revue-mediations.teluq.ca | No. 2, 2019
Impactsdunumériquesur
latransformationdel'enseignement
etdel'apprentissage
Patrick Plante, Université TÉLUQ,
patrick.plante@teluq.ca
Il y a maintenant plus de cinquante ans, Marshall McLuhan (1968) déclarait que nous façonnons des outils qui,
à leur tour, nous façonnent. Dans le contexte éducatif, il existe aujourd’hui une multitude d’outils technologiques
qui ont des impacts certains. La vitesse et la richesse des technologies émergentes rendent bien compte de la
créativité déployée afin de contribuer à l’amélioration de l’enseignement et de l’apprentissage. Ces dernières
années, l’offre technologique s’est largement diversifiée avec notamment les MOOC, la robotique et la
programmation, les jeux sérieux, les données massives, l’intelligence artificielle et l’Internet des objets.
Quelles implications et quelles préoccupations la variété des outils techniques engendre-t-elle sur les plans
pédagogique, éthique, technologique, psychologique, légal, esthétique, économique ou politique? Dans quelle
mesure de nouvelles perspectives sont-elles ainsi offertes aux institutions éducatives, aux enseignants, aux
élèves?
Ces questions ont été l’objet de plus de 70 présentations lors du Colloque annuel CIRTA 2018 (Plante &
Stockless, 2019). Suivant l’expérience de l’édition 2017 du Colloque (Stockless, 2018), nous avons lancé un
numéro spécial de la revue médiations et médiatisations afin de permettre d’approfondir les réflexions dans des
articles. Un numéro de 15 articles vous est donc proposé. À l’image du Colloque qui est destinée aux chercheurs,
mais aussi aux praticiens et aux professionnels, ce numéro contient des articles aux formats variés. Tout d’abord,
dans la rubrique Articles de recherche, P. Plante, G. A. Angulo Mendoza et P. Archambault présentent l’analyse
et le développement d’une formation destinée au milieu médical. G. Gilson propose un texte sur la littératie
vidéoludique en contexte scolaire. A. Khelfi, S. Zarrouk-Ben Abid et L. Kadi-Ksouri présentent une approche de
formation hybride dans le contexte de l’apprentissage d’une langue. S. Parent, dans le cadre de la rubrique
Synthèses de travaux universitaires présente un portrait de la résolution collaborative de problèmes. Dans la
rubrique Articles de praticiens, C. Laduron et I. Sacré présentent l’environnement personnel d'apprentissage
BEE. C. Seguin et M.Courcelles présentent les conclusions d’une formation à distance sur la communication
scientifique par affiche. A. Beggar propose des pistes pour la réussite d’un cours en ligne. L.Chartofylaka, A.
Stockless, M. Fraser, V. Psyché et T. Forissier présentent les perspectives d'un projet de recherche contextuelle
sur le partage d’informations en contexte asynchrone. H. Ben Rebah et R. Ben Slama discutent de l’efficacité
des jeux sérieux. P. Etcheverry, C. Marquesuzaà, P. Lopistéguy, P. Dagorret, T. Nodenot et M. Toribio Fontenla
présentent une plateforme ainsi que des modèles pour la scénarisation coopérative, et L. Sauvé, G. Pellerin,
V.Tanguay et G. Desjardins présentent la plateforme SAMI-PRO destinée aux élèves du secondaire. Enfin, dans
la rubrique Discussion et Débats, M.Demory et S.Girel discutent de la démocratisation limitée des technologies
numériques. P. J. Y. Gagnon relate des disparités dans la formation en ligne destinée aux juristes canadiens.
B. Stassin propose un état des lieux du cyberharcèlement à l’école, et F. Henri demande de quelle manière
l’ingénierie pédagogique devrait répondre aux changements induits par le numérique.
Liste de références
McLuhan, M. (1968). Pour comprendre les media : Les prolongements technologiques de l’homme. Montréal : Hurtubise
HMH.
Plante, P., & Stockless, A. (Éds). (2019). Actes du Colloque CIRTA 2018 : Présent et futur de l’enseignement et de
l’apprentissage numérique. Québec, (Québec) : CIRTA, Université TÉLUQ. Repéré à https://r-libre.teluq.ca/1720/
Stockless, A. (Éd.). (2018). Le numérique en éducation : Apprendre en ouvrant les murs de la classe (Médiations et
médiatisations : Revue internationale sur le numérique en éducation et communication, Vol. 1). Québec,
(Québec) : Université TÉLUQ. Repéré à https://revue-
mediations.teluq.ca/index.php/Distances/issue/view/7/Vol%201%2C%20No%201
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l’ingénierie de formation. Elle se rapporte à la relation pédagogique, c’est-à-dire aux processus enseigner
et former qui concernent les enseignants, et au processus apprendre qui vise les apprenants. Dans cette
modélisation descendante, les acteurs des niveaux méso et micro travaillent sur la base d’interprétations
des prescriptions formulées au niveau qui leur est immédiatement supérieur. Ils disposent en cela d’un
certain degré de liberté. Leclerc (2003) souligne en particulier la latitude des acteurs du niveau micro dont
l’activité pédagogique peut être plus ou moins associée, disponible, résistante, motivée, abusée, éclairée,
asservie, rebelle (§ 10) par rapport à la prescription du niveau méso.
Ainsi, loin d’être asservie à une logique descendante, l’ingénierie pédagogique pourrait devenir un puissant
vecteur de changement dans les systèmes de formation en favorisant et facilitant des pratiques innovantes
que les enseignants du niveau micro pourraient adopter pour ensuite les faire remonter vers les acteurs
du niveau méso qui, à leur tour, pourraient les relayer à ceux du niveau macro. L’ingénierie pédagogique
se positionnerait ainsi comme une force ascendante dans un modèle d’ingénierie où les frontières entre
les trois niveaux sont levées, où les initiatives de l’échelon du bas sont répercutées et négociées avec les
acteurs des niveaux supérieurs. Le changement ne serait pas le résultat d’une prescription, mais plutôt
l’aboutissement d’une construction collective discutée et négociée par les acteurs de tous les niveaux.
3.1 Force et faiblesse de l’ingénierie pédagogique
L’ingénierie pédagogique a pris forme avec la montée des environnements techno-pédagogiques qui,
aujourd’hui, sont d’usage courant en formation en présence ou à distance. Soucieuse d’insuffler une forme
de scientificité dans la conception, elle se distancie de l’approche artisanale de conception qui ne dispose
pas d’outils et de méthodes capables de traiter la complexité des environnements technologiques.
L’ingénierie pédagogique se définit ainsi comme un domaine à la croisée de la conception pédagogique
(design), de l’ingénierie cognitive et de l’ingénierie des systèmes d’information (Paquette, 2002). Elle en
applique les principes fondamentaux qui sont ceux de la cohérence et de la systématicité. Elle emprunte
à l’ingénierie cognitive ses techniques de modélisation pour définir et représenter les environnements et
utilise les méthodes de l’ingénierie des systèmes d’information, garantes de la robustesse de
l’environnement technologique. L’ingénierie pédagogique traite donc de manière rigoureuse la conception,
le développement et la diffusion d’environnements d’apprentissage basés sur les technologies. Garante
d’efficacité et de fiabilité, elle organise et structure les diverses composantes en interaction dans les
environnements et formule des prescriptions relatives à l’appropriation de connaissances et à l’acquisition
de compétences. Ces prescriptions se traduisent dans une suite de tâches et composent le scénario
pédagogique, pièce majeure de l’environnement. L’évaluation occupe une place centrale dans la
démarche de conception. Elle permet de vérifier le degré de correspondance entre la prescription
pédagogique et les acquis de l’apprenant, ainsi que de mesurer de fiabilité et l’efficacité de
l’environnement. Cette finalité de l’évaluation a comme avantage d’assurer que chaque apprenant pourra
satisfaire les exigences de la formation dans un environnement de qualité. En revanche, l’ingénierie
présente une faiblesse importante qui est celle de véhiculer une vision normalisée et transmissive de
l’apprentissage, une vision qui ne laisse que peu ou pas d’espace à l’exercice de l’autonomie de
l’apprenant. Dans une perspective d’autonomisation de l’apprenant, ce qui était une force s’avère une
faiblesse. Comme l’écrit Linard (2002), l’approche dominante de l’ingénierie pédagogique considère les
apprenants comme « des agents rationnels, exécutants de tâches bien spécifiées plutôt que comme des
acteurs, interprètes intentionnels de rôles à géométrie variable » (p.3).
3.2 Revoir les méthodes d’ingénierie pédagogique
Il existe un besoin pour des méthodes d’ingénierie pédagogique qui soient garantes de rigueur et de
scientificité. Il existe également le besoin de méthodes dont l’objet de conception ne se limite plus au