nombreuses. Certains travaux démontrent toutefois que ces dispositifs technologiques ne sont pas
nécessairement adaptés aux multiples besoins de l’enseignement et de l’apprentissage (Alhlak,
Ramakrisnan, Hameed et Mohseni, 2012) et qu’ils n’ont pas été conçus pour faciliter la mise en œuvre
des nombreuses méthodes et approches pédagogiques (Gillies, 2008; Lawson, Comber, Gage et Cullum-
Hanshaw, 2010).
Plusieurs questions émergent : comment agissent les acteurs (formateurs, apprenants ou autres) engagés
dans de tels dispositifs? En quoi ces dispositifs transforment-ils l’enseignement et l’apprentissage? Quelles
compétences doivent développer les acteurs de la formation? Quels rôles peuvent jouer les conseillers et
ingénieurs pédagogiques? Quels sont les enjeux institutionnels propres au déploiement de ce type de
dispositifs et comment marquent-ils l’enseignement et l’apprentissage? Quelles sont les conditions qui
participent du succès de ces contextes particuliers? Quels enjeux méthodologiques émergent de létude
de ces contextes?
Alors que la formation à distance s’intègre de plus en plus à l’offre de formation en enseignement supérieur
et qu’elle mise sur l’exploitation de dispositifs numériques facilitant la téléprésence, ces questions
deviennent centrales. La fermeture généralisée des établissements denseignement, provoquée par la
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SONIA ANDROWKHA : Le titre de ce numéro est « Téléprésence, visioconférence ou
webconférence : enseignement et apprentissage synchrone et distant ». Que vous évoque cet
intitulé au regard de vos propres travaux de recherche?
ANNIE JÉZÉGOU :
Il m’évoque en particulier la question de la présence à distance en lien avec l’usage
des Technologies Numériques de l’Information et de la Communication (TNIC) en contexte d’e-Formation
(e-learning, blended-learning, MOOC, apprentissage mobile, etc.). Dans mes recherches, cette présence
à distance est définie comme la résultante d’une dynamique relationnelle médiatisée entre les apprenants,
entre les apprenants et l’enseignant (ou le formateur) au sein d’un espace numérique de communication
(Jézégou, 2019b). C’est selon moi la manière la plus large et la plus simple de la caractériser.
Voici, de façon très synthétique, les quelques croisements que je peux opérer entre l’intitulé de ce numéro
et mes recherches sur la présence à distance en e-Formation.
Ces dernières abordent principalement la téléprésence, la visioconférence ou la webconférence comme
des artéfacts de communication synchrone qui doivent être activés socialement par les apprenants et les
enseignants (et formateurs) pour devenir des « espaces numériques de communication ». Sans cette
activation, ces artéfacts conservent le simple statut d’outils et de services mis à disposition. Cela vaut
également pour tout autre artéfact de communication, comme par exemple les forums, les messageries
électroniques, les discussions synchrones en ligne ou encore les réseaux sociaux.
Il me semble important d’insister notamment sur deux aspects de ces artéfacts de communication
(synchrone ou asynchrone). D’une part, leur activation sociale dépend de leurs propres affordances socio-
numériques; en effet, ces affordances induisent l’usage (ou le non-usage) qui en est fait. D’autre part, cet
usage dépend aussi de l’agentivité, à la fois individuelle et collective, des utilisateurs (en l’occurrence des
apprenants et de l’enseignant ou du formateur), notamment à des fins d’activation sociale.
Pour qu’une présence à distance puisse se créer au sein d’un espace numérique de communication, ces
deux aspects doivent être réunis. Il s’agit d’une condition nécessaire mais néanmoins insuffisante, cela
pour une raison assez évidente : la présence résulte d’une dynamique relationnelle et médiatisée. Par
conséquent, elle implique que les apprenants (et l’enseignant) soient suffisamment motivés pour interagir
entre eux et qu’ils veloppent des stratégies efficaces pour qu’une telle dynamique émerge et se
développe. Là également, ils doivent faire preuve d’agentivité.
SONIA ANDROWKHA : Pouvez-vous préciser davantage ce que recouvre l’affordance socio-
numérique d’un artéfact de communication?
ANNIE JÉZÉGOU :
Avant toute chose, il est utile de préciser ce qu’est un artéfact. Au sens large, un
artéfact est un objet matériel fabriqué par l’être humain. Par conséquent, la téléconférence, la visio-
conférence ou encore la webconférence sont des artéfacts. Ils peuvent être qualifiés de socio-numériques,
car il s’agit d’outils et de services numériques dédiés à la communication médiatisée. En toute logique,
ces artéfacts socio-numériques entrent dans la catégorie des artéfacts technologiques. Quant au terme
d’affordance, il est issu du verbe anglais « to afford » qui signifie à la fois « fournir, procurer » et « être en
mesure d’agir »; si cette traduction n’apporte pas vraiment d’éléments tangibles sur le sens original donné
à l’affordance, elle permet à tout le moins d’identifier son étymologie en tant qu’anglicisme. Pour aller à
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Mots-clés : visioconférence, téléprésence, webconférence, enseignement supérieur
ABSTRACT
At a time when the world is going through a health crisis that is transforming human relations
and the relationship to training, this special issue proposes to question distance learning and
more specifically telepresence in higher education. The authors offer new insights by placing
at the heart of their concerns the human dimension of synchronous and distant teaching and
learning activities.
Keywords: videoconferencing, telepresence, web conferencing, higher education
RESUMEN
En un momento en el que el mundo atraviesa una crisis sanitaria que está transformando las
relaciones humanas y en relación con la formación, este número especial se propone
reflexionar sobre la enseñanza a distancia y, más concretamente, sobre la telepresencia en
la enseñanza superior. Los autores ofrecen nuevas perspectivas al situar, en el centro de sus
preocupaciones, la dimensión humana de las actividades de enseñanza y aprendizaje
sincrónicas y a distancia.
Palabras clave: videoconferencia, telepresencia, conferencia web, educación superior
Malgré un usage grandissant en enseignement supérieur de dispositifs numériques permettant la création
de contextes d’enseignement et d’apprentissage synchrones et distants (visioconférence, téléprésence et
webconférence), les études scientifiques relatives aux usages et pratiques, aux conditions favorisant un
enseignement et un apprentissage de qualité ou encore aux retombées réelles de ces dispositifs sont peu
nombreuses. Certains travaux démontrent toutefois que ces dispositifs technologiques ne sont pas
nécessairement adaptés aux multiples besoins de l’enseignement et de l’apprentissage (Alhlak,
Ramakrisnan, Hameed et Mohseni, 2012) et qu’ils n’ont pas été conçus pour faciliter la mise en œuvre
des nombreuses méthodes et approches pédagogiques (Gillies, 2008; Lawson, Comber, Gage et Cullum-
Hanshaw, 2010).
Plusieurs questions émergent : comment agissent les acteurs (formateurs, apprenants ou autres) engagés
dans de tels dispositifs? En quoi ces dispositifs transforment-ils l’enseignement et l’apprentissage? Quelles
compétences doivent développer les acteurs de la formation? Quels rôles peuvent jouer les conseillers et
ingénieurs pédagogiques? Quels sont les enjeux institutionnels propres au déploiement de ce type de
dispositifs et comment marquent-ils l’enseignement et l’apprentissage? Quelles sont les conditions qui
participent du succès de ces contextes particuliers? Quels enjeux méthodologiques émergent de létude
de ces contextes?
Alors que la formation à distance s’intègre de plus en plus à l’offre de formation en enseignement supérieur
et qu’elle mise sur l’exploitation de dispositifs numériques facilitant la téléprésence, ces questions
deviennent centrales. La fermeture généralisée des établissements denseignement, provoquée par la
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l’essentiel, je dirais que l’affordance renvoie aux propriétés des artéfacts telles que pensées et élaborées
par leurs concepteurs. Ces propriétés peuvent porter sur le design, l’interface, l’ergonomie, la navigation,
l’interactivité, etc. En même temps, l’affordance intègre aussi la perception que les utilisateurs ont de
l’utilité de ces propriétés pour réaliser une activité donnée ainsi que la perception qu’ils ont de la facilité
d’utilisation des artéfacts. En résumé, les artéfacts socio-numériques de communication que sont par
exemple la téléconférence, la visio-conférence et la webconférence possèdent certaines affordances
socio-numériques. Elles dépendent à la fois de leurs propriétés et de ces deux perceptions singulières
propres à chaque l’utilisateur.
Mais le plus important peut-être à retenir est que ces perceptions (d’utilité et de facilité d’utilisation)
induisent l’attitude de l’utilisateur à l’égard de l’artéfact qui, à son tour, influe sur son intention de l’utiliser
ou pas. Elles agissent également sur la manière dont il utilise l’artéfact en question. Tous ces aspects de
l’affordance, que je viens de préciser de façon très synthétique, ont été mis en relief par plusieurs
chercheurs dont, pour les principaux, Davis (1989), Gaver (1991) et Norman (1999).
SONIA ANDROWKHA : Quelles sont alors les affordances socio-numériques propices à créer une
présence à distance?
ANNIE JÉZÉGOU :
La situation d’affordance dite « perçue » est celle qui contribue à favoriser l’émergence
d’une présence à distance en e-Formation. Pour énoncer cela, je m’appuie sur les travaux de Gaver (1991)
et ceux de Norman (1999). Ce dernier a montré que les propriétés d’un artéfact technologique suggèrent
aussi des possibilités d’utilisation. La question est alors de savoir si un utilisateur potentiel perçoit ou non
ces possibilités. Concernant cette troisième perception (en sus de celles d’utilité et de facilité d’utilisation),
Gaver (1991) a révélé quatre situations qui peuvent s’appliquer aux artéfacts de communication dont la
téléprésence, la visio-conférence ou encore la webconférence. Deux d’entre-elles ne sont pas
affordantes : la « fausse » affordance correspond à une situation l’utilisateur perçoit une possibilité
d’utilisation de l’artéfact pour communiquer avec les autres, bien que cette possibilité n’ait pas été prévue
par les concepteurs. La situation de « rejet correct » se caractérise, elle, par le fait que l’utilisateur ne
perçoit pas les possibilités d’utilisation de l’artéfact pour communiquer, car elles n’ont pas été prévues par
les concepteurs. Les deux autres situations sont dites « affordantes » : la première est celle les
possibilités d’utilisation de l’artéfact à des fins de communication ne sont pas perçues par l’utilisateur bien
qu’elles aient été proposées par les concepteurs; il s’agit alors d’une affordance « cachée ». Dans la
seconde, il perçoit les possibilités d’utilisation de l’artéfact, telles que préalablement mises à disposition
par les concepteurs; non seulement il les perçoit, mais il les active pour communiquer avec les autres.
Cette situation est qualifiée d’affordance « perçue ».
C’est en particulier ce type de situations qui est favorable à l’émergence et au développement d’une
présence à distance en e-Formation, pour une raison somme toute assez logique : la présence à distance
résulte d’une dynamique relationnelle médiatisée entre les apprenants, entre ces derniers et l’enseignant
(Jézégou, 2019b). Elle nécessite une condition évidente : qu’ils utilisent les artéfacts socio-numériques de
communication mis à leur disposition (téléprésence, visioconférence, webconférence ou autres), ce qui
interpelle à nouveau la question des affordances socio-numériques de ces artéfacts. En résumé, les
apprenants et l’enseignant (ou le formateur) doivent respectivement percevoir et activer les possibilités de
communication à distance de ces artéfacts, les juger utiles et faciles d’utilisation. Par conséquent, la
situation la plus favorable est bien celle d’une affordance « perçue » telle que décrite précédemment.
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SONIA ANDROWKHA : Outre le rôle joué par cette affordance perçue, quel est celui exerpar
l’agentivité des apprenants?
ANNIE JÉZÉGOU :
La situation d’affordance socio-numérique « perçue » est certes une condition
nécessaire pour un usage effectif des artéfacts en tant qu’espaces numériques de communication. Mais,
comme je l’ai souligné au début de cet entretien, une autre condition, non des moindres, entre également
en jeu : celle liée à l’agentivité individuelle et collective des interlocuteurs (apprenants et
enseignant/formateur) à développer une dynamique relationnelle médiatisée et porteuse de présence à
distance (Jézégou, 2019c). Au plan individuel, l’agentivité s’exprime à la fois par l’intentionnalité d’une
personne à agir et le contrôle conscient qu’elle exerce sur la conduite de l’action (Bandura, 2006).
L’agentivité interpelle en particulier ses capacités à l’autodirection, c’est-dire ses capacités à diriger elle-
même l’action en question. Plus précisément, l’autodirection nécessite d’une part d’être motivé à l’égard
de cette action, d’autre part d’en contrôler le déroulement par la mise en œuvre de stratégies efficaces
d’autorégulation (Jézégou, 2014a). Tous ces aspects liés à l’agentivité individuelle s’appliquent aussi à
l’agentivité collective (Bandura, 2006; Jézégou, 2019c).
Si l’action consiste à mettre en œuvre une dynamique relationnelle (qu’elle soit ou non médiatisée), en
proximité physique ou en distance géographique), alors les apprenants doivent s’engager individuellement
et collectivement dans cette action spécifique et y persévérer dans le temps, cela de façon intentionnelle.
Ils doivent aussi développer des stratégies à la fois individuelles et collectives pour développer cette
dynamique. De même, l’enseignant doit faire preuve d’agentivité pour soutenir les efforts des apprenants
dans ce sens. Sans cette agentivité, aucune présence à distance ne peut se créer au sein d’un espace
numérique de communication (Jézégou, 2019c).
SONIA ANDROWKHA : Si ces deux conditions d’affordance des artéfacts socio-numériques et
d’agentivité des apprenants et de l’enseignant sont réunies, comment se manifeste alors « la
présence à distance »?
ANNIE JÉZÉGOU :
Comme déjà précisé à plusieurs reprises, la présence à distance résulte d’une
dynamique relationnelle médiatisée entre les apprenants, entre les apprenants et l’enseignant (le
formateur). Cette définition, somme toute assez générale, rejoint celle formulée par d’autres chercheurs
dont, pour les principaux, Garrison et ses collaborateurs (Garrison et Anderson, 2003; Garrison et Archer,
2007; Garrison, 2016) et Whiteside (2015, 2017). Néanmoins, la comparaison avec mes propres travaux
s‘arrête là. En effet, je n’aborde pas la présence de la même manière. D’une part, je lui attribue des
ancrages épistémologiques et théoriques différents; d’autre part, je ne mobilise pas le même réseau de
concepts. Par conséquent, le modèle théorique que je propose (Jézégou, 2012, 2013, 2014b, 2019b)
diffère significativement de ceux proposés par ces collègues anglophones nord-américains.
Dans mes recherches, la présence à distance se réfère à une situation particulière au regard d’un but
commun : le groupe d’apprenants conçoit et met en œuvre collectivement des activités visant à résoudre
une situation problématique (Jézégou, 2012, 2014b, 2019b). J’emprunte à Dewey (1938) cette expression
générique de « situation problématique » pour signifier un travail de groupe dont la finalité est par
exemple de mener un projet, répondre à un évènement inattendu, trouver une solution à un problème, etc.
Lors de la démarche collective de ce travail en groupe, certaines formes d’interactions sociales entre les
apprenants, entre ces derniers et l’enseignant, permettent de créer une présence sociale à distance, cela
malgré leur éloignement géographique. Depuis plusieurs années, mes recherches visent à caractériser
ces interactions, à spécifier la manière dont elles se manifestent au sein d’un espace numérique de
communication et à identifier le rôle joué par les affordances socio-numériques des artéfacts ou encore
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No. 3, 2020
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and the relationship to training, this special issue proposes to question distance learning and
more specifically telepresence in higher education. The authors offer new insights by placing
at the heart of their concerns the human dimension of synchronous and distant teaching and
learning activities.
Keywords: videoconferencing, telepresence, web conferencing, higher education
RESUMEN
En un momento en el que el mundo atraviesa una crisis sanitaria que está transformando las
relaciones humanas y en relación con la formación, este número especial se propone
reflexionar sobre la enseñanza a distancia y, más concretamente, sobre la telepresencia en
la enseñanza superior. Los autores ofrecen nuevas perspectivas al situar, en el centro de sus
preocupaciones, la dimensión humana de las actividades de enseñanza y aprendizaje
sincrónicas y a distancia.
Palabras clave: videoconferencia, telepresencia, conferencia web, educación superior
Malgré un usage grandissant en enseignement supérieur de dispositifs numériques permettant la création
de contextes d’enseignement et d’apprentissage synchrones et distants (visioconférence, téléprésence et
webconférence), les études scientifiques relatives aux usages et pratiques, aux conditions favorisant un
enseignement et un apprentissage de qualité ou encore aux retombées réelles de ces dispositifs sont peu
nombreuses. Certains travaux démontrent toutefois que ces dispositifs technologiques ne sont pas
nécessairement adaptés aux multiples besoins de l’enseignement et de l’apprentissage (Alhlak,
Ramakrisnan, Hameed et Mohseni, 2012) et qu’ils n’ont pas été conçus pour faciliter la mise en œuvre
des nombreuses méthodes et approches pédagogiques (Gillies, 2008; Lawson, Comber, Gage et Cullum-
Hanshaw, 2010).
Plusieurs questions émergent : comment agissent les acteurs (formateurs, apprenants ou autres) engagés
dans de tels dispositifs? En quoi ces dispositifs transforment-ils l’enseignement et l’apprentissage? Quelles
compétences doivent développer les acteurs de la formation? Quels rôles peuvent jouer les conseillers et
ingénieurs pédagogiques? Quels sont les enjeux institutionnels propres au déploiement de ce type de
dispositifs et comment marquent-ils l’enseignement et l’apprentissage? Quelles sont les conditions qui
participent du succès de ces contextes particuliers? Quels enjeux méthodologiques émergent de létude
de ces contextes?
Alors que la formation à distance s’intègre de plus en plus à l’offre de formation en enseignement supérieur
et qu’elle mise sur l’exploitation de dispositifs numériques facilitant la téléprésence, ces questions
deviennent centrales. La fermeture généralisée des établissements denseignement, provoquée par la
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celui de l’agentivité individuelle et collective. Les résultats de ces travaux vont paraître en 2020 dans mon
prochain ouvrage sur « la présence à distance en e-Formation ».
D’ores et déjà, un premier jalon important de ce programme de recherches a été publié (Jézégou, 2012,
2013, 2014b, 2019b). Ces publications présentent les fondements épistémo-théoriques du méta-concept
de présence et en propose une modélisation théorique dans laquelle la présence est déclinée en trois
dimensions constitutives : (1) la présence socio-cognitive, (2) la présence socio-affective, (3) la présence
pédagogique.
SONIA ANDROWKHA : Comment caractérisez-vous ces trois formes de présence?
ANNIE JÉZÉGOU :
La caractérisation de ces trois formes de présence est obtenue à partir d’un travail
d’identification des processus interactionnels à l’œuvre dans chacune d’entre-elles. Je les définis
respectivement de la manière suivante en contexte d’e-Formation (Jézégou, 2012) :
La présence socio-cognitive résulte des transactions médiatisées entre les apprenants, c'est-à-dire des
interactions sociales de confrontation de leurs points de vue, d’ajustements mutuels, de négociations et
de délibérations pour résoudre de façon commune et conjointe une situation problématique.
La présence socio-affective résulte des interactions sociales médiatisées qui permettent de créer un climat
socio-affectif favorable aux transactions entre les apprenants, notamment celles liées à la cohésion, à la
symétrie de la relation et à l’aménité.
La présence pédagogique résulte des interactions sociales médiatisées que le formateur entretient avec
les apprenants pour soutenir les transactions entre les apprenants tout en contribuant à un climat socio-
affectif favorable. Ces interactions s’expriment lors d’activités de coordination, d’animation et de
modération auprès des apprenants lors de la démarche de solution commune et conjointe d’une situation
problématique.
Les fondements épistémo-théoriques qui ancrent chacune de ces trois définitions sont développés depuis
2012 dans plusieurs de mes publications. Il serait vraiment trop long de les présenter à nouveau dans cet
entretien. A minima, je dirais ici que ces fondements se réfèrent à la fois à la perspective transactionnelle
de la philosophie du pragmatisme développée par Dewey et Bentley (1949), à la théorie du conflit socio-
cognitif issue de l’approche européenne du socio-constructivisme (Darnon, Butera et Mugny, 2008;
Monteil, 1987; Perret-Clermont et Nicolet, 2002), à la conception dite contradictoire de la collaboration
(Damon et Phelps, 1989) ou encore aux travaux en psychologie sociale sur les dynamiques de groupe et
la communication humaine (Amado et Guittet, 2017; Albric, 2019; Lewin, 1947). Le modèle de la présence
à distance que je propose est une construction théorique ancrée dans ces fondements épistémo-
théoriques. Elle s’est édifiée à partir de la mise en réseaux de concepts phares et systématiquement
définis. Il s’agit notamment des concepts de distance, de proximité, de tiers-lieu, de relation, d’interaction,
de transaction, de groupe, de médiatisation, d’affordance, d’agentivité, de collaboration, de conflit socio-
cognitif, de cohésion, etc. La liste est relativement longue…
Le modèle émet également plusieurs énoncés étayés et argumentés au plan théorique et conceptuel. L’un
d’entre eux soutient que les trois présences, telles de définies précédemment, contribuent ensemble à
l’émergence et au développement d’une communauté d’apprentissage en ligne, tout en favorisant la
construction individuelle et collective de connaissances. Le modèle est formalisé par une représentation
schématique qui permet de saisir rapidement les processus interactionnels à l’œuvre au regard de
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Mots-clés : visioconférence, téléprésence, webconférence, enseignement supérieur
ABSTRACT
At a time when the world is going through a health crisis that is transforming human relations
and the relationship to training, this special issue proposes to question distance learning and
more specifically telepresence in higher education. The authors offer new insights by placing
at the heart of their concerns the human dimension of synchronous and distant teaching and
learning activities.
Keywords: videoconferencing, telepresence, web conferencing, higher education
RESUMEN
En un momento en el que el mundo atraviesa una crisis sanitaria que está transformando las
relaciones humanas y en relación con la formación, este número especial se propone
reflexionar sobre la enseñanza a distancia y, más concretamente, sobre la telepresencia en
la enseñanza superior. Los autores ofrecen nuevas perspectivas al situar, en el centro de sus
preocupaciones, la dimensión humana de las actividades de enseñanza y aprendizaje
sincrónicas y a distancia.
Palabras clave: videoconferencia, telepresencia, conferencia web, educación superior
Malgré un usage grandissant en enseignement supérieur de dispositifs numériques permettant la création
de contextes d’enseignement et d’apprentissage synchrones et distants (visioconférence, téléprésence et
webconférence), les études scientifiques relatives aux usages et pratiques, aux conditions favorisant un
enseignement et un apprentissage de qualité ou encore aux retombées réelles de ces dispositifs sont peu
nombreuses. Certains travaux démontrent toutefois que ces dispositifs technologiques ne sont pas
nécessairement adaptés aux multiples besoins de l’enseignement et de l’apprentissage (Alhlak,
Ramakrisnan, Hameed et Mohseni, 2012) et qu’ils n’ont pas été conçus pour faciliter la mise en œuvre
des nombreuses méthodes et approches pédagogiques (Gillies, 2008; Lawson, Comber, Gage et Cullum-
Hanshaw, 2010).
Plusieurs questions émergent : comment agissent les acteurs (formateurs, apprenants ou autres) engagés
dans de tels dispositifs? En quoi ces dispositifs transforment-ils l’enseignement et l’apprentissage? Quelles
compétences doivent développer les acteurs de la formation? Quels rôles peuvent jouer les conseillers et
ingénieurs pédagogiques? Quels sont les enjeux institutionnels propres au déploiement de ce type de
dispositifs et comment marquent-ils l’enseignement et l’apprentissage? Quelles sont les conditions qui
participent du succès de ces contextes particuliers? Quels enjeux méthodologiques émergent de létude
de ces contextes?
Alors que la formation à distance s’intègre de plus en plus à l’offre de formation en enseignement supérieur
et qu’elle mise sur l’exploitation de dispositifs numériques facilitant la téléprésence, ces questions
deviennent centrales. La fermeture généralisée des établissements denseignement, provoquée par la
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chacune des trois dimensions de la présence ainsi que le fonctionnement général du phénomène (Jézégou
2012, 2014b, 2019a). Mon prochain ouvrage est principalement dédié à l’explicitation de ce modèle.
SONIA ANDROWKHA : Vous insistez souvent sur le fait que la présence à distance, ainsi que les
trois formes qu’elle recouvre, est perçue et vécue. Pouvez-vous préciser?
ANNIE JÉZÉGOU :
La présence à distance, vue sous l’angle global ou de celui de chacune de ses trois
dimensions, est à la fois perçue et vécue. En effet, les apprenants peuvent respectivement ressentir de
façon métaphorique la présence de leurs interlocuteurs (pairs et enseignant/formateur), cela malgré leur
séparation physique et grâce aux interactions qu’ils entretiennent via l’usage des artéfacts socio-
numériques de communication. Ce ressenti leur permet alors d’atténuer la perception de distance a minima
géographique qui les sépare des autres pour vivre une sensation de proximité. De même, la qualité et la
multiplicité des interactions sociales médiatisées entre les apprenants séparés physiquement peuvent
aussi induire un sentiment partagé et collectif de présence, et par même concrétiser une proximité
ressentie (Jézégou, 2019b). Pour exemple, les apprenants peuvent ressentir, penser et apprécier la
présence pédagogique du formateur, jusqu’à le sentir proche, en raison de la réactivité dont ce dernier fait
preuve dans ses réponses. Par conséquent, ce sentiment de présence « à distance » est une
représentation fantasmée de la relation à autrui. Elle génère une proximité consciente dans l’imaginaire,
tout en relevant principalement de formes émotionnelles et de ressentis socio-affectifs qui, eux, sont bien
réels; la présence subjective est soutenue et animée par une représentation cognitive construite à partir
d’un vécu sensoriel dans le rapport à l’autre. A ces aspects liés à la présence subjective d’autrui s’ajoute
la perception de sa propre présence à l’autre, c’est-à-dire « d’être là » pour cet autre en tant que personne
réelle et « d’être là ensemble » au sein d’un espace numérique de communication.
Le plan objectif de la présence à distance est, quant à lui, différent de la dimension subjective, sans pour
autant en être exempt. En effet, un « sentiment de présence » peut cohabiter avec une présence
observable, tangible et mise en actes dans les faits. Ces deux facettes de la présence ne s’opposent pas.
Elles se complètent, tout en se référant à deux univers différents : d’une part, un univers intérieur empreint
de ressentis et d’imaginaire; d’autre part, un univers concret inhérent à l’action. Ainsi, la présence objective
se construit grâce à certaines formes d’interactions sociales entre les apprenants, entre ces derniers et
l’enseignant (ou le formateur). Ces formes spécifiques d’interactions ont été décrites, dans ce qu’elles ont
d’essentiel, dans chacune des trois dimensions de la présence (socio-cognitive, socio-affective,
pédagogique). Elles se mettent en œuvre lors des activités à réaliser en groupe pour résoudre de façon
collaborative une situation problématique. En sus de l’impression « d’être là » et « d’être là ensemble », la
présence résulte du « faire » et du « faire ensemble ». Le « faire » est la condition individuelle d’une
présence en actes dans un espace numérique, car il permet à l’apprenant d’y exister. Le « faire
ensemble » se situe, quant à lui, dans le registre d’un collectif réalisant des activités communes et
témoigne de l’existence d’une présence dans cet environnement.
En résumé, je dirais que la perception de présence et la présence objective cohabitent. Mais celle à
laquelle s’intéressent plus particulièrement mes travaux est la présence objective, vécue et en actes.
SONIA ANDROWKHA : En quoi cette présence est-elle réelle et non virtuelle?
ANNIE JÉZÉGOU :
J’insiste beaucoup sur le fait que la présence à distance en e-Formation est bien réelle
en effet, tout comme chacune de ses trois dimensions. Pour aller ici à l’essentiel, je dirais que, depuis
l’avènement des Technologies Numériques de l’Information et de la Communication (TNIC), le terme
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Mots-clés :
visioconférence, téléprésence, webconférence, enseignement supérieur
ABSTRACT
At a time when the world is going through a health crisis that is transforming human relations
and the relationship to training, this special issue proposes to question distance learning and
more specifically telepresence in higher education. The authors offer new insights by placing
at the heart of their concerns the human dimension of synchronous and distant teaching and
learning activities.
Keywords:
videoconferencing, telepresence, web conferencing, higher education
RESUMEN
En un momento en el que el mundo atraviesa una crisis sanitaria que está transformando las
relaciones humanas y en relación con la formación, este número especial se propone
reflexionar sobre la enseñanza a distancia y, más concretamente, sobre la telepresencia en
la enseñanza superior. Los autores ofrecen nuevas perspectivas al situar, en el centro de sus
preocupaciones, la dimensión humana de las actividades de enseñanza y aprendizaje
sincrónicas y a distancia.
Palabras clave:
videoconferencia, telepresencia, conferencia web, educación superior
Malgré un usage grandissant en enseignement supérieur de dispositifs numériques permettant la création
de contextes d’enseignement et d’apprentissage synchrones et distants (visioconférence, téléprésence et
webconférence), les études scientifiques relatives aux usages et pratiques, aux conditions favorisant un
enseignement et un apprentissage de qualité ou encore aux retombées réelles de ces dispositifs sont peu
nombreuses. Certains travaux démontrent toutefois que ces dispositifs technologiques ne sont pas
nécessairement adaptés aux multiples besoins de l’enseignement et de l’apprentissage (Alhlak,
Ramakrisnan, Hameed et Mohseni, 2012) et qu’ils n’ont pas été conçus pour faciliter la mise en œuvre
des nombreuses méthodes et approches pédagogiques (Gillies, 2008; Lawson, Comber, Gage et Cullum-
Hanshaw, 2010).
Plusieurs questions émergent : comment agissent les acteurs (formateurs, apprenants ou autres) engagés
dans de tels dispositifs? En quoi ces dispositifs transforment-ils l’enseignement et l’apprentissage? Quelles
compétences doivent développer les acteurs de la formation? Quels rôles peuvent jouer les conseillers et
ingénieurs pédagogiques? Quels sont les enjeux institutionnels propres au déploiement de ce type de
dispositifs et comment marquent-ils l’enseignement et l’apprentissage? Quelles sont les conditions qui
participent du succès de ces contextes particuliers? Quels enjeux méthodologiques émergent de létude
de ces contextes?
Alors que la formation à distance s’intègre de plus en plus à l’offre de formation en enseignement supérieur
et qu’elle mise sur l’exploitation de dispositifs numériques facilitant la téléprésence, ces questions
deviennent centrales. La fermeture généralisée des établissements denseignement, provoquée par la
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« virtuel » est couramment mentionné dans nombre de configurations, telles que par exemple un
environnement virtuel d’apprentissage, un espace virtuel de communication ou encore une communauté
virtuelle d’apprentissage. Le recours à ce terme est légitimé le plus souvent par le fait que ces
configurations existent et se déploient notamment grâce à l’usage d’artéfacts socio-numériques. Certes,
un tel usage nécessite une infrastructure matérielle (ordinateurs, réseaux informatiques, logiciels, etc.)
ainsi que des contenus et des relations médiatisées, donc immatérielles. Mais cette assimilation du virtuel
au numérique est simpliste et contestable. En effet, elle s’appuie le plus souvent sur une opposition entre
« virtuel » et « réel », le réel faisant ici référence au monde physique, tangible, au concret ou encore à
l’objet palpable, cela a contrario du virtuel, porteur d’immatérialité grâce au numérique. Cette opposition
est largement adoptée par le sens commun, parfois même relayée par la recherche en Sciences humaines
et sociales. Pour ma part, je n’adhère pas à cette conception parfois qualifiée de « dualiste numérique »
(Jurgenson, 2012).
En effet, je défends la position selon laquelle un espace de communication constitué par des artéfacts
socio-numériques est un « lieu réel » soumis à des temporalités synchrones et/ou asynchrones. Il héberge
des activités humaines médiatisées de mise à disposition, de production, d’enrichissement et de
mutualisation de ressources numériques ainsi que d’interactions sociales interpersonnelles et groupales.
Ces interactions sociales sont contextualisées, évolutives et finalisées à la fois par des intérêts personnels
et par un but partagé d’apprentissage. En tant que supports humains de la relation médiatisée, elles sont
soumises à l’affordance socio-numérique des artéfacts technologiques qui composent cet espace
numérique de communication. Dans tous les cas, la présence se réfère à une dynamique relationnelle
entre ces sujets psychologiques et sociaux, grâce à l’exercice de leur agentiviet à leur usage efficace
des artéfacts de l’espace numérique de communication. La présence ainsi créée et vécue n’est donc pas
virtuelle; elle est bien réelle au même titre que l’espace au sein duquel elle se manifeste.
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Mots-clés :
visioconférence, téléprésence, webconférence, enseignement supérieur
ABSTRACT
At a time when the world is going through a health crisis that is transforming human relations
and the relationship to training, this special issue proposes to question distance learning and
more specifically telepresence in higher education. The authors offer new insights by placing
at the heart of their concerns the human dimension of synchronous and distant teaching and
learning activities.
Keywords:
videoconferencing, telepresence, web conferencing, higher education
RESUMEN
En un momento en el que el mundo atraviesa una crisis sanitaria que está transformando las
relaciones humanas y en relación con la formación, este número especial se propone
reflexionar sobre la enseñanza a distancia y, más concretamente, sobre la telepresencia en
la enseñanza superior. Los autores ofrecen nuevas perspectivas al situar, en el centro de sus
preocupaciones, la dimensión humana de las actividades de enseñanza y aprendizaje
sincrónicas y a distancia.
Palabras clave:
videoconferencia, telepresencia, conferencia web, educación superior
Malgré un usage grandissant en enseignement supérieur de dispositifs numériques permettant la création
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webconférence), les études scientifiques relatives aux usages et pratiques, aux conditions favorisant un
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Ramakrisnan, Hameed et Mohseni, 2012) et qu’ils n’ont pas été conçus pour faciliter la mise en œuvre
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